ECS3 Carnot Chapitre 18 2013/2014
Chapitre 18 : Introduction aux espaces
vectoriels.
Dans ce qui suit, Kdésigne indifféremment RouC. La notion d’espace vectoriel, que
l’on aborde ici permet de traiter de manière abstraite, et d’un seul coup, tous les problèmes
qui ont une structure sous-jacente d’espace vectoriel. Par exemple, l’ensemble des solutions
d’un système linéaire homogène, d’une équation différentielle linaire homogène, l’ensemble
des fonctions Cet 3-périodiques sont des espaces-vectoriels. Les résultats que l’on va
montrer sur les projecteurs par exemple, seront valables pour tous ces espaces.
1 Généralités
1.1 Définitions
Définition 1.1.1
Soit Eun ensemble muni d’une application + : E×EE(loi de composition
interne) et d’une application ·:K×EE(loi de composition externe à opé-
rateurs dans K). On dit que (E, +,·)est un K-espace vectoriel lorsqu’il vérifie les
propriétés suivantes :
1. (E, +) est un groupe commutatif :
(a) Associativité : x, y, z E, x + (y+z) = (x+y) + z.
(b) Elément neutre : 0EE, xE, x + 0E= 0E+x=x(un tel élément
est unique)
(c) Symétriques : xE, yE, x +y=y+x= 0E. Pour tout xE, cet
élément est unique et s’appelle opposé de x. On le note x.
(d) Commutativité : x, y E, x +y=y+x.
2. La loi externe ·satisfait :
(a) λ, µ K,xE, (λ+µ)·x=λ·x+µ·x.
(b) λK,x, y E, λ ·(x+y) = λ·x+λ·y.
(c) λ, µ K,xE, (λµ)·x=λ·(µ·x).
(d) xE, 1K·x=x.
Les éléments de Ksont appelés les scalaires, et ceux de Eles vecteurs.
Démonstration : Unicité du neutre : soit eet edeux vecteurs neutres pour +. Alors e+e=e
car eest neutre et e+e=ecar eest neutre. Donc e=e.
Unicité de l’inverse : si yet ysont inverses de x, alors x+y=x+y= 0. Donc
y+ (x+y) = y+ (x+y). En utilisant l’associativité, on obtient y=y.
En pratique, on écrit 1K= 1,0E= 0, et on omet les ·: en effet, la nature des variables
(scalaires ou vecteurs) et les règles de calcul ci-dessous suffisent à savoir quelles opérations
sont effectuées.
Proposition 1.1.1
Soit Eun K-espace vectoriel. Si x, y Eet λ, µ K, alors
λx = 0Eλ= 0 ou x= 0E
(1)x=x
(λµ)x=λx µx
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Démonstration : Pour le sens réciproque. On a pour tout xE0x= (0+0)x= 0x+0x
donc en ajoutant 0xà cette égalité, on obtient 0x= 0. De même, si λKon a
λ0 = λ(0 + 0) = λ0 + λ0donc λ0 = 0.
Pour le sens direct, si λx = 0, et λ6= 0. Alors λ1(λx) = λ10d’une part, et d’autre
part λ1(λx) = (λ1λ)x= 1x=x. Donc x= 0.
On a x+ (1)x= 1x+ (1)x= (1 1)x= 0x= 0. Donc (1)x=x.
(λµ)x=λx + ((1) ×µ)x=λx µx.
Remarque. On note souvent E, F, G, H... des espaces vectoriels, x, y, z, t... des vecteurs
et a, b, λ etc des scalaires.
1.2 Exemples
On a démontré dans les chapitres précédents que
1. Kest un K-espace vectoriel.
2. Cest un R-espace vectoriel.
3. Si Aest un ensemble et Eun K-espace vectoriel, alors EA=F(A, E)est un K-espace
vectoriel.
4. En particulier, RNest un K-espace vectoriel.
5. Mn,p(K)est un K-espace vectoriel.
6. K[X]est un K-espace vectoriel.
Pour montrer celà, il faut vérifier toutes les propriétés de la définition... Ce qui est
souvent fastidieux à écrire, mais clair. Nous allons recommencer sur un autre exemple.
Proposition 1.2.1
Soit Knmuni des loi +et ·définies par
x, y Kn, x = (x1,...,xn), y = (y1,...,yn), x +y= (x1+y1,...,xn+yn)
xKn, x = (x1,...,xn),λK, λ ·x= (λx1,...xn)
Alors (Kn,+,·)est un K-espace vectoriel.
Démonstration : Le fait que (Kn,+) soit un groupe commutatif est clairement hérité des
propriétés analogues sur K. Le neutre est (0,...,0) et l’opposé de xest (x1,...,xn).
Concernant les propriétés de la loi externe : Soit λ, µ K. Alors
(λ+µ)x= ((λ+µ)x1,...,(λ+µ)xn)
= (λx1+µx1,...,λxn+µxn)
= (λx1,...,λxn) + (µx1,...,µxn)
=λ(x1,...,xn) + µ(x1,...,xn)
=λx +µx
Les autres propriétés résultent du même type de manipulation.
Plus généralement, si E1,...,Ensont des espaces vectoriels, on peut définir un espace
produit E1× ··· × En.
1.3 Représentation dans R2
DESSIN tout passe par 0.
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1.4 Combinaisons linéaires
Définition 1.4.1
Soit Eun K-espace vectoriel et u1,...,unE. Si λ1,...nK, on dit que
λ1u1+···+λnunE
est une combinaison linéaire des ui.
DESSIN Remarquer que dans le plan, deux combinaisons linéaires différentes de 3
vecteurs peuvent donner le même résultat.
Remarque. Ce sont les opérations les plus générales possibles dans les espaces vectoriels.
Définition 1.4.2
Soit Eun espace vectoriel et u, v E. On dit que uet vsont colinéaires lorsque
u= 0Eou λK, v =λu
Proposition 1.4.1
uet vsont colinéaires si et seulement si il existe (α, β)6= (0,0) K2tels que αu+βv =
0.
Démonstration : Soit u, v deux vecteurs colinéaires. Si u= 0 α= 1 et β= 0 convient. Si
v=λu alors α=λet β=1convient.
Réciproquement, si αu +βv = 0 alors soit β= 0 et α6= 0 donc u= 0, soit v=α
βu.
DESSIN dans R2l’ensemble des vecteurs colinéaires à uest la droite vectorielle de
vecteur directeur u.
2 Sous-espace vectoriels
Dans cette section, Eest un K-espace vectoriel.
2.1 Définitions
Définition 2.1.1
Soit FE. On dit que Fest un sous-espace vectoriel de Elorsque
1. 0EF
2. x, y E, x +yE
3. xE, λK, λx E
Exemple. Soit E=R2et F={(x, y)R2,2x+ 3y= 0}. Alors Fest un sev
de E. En effet, (0,0) vérifie 2×0 + 3 ×0 = 0 et si 2x+ 3y= 2u+ 3v= 0 alors
2(x+u) + 3(y+v) = 0 et 2λu + 3λv = 0.
{0E}et Esont des sous-espaces vectoriels de E, appelés sous-espaces triviaux ou
impropres.
L’espace Kn[X]est un sous-espace de K[X].
Les espaces Cn(I)et Dn(I)sont des sous-espaces de RI.
L’ensemble des matrices diagonales est un sous-espace de Mn(K).
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L’ensemble des fonctions T-périodiques et nulles en πest un sous-espace de RR.
Proposition 2.1.1
Soit Fun sous-espace vectoriel de (E, +,·). Alors (F, +,·)est un K-espace vectoriel.
Démonstration : Puisque Fest stable par +et ·, on a par restriction une loi de composition
interne et une loi de composition externe. Comme aucune des propriétés d’espace vectoriel
ne se perd par restriction, on a bien un espace vectoriel.
Remarque. La proposition ci-dessus est fondamentale. Lorsqu’on demande de montrer
qu’un ensemble est un espace vectoriel, il suffit de montrer que c’est un sous-espace d’un
espace plus gros dont on sait déjà que c’est un espace vectoriel. On a alors nettement moins
de propriétés à vérifier !
La proposition ci-dessus permet de montrer que certains ensembles ne sont pas des
sous-espaces vectoriels.
Exemple. L’ensemble des fonctions croissantes n’est pas un sous-espace. L’ensemble des
fonctions telles que f(1) = 2 non plus...
Exemple. Les seuls sous-espaces de Rsont {0}et R. Les seuls sous-espaces du C-ev C
sont {0}et C.
En effet, montrons le pour R. Si Fest un sous-espace de Rautre que {0}, alors il existe
xFavec x6= 0. Par stabilité, λR, λx F. Soit yRquelconque. Alors y=y
xxF
donc RFce qui donne l’égalité.
Exercice. Montrer que les seuls sous-espaces de R2sont {0},R2et les droites vectorielles
{λu, λ R}.
Proposition 2.1.2 (Variantes)
Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. Fest un sous-espace de E.
2. 0Fet Fest stable par combinaisons linéaires (nN,u1,...,unF, λ1,...,λn
K,Pn
k=1 λkukF).
3. u, v F, α, β K, αu +βv F.
4. 0Fet u, v F, λK, u +λv F.
5. Une au choix des trois propositions ci-dessus en remplaçant 0EFpar F6=.
Démonstration : 12par récurrence. 23est clair, de même pour 34. Enfin, 41
car λ= 1 donne stabilité par +et u= 0 donne stabilité par ·.
Pourquoi peut on remplacer par F6=? Parce que si uF, alors 0u= 0 F...
Remarque. Le fait que 0Fpermet de montrer que certains ensembles ne sont pas des
sous-espaces vectoriels !
Exemple. L’ensemble des solutions d’un système linéaire homogène de néquations à p
inconnues est un sous-espace vectoriel de Kp. Par contre si le système n’est pas homogène,
l’ensemble des solutions n’est pas un sous-espace vectoriel.
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2.2 Sous-espace vectoriel engendré par une partie
Théorème 2.2.1
Soit (Fi)iIune famille de sous-espaces de E. Alors TiIFiest un sous-espace vectoriel
de E.
Démonstration : Soit u, v G=TiIFiEet λK. Alors iI, 0Fi,iI, u+λv
Ficar les Fisont des sev. donc Gest un sev.
Définition 2.2.1
Soit Aune partie de E. L’ensemble des sous-espaces vectoriels de Econtenant Aadmet
(pour l’inclusion) un plus petit élément, appelé sous-espace engendré par Aet noté
Vect (A). On a donc
AVect Aet AFE, sev Vect (A)F
Démonstration : Soit Fl’ensemble des sous-espaces de Equi contiennent A. Cet ensemble
est non vide car il contient E. Soit G=TF∈F F. C’est un sous-espace qui contient A. Si
F0est un sous-espace qui contient A, alors F0∈ F et GF0.Gest bien le plus petit sous
espace de Econtenant A. (L’unicité est claire par double inclusion).
Proposition 2.2.1
On a
1. A= Vect (A)Aest un sev
2. Si ABalors Vect AVect B.
3. Vect ={0E}
Démonstration : Exercice.
Définition 2.2.2
Soit uE. Alors Vect ({u}) = {λu, λ K}. C’est la droite vectorielle engendrée
par u.
Proposition 2.2.2
Soit Aune partie non vide de E. Alors Vect (A)est exactement l’ensemble des combi-
naisons linéaires d’éléments de A:
Vect (A) = {vE, nN,u1,...,unA, λ1,...,λnK, v =
n
X
i=1
λiui}
Démonstration : Notons C(A)l’ensemble des combinaisons linéaires d’éléments de A. Alors
il est claire que C(A)est un sous-espace de Equi contient A.
Si Fest un sous-espace de Equi contient A, il est stable par combinaisons linéaires
donc contient C(A).
Remarque. La proposition reste valable pour A=si on convient que toute combinaison
linéaire de est nulle.
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