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Correspondances en Onco-hématologie - Suppl. au Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2008
ailleurs
J
ai été convié récemment, dans le
cadre d’un congrès, à participer à
une table ronde où le suivi du can-
cer était abordé par différents spécialistes
avec pour fil conducteur l’histoire d’une
femme en début de maladie. Il me revenait
d’aborder “les aspects psychologiquesde la
prise en charge. Jusque-là, et bien que l’édi-
torial du congrès fasse clairement allusion
au processus d’annonce du Plan cancer, le
cit clinique collait au dossier médical, mais
aux seules étapes techniques de la maladie ;
cette patiente en tant que sujet en paraissait
exclue. Le débat entre spécialistes se résu-
mait en effet aux options thérapeutiques, aux
libertés d’action que chaque professionnel
pouvait envisager, en marge des protocoles et
en fonction de laggravation rapide et angois-
sante de la situation.
Il est bien sûr facile d’imaginer, lorsque l’on
a de l’expérience, les angoisses partagées
par la patiente, ses proches et les équipes
soignantes au long cours, mais cette ses-
sion ne restituait rien de l’histoire de cette
subjectivité qui aurait permis de saisir des
dimensions essentielles pour connaître
cette personne et imaginer la “bonne” atti-
tude pour elle, plutôt que pour toute autre
femme.
Sûr de la bienveillance de mes collègues, je
tentais alors de montrer combien, malgré
toutes les bonnes volontés et les directives
ministérielles, il était apparemment difcile
d’introduire dès le début la malade comme
partenaire à la décision. En fait j’essayais
de dire, en n d’atelier, que je me retrouvais
sans voix, un peu comme les patients dont
on attendait l’avis quand “tout semblait dit”.
Mais aussi comme les “psy” ou autres pro-
fessionnels qui arrivaient in ne pour extirper
du reste”, de la vie sociale des malades, du
psychisme, de leurs proches, des ressources
pour continuer. Pour toute réponse, on reprit
le débat portant sur la chimiothérapie.
Mon pays, la Suisse, ne fait sûrement pas
mieux, mais pour sensibiliser les profession-
nels nos formations accordent une atten-
tion particulière à la structure narrative et
réexive des projets de soins.
Il s’agit non seulement de voir comment le
malade peut devenir acteur précoce de sa
maladie, mais également d’observer com-
ment, émergeant de l’interaction soignant
soigné, un projet de soins concerté peut être
élaboré, tenant compte des désirs et des
choix individuels du malade.
En effet, le paradoxe de la position du decin
ou du soignant consiste en ce qu’il doit s’ap-
puyer sur un savoir scientique maîtripour
établir le bon diagnostic et le bon traitement,
tout en entrant en relation avec le malade, ce
qui implique l’abandon de certaines concep-
tions et présupposés médicaux. Il convient
d’accueillir l’histoire “uniquede la personne
qui est en face de soi et de lui donner un sens.
Ce paradoxe, cette tension mais aussi cette
synthèse entre un savoir fonsur la preuve
et sa déclinaison en fonction de la personne
en souffrance constituent un espace éthique
qui fonde toute consultation.
C’est une approche centrale de nos séminai-
res de formation des professionnels qui vise
à rendre le patient le moins vulnérable et le
plus participatif possible dans ses choix.
Ces séminaires, obligatoires pour la spécia-
lisation en oncologie, sont organisés par la
Ligue suisse contre le cancer et regroupent
par région, une à deux fois par an, huit à dix
participants, médecins et inrmiers. La pre-
mière phase est un cours de deux jours fondé
sur des entretiens avec des patients simulés,
des analyses de vios et des jeux de le. Ces
sessions sont suivies de supervisions indivi-
duelles et d’une demi-joure de bilan.
C’est surtout l’émergence d’émotions telles
que l’angoisse, l’irritation ou la tristesse du
patient ou le thème de la mort qui provo-
quent des impasses dans la communication
ne permettant plus aux soignants d’offrir
une relation contenante adéquate dans
ces moments de détresse. Face à l’émo-
tion, certains soignants se crispent sur leur
identité médicale. Ces retraits sont illustrés
par des modications abruptes du discours,
des questions fermées ou suggestives, des
contre-attitudes massives ou le recours bru-
tal au tiers professionnel (par exemple, le
“psy”). À l’inverse, lorsque des soignants
sont plus exibles et plus à l’aise avec les
émotions d’un patient, les entretiens évo-
luent mieux, la parole se libère.
Ces réactions sont pendantes du contexte,
par exemple les tensions augmentent dans
les situations de rechute de la maladie ou
lorsque des questions sur la guérison sont
posées. En fait, ces étapes renvoient chacun
à la représentation idéalisée qu’il a de son
le professionnel et à sa capacité ou non de
gérer ses limites. Le soignant qui peut réé-
chir à ses choix personnels et existentiels,
qui a appris à supporter l’incertitude et ses
sentiments d’impuissance sera peut-être plus
apte dans les moments difciles à ne pas se
laisser envahir par son propre vécu, et à se
défendre par l’action.
Au-delà des techniques d’entretien, ces
séminaires permettent aux professionnels
d’être attentifs à leurs propres développe-
ments, source importante de motivation et
de succès. Des conits non résolus en lien
avec leurs trajectoires peuvent a fortiori les
emprisonner dans une “mission impossible”,
qui va les exténuer. S’ils sont reconnus, ces
éléments biographiques peuvent être tra-
vaillés et intégrés de sorte qu’ils n’interfèrent
plus de manière trop rigide.
En ce sens, les programmes de formation
sur ces questions de la relation soignants/
soignés ont pour nalité de contribuer à la
qualité des soins et du bien-être des patients
et des professionnels de santé, soumis à des
stress professionnels majeurs.
Professionnels en oncologie en Suisse
Expérience dune formation à la communication
P. Guex
(chef du département de psychiatrie, CHUV de Lausanne, Suisse)
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