Confusion
L Sailler, A Viguier
Service de Médecine Interne, Service de Neurologie, CHU Rangueil
Objectifs : diagnostiquer un état confusionnel, identifier les situations d’urgence et
planifier leur prise en charge
La confusion est un problème clinique extrêmement fréquent. La cause en est
le plus souvent facile à déterminer, à condition d’avoir appréhendé la situation
clinique dans sa globalité. C’est dire devant ce problème l’importance de
l’interrogatoire de la famille ou des amis, le patient lui même étant de peu de
secours, et du dialogue avec le médecin de famille. Le pronostic –qui dépend
presque exclusivement de la cause- en est plutôt bon, la restitution « ad integrum »
des fonctions supérieures étant la règle.
On n’oubliera que « la démence est une confusion qui dure » : dans une
situation aigue, une démence observée pour la première fois par un médecin ne
connaissant pas le patient peut tout à fait être pris pour un trouble confusionnel.
Définition :
La confusion mentale est un syndrome clinique caractérisé par une altération
de la conscience qui se traduit par une désorientation temporo-spatiale et des
difficultés de perception et d’idéation.
La confusion se distingue donc de la somnolence et bien entendu du coma qui
correspondent à des troubles de la vigilance.
Aspects cliniques
La sémiologie de l’état confusionnel est riche. Les signes principaux, faciles à
reconnaître, sont :
-la désorientation temporospatiale, toujours présente, très évocatrice
- des troubles de la mémoire
-une altération de la reconnaissance de l’environnement
-une altération de la pensée avec baisse de l’efficience intellectuelle,
propos incohérents, fuite idéique, défaut de pensée logique
-une perte du contrôle de soi
-les perturbations émotionnelles et affectives sont fréquentes
-une anosognosie
La présence d’éléments oniriques (« rêve éveillé » pathologique) définit l’état
confuso-onirique, orientant verse des causes toxiques, médicamenteuses ou le
delirium tremens. Le tableau peut s’enrichir d’hallucinations souvent angoissantes,
de délires, d’un état d’agitation parfois violente, ou au contraire d’un état stuporeux.
Compte tenu des causes très variées à l’origine d’un état confusionnel,
l’analyse sémiologique doit aussi s’attacher à rechercher les autres signes de
souffrance du système nerveux central, principalement syndrome pyramidal,
syndrome extrapyramidal, syndrome méningé, paralysie des paires crâniennes,
convulsions, hyporéflexie, anomalies de la motricité pupillaire, signes
neurovégétatifs, déficits moteurs focalisés…Les déficits sensitifs ou sensoriels sont
d’interprétation très difficile chez ces patients dont la collaboration à l’examen
clinique est le plus souvent inexistante.
L’étape clinique doit nécessairement comprendre un examen clinique général.
On citera comme fondamentales : le relevé des constantes vitales (température
corporelle, rythme respiratoire, tension artérielle, pouls), la recherche d’un foyer
infectieux pulmonaire ou abdomino-pelviens, d’un globe urinaire ou d’un fécalome
chez le sujet âgé, l’état d’hydratation (sécheresse des muqueuses ? pli cutané ?
tonicité des globes oculaires…).
L’interrogatoire de l’entourage doit s’obstiner à relever toutes les prises
médicamenteuses ou toxiques
Diagnostics différentiels :
Il faut savoir distinguer distinguer un syndrome confusionnel de :
-une bouffée délirante aiguë, dans laquelle les éléments délirants sont au
premier plan
-un ictus amnésique, où le trouble porte exclusivement sur la mémoire récente
-une aphasie de Wernicke
-une surdité, une cécité récente
Signes de gravité
Devant un état confusionel, certains signes cliniques doivent alerter car
indiquant un risque d’évolution rapidement défavorable, pouvant mettre en jeu le
pronostic vital. On peut citer :
- un syndrome méningé
- des signes de sepsis grave (hypotension, marbrures, polypnée)
- l’apparition de troubles de la vigilance (voir question « Coma »)
- la présence de signes neurologiques en foyer
- un état d’agitation marquée (risque de chute chez la personne âgée) ou
d’agressivité
Orientations étiologiques
Le diagnostic étiologique d’un état confusionnel est le plus souvent simple.
Les diagnostics diffèrent sensiblement selon l’âge du patient. On peut distinguer
schématiquement deux situations bien différentes : celle du sujet jeune et celle du
sujet âgé. Dans tous les cas, l’existence de signes neurologiques de focalisation,
c’est à dire témoignant d’une souffrance d’une zone particulière du système nerveux
central, et l’existence d’une fièvre sont essentiels à considérer.
1. Chez le sujet jeune :
*En l’absence de fièvre,
a. les causes les plus fréquentes sont d’origine toxique :
-prise volontaire ou non de psychotropes, légaux ou non
-prise d’alcool
Les signes d’accompagnement peuvent orienter vers la nature du
toxique, mais la fréquence d’association de différents produits rend l’analyse
sémiologique complexe.
-médicaments, de façon plus rare que chez le sujet âgé
-intoxication au CO
b. les causes métaboliques à rechercher sont :
la décompensation diabétique (acido-cétosique ou
hyperosomolaire)
l’hypo ou l’hyperthyroïdie
l’hypercapnie de l’insuffisance respiratoire chronique
décompensée
l’hypo ou l’hypernatrémie
l’hypercalcémie sévère
le contexte pathologique connu permet généralement les
diagnostics d’encéphalopathie hépatique, d’insuffisance rénale sévère.
c. une origine vasculaire est possible en particulier
l’hémorragie méningée, les AVC ischémiques bithalamiques ou touchant
l’hémisphère non dominant.
d. Une crise comitiale peut être à l’origine d’une phase de
confusion post-critique pouvant durer plusieurs heures. Par ailleurs un état de
mal comitial peut se manifester uniquement par un état confusionnel.
e. L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, consécutive à une
carence en thiamine (vit B1) survient en cas de dénutrition sévère en
particulier chez l’alcoolique chronique. Elle associe une confusion mentale, un
trouble de la fixation mnésique, une ataxie et une paralysie oculomotrice. Il
s’agit d’une urgence thérapeutique par supplémentation, en vitamine B1 pour
espérer une amélioration des symptômes.
Le délirium tremens mérite une mention à part. Il s’agit d’un
accident de déshydratation à la faveur d’un sevrage éthylique le plus souvent
involontaire. Les premiers signes en sont les trémulations : tremblement
marqué des extrémités que le patient ne peut réprimer. Le patient est plus ou
moins agité, agressif et anxieux. L’agitation est désordonnée. Puis
apparaissent des hallucinations qui sont parfois effrayantes et auxquelles le
patient adhère (état confuso-onirique). A un stade plus avancé, l’excitation
motrice, désordonnée et agressive, est majeure. A ce stade, contrôler le
patient nécessite l’intervention de plusieurs personnes et des neuroleptiques
sédatifs puissants. L’évolution peut conduire le patient en réanimation. Il s’agit
donc d’une complication potentiellement grave, qui doit être prévenue chez
tout patient alcoolique par une hydratation suffisante, une vitamino-thérapie
B1 et B6 et des sédatifs. Une « prescription type » en cas de délirium tremens
est :
-sérum glucosé 5% ; 1 litre toutes les 8 heures
-vitamine B1 : 1 ampoule par litre
-vitamine B6 : 1 ampoule par litre
-méprobamate (Equanil) : 400 mg IM toutes les 4 heures (ou 400 mg X
3 per os par jour en cas de forme débutante)
-en cas d’agitation ou de délire : halopéridol (Haldol gouttes à 1 mg, soit
20 mg/ml) : 10 gouttes toutes les 8 heures
*En cas de fièvre, il faut suspecter
-une encéphalite ou une méningite.
Il s’agit là d’urgences diagnostiques et thérapeutiques, et
toute confusion fébrile doit être considérée comme une méningo-
encéphalite jusqu’à preuve du contraire. Le syndrome méningé n’est
pas toujours flagrant. La ponction lombaire doit être effectuée au
moindre doute. Lorsque le syndrome méningé est évident et le début
rapide, le scanner cérébral ne doit pas retarder la réalisation de la
ponction lombaire. Le traitement anti-infectieux doit être débuté dès la
ponction lombaire faite
Nous renvoyons au cours consacré aux méningites et méningo-
encéphalites pour la recherche étiologique de ces affections.
2. Chez le sujet âgé :
Toutes les causes énumérées ci-dessus sont possibles, mais les problèmes
métaboliques et d’effets secondaires médicamenteux sont les plus fréquents. Par
ailleurs, il ne faut jamais oublier les formes confusionnels des troubles sphinctériens :
rétention d’urine (« folie urineuse ») et fécalome. Les touchers pelviens sont donc
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