Revue Médicale Suisse
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30 janvier 2008 317
Les réseaux de médecins:
ce que j’en pense (5)
Managed care: plus de ques-
tions que de réponses?
Quand les amis de la Revue
médicale suisse m’ont deman-
dé de donner mon opinion sur
le managed care,j’ai d’abord
pensé refuser, vu mon incompétence
dans le domaine, d’autant plus que
Bertrand Kiefer a récemment publié
une excellente mise au point dans la
revue. Je me suis ensuite dit que cette
incompétence devait être partagée par
bon nombre de collègues, plus occu-
pés à soigner ou à vivre qu’à manager.
Le profane a donc accepté de s’expri-
mer, plutôt pour questionner que pérorer.
Avec Google, plus le droit d’ignorer;
recherche de la définition de managed
care et clic: en français et selon les
sources: «Réseau de soins coordon-
nés ou intégrés» (ah bon, est-ce actuel-
lement l’anarchie?). Mais encore? Se-
lon le dictionnaire
suisse de politique
sociale, «il s’agit
d’un système de
gestion des pres-
tations de soins
(combien de nou-
veaux postes de
gestionnaires et à quel prix?), «coor-
donné, qui a pour but de conjuguer une
amélioration de la qualité des soins»
(sont-ils actuellement si médiocres?)
«avec des coûts moins élevés» (le beur-
re et l’argent du beurre ?). «Il se carac-
térise par un contact étroit entre les
fournisseurs de soins reconnus par le
réseau» (selon quels critères et par qui?)
«et l’assureur. Les premiers acceptent
des rémunérations moins élevées» (et
les seconds?), «mais bénéficient de la
clientèle du réseau» (ne serait-ce pas
au bénéfice exclusif des médecins nou-
vellement installés?). «Les assurés doi-
vent en principe consulter le médecin
généraliste avant les médecins spécia-
listes» (complètement convaincu qu’il
s’agit d’habitude de la meilleure prise
en charge, mais quelle est la garantie
contreun éventuel abus de pouvoir de
tel ou tel médecin et la liberté de con-
sulter ne représente-t-elle pas en soi
une forme de contrôle de qualité infor-
mel?). «L’origine vient des Etats-Unis»
(les soins pour une large part de la
population n’y sont-ils pas de plus en
plus catastrophiques?) «Ce système est
reconnu et appliqué en Suisse, encou-
ragé depuis 1994 par la LAMal» (avec
quels résultats?).
Parmi les différentes versions aux-
quelles le managed care peut donner
naissance, la plus citée est la formule
HMO (Health Maintenance Organization).
Selon toujours le même dictionnaire,
HMO «désigne une forme particulière
d’assurance rendue possible par la
LAMal dans le but de réduire les coûts
de la santé» (et les soins?). «Fondée
sur le choix limité des fournisseurs de
prestations» (selon quels critères et par
qui?), «cette caisse de santé (ou plan
de santé)ne vise pas, en premier lieu, à
combattre la maladie, mais à préserver
la santé» (tiens, les médecins ne lutte-
raient plus qu’accessoirement contre la
maladie et, ce serait nouveau, les cais-
ses prendraient en charge la préven-
tion?). «Tous les partenaires ont un inté-
rêt commun» (financier?) : «que l’état
de santé des assurés soit le meilleur
possible et que les coûts de la guéri-
son soient réduits» (sélection des ris-
ques ? Pénalisa-
tion des patients à
mauvaise hygiène
de vie?).
Où trouver les
réponses à ces
questions? La FMH
n’en fournit pas le
début d’une ébauche. Par contre, la
Société vaudoise de médecine semble
animée des mêmes interrogations puis-
que, sans y répondre, elle a édité une
série de garde-fous très sensés;mais
on a l’impression que, s’il en était tenu
compte, le managed care ressemble-
rait au système en cours (et pourquoi
pas?).
Finalement, c’est l’Observatoire suis-
se de la santé qui donne la réponse, à
savoir… qu’il n’y en a pas!En effet, il
indique clairement que «la preuve scien-
tifique de l’efficacité du managed care
n’a été apportée jusqu’à présent que
de cas en cas». Par exemple, on ne sait
pas encoresi les économies recher-
chées sont faites en se passant judi-
cieusement d’actes superflus ou en re-
nonçant à des démarches pourtant
nécessaires!De plus, nulle évaluation
possible des impacts relationnels soi-
gnés-soignants. Que deviendraient les
multiples réseaux informels qu’ont tissé
entre eux les intervenants? Car nous
travaillons tous en réseau depuis long-
temps dans un système basé sur la
liberté et la confiance… avec toutes
ses imperfections. Peut-on raisonna-
blement croire que ces imperfections
seraient gommées par un système de
contrainte rigide? Ne serait-ce pas sim-
plement une prise de pouvoir définitive
des gestionnaires qui pourraient ainsi
imposer que tel patient ne pourra être
suivi que par tel ou tel médecin omni-
praticien qui lui-même ne pourra plus
travailler avec les spécialistes de son
choix?
Et quid de l’impact sur les réels fac-
teurs d’augmentation des coûts de la
santé, à savoir le vieillissement de la
population, les progrès médicaux et la
plus grande morbidité des populations
immigrées?
Il me semble donc, qu’avant de faire
les frais d’une nouvelle aventure, il est
impératif d’attendre les résultats des étu-
des apparemment en cours, à condition
que les critères d’évaluation soient ba-
sés plutôt sur l’efficience du système
managed care et la satisfaction des pa-
tients que sur la baisse des coûts, uni-
quement. Changer pour changer n’est
pas un bon programme. Si le principe
de précaution représente souvent un
frein au progrès, il serait pourtant de
mise dans le cas particulier. Courir le
risque de sacrifier la qualité des soins
sur l’autel d’un activisme politique aven-
tureux ne paraît pas raisonnable. Gar-
dons un peu de folie pour des causes
plus «fun».
Dr Alain Frei
Gastro-entérologie FMH
30, av. Louis Ruchonnet
1003 Lausanne
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13 février 2008
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«… avant de faire les frais
d’une nouvelle aventure, il
est impératif d’attendreles
résultats des études en
cours …»
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