Syndrome confusionnel

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CAS C
CC
• A l’issu de la consultation de Mr et Mme L. (76
et 78 ans) que vous voyez toujours ensemble, et
que vous suivez tous les deux pour une HTA, Mr
L. vous dit : « vous savez, nous perdons tous les
deux un peu la mémoire, mais ma femme oublie
des choses qui m’étonnent quand même ».
L’épouse pousse la porte pour sortir et dit « ça
t’arrive à toi aussi. Je n’oublie pas tant que ça ».
• 1/ Que faites-vous ?
•
•
•
Vous dites que cela vaut la peine d’en parler, qu’il faut voir cela de près et vous leur
proposez un rendez-vous spécifique pour l’évaluation de cette plainte de mémoire.
« Toute plainte de mémoire est à prendre en considération ».
Au cours de cette consultation dédiée à l’évaluation des troubles de mémoire :
•
•
Retracer l’histoire des troubles de la mémoire
Aigus, progressifs, fluctuants…. Depuis quand ? Stables régressifs ou progressifs ?
•
•
De quel type ? (mémoire épisodique ? attention (concentration)? mémoire sémantique ?)
-Isolés ou autres troubles cognitifs (langage, praxies, gnosies) ? Troubles du
comportement ou de l’affect ? Traitements habituels ou récemment introduits ?
•
ATCD personnels (notamment facteurs de risque vasculaires) et familiaux
•
Retentissement sur la vie quotidienne (IADL : gestion des médicamens, téléphone,
transport en commun, finances)
•
Retentissement sur l’entourage ? (qu’en pense-t-il ?)
•
•
Faire une évaluation neuropsychologique et du comportement
- MMS, Tests des 5 mots, Test de l’horloge, Praxies réflexives, Fluences,
Dénomination… Tout test évaluant mémoire, langage, praxies, gnosies, troubles des
fonctions exécutives, raisonnement…
•
Evaluation d’une modification du comportement
• Trois mois plus tard, vous êtes appelé chez Madame L
car elle est totalement perdue, ne reconnaît pas toujours
son mari dans la journée, l’agresse, lui demande de
rentrer chez lui car il n’a «rien à faire chez elle ». Tout
cela est apparu après qu’elle ait passé un après-midi à
errer sous la pluie : son mari était parti faire réviser sa
voiture, et elle, qui ne sort presque jamais seule, avait
voulu sortir, mais s’était enfermée dehors, n’ayant pas
pris ses clés.
• 2/ Comment qualifieriez-vous cet état ? Quels
éléments cliniques et de l’interrogatoire recherchezvous pour le confirmer ?
• Il s’agit d’un syndrome confusionnel
• Arguments diagnostiques (décrits ou à
rechercher):
– Caractère aigu de la symptomatologie
– Modification du rythme veille sommeil, troubles du
sommeil, somnolence diurne
– Troubles de vigilance
– État d’agitation fluctuant (avec alternance de période
d’apathie)
– Aggravation des troubles cognitifs, perte d’autonomie
– Problème somatique surajouté
– Fièvre
• Trois mois plus tard, vous êtes appelé chez Madame L
car elle est totalement perdue, ne reconnaît pas toujours
son mari dans la journée, l’agresse, lui demande de
rentrer chez lui car il n’a «rien à faire chez elle ». Tout
cela est apparu après qu’elle ait passé un après-midi à
errer sous la pluie : son mari était parti faire réviser sa
voiture, et elle, qui ne sort presque jamais seule, avait
voulu sortir, mais s’était enfermée dehors, n’ayant pas
pris ses clés.
• 3/ Quels examens complémentaires demandez-vous ?
La faites-vous hospitaliser ? Justifiez votre réponse
• Examens biologiques : NF, CRP, iono, glycémie, calcémie
– Bilan hépatique (gamma-GT),
– bandelette urinaire
– (éventuellement recherche de toxiques –dont alcool-)
•
•
•
•
Radio de thorax (vu le contexte)
Abdomen sans préparation
ECG
Si tout est négatif scanner (sous-dural ? AVC ?), EEG
(manifestations épileptiques ?)
•
•
•
•
•
Critères d’hospitalisation :
-Pas de cause identifiée
-Comportement dangereux pour le malade ou le conjoint
-Aggravation de la vigilance
-Echec d’un traitement symptomatique
• Finalement, après une antibiothérapie, l’évolution
de la pneumopathie de Mme L a été favorable et
elle a retrouvé son état d’il y a 3 ou 4 mois.
• 4/ Que faites vous ?
• Consultation mémoire : le diagnostic d’une
maladie démentielle (favorisant les
syndromes confusionnels) est très probable,
un traitement et une prise en charge
spécifique doivent être mis en route.
Syndrome confusionnel
Diagnostic et Conduite à tenir
Dr Olivier ROUAUD
Neurologie
Centre Mémoire Ressources et
Recherche
CHU DIJON
DEFINITION
• un désordre global du fonctionnement
psychique
– troubles de la conscience
– troubles de la vigilance et de l’attention
– une distorsion des perceptions
– Incohérence de la pensée
EVOLUTION
• Début habituellement aigu (quelques heures à
quelques jours)
• Existence de fluctuations de la symptomatologie
au cours de la journée.
• Durée totale de l’épisode confusionnel variable
– dépend de la précocité du diagnostic
– Et de la mise en œuvre de thérapeutiques appropriées
• Affection fréquente (probablement 10 à 20 % des
patients hospitalisés en médecine ou en chirurgie
présenteront un épisode confusionnel, ce d’autant
plus qu’ils sont âgés).
ETIOLOGIES
– majorité des cas organique.
– Si elle est le plus souvent toxique ou
métabolique, de multiples causes sont
possibles, souvent intriquées
– Psychogène
• circonstances très particulières, chez des sujets
prédisposés à personnalité fragile, dans un contexte
particulièrement anxiogène (guerre, attentat, etc...).
• affection grave,
• fréquemment mortelle
– s’accompagne rapidement de troubles végétatifs
– en raison du terrain sur lequel elle survient
– et enfin parce qu’elle est souvent provoquée par
des affections graves..
• urgence diagnostique et thérapeutique
Séméiologie (1)
• riche et bruyante, relativement stéréotypée.
• caractère fluctuant au cours du nycthémère est un
élément sémiologique essentiel.
– troubles de la conscience : diminution de la prise de conscience au
milieu extérieur (obnubilation), par une hypo ou une hyper-réactivité
aux stimuli extérieurs, et par des troubles de l’attention
– troubles de la vigilance, avec une inversion du rythme veillesommeil, pouvant aller jusqu'à une insomnie nocturne totale ; les
périodes de sommeil peuvent s’accompagner de cauchemars et
d’hallucinations.
– troubles de la perception : les stimuli sensoriels sont mal perçus,
générant
illusions,
hallucinations,
onirisme,
fausses
reconnaissances et perplexité ; la réalité apparaît distordue, et une
impression de déréalisation, très angoissante, peut survenir, et
générer agitation et agressivité.
Séméiologie (2)
• La conjonction de ces trois types de perturbations est
vraisemblablement suffisante pour expliquer le désordre
cognitif global observé dans la confusion, qui touche toutes
les fonctions cognitives
• illusoire de tester les fonctions cognitives au cours d’une
confusion.
• Enfin, plus ou moins rapidement vont apparaître des
troubles
végétatifs
(hyperthermie,
tachycardie,
déshydratation, éventuellement troubles digestifs) qui
doivent être au mieux prévenus, au pire traités rapidement.
Diagnostics différentiels : Démences
• durée plus prolongée (> 6 mois)
• évolue à bas bruit, et ne s’accompagne pas de modifications de la
vigilance et d’obscurcissement de la conscience.
– épisode confusionnel peut révéler un syndrome démentiel jusque là plus ou
moins ignoré
• le diagnostic de démence ne pourra être porté que devant une
persistance prolongée de troubles cognitifs sévères après disparition de
la confusion
• habituellement, le patient dément qui présente un épisode confusionnel
verra s’aggraver nettement ses troubles après celui-ci
• importance de diagnostiquer précocement les syndromes démentiels en général,
afin de prévoir, et si possible d’éviter toutes les situations susceptibles
d’engendrer une confusion chez ces patients
• certaines démences s’accompagnent de façon prédominante de
modifications comportementales (démences frontales) ou de troubles
attentionnels (maladie des corps de Lewy diffus) qui peuvent compliquer
le diagnostic différentiel.
Diagnostic différentiel : atteinte focale
• toute lésion d’un certain volume peut comporter une
confusion mentale
• une confusion peut être observée à la phase initiale d’un
ramollissement bilatéral dans le territoire des artères
cérébrales antérieures ou postérieures, ou des artères
paramédianes du thalamus
• lésions sous-corticales gauches, notamment caudées, hémisphériques
droites, notamment frontales, peuvent comporter une incohérence du
discours
• l’aphasie de Wernicke peut évoquer, lors d’une première analyse
superficielle, un désordre global du système nerveux.
• des délires limités en rapport possible avec des lésions cérébrales
organiques sont parfois rencontrés :
– par exemple le délire spatial associant de façon variable conviction délirante
d’une duplication des lieux, assimilation entre domicile et hôpital, localisation
spatiale extravagante, est souvent observé après un épisode confusionnel,
mais peut aussi être en rapport avec des lésions hémisphériques droites.
Diagnostic différentiel : trouble psychiatrique
• la schizophasie (incohérence du discours rencontrée chez
le schizophrène) est faite d’anomalies sémantiques, de
distorsions et de bizarreries du langage, de stéréotypies
verbales, d’utilisations répétées d’abstractions, de
métaphores et de néologismes ; le discours apparaît
précieux, maniéré et emphatique ; parfois il est totalement
incohérent.
• La mélancolie stuporeuse associe apathie, aboulie, inertie,
avec parfois un mutisme total ; l’existence d’une douleur
morale et d’idées suicidaires peuvent permettre le
diagnostic
• l’état maniaque, l’euphorie morbide et la fuite des idées
permettent d’éliminer un syndrome confusionnel.
Facteurs favorisants
 l’âge
- terrain somatique fragilisé
- altération préexistante des fonctions cognitives
- la prise de molécules potentiellement toxiques (qu’ils
s’agisse de médicaments
- un
événement
physiologiquement
et/ou
psychologiquement stressant
- comme une hospitalisation, une intervention chirurgicale (qui
cumulent fréquemment les risques précédents), ou un
événement de vie difficile (deuil, passage en maison de
retraite, etc...).
Causes
Atteinte du système nerveux central
• traumatisme crânien
• atteinte cérébro-vasculaire : AVC, hématome
sous-dural
• HIC
• infection : méningite, encéphalite
• épilepsie : phase post-critique, état de mal
causes
Atteinte systémique
• infections
• Cardiovasculaire
• Métabolique
• Endocrinienne
• alcool : delirium tremens, encéphalopathie de Gayet-Wernicke, maladie
de Marchiafava-Bignami, myélinolyse centro-pontine
• médicaments : psychotropes (BZD et apparentés, barbituriques,
antidépresseurs,
neuroleptiques,
antiépileptiques,
lithium),
antiparkinsoniens, antalgiques, corticoides, traitement cardiovasculaires
(digitaliques, beta-bloqueurs, antiarythmiques, antihypertenseurs
centraux), antihistaminiques, anticholinergiques, etc... (la liste n’est pas
exhaustive)
• drogues illicites
• toxiques domestiques ou industriels (CO, plomb, arsenic)
Causes rares
• Lupus , Wilson, carences en folates ou en B12, pellagre, intoxication aux métaux lourds,
encéphalopathie hypertensive, etc...
CAT : interrogatoire et examen clinique
• antécédents : maladies générales (diabète notamment) ou d’organes
(cœur, poumons, foie, rein...), pathologies du système nerveux
(épilepsie ++, antécédent d’accident vasculaire cérébral, maladie de
Parkinson, notion d’altération cognitive ou de maladie d’Alzheimer, ...).
• prises médicamenteuses et habitudes toxiques, en s’attachant à
rechercher toute modification récente (ordonnances ++, sevrage,...).
• examen clinique général ++ à la fois à la recherche des manifestations
somatiques de la confusion et en vue d’un diagnostic étiologique (par
exemple signes en faveur d’une ischémie myocardique ou d’une
embolie pulmonaire, recherche de signes de cétose, recherche d’un
processus infectieux, ...)
• examen neurologique ++ à la recherche de signes neurologiques
focaux (en faveur d’une atteinte encéphalique lésionnelle), de
mouvements anormaux (myoclonies d’un état de mal épileptique ou
d’une anoxie, tremblements, crampes et fasciculations d’un trouble
métabolique ou toxique...), d’un syndrome méningé.
CAT : Examens paracliniques
• systématiquement glycémie capillaire et ECG dans le même
temps que l’examen.
• dès que possible ionogramme (natrémie, calcémie, fonction
rénale), fonction hépatique, numération-formule, TSH, VS,
gazométrie, recherche de toxiques dans le sang et les urines,
radiographie pulmonaire, bandelette urinaire, hémocultures.
• systématiquement TDM cérébrale (surtout si focalisation) et
EEG (surtout en l’absence d’étiologie évidente : état de mal
++, parfois non convulsif).
• ne pas hésiter à pratiquer une ponction lombaire, même en
l’absence d’élément clinique patent pour une atteinte
méningée (après avoir éliminé une lésion focale) (herpès ++).
TRAITEMENTS
• traitement de la cause chaque fois que
possible.
TRAITEMENTS
• traitement symptomatique systématique :
– réhydratation, apport calorique suffisant, vitaminothérapie
B1, B6 et PP à bonnes doses
– arrêt de tout traitement médicamenteux non indispensable
– mesures visant à rétablir un rythme veille-sommeil (lever
avec si possible exercice physique dans la journée,
luminosité suffisante dans la journée/peu de lumière la
nuit, etc...).
TRAITEMENTS
• En cas d’agitation et de déambulation avec risques
de blessure, une contention physique peut être
nécessaire transitoirement
• si une sédation médicamenteuse s’impose, on
peut utiliser
– carbamates (Equanil), benzodiazépines ou neuroleptiques
(Risperdal), en respectant des règles de prescription
simples
– utiliser de petites doses, augmenter progressivement les
posologies, traiter le moins longtemps possible, surveiller
les effets secondaires, utiliser une seule molécule à la fois.
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