93 % de patients sous bêta-bloquants, 77 % sous IEC, 20 %
sous antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine
II, 31 % sous antagonistes de l’aldostérone. Ces données
sont conformes aux recommandations de la Société Euro-
péenne de Cardiologie pour la prise en charge des patients
insuffisants cardiaques chroniques.
Q3) Dans quel but les auteurs ont-ils choisi un cri-
tère de jugement principal composite ? Celui-ci vous
semble-t-il adapté ? Quel est l’effet de la resynchroni-
sation cardiaque sur la mortalité des patients dans cet
essai ?
Le critère principal de jugement de cette étude consiste
en un critère composite combinant la mortalité toutes
causes confondues et la survenue d’épisodes de décom-
pensation cardiaque n’ayant pas conduit au décès des
patients. Seul le premier événement survenu chez chaque
patient inclus a été retenu pour l’analyse. L’utilisation d’un
tel critère composite permet d’augmenter sensiblement la
fréquence des événements analysés dans le cadre de ce
type d’étude. Il en résulte une augmentation de la puis-
sance de l’essai, permettant de réduire le nombre de sujets
devant être inclus pour démontrer une différence signifi-
cative sur le critère principal d’évaluation. La composition
du critère composite choisi pour cette étude est classique
et reflète la morbi-mortalité des patients insuffisants car-
diaques.
Les résultats de l’étude MADIT-CRT ont montré
une réduction de la fréquence de survenue du cri-
tère d’évaluation principal dans le groupe CRT-ICD
(17,2 %) par rapport au groupe ICD (25,3 %) (HR = 0,66
[0,52–0,84]). Cette réduction était essentiellement liée à
une baisse de la fréquence des épisodes de décompen-
sation cardiaque (HR = 0,59 [0,47–0,74]). En revanche,
la fréquence des décès toutes causes confondues n’a pas
été significativement améliorée dans le groupe CRT-ICD
(HR = 1,00 [0,69–1,44]). La fréquence des décès d’origine
cardiovasculaire n’est pas indiquée dans cet article. Ces
données sur la mortalité de ces patients doivent cependant
être analysées avec précaution puisqu’il s’agit d’un critère
de jugement secondaire et que la puissance de l’étude
(nombre des inclusions et durée de suivi) n’a pas été cal-
culée pour permettre de conclure définitivement sur ce
paramètre.
Q4) Cette étude a-t-elle été réalisée en double
aveugle ? Justifiez et commentez.
Cette étude n’a pas été réalisée en double aveugle. Le
recueil des événements cliniques a été effectué par des
investigateurs qui avaient connaissance du bras de ran-
domisation des patients. Il est objectivement difficile de
réaliser des études de ce type en double aveugle, car la réa-
lisation d’un simple ECG, indispensable au suivi clinique
des patients, permet de connaître le bras de randomisation.
Afin de réduire le risque de biais, l’adjudication des
événements a été effectuée par un comité d’experts indé-
pendants, en aveugle du bras de randomisation, sur la base
de critères préspécifiés. Les auteurs de cette étude ont
néanmoins souligné à juste titre que cette adjudication
reposait sur des données et des prescriptions (hospi-
talisations, diurétiques) effectuées par les investigateurs
locaux.
Q5) Pourquoi cette étude a-t-elle été arrêtée avant le
terme initialement prévu ?
Le protocole de l’étude MADIT-CRT prévoyait une
série de 20 évaluations intermédiaires réalisées approxi-
mativement tous les 35 événements. L’étude a finalement
été interrompue prématurément (après la 9eanalyse) en
raison de l’atteinte du seuil préspécifié d’efficacité. Les
interruptions prématurées des essais cliniques pour raison
d’efficacité sont justifiées par des considérations éthiques
imposant d’éviter d’exposer plus avant les patients du
groupe contrôle à un traitement qui aurait démontré son
infériorité.
Néanmoins, cette décision doit rester compatible avec
la nécessité de permettre d’aboutir à des conclusions
reposant sur des bases statistiques irréfutables. Des recom-
mandations ont été émises à ce sujet [2]. Il apparaît
nécessaire que la décision d’interruption prématurée d’un
essai clinique pour raison d’efficacité soit émise par un
comité de gestion des données indépendant des investi-
gateurs et que celle-ci soit basée sur des seuils statistiques
d’arrêt d’étude prédéfinis et particulièrement stricts. Un
arrêt prématuré ne s’envisage également que pour des
essais portant sur de grands effectifs. Ces règles des bonnes
pratiques cliniques ont été suivies dans le cadre de cette
étude, qui justifie d’un point de vue scientifique l’arrêt pré-
maturé de cet essai et de fait ne limite pas la portée de ses
résultats.
Q6) Les données des analyses en sous-groupes pré-
sentées sur la figure 3 peuvent-elles être directement
transposées dans le cadre de la pratique clinique courante
et permettre de sélectionner les patients devant bénéficier
d’une resynchronisation ?
La figure 3 décrit l’effet de la resynchronisation dans
différents sous-groupes basés sur différents critères cli-
niques prédéfinis. Les auteurs rapportent une interaction
entre : 1) le sexe des patients ou la largeur des QRS (<ou
≥150 msec) et 2) l’efficacité de la resynchronisation. Si
l’importance de l’élargissement des QRS peut s’expliquer
par un asynchronisme plus important chez ces patients,
les mécanismes potentiels expliquant l’effet du sexe des
patients sont moins clairement établis.
Il convient de rappeler que ces analyses secondaires en
sous-groupes ne permettent pas d’atteindre un niveau de
certitude identique à celui de l’analyse du critère princi-
pal. En effet, la multiplication des comparaisons ne permet
pas le contrôle du risque d’erreur de première espèce. Par
ailleurs, les sous-groupes ne sont pas forcément équiva-
lents (absence de randomisation entre les sous-groupes).
mt, vol. 17, n◦4, octobre-décembre 2011 363
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