Le syndrome confusionnel, du dépistage à la prévention

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Fiche pratique
Ann Gérontol 2009 ; 2 (2) : 79-80
Le syndrome confusionnel,
du dépistage à la prévention
ARMELLE GENTRIC
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Service de court séjour
gériatrique, CHU de Brest
<armelle.gentric@chu-brest.
fr>
Tirés à part :
A. Gentric
Résumé. Le syndrome confusionnel est une complication fréquente et grave de l’hospitalisation du sujet âgé fragile. Bien souvent, le diagnostic n’est pas réalisé, ou avec retard.
Il existe pourtant un outil de dépistage simple et validé (Confusion assessment method),
publié en 1990 et traduit en Français. Son traitement reste difficile et mal codifié. Chez un
sujet fragile à risque, il n’est pas rare que le syndrome confusionnel soit la conséquence
d’une inadaptation du processus de soins. Une stratégie de prévention multidimensionnelle non médicamenteuse simple et applicable en pratique quotidienne permet de réduire
son incidence de 60 %.
Mots clés: Confusion assessment method, dépistage, prévention, syndrome confusionnel
e syndrome confusionnel (SC), défini comme
un trouble aigu de la vigilance, est le syndrome
gériatrique le plus fréquemment observé chez
le patient âgé hospitalisé. Son incidence varie entre 6
et 56 % dans les services de médecine, de 15 à 61 %
dans les services de chirurgie, et de 70 à 80 % dans
les unités de soins intensifs et de soins palliatifs.
Jusqu’à 90 % des malades déments deviennent confus
lors d’une hospitalisation. Le diagnostic de SC n’est
pas fait dans 40 à 60 % des cas, voire 88 %, lors de
démence sous-jacente.
L
Dépistage
Néanmoins, un outil de dépistage a été validé et
publié en 1990 par Sharon Inouye. Il s’agit de la Confusion assessment method (CAM), qui reprend les critères
diagnostiques du SC (DSM-III en 1990, actuellement
DSM-IV) (tableau 1). Le temps de passation de la CAM
Tableau 1. La Confusion assessment method (CAM) [1].
doi: 10.1684/age.2009.0042
Table 1. Confusion Assessment Method (CAM) [1].
1. Début soudain et fluctuation des symptômes
Changement soudain de l'état mental
2. Inattention
Difficultés à focaliser l'attention, distractibilité, difficultés à se
rappeler les informations qui viennent d'être dites
3. Désorganisation de la pensée
Pensée désorganisée ou incohérente (logorrhée, propos
inappropriés ou décousus, passage du « coq à l'âne »)
4. Altération de l'état de conscience
Hypervigilance (sursaute très facilement), léthargie (somnolence,
facilement réveillable), stupeur (difficile à réveiller), coma
1 + 2 + 3 ou 4 = syndrome confusionnel
Ann Gérontol, vol. 2, n° 2, avril 2009
est court (moins de 3 minutes), par des soignants formés.
Sa valeur prédictive positive est de 94 %, sa valeur prédictive négative proche de 100 %. Initialement validée
dans les services de médecine, la CAM a été adaptée
pour une utilisation dans les services de soins intensifs,
les services d’accueil et d’urgence, ainsi que les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Elle est traduite en dix langues, dont le Français.
Diagnostic
Le diagnostic de SC doit être réalisé le plus rapidement possible, afin de chercher un ou plusieurs
facteur(s) déclenchant(s) pouvant nécessiter un traitement urgent :
– rétention aiguë d’urine ;
– fécalome ;
– infection ;
– trouble métabolique ;
– infarctus du myocarde ;
– embolie pulmonaire ;
– insuffisance cardiaque…
Dans 25 % des cas, aucune de ces « causes médicales » n’est trouvée. En effet, une inadaptation du processus de soins à une personne âgée fragile à risque
peut constituer un facteur de stress suffisant pour précipiter le syndrome confusionnel. Les procédures inadaptées ont été bien repérées :
– prescriptions médicamenteuses (sédatifs, anticholinergique, psychotropes) : risque relatif 3 à 12 ;
– contention : risque relatif 4,5 ;
– pose de sonde à demeure : risque relatif 2,5 ;
79
A. Gentric
– déshydratation : risque relatif 2.
Les facteurs mettant un malade âgé à risque de SC
sont également identifiés, dont les plus significatifs
sont :
– une gravité des co-morbidités ;
– une altération des fonctions cognitives ;
– une déficience visuelle et/ou auditive.
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Thérapeutique
Lorsque le SC est installé, le traitement est difficile,
non validé, et aucune prise en charge n’a, pour le
moment, démontré d’amélioration significative du pronostic en terme de mortalité intra-hospitalière et à un
an (multipliée par 2), d’entrée en institution à un an, ou
encore de coût de santé (6,9 billions de dollars aux
États-Unis en 2004).
Prévention
C’est pourquoi des essais de stratégies préventives
ont été mis en œuvre. Les médicaments (neuroleptiques, anticholinestérasiques) n’ont pas, à ce jour,
démontré leur intérêt préventif. En revanche, une stratégie de prévention multidimensionnelle non médicamenteuse, modélisée à partir du concept de syndrome
gériatrique, a fait la preuve de son efficacité en service
de médecine et, à un moindre degré, en postopératoire : la prévention est basée sur la prise en
compte des facteurs de risque repérés chez le malade
et l’éviction de facteurs déclenchants liés au processus
de soins (protocole Help, pour Hospital elder life program) (tableau 2).
Une telle démarche préventive, simple et applicable
en pratique quotidienne, permet une réduction de
Tableau 2. Protocole de prévention du syndrome confusionnel [2].
Table 2. Delirium prevention protocol [2].
Facteurs de risque
Interventions
(médecine gériatrique)
Altération des fonctions • Horloge murale
cognitives
• Date sur le tableau devant le lit
(MMS < 24/30)
• Discussion et réorientation à chaque
passage de soignant
Déficience visuelle
Présence des aides visuelles
Déficience auditive
• Communication adaptée
• Présence des aides auditives
Déshydratation
• Diagnostic précoce
• Réhydratation
Immobilisation
• Mobilisation précoce
• Éviction des contentions, sonde à
demeure
Perturbation du sommeil • Le soir, boisson chaude
• Adaptation des horaires de
distribution des médicaments
l’incidence du SC de 40 à 89 % en fonction du suivi
des recommandations, y compris chez les malades
déments.
Conclusion
Le syndrome confusionnel, syndrome gériatrique
de très mauvais pronostic, peut être prévenu par une
adaptation du processus de soins à un malade âgé fragile. Un outil de dépistage simple et validé existe, permettant un diagnostic rapide lorsque le SC survient.
Qu’il s’agisse de dépistage ou de prévention, une formation des équipes soignantes est indispensable dans
toutes les structures hospitalières ou médico-sociales
recevant des personnes âgées.
RÉFÉRENCES
1. Laplante J, Cole M, McCusker J, Singh S, Ouimet MA. Confusion Assessment Method. Validation of a French-language version. Perspect Infirm 2005 ; 3 : 12-22.
80
2. Gentric A, Le Deun P, Estivin S. Prevention of delirium in an
acute geriatric care unit. Rev Med Int 2007 ; 28 : 589-93.
Ann Gérontol, vol. 2, n° 2, avril 2009
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