Les dédales d`Héphaïstos*: ces foyers que la - chu

Résumé
L’expérience et la matérialité de la maladie, comme l’en-
semble des autres réalités que les individus rencontrent
dans la vie est pour chacun un défi.
C’est tout particulièrement dans l’épreuve de la maladie
que le patient recherche, au sein de sa propre famille,
les bienfaits de la proximité, de l’amour, du soutien, de
la solidarité, du réconfort.
La famille présente alors des ressources primordiales
insoupçonnables sur lesquelles les soignants peuvent
s’appuyer afin de produire aups des patients, des soins
thérapeutiques agissants.
Dans cette marche il s’agirait en somme de mieux par-
venir à co-construire, dans une triangulation active for-
mée par le patient/famille/soignant, une dynamique
éducative, sanitaire et sociale qualitative de prise en
charge globale du projet.
Un projet de soin complet lequel posséderait la capa-
cité d’inclure pareillement les attentes de la famille.
Or, de nos jours encore, la famille n’est pas toujours per-
çue par les soignants en tant que « ressource » en matière
de prise en charge du patient.
Sa douleur, ses angoisses, ses attentes ainsi que ses besoins
ne sont pas toujours entendus par les professionnels du
soin lesquels semblent, si fquemment, passés par une
charge de travail démesurée et par une trop faible, voire
nécessiteuse, préparation/formation à la prise en charge
des proches du patient.
La prise en charge des familles par l’écoute, le relation-
nel, la proximité, le soutien et le dévouement paraissent
cependant proposer, dans les mutations qui nous atten-
dent, les aliorations novatrices ainsi que des nou-
velles solutions éthiques pour notre métier de soignants.
Des voies innovantes qui peuvent favoriser demain l’es-
sor d’un hôpital davantage plus « humain » et, principa-
lement encore, plus « citoyen » et pour nous, soignantes,
une prédisposition à des soins plus altruistes, plus géné-
reux et plus bienveillants.
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Les dédales dHéphaïstos*:
ces foyers que
la souffrance calcine
Préserver, informer et soutenir qualitativement
la famille lors de la prise en charge
de la maladie du patient
Carol Jacques
Institut Gustave Roussy, Service d’Hématologie-endocrinologie, 114, rue Édouard Vaillant, 94805 Villejuif, France.
* Fils de Zeus et d'Héra, Héphaïstos est, dans la mythologie
grecque, le dieu infirme du feu. maître de la forge, les volcans
sont ses ateliers (source Encyclopaedia Universalis).
« La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne ».
André Malraux.
La condition humaine. Gallimard, 1933.
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Capables précisément de produire des « chemins circu-
laires » et transversaux du parcours de soin et dans les-
quels il serait possible de fonder durablement et soli-
dairement, entre l’ensemble des acteurs concernés, une
relation de confiance et de respect aux indiscutables
synergies agissantes.
Des alliances inédites autant qu’indispensables à notre
tier d’infirmière pour la conception et la mise en
œuvre d’une prise en charge plus qualitative, plus effi-
cace, plus distinctive et principalement plus humaine
du patient et de ses proches.
Exorde
En cette premre ane dans laquelle mon activité
d’infirmière bachelière méandre manifestement dans
un progressif et dense apprentissage du métier com-
posé de techniques complexes, de particularismes
étendus de la fonction, d’altérités des approches aux
soins, d’une meilleure comphension des règles en
matre de santé et crises relatives aux infinis ques-
tionnements régissant ma propre éthique d’infirmière,
jai pu également acquérir si soudainement et si
pleinement l’impression dappartenir à un « cor-
pus » communautaire. À une confrie de destinée.
Une sorte de « foyer » aussi lequel, différent de mon
propre lignage de sang, concourt à cette perception
d’union à une communauté augmentée.
Une confrérie à la fois moin pointilleux autant que
repère exigeant de mes pratiques nouvelles et de mes
inédites responsabilités en tant que soignante diplômée.
Dans la continuité de mes trois précédentes années
d’études, cette première année de pratiques profes-
sionnelles a, si besoin en était, pleinement confirmé,
l’importance d’appartenir, à un groupe, à un rassem-
blement, à une organisation.
Certains, avec malice, pourront dire : à un « clan » même
si mot « équipe » paraît cependant plus congruent.
Car c’est bien davantage dans une équipe en mouve-
ment, plutôt que dans l’enfermement immobile d’une
coterie que, tout comme dans une famille, la soignante
que je suis, névolue plusparée de la complexi
du monde qui l’entoure.
Puisque lorsqu’on soigne, rien n’est plus nuisible que
d’être et agir seuls.
Pour le patient aussi ne pas être isolé est primordial.
Notamment lorsqu’il est confronté aux indicibles souf-
frances, aux épreuves démesurées et aux violentes
angoisses d’une maladie éprouvante. Pour le malade
alors, sa famille renferme les indispensables préro-
gatives et les protections essentielles avec lesquelles,
en appoint aux soins quil reçoit, il entreprend de
construire sa propre prédisposition holistique aux
combats contre les crises et les « troubles » qui l’af-
fectent. La famille participe à la construction de ce
rempart affectif qui aide le malade à mieux faire face
à la maladie.
Nous avons tous une famille. Prodiguée par la voie
de la lignée naturelle ou choisie.
En son sein, nous savons mieux résister aux épreuves
que la vie et la maladie nous occasionnent. Nous si-
rons tous être entourés de nos proches. De ceux que
nous aimons, que nous apprécions, de ceux à qui
nous faisons confiance lorsquune rioration phy-
sique ou psychologique de notre être, passagère ou
durable, nous éreinte. Dans la proximité de nos êtres
chers, nous puisons nos forces, nos résistances. Des
endurances ou encore des ténacités qui agréent, dans
nos luttes, des vigueurs sans cesse renouvees, des
robustesses, des résistances, des terminations indis-
pensables à notre combat. Des énergies aussi.
Bien étrange paradoxe donc que notre société aujour-
d’hui sache exalter autant les individualismes qui ne
peuvent rien lorsque la maladie nous harasse.
Quelle invraisemblance donc que le monde dans
lequel nous évoluons actuellement puisse exhorter
autant les comportements insensibles voire indiffé-
rents à autrui.
Y a-t-il donc manière de vivre aujourdhui notre
propre unicité tout en se sentant solidaires et res-
ponsables de la diversité du monde qui nous entoure ?
Consentir actuellement au caractère unique de nos exis-
tences tout en éprouvant unecessité interdépen-
dance avec une « famille » — de lignée ou choisie
est-il vraiment si insensé ?
Mais qu’est-ce donc vraiment une famille ?
Voilà une interrogation bien ardue car peu sont les
penseurs qui ont eu l’occasion de cogiter sur ce sujet.
La famille est avant tout un « espace » pri de vie qui
nous scinde de la sphère publique. Parce quelle se
situe justement à la frontière entre l’individu et le col-
lectif, elle part aujourd’hui de plus en plus en proie
à des sévères tiraillements existentiels, politiques, éco-
nomiques, éthiques et moraux, elle peine à nous
apporter des réponses audibles en matre de solida-
rité et de secours. Freud attirait jadis notre attention
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aux deux pôles qui s’oppo-
sent en nous : l’être soi et
l’être social [1]. Or l’être. Ou
plus précisément, selon Hei-
degger [2], l’individu :
« est jeté dans le monde
comme dans un combat ».
Pour le philosophe, il doit se
brouiller avec sa solitude
monadique : naître, vivre,
souffrir et mourir seul…
Notre société occidentale
n’est pourtant pas nuée
de traditions familiales aspi-
rant à la solidarité. Mais ces
dernières, aujourd’hui, ont
muté. Identiquement, dans
la même impulsion, notre
métier d’infirmière aussi a
muté. D’où la question qui
nous interpelle aujourd’hui
et qui concerne la nature du projet commun dans lequel la
famille, le patient et le soignant ambitionnent leur éven-
tuelle coopération. Une interrogation qui en appelle dautres.
Quelle éthique et quelles pratiques nouvelles nous, soi-
gnants, pouvons faire éclore afin de permettre un
meilleur dialogue, une meilleure solidarité, un secours
plus vigoureux ainsi que le maintien de l’empathie et de
l’écoute du malade et de sa famille ?
Tout au long de mes trois années d’études comme durant
cette première année de pratique professionnelle, j’ai
pu distinguer l’encore trop faible place réservée, à l’hô-
pital, à la prise en compte du rôle de la famille dans la
conception et la mise en œuvre partagée du « projet de
soins » pour le patient.
Si les lieux de prise en charge de la maladie, où les
patients sont associés dans la co-construction avec les
soignants de leur propre projet thérapeutique de soins
paraissent accroître, rares encore sont les endroits
l’on associe, à ces projets, la famille.
Un constat alarmant qui devrait encore plus nous inci-
ter, à conjoindre l’ensemble des ressources disponibles
afin de mieux renforcer notre activité de soignants
laquelle ne saurait plus être uniquement circonscrite
à la seule mise en œuvre de gestes techniques.
Un aptit de transversa-
lité, de collégialité et
dinterdisciplinarité qui
mexhorte aujourdhui à
mieux enraciner mes pra-
tiques infirmières dans
une représentation plus
globale dutier.
Un gt de voir ainsi la
famille davantage incluse et
non plus écartée, dans les
choix thérapeutiques qui
impactent les êtres chers.
Car dans les pitaux, les
soignants font quotidien-
nement l’expérience de la
douleur, des tourments et
des épreuves qu’endurent
les malades.
Nous apercevons cepen-
dant si peu ou si mal la
souffrance des familles dont la peine embrase et
consume également leurs vies.
Une discrimination celle-ci, qui contribue à reproduire
tant de séparations, tant d’incomphensions, tant de
défaites, tant de désolations et d’amertumes.
Une situation qui constitue, pour nous les soignants,
également une menace et dont la principale résiderait
dans l’accoutumance, l’indifférence, l’insensibilité et le
renoncement.
Ces expériences
que le terrain déverse
Considérer les « peurs »
de la famille
Face au cancer, il est tout à fait normal d’avoir peur.
Pour le patient, cette peur est fondée dans la crainte
d’avoir mal, dans la peur des traitements, par les chan-
gements physiques et irréversibles qui parfois s’ensui-
vent.
Peur pareillement que la maladie puisse modifier ses
rapports avec les autres notamment ceux qui constituent
sa sphère familiale, sociale ou professionnelle. Peur sin-
gulièrement aussi de la mort.
Nous appréhendons chaque fois un peu plus ces mul-
tiples facteurs qui provoquent, chez le patient, bon
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[1] S. Freud : « Totem et Tabou »
[2] S. Heidegger : « Etre et Temps »
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nombre de frayeurs, mais nous ne savons pas toujours
y apporter un apaisement. Mais au fait, sommes-nous,
soignant(e) s, suffisamment armé(e) s pour savoir effi-
cacement y faire face ? Cet effroi n’affecte pas uni-
quement le patient, il s’insinue pernicieusement et de
manière latente aussi dans les familles des malades. Il
s’exprime principalement sous la forme d’un malaise
diffus, à la fois psychique et physique et qui a rare-
ment été décrit ou encore enseigné dans nos forma-
tions. Le ressenti de cette menace concourt à la pro-
duction d’effets tout aussi invisibles que dévastateurs
chez les membres de la famille du patient principale-
ment lorsque ceux-ci sentent peser sur eux-mêmes,
l’approche d’une insécable menace, qu’elle soit réelle
ou imaginaire. Face à ces crises, face à ces « maux »,
comment nous, mandatés pour soigner, devons agir
ou réagir ?
Être infirmière pourquoi ?
Pour quelles priorités ?
Pour quels « publics » ?
Avec quels soins ?
Que signifie être soignant(e) ?
Que désigne au juste la notion : « incarner les soins » ?
Suivant le glossaire des soins infirmiers, l’infirmière est
déterminée comme : «une personne qui, en fonction
des diplômes qui l’y habilitent donne habituellement des
soins infirmiers sur prescription ou conseil médical ou
bien en application du rôle propre qui lui est dévolu [3]».
Pour ma part, il me semblerait plus plausible de déter-
miner une infirmière davantage par ses compétences.
En effet, la profession d’infirmier(e) diplômé(e) néces-
site, avant des aptitudes, principalement des dispositions
et des compétences, spécifiques et générales à la fois.
Certes. Mais ces « ressorts » ne doivent pas être en dis-
jonction avec la personne humaine qu’ils soignent et ses
nécessités.
Je fonde cette conviction à partir du simple constat des
récents changements du référentiel de nos pratiques et
qui ont impacté aujourd’hui et en profondeur, notre
métier d’IDE.
Ces changements élargissent désormais non seulement
les technicités globales de notre savoir-faire mais trans-
forment également notre manière de « penser le métier »,
notre éthique et notre nouvelle approche ontologique
de soignants.
Ce sont ces mes mutations qui m’ont incité, il y a
quatre ans, à entreprendre cette formation.
Car ces transformations permettent aujourd’hui à l’in-
firmière que je suis d’agir en tant que chaînon central
d’un ample réseau du parcours de soins, avec une auto-
nomie et un degré de responsabilité inédits.
Mon action de soignante interagit présentement non
seulement avec le seul contexte technique réservé aux
soins, mais également en incitant mon action de soi-
gnante à développer une proximité plus vigoureuse avec
les patients et, bien sûr, leur famille.
L’infirmière régente sa pratique de soignante en concor-
dance avec les principes techniques qui lui incombent,
des connaissances thérapeutiques qu’elle possède et des
fondements éthiques et déontologiques qui l’animent.
C’est la maîtrise et l’application qualitative quotidienne
de cette accumulation de « savoir-faire » et de « savoir
être » qui nous permettent aujourd’hui de travailler plus
efficacement car en étroite synergie avec l’ensemble des
acteurs présents dans l’hôpital.
Sur notre lieu de travail, à lhôpital, comme dans la
société, cela nous donne finalement autant de respon-
sabilités que d’obligations.
Or, l’hôpital… est une société à part…
Dans le service d’Hématologie-endocrinologie de « Gus-
tave-Roussy » dans lequel j’exerce, je vois quotidienne-
ment converger des patients gravement atteints de patho-
logies hématologiques de type leucémies, lymphomes,
myélomes… Ou encore atteints par des tumeurs endo-
crines relatives à la thyroïde, par des tumeurs neuro-
endocrines de type carcinoïdes d’origine ORL, pulmo-
naires ou digestives, ou encore par des tumeurs affectant
les glandes surrénales comme le cortico-surrénalome,
le phéochromocytome et autres paragangliomes.
Si la disparité des chances de survie des patients atteints
par ce type de cancer et les variations des pratiques
observées dans le service soulignent l’importance de
parvenir à définir avec précision des interventions dia-
gnostiques et des thérapeutiques appropriées, cela
requiert également pour le soignant, d’instaurer un dia-
logue bienveillant et « éducatif » non seulement avec le
patient mais aussi avec sa famille afin de fournir à cha-
cun et de manière adaptée, les éléments clés indispen-
sables à la compréhension des situations distinctives et
des moyens mis en œuvre en matière de soin et d’ac-
compagnement.
[3] Terminologie des soins infirmiers Glossaire provisoire n°3,
Février 1993
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C’est dire si pour la plupart des patients, être admis dans
un service comme le mien représente toujours un pro-
fond facteur d’angoisse.
Il en va de même pour leur propre entourage familial.
Une inquiétude légitimement augmentée, par exemple,
lors d’admissions faisant suite à une rechute et les
pronostics, pour ce type de pathologies exagérément
agressives ci-dessus indiquées, sont ordinairement
sombres, d’autant plus que, majoritairement, les lourds
traitements administrés se trouvent, dans la plupart des
cas, faiblement codifiés car fréquemment assujettis à des
améliorations incertaines.
Lorsque ces admissions surviennent et au détour des
entretiens infirmiers qui s’en suivent, il m’arrive encore,
hier comme aujourd’hui, de questionner les familles, sur
ce qu’à leurs yeux repsente le service dans lequel leurs
proches sont admis.
À une très grande majorices « publics » expriment que
l’entrée de l’un de leurs êtres chers, dans le service onco-
logique de l’hôpital les expose, à la notion de : « gra-
vité ». La menace pour la vie des patients s’agrège ainsi
au besoin de vigilance, d’écoute et de protection de tous
les instants pour les familles.
L’hôpital en général et les services spécialisés comme
nos unis doncologie en particulier, confrontent le
patient au risque irrévocable de sa propre mort que
le risque soit réel ou non et conjugue, par extension,
leurs familles, à la douloureuse pensée, de la vie après
la perte de l’être cher. À sa disparition… Au deuil…
Dès l’admission, surtout si elle présage des soins théra-
peutiques plus ou moins longs et lourds, un ineffable
« réflexe » paraît alors se mettre en mouvement pour le
patient, comme pour ses proches.
C’est dans ces instants-là que, distinctement, l’environ-
nement de l’hôpital se révèle alors à leurs yeux, comme
un environnement fréquemment étrange. Hostile, tou-
jours.
les blouses blanches s’affairent, les odeurs,
les bruits ou encore les silences tous « silences »
s’installent, cela concourt à la création d’une atmosphère
anxiogène.
Un univers composé de frayeurs, d’angoisses, d’inquié-
tudes car peuplé de « mauvais pressentiments » autant
que de prémonitions funestes.
Apeurés, patients et familles subissent ordinairement ce
monde à part, sans pudeur, ou tout est mis à nu… au
propre comme au figuré.
Ils endurent avec passivité cet environnement périlleux
et ils le ressentent régulièrement comme extrêmement
« inamical », inconnu, menaçant, complexe.
À Gustave-Roussy, dans ce plus vaste centre européen
de lutte contre le cancer, nombreux sont les « publics »,
qui peoivent inlassablement ces lieux hantés par la
menace. Une menace dont ils ne savent pas toujours
décrire les pourtours.
Bien étonnant paradoxe que la dilatation de ces senti-
ments de peur, d’inconfort et « d’effraction », qui se pro-
duisent en principe, l’on est admis à des fins thé-
rapeutiques, afin d’être soigné et, lorsque cela est
possible, guéri.
Un ressenti qui n’est pas uniquement prodigué ici par
la seule « atmosphère » ambiante des lieux.
Lors de mes stages de 3eannée, notamment dans des
services « sensibles » tels que la chirurgie, les urgences,
la réanimation ou encore en traumatologie, ou chez les
grands brûlés, j’étais fréquemment l’impuissant témoin
d’équipes soignantes ordinairement débordées, fréné-
tiques car anormalement organisées, ou encore, faible-
ment disponibles car en sous-effectifs.
Une mixité étonnante de facteurs improductifs qui contri-
buaient encore plus à l’efflorescence de cette percep-
tion négative de la « brutalité » des lieux.
J’ai pu alors remarquer que pour la famille, la phase
aiguë de la maladie de leur être cher est un temps ordi-
nairement vécu dans l’incertitude par rapport au moment
de latence de l’affection. Un moment tout paraît sus-
pendu dans l’attente que le diagnostic du patient soit
posé.
Ce temps, aussi furtif que menaçant, participe à la créa-
tion « d’interstices temporels » dans lesquels viennent
alors se greffer, pour les familles, l’angoisse d’être aban-
données, d’être laises seules et en te-tête avec leurs
peurs, leurs ignorances, leurs craintes, leurs angoisses…
Pour le soignant, prendre alors en ces instants précis
plus efficacement en charge la famille, dans ces moments
« tout se joue », peut contribuer à apaiser les peurs.
Cela peut concourir à mieux mettre en œuvre, par l’ex-
plication « de ce qui se passe », une représentation plus
claire, plus distincte et plus humaine, du pronostic du
malade et des traitements qui en découleront.
Il s’agit ainsi pour le soignant de dispenser à la famille,
en même temps que les soins qu’il prodigue au patient,
une prise en charge spécifique et qui serait essentielle-
ment composée d’écoute, d’éclaircissements et de sol-
licitude.
Apaiser, soulager, mettre en confiance la famille cela
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