Coordination et continuité des soins : encore et toujours…

Éditorial
WWWREVMEDCH
 octobre  1739
Coordination et continuité
des soins encore et toujours
Pr MARTINE LOUIS SIMONET
Les soins de transition (Transitional Care) sont
définis comme un ensemble d’actions visant
à assurer la coordination et la continuité des
soins lorsqu’un patient est transféré entre
différents lieux, par exemple de l’hôpital à
son domicile, ou différents niveaux de soins
dans le même lieu.1 Pendant cette période, la
prise en charge du patient va nécessiter non
seulement une communication efficace mais
aussi une collaboration active entre les diffé-
rents prestataires de soins. Pourquoi en re-
parler alors que ce sujet a fait l’objet de plu-
sieurs articles et éditoriaux dans
cette même revue?
Premièrement (outre l’intérêt et
l’engagement personnels de l’au-
teure de ces lignes pour ce sujet)
tout le monde s’accorde à dire
qu’il s’agit d’un véritable enjeu
crucial pour nos patients dont la
polymorbidité est devenue la règle et non
l’exception.2 Récemment, le plan stratégique
2015-2020 des Hôpitaux universitaires de
Genève (HUG) intitulé Vision 20/20 a défini
neuf projets stratégiques dont l’un s’appelle
Itinéraires des patients dans le réseau de santé.
Faisant suite à une précédente démarche ins-
titutionnelle dont l’objectif était de mieux
anticiper et organiser la sortie du patient, ce
projet réaffirme avec force l’importance de la
continuité des soins. En effet, définies «comme
la cohérence et l’utilité de l’ensemble des
services et traitements que reçoit le patient
au cours de son parcours de soins, avant, pen-
dant et après son passage à l’hôpital »,3 la conti-
nuité et la coordination des soins sont des
priorités absolues dans notre système de
santé. Cela nécessite un engagement de tous
les professionnels et les institutions de santé,
si nous voulons améliorer la qualité, la sécu-
rité et l’efficacité des soins.
Deuxièmement, le passage du patient d’une
structure de soins à une autre entraîne de facto
une discontinuité dans sa prise en charge.
Cette période de transition, et plus particu-
lièrement le retour à domicile après un séjour
hospitalier, est bien reconnue aujourd’hui
comme un moment particulièrement vulné-
rable. Cinq semaines après sa sortie d’un ser-
vice de médecine interne générale, un patient
sur cinq va rencontrer des effets indésirables
dont 70% sont liés au traitement médica-
menteux. Non seulement ces effets indési-
rables, dont la majorité aurait pu être évitée,
menacent la santé des patients, mais ils aug-
mentent aussi les coûts puisqu’ils vont les
amener une fois sur cinq à con-
sulter leur médecin, une fois sur
dix à venir aux urgences, et seront
la cause d’une réhospitalisation
dans 20-30% des cas.4 Con sé quen-
ces d’une mauvaise con nais sance
et compréhension par le patient
du plan thérapeutique à suivre,
ils témoignent de l’importance
d’une communication efficace (verbale et
écrite) avec le patient à sa sortie, mais aussi
de communiquer rapidement et efficacement
ce même plan thérapeutique au médecin trai-
tant et à tout le réseau de soins. A cet égard,
lors de sa sortie, la remise au patient d’une
part d’une carte détaillant le plan de traite-
ment et d’autre part de l’avis de sortie repre-
nant les éléments clés du séjour hospitalier,
le traitement prescrit et les recommandations
de suivi, ainsi que la communication dans les
24 heures de ces mêmes documents au mé decin
traitant, sont des stratégies d’amélio ration de
la communication qu’il s’agit d’encourager et
de maintenir.
Troisièmement, la préparation de la sortie
est un processus qui débute dès le jour de
l’admission. Les défaillances en sont bien
identifiées à chaque étape: le manque d’anti-
cipation et de planification de la sortie, et
l’absence de préparation et coordination du
plan de soins en sont les principales, sources
de journées inappropriées d’hospitalisation
et de risques pour la sécurité et la qualité de
Articles publiés
sous la direction de
MARTINE
LOUIS SIMONET
Médecin-chef
Service de médecine
interne générale
HUG, Genève
LA PRÉPARATION
DE LA SORTIE EST
UN PROCESSUS
QUI DÉBUTE DÈS
LE JOUR DE
LADMISSION
Bibliographie
1
Coleman E, Boult C.
Improving the quality of
tranistional care for
persons with complex
care needs. J Am Geriatr
Soc 2003;51:556-7.
2
Perrier A, Cornuz J,
Gaspoz JM, Waeber G.
Quelle organisation de
soins pour le patient
polymorbide ? Rev Med
Suisse 2013;9:174-81.
3
Vision 20 / 20 ; Plan
stratégique 2015-2020.
Hôpitaux Universitaires
Genève.
4
Forster A, et al. The
incidence and severity
of adverse events
affecting patients after
discharge from the
hospital. Ann Intern
Med 2003;138:161-7.
REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH
19 octobre 2016
1740
la prise en charge du patient. J’ai à cœur de
mentionner le travail récent réalisé par un
groupe multidisciplinaire dans le cadre du
projet institutionnel HUG Meilleure prépara-
tion et anticipation de la sortie des patients, qui
s’est attaché à standardiser le processus de
sortie en identifiant à chaque étape les rôles
et responsabilités de chaque acteur concerné
et les documents nécessaires au bon dérou-
lement du processus. Le protocole multi-
disciplinaire qu’il a permis de développer est
aujourd’hui intégré dans le dossier informatisé
du patient et démarre dès l’admission. Ceci est
un véritable changement de culture. En effet,
pour les équipes hospitalières focalisées sur
la prise en charge immédiate du patient, il
s’agit de réaliser que la planification et l’orga-
nisation efficaces de la sortie doivent être inté-
grées à la prise en charge quotidienne du patient
hospitalisé au même titre que les soins aigus
et ceci, on ne le répétera jamais assez, dès
l’admission du patient.
Finalement, la mise en œuvre d’une plateforme
comme MonDossierMedical.ch et son intégra-
tion dans notre pratique quotidienne seront
d’un apport incontestable dans la transmission
d’informations entre professionnels de la santé.
Cela permettra de pallier de nombreux pro-
blèmes liés aux déficits ou aux retards d’in-
formations dans ces périodes de transition.
L’accès facilité et immédiat au dossier médical
pour tous les professionnels de la santé ré-
soudra rapidement des problèmes tels que la
réconciliation médicamenteuse
ou la transmission d’informa-
tions pertinentes et nécessaires
au suivi du patient. Cette mesure
sera-t-elle suffisante pour à elle
seule améliorer la continuité et
la coordination des soins? La
réponse est clairement non. Le
grand risque, et non des moin-
dres, est celui de ne plus intégrer
activement le patient et ses
proches dans sa prise en charge, cette der-
nière étant décidée entre soignants devant
un écran d’ordinateur (ou plusieurs!).
Le renforcement et le développement des
compétences et des outils, qui permettront
une meilleure coordination et continuité de
la prise en charge du patient, sont donc bien
une priorité, tout en n’oubliant pas de mettre
le patient au centre de cette démarche.
LE GRAND RISQUE
EST CELUI DE NE
PLUS INTÉGRER
ACTIVEMENT LE
PATIENT ET SES
PROCHES DANS
SA PRISE EN
CHARGE
1 / 2 100%