Revue Médicale Suisse
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27 février 2008 557
Les réseaux de médecins:
ce que j’en pense (10)
Les réseaux de soins: faites
votre religion
«Onne veut plus voir le mé-
decin installé seul dans
son cabinet et arpentant
le village avec sa mallette, ce temps est
passé et aujourd’hui, l’avenir est aux
HMO», déclarait Manfred Manser il y a
quelque deux ans lors d’un forum sur
l’économie de la santé. Une majorité
de l’aréopage politique scande le même
credo depuis pas mal de temps déjà.
Comme si la question ne souffrait
aucun débat, on juge que les cabinets
médicaux doivent succomber aux mê-
mes règles économiques que les gui-
chets de gare et de poste, les boulan-
geries et les épiceries de village, les
hôpitaux régionaux, aujourd’hui dispa-
rus et on attend donc qu’ils subissent
le même sort sous le prétexte qu’ils
n’offriraient pas la rentabilité qu’exige
leur financement par l’assurance mala-
die obligatoire. Mais quel rapport avec
le managed care qui n’implique aucune
concentration des praticiens, si ce n’est
qu’elle implique probablement celle d’une
part de leurs prérogatives actuelles?
Al’instar du Monsieur Jourdain de
Molière s’émerveillant d’avoir fait de la
prose sans même le savoir, la plupart
des praticiens pensent fièrement tra-
vailler «en réseau» depuis des années,
àl’avantage du patient et sans publici-
té tapageuse pour autant.
Aujourd’hui, en revanche, surgissent
les interrogations quant à l’ampleur et
aux mécanismes des économies atten-
dues d’un réseau de soins constitué. A
côté de la part de ce qu’il est convenu
d’appeler le biais de sélection, on ap-
prend que deux moteurs essentiels du
frein aux dépenses seraient la respon-
sabilité budgétaire et la participation obli-
gatoire à une formation continue pro-
pre au réseau. On peut toujours méditer
sur les rouages en mouvement et seuls
nos confrères spécialisés dans l’étude
du managed care sont à même de com-
prendre cette mécanique complexe.
La responsabilité budgétaire (ou ca-
pitation, soit l’effort solidairement con-
senti de maintenir les dépenses dans
les limites d’une enveloppe budgétaire
et l’acceptation solidaire aussi des avan-
tages ou désagréments découlant des
résultats obtenus) quasi unanimement
rejetée jusqu’à ces dernières années
semble aujourd’hui, si ce n’est naturelle,
du moins inéluctable. Doit-on voir là une
manifestation de la capacité d’adapta-
tion du corps médical?
Un gate keeping sous-tend généra-
lement le managed care.Bon nombre
de médecins spécialistes voient d’un très
mauvais œil ces bons d’accès délivrés
(ou non, tel est le fantasme pernicieux!)
par un omnipraticien qui, par définition,
n’est pas expert dans la discipline con-
cernée. Et pourtant, pourquoi ne se
réjouiraient-ils pas de concentrer leur
savoir sur les patients qui ont vraiment
besoin d’eux, ceux que leurs collègues
veulent leur envoyer et pour lesquels ils
n’ont actuellement souvent pas la dis-
ponibilité nécessaire, débordés qu’ils
sont par des fourvoyés, des curieux ou
des narcissiques?
Pourtant, d’un coup, les médecins de
premier recours peuvent comprendre l’at-
titude de ces spécialistes, partageant
subitement leurs sentiments, quand des
pharmaciens déclarent que le gate kee-
ping d’un réseau de santé doit s’opérer
dans les officines…
Si le managed care n’a aucun moyen
de dévaloriser quelque spécialiste que
ce soit (bien heureusement), il promet,
en revanche, une revalorisation du mé-
decin de premier recours (bien heureu-
sement également) et pourrait aussi lui
offrir une pratique plus porteuse d’épa-
nouissement. Mais là de nouveau, on
touche un domaine guère familier qu’aux
connaisseurs expérimentés des réseaux
de soins.
Voyez donc comme il est important
de les entendre, de les interroger, de
partager avec eux nos réflexions, nos
expériences. Car, enfin, pour la socié-
té, les réseaux de soins se montreront-
ils outils performants ou usines à gaz,
pour l’assuré, arnaque ou aubaine, pour
le patient perte ou profit et pour le mé-
decin facteur d’insécurité ou d’épanouis-
sement? Faites votre religion!
Dr Philippe Freiburghaus
Spécialiste en médecine générale
Président Société médicale de la Suisse romande
Avenue Soguel 22, 2035 Corcelles
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19 mars 2008
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