Précis d’Anesthésie Cardiaque 2012 – 23 Complications en chirurgie cardiaque 3
Douleur postopératoire
La sternotomie est assez douloureuse, bien qu’elle le soit moins qu’une thoracotomie. Près de la
moitié des patients se plaint de douleurs sévères ; 62% ont très mal lors des mouvements et 78% lors
d’expectorations ou de physiothérapie respiratoire [144]. Sur une échelle analogique visuelle de 0 à 10
(VAS), ils se situent en moyenne au niveau 4-5 pendant les 2 premiers jours et au niveau 3 du 3ème au
6éme jour [161]. En plus de la sternotomie, les sites de prélèvements vasculaires (veine saphène interne,
artère radiale) et les passages de drains sont également la cause de douleurs importantes.
Outre une sédation adéquate (midazolam, perfusion de propofol à bas débit), le confort est assuré par
une analgésie postopératoire intense qui peut revêtir différentes formes [161].
Opiacés : il n’y a pas de différence significative entre les différences substances ; le choix
dépend des habitudes locales. La technique la plus efficace est la PCA (patient-controlled
analgesia). La moins chère est la morphine (perfusion 1-2 mg/heure ou PCA).
Analgésiques non-morphiniques : bien que moins efficaces que les opiacés, de nombreuses
substances intraveineuses et orales sont utilisables ; les protocoles varient selon les
institutions.
o Tramadol (Tramal®), 100 mg iv 3-4 x/24 heures ;
o Kétorolac (Toradol®), 30 mg iv 3x/24 heures; dose maximale: 90 mg/24 heures
pendant 2 jours ;
o Paracétamol, 1 g iv toutes les 6-8 heures ;
o AINS oraux: acide méfénamique, ibuprofen, etc ; les anti-COX-2 sont à éviter car ils
augmentent significativement le risque cardiovasculaire [179] ;
o Gabapentine en doses progressives : commencer avec 100 mg 2x/j et augmenter
jusqu’à 2'400 mg/j maximum ; la gabapentine est plutôt réservée aux douleurs
neurogènes ou chroniques ;
o Alternative à la gabapentine : prégabaline, 50 mg 3x/j, jusqu’à 600 mg/j.
Analgésie péridurale thoracique : elle offre la meilleure qualité d’analgésie et de confort,
atténue la réponse au stress et diminue les complications respiratoires [39,45]. Vu le danger
qu’elle présente lors de l’anticoagulation en CEC, son rapport risque/bénéfice reste incertain
[116,204]. Au niveau cervico-thoracique, le dosage habituel est de 2 mL/h de bupivacaïne
0.75%.
Analgésie intrathécale : une injection unique (morphine 0.5 mg + sufentanil 50 mcg) par voie
lombaire pratiquée immédiatement avant l’induction suffit à octroyer 5 à 24 heures d’antalgie
postopératoire [24].
Autres techniques loco-régionales : moins pratiquées, elles peuvent être un appoint utile.
o Bloc paravertébral : injection dans le triangle bordé par la plèvre, l’apophyse
transverse vertébrale et les muscles paravertébraux de 15-20 mL de lidocaïne ou de
bupivacaïne ; ce bloc est peu risqué, même chez des malades anticoagulés ; on peut
laisser un cathéter en place pour une administration continue.
o Blocs intercostaux : utiles pour l’antalgie immédiate après une incision de
thoracotomie, ils sont inefficaces contre la douleur d’une sternotomie qui nécessiterait
de bloquer une dizaine de niveaux des deux côtés.
Les techniques loco-régionales sont concentrées sur les douleurs d’origine thoracique, mais
n’ont aucun effet sur celles liées aux prélèvements vasculaires périphériques.
Technique chirurgicale : la manière d’opérer a une influence considérable sur les douleurs
postopératoires.
o Mini-incisions (mini-sternotomie supérieure, mini-thoracotomie, incisions de
thoracoscopie, prélèvement endoscopique de la saphène) ;
o Rétraction progressive et dosée du sternum en évitant toute fracture ;
o Coagulation très localisée du lit de l’artère mammaire interne lors de son prélèvement
en évitant de léser les nerfs intercostaux ;