Imprimé Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie Édition 2008 Pathologie de la plèvre Paris, 14 et 15 mars 2008 Coordination B. Maitre et F. Chabot Numéro réalisé grâce au soutien des laboratoires 636184 mars 2008 www.splf.org 0_Som_Edito 27/02/08 16:20 Page 1 Sommaire 3 Éditorial B. Maitre, F. Chabot 5 Cas clinique n° 5 30 Pleurésies purulentes de l’adulte : commentaires Cas cliniques D. Benhamou Cas clinique n° 1 5 Pleurésie lymphocytaire : observation Cas clinique n° 6 36 I. Monnet Pleurésie lymphocytaire : commentaires Tumeurs de la plèvre : commentaires Cas clinique n° 2 I. Monnet 41 Synthèses Synthèse n° 1 41 Nouvelles techniques diagnostiques d’exploration de la plèvre en imagerie médicale Pleurésies et maladies systémiques : observation F. Lebargy Pleurésies et maladies systémiques : commentaires F. Lebargy J.-P. Sénac, C. Bousquet, H. Vernet-Kovacsik, G. Durand, P. Godard Cas clinique n° 3 20 Atteinte pleurale médicamenteuse : observation 47 P. Bonniaud Synthèse n° 2 Atteinte pleurale médicamenteuse : commentaires Drainage pleural des épanchements liquidiens : en pratique P. Bonniaud G. Mangiapan Cas clinique n° 4 25 Tumeurs de la plèvre : observation B. Melloni B. Melloni 11 Pleurésies purulentes de l’adulte : observation D. Benhamou 52 Synthèse n° 3 Plaques pleurales et pachypleurite : observation La vidéothoracoscopie dans la pathologie pleurale B. Clin, M.-F. Marquignon M. Alifano Plaques pleurales et pachypleurite : commentaires B. Clin, M.-F. Marquignon mars Vol 25 2008 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 1 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Imprimé 1 0_Som_Edito 27/02/08 16:20 Page 3 Éditorial Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie F. Chabot1, B. Maitre2 L Service des Maladies Respiratoires et Réanimation Respiratoire, Hôpitaux de Brabois, CHU Nancy, Rue du Morvan, 54511 Vandœuvrelès-Nancy, France. 2 Service de Pneumologie, Hôpital Henri-Mondor, Unité de pneumologie, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil. 1 es SAPP ont pour objectif de parfaire les connaissances des internes de la spécialité et des jeunes chefs de clinique ayant déjà une expérience pratique en pneumologie. Ils complètent la formation dispensée lors des séminaires du DES de pneumologie destinés à acquérir les bases de la spécialité et les réunions régionales ou nationales de formation continue. Le thème de la plèvre a été choisi pour la session 2008 par le conseil scientifique de la Société de Pneumologie de Langue Française. L’expérience quotidienne démontre l’intérêt de l’expertise du pneumologue dans ce domaine. C’est un chapitre large des pathologies respiratoires pour lequel le médecin en charge doit être capable de prendre des décisions tant sur le plan thérapeutique que sur le choix d’examens complémentaires dans des domaines variés tels que l’infectiologie, la cancérologie, la pathologie iatrogène ou les maladies systémiques. C’est un domaine également où les gestes techniques sont peu codifiés et très peu soumis aux lois de l’évaluation scientifique. Il nous a paru donc important, avec le conseil scientifique, de faire le point sur les nouveautés acquises dans ce domaine. Forts du succès de la formule d’enseignement des précédents séminaires sur les pathologies interstitielles et les urgences, les organisateurs et le conseil scientifique ont décidé de reconduire les présentations sous forme de commentaires de cas cliniques. Les observations ont été choisies et rédigées par les orateurs « experts ». Elles sont soumises à un groupe de participants qui répondent aux questions avant d’avoir le commentaire de l’expert. Les cas cliniques sont volontairement un assortiment d’observations simples et de dossiers plus complexes qui permettent de placer les participants en situation pragmatique et de développer le raisonnement médical. L’expert enrichit ensuite la discussion en l’élargissant grâce à son expérience personnelle et les données de la littérature. Une seconde session abordera dans des exposés plus classiques les actualités en imagerie, drainage et pleuroscopie. Le point sera fait notamment sur les nouvelles techniques en imagerie avec l’apport récent du TEP-TDM. Une synthèse très pratique reprendra ensuite les techniques de drainage pleural, qui sont souvent d’apprentissage difficile pour les jeunes médecins. Enfin, un exposé portera sur l’apport de la thoracoscopie dans la prise en charge des pathologies pleurales. Les pneumothorax ne seront pas abordés dans ce séminaire, car ils avaient fait l’objet de deux exposés lors du précédent séminaire sur les urgences. Nous remercions tous les experts qui ont accepté de se soumettre à l’exercice de présentation et commentaires des cas cliniques, et ainsi permis la réalisation de ce cahier spécial de la revue des maladies respiratoires. Nous voudrions remercier vivement les laboratoires AstraZeneca et insister sur la qualité du partenariat établi avec la SPLF depuis la création des SAPP. Ils assurent l’organisation logistique de ces journées et participent à la publication de ce numéro Actualités. Correspondance : [email protected] Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 3 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 5 Cas clinique n° 1 Pleurésie lymphocytaire B. Melloni Observation Motif de consultation Un homme de 42 ans est adressé pour la découverte d’une pleurésie dans un contexte d’altération modérée de l’état général. Antécédents Ce patient d’origine camerounaise est en France depuis un an avec son épouse et ses 5 enfants. Il est réfugié politique et exerce la profession de cadre financier. Il est non-fumeur et n’a aucun antécédent médico-chirurgical notable. Ce sujet sportif avait noté l’apparition d’une dyspnée à l’effort progressivement croissante depuis 2 mois. Histoire de la maladie L’histoire de la maladie débute par l’apparition d’une toux sèche associée à une douleur augmentée par l’inspiration depuis 2 mois, contemporaine de l’apparition de la dyspnée à l’effort. Celle-ci est devenue invalidante depuis 15 jours avec apparition d’une fièvre et d’une anorexie. On retrouve une perte de poids récente de 5 kg. Examen clinique L’examen clinique retrouve un patient asthénique, fébrile à 38,5°C. L’examen du thorax montre une matité du thorax à gauche avec abolition des vibrations vocales. On note une absence totale de ventilation des 2/3 tiers inférieurs du thorax gauche. La palpation des aires ganglionnaires est normale, ainsi que la palpation abdominale. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Examens complémentaires Service de Pneumologie, Hôpital du Cluzeau, CHU Limoges, 23 avenue Dominique-Larrey, 87042 Limoges cedex. Une radiographie thoracique a été réalisée initialement (fig. 1), puis après une ponction pleurale (fig. 2). Cette dernière a soulagé le patient et a permis de retrouver un liquide clair exsudatif, contenant 80 % de lymphocytes. Aucun germe n’a été détecté à l’examen direct. L’intradermo-réaction réalisée par son médecin traitant 48 heures auparavant montre une induration de 12 mm. Un scanner thoracique a été demandé dans le bilan initial (fig. 3). Correspondance : [email protected] Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 5-6 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 5 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 6 B. Melloni Fig. 1. Fig. 3. Fig. 2. Questions Quels sont les examens complémentaires que vous proposez pour ce patient et qu’en attendez-vous ? Quelle est l’étiologie la plus vraisemblable ? Quelles autres étiologies peut-on évoquer ? Détaillez votre prise en charge thérapeutique dans le cadre de l’hypothèse diagnostique la plus vraisemblable. 6 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 5-6 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 7 Cas clinique n° 1 Pleurésie lymphocytaire B. Melloni Commentaires La découverte d’une pleurésie lymphocytaire doit faire systématiquement évoquer le diagnostic d’une tuberculose pleurale. Plusieurs explorations complémentaires sont possibles mais le diagnostic définitif repose sur la découverte de l’agent pathogène : Mycobacterium tuberculosis et/ou un aspect histologique compatible sur une biopsie pleurale. La fréquence de l’atteinte pleurale au cours de la tuberculose est évaluée entre 4-23 % selon les séries [1]. La pleurésie tuberculeuse est la seconde forme clinique de la tuberculose extrapulmonaire après l’atteinte ganglionnaire. Aux États-Unis, la prévalence est d’environ 4 % et atteint préférentiellement les sujets de plus de 65 ans [2]. À l’inverse, la pleurésie tuberculeuse est plus fréquente chez les patients plus jeunes dans les pays en voie de développement. Premier objectif : contexte clinique et explorations en vue d’établir un diagnostic Clinique Les signes cliniques évocateurs sont le plus souvent une douleur pleurale (75-78 %) associée à une toux non productive (70-94 %) évoluant depuis un mois à une semaine. La dyspnée est fonction de l’importance de l’épanchement pleural. La fièvre, les sueurs nocturnes, l’asthénie sont parfois présentes et plus fréquentes chez les patients VIH. L’examen clinique initial retrouve un syndrome pleural franc unilatéral. On recherchera des adénopathies périphériques, une hépatomégalie, et une splénomégalie, situation clinique plus fréquente en cas de patient VIH. Imagerie Service de Pneumologie, Hôpital du Cluzeau, CHU Limoges, 23 avenue Dominique-Larrey, 87042 Limoges cedex. Correspondance : [email protected] La radiographie thoracique montre une pleurésie minime à modérée unilatérale dans 95 % des cas. La prévalence des lésions parenchymateuses associées varie de 20 à 67 % selon les séries publiées [1]. Ces lésions parenchymateuses sont situées du même côté que la pleurésie suggérant un mécanisme de réactivation tuberculeuse. Deux mécanismes physiopathologiques ont été évoqués : une atteinte primaire faisant suite à une primo-infection tuberculeuse ou le plus souvent une réactivation d’une tuberculose pulmonaire [1, 2]. L’accumulation de liquide pleural serait la conséquence d’un phénomène d’hypersensibilité en réponse à la libération d’antigènes mycobactériens d’une lésion caséeuse sous-pleurale. L’intérêt du scanner thoracique est de détecter dans 86 % des cas les lésions parenchymateuses, alors que la radiographie standard en détecte seulement dans 37 % des cas [3]. Il peut, de plus, permettre de détecter des complications, comme un épaississement pleural, un empyème, voire une fistule broncho-pleurale. Chez ce patient, la radiographie thoracique montre un épanchement pleural de moyenne abondance de la cavité pleurale gauche sans anomalie parenchymateuse sous-jacente (fig. 1 et 2). Le scanner thoracique réalisé ne montrait pas d’anomalie parenchymateuse décelable (fig. 3). Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 7-10 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 7 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 8 B. Melloni Diagnostic positif De multiples explorations ont été décrites dans la littérature, mais une culture positive de Mycobacterium tuberculosis et/ou un aspect histologique d’un granulome giganto-cellulaire avec nécrose caséeuse sur une biopsie pleurale affirme le diagnostic positif. Ponction pleurale Une pleurésie tuberculeuse est, en règle générale, une pleurésie à liquide clair, sérofibrineuse et exsudative [4]. Le pH du liquide est compris entre 7,30 et 7,40 avec une concentration en glucose supérieure à 0,6 g/l, mais plus basse dans 15-20 % des cas. La cytologie pleurale retrouve entre 1 000 et 6 000 éléments par mm3 avec 8090 % de lymphocytes. Cependant, une ponction pleurale réalisée en début d’affection peut retrouver des polynucléaires neutrophiles prédominants avant l’apparition des lymphocytes. La bactériologie est peu informative sur le liquide pleural. La découverte de bacilles acide et alcool-résistants est inférieure à 10 % des observations, sauf en cas de VIH (⬎ 20 %). La culture sur milieux spécifiques est contributive dans 10-40 % des cas (50 % si VIH). Intradermo-réaction L’IDR est le plus souvent positive, mais elle reste négative chez un tiers des patients. L’IDR peut se positiver 6 à 8 semaines après la découverte de la pleurésie. Expectoration Le dogme était que la culture de l’expectoration était négative chez les patients sans atteinte pulmonaire associée. Une étude sur l’expectoration induite a montré 55 % de positivité dans cette situation, alors que 45 % des patients avec atteinte pulmonaire avaient une culture positive [5]. On estime que la culture est positive chez 2050 % des patients présentant une tuberculose pleurale. Biopsies pleurales Le diagnostic par biopsies pleurales est la méthode la plus sensible. Les biopsies sont réalisées à l’aveugle à l’aide d’un trocart spécifique. L’étude histologique démontre la présence d’un granulome inflammatoire giganto-cellulaire avec nécrose caséeuse, spécifique de l’infection. La rentabilité de la biopsie dans le diagnostic de tuberculose est de 50-80 %. La multiplication des biopsies (au moins 6) augmente la positivité à 80 %. La combinaison des biopsies avec leur mise en culture permet d’obtenir 90 % de diagnostic positif [1, 4, 6]. Thoracoscopie La thoracoscopie et maintenant la thoracoscopie chirurgicale avec vidéo assistée sont préconisées dans le bilan d’une pleurésie inflammatoire. Cette exploration permet de montrer une plèvre inflammatoire avec des granulomes multiples de la plèvre pariétale et des adhérences pleurales. Elle permet d’orienter les biopsies sur les lésions avec une précision de 100 % et 76 % de positivité des cultures des biopsies [6]. Tests spécifiques Plusieurs tests ont été proposés dans le diagnostic étiologique de la pleurésie tuberculeuse. Aucun test à ce jour n’est utilisé en pratique quotidienne. Adénosine désaminase Le dosage de l’adénosine désaminase (ADA) a été étudié dans le liquide pleural. Cette activité enzymatique joue un rôle dans la différenciation des lymphocytes T activés, présents en cas de tuberculose pleurale. Plusieurs études ont démontré une élévation significative du taux d’ADA en cas de pleurésie tuberculeuse. Un taux ⬎ 70 UI/l est hautement évocateur et un taux ⬍ 40 UI/l élimine le diagnostic. 8 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 7-10 L’activité ADA peut être augmentée dans le liquide pleural en cas d’empyème, de polyarthrite rhumatoïde, de lymphome, de mésothéliome malin, de carcinome bronchiolo-alvéolaire et de pneumopathies atypiques [1]. Deux isoenzymes ont été décrits, une activité ADA1 et une activité ADA2 plus spécifique de la tuberculose pulmonaire. Une méta analyse [7] a montré que ce test était performant et pouvait être utile dans le diagnostic de pleurésie tuberculeuse dans les pays à forte prévalence de tuberculose chez des patients jeunes. Ce dosage peu invasif, peu coûteux, et rapide peut donc être proposé dans ces pays [6, 8]. À l’inverse, dans les pays à faible prévalence de tuberculose, le test n’est pas préconisé en raison de sa plus faible sensibilité, comme en France. Interféron gamma (INF-␥) L’INF-␥ produit par les lymphocytes T est capable d’activer les macrophages augmentant leur pouvoir bactéricide vis-à-vis de Mycobacterium tuberculosis. Plusieurs études ont démontré une élévation de la concentration d’INF-␥ dans la pleurésie tuberculeuse. Une métaanalyse récente a étudié la valeur du dosage de l’INF-␥ pleural dans le diagnostic de pleurésie tuberculeuse [9]. La sensibilité est de 89 % et la spécificité de 97 %. Les auteurs précisent que ce test performant doit être interprété en fonction des données cliniques et des données conventionnelles incluant la bactériologie et les biopsies pleurales. Ce test coûteux ne peut pas être recommandé dans les pays en voie de développement. Le dosage de l’INF-␥ est possible dans le sérum pour le diagnostic de la tuberculose en utilisant deux nouveaux tests : TSPOT.TB (Oxford Immunotec ; Oxford, UK) et QuantiFERON-TB Gold (Cellestis Limited ; Carnegie, Australia). Un travail récent a démontré que le T-SPOT.TB pouvait être utile dans le diagnostic de pleurésie tuberculeuse par dosage dans le liquide pleural [10]. Cette étude sur une petite série de patients montre une bonne sensibilité du test en cas de pleurésie tuberculeuse vraie avec un dosage pleural et sanguin. Mais une fausse positivité du test est retrouvée chez des patients avec des pleurésies d’autres étiologies. Amplification des acides nucléiques L’amplification par réaction en chaîne de polymérase (PCR) des acides nucléiques de Mycobacterium tuberculosis dans le liquide pleural retrouve une sensibilité de 20-90 % et une spécificité de 78-100 % pour le diagnostic [1, 8, 11]. Le coût élevé de cette technique, la possibilité de faux positif et la lourdeur de la procédure ne permettent pas son développement. Autres tests diagnostics Plusieurs tests ont été proposés. La détection dans la pleurésie d’anticorps dirigés contre un antigène de Mycobacterium tuberculosis, l’AG60 se fait avec une sensibilité de 50 % pour une spécificité de 100 %. Une technique Elisa permet de mesurer des anticorps dirigés contre des glycolipides de Mycobacterium tuberculosis avec une sensibilité de 85,5 % pour une spécificité de 100 % [11]. La concentration de lysosyme, un enzyme bactériolytique, est également élevée dans la pleurésie tuberculeuse. Application à notre cas clinique Le patient présentait une pleurésie lymphocytaire, sans bacille de Koch détecté à l’examen direct. Les cultures sont restées négatives pour Mycobacterium tuberculosis. La biochimie du liquide pleural retrouvait un exsudat selon les critères de Light, une cellularité avec 7 000 éléments dont 90 % de lymphocytes et une glycopleurie à 0,70 g/l. Les 4 biopsies pleurales réalisées à l’aide d’un trocart de Castelain ont montré la présence de granulomes inflammatoires épithélioïdes et giganto-cellulaires centrés par d’une nécrose caséeuse. La mise en culture de deux autres biopsies a permis de retrouver un 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 9 Pleurésie lymphocytaire Mycobacterium hominis sensible aux antituberculeux majeurs. Le diagnostic de pleurésie tuberculeuse a été retenu. Aucun autre examen n’a été demandé pour le bilan étiologique. Pleurésie tuberculeuse et VIH Une étude cas contrôle a montré que la prévalence de la pleurésie tuberculeuse est plus importante chez le sujet VIH que non-VIH, 11 % versus 6 % en cas de tuberculose [12]. Les signes cliniques sont plus marqués avec altération de l’état général et perte de poids. Les aspects radiologiques sont proches avec atteinte parenchymateuse prédominant aux lobes inférieurs. Le diagnostic positif repose sur la même démarche et examens. Les cultures du liquide pleural et de l’expectoration sont plus fréquemment positives que chez le non-VIH. Une sérologie demandée chez notre patient est revenue négative. Deuxième objectif : diagnostic différentiel d’une pleurésie lymphocytaire Le diagnostic différentiel est celui d’une pleurésie lymphocytaire. Les principales étiologies sont une pleurésie métastatique, un lymphome malin, une polyarthrite rhumatoïde, voire une connectivite ou des infections virales plus exceptionnellement. Pleurésie métastatique La pleurésie peut être lymphocytaire dans la moitié des cas avec un pourcentage de 50-70 % de lymphocytes. Le contexte clinique, la cytologie pleurale et surtout les biopsies bronchiques réalisées le plus souvent sous thoracoscopie vont permettre d’affirmer le diagnostic histologique. Lymphome Le contexte clinique, des adénopathies périphériques et la cytologie pleurale vont orienter le diagnostic. La thoracoscopie va permettre également d’apporter une preuve histologique, si nécessaire. Polyarthrite rhumatoïde La maladie a été déclarée et l’enquête familiale et professionnelle n’a pas retrouvé de sujets contacts ou bacillifères. Drainage pleural L’évacuation du liquide pleural améliore rapidement la dyspnée mais ne modifie pas l’évolution sous traitement et les séquelles possibles pleurales [13]. Pour ce patient, une seule ponction a été réalisée, permettant de faire les analyses et les biopsies pleurales. Corticostéroïdes Les corticostéroïdes ont été proposés pour leur action antiinflammatoire. Une revue Cochrane récente portant sur 6 séries a rapporté l’absence de preuve de leur utilisation. De plus, chez les patients VIH, un risque de sarcome de Kaposi a été retrouvé [14]. Réponse à la thérapeutique Sous traitement, l’évolution est favorable. Les séquelles pleurales sont observées chez 50 % des patients, le plus souvent sous la forme d’un simple épaississement pleural. L’évolution chez notre patient a été rapidement favorable sur le plan clinique, lui permettant un mois après de reprendre ses activités professionnelles. La radiographie thoracique de fin de traitement (fig. 4) montre de minimes séquelles pleurales de la base gauche. Conclusion chez ce patient Ce patient, venant d’un pays d’endémie tuberculeuse, est porteur d’une pleurésie lymphocytaire orientant vers une étiologie tuberculeuse. Le diagnostic repose sur la réalisation de biopsies pleurales permettant un diagnostic histologique et/ou une culture positive. Les multiples tests biologiques proposés ne sont pas de pratique courante. Le traitement est le même que celui de la tuberculose pulmonaire. La place des corticostéroïdes reste discutée. L’évolution sous traitement antituberculeux a été favorable avec séquelles minimes (fig. 4). Le contexte clinique, une glycopleurie basse sont en faveur de cette étiologie. Troisième objectif : mettre en place un traitement spécifique et un suivi pneumologique Le traitement de la pleurésie tuberculeuse est le même que celui de la tuberculose pulmonaire. Traitement anti-tuberculeux Un traitement standard de 6 mois est recommandé. Un traitement précoce permet une amélioration rapide des symptômes, prévient la survenue possible de séquelles pleurales et une rechute tuberculeuse ultérieure. Le traitement reste identique quel que soit le statut VIH. Le problème de la résistance des antituberculeux et de l’émergence de la tuberculose multi résistante rend nécessaire l’obtention d’antibiogramme en cas de culture positive et un suivi du patient. Néanmoins, la résistance reste comparable à celle de la tuberculose pulmonaire [2]. Notre patient a bénéficié d’une quadrithérapie par pyrazinamide, isoniazide, éthambutol, rifampicine pendant 2 mois, puis isoniazide et rifampicine pendant 4 mois avec une excellente tolérance clinique et biologique. Fig. 4. Radiographie thoracique de fin de traitement : minimes séquelles pleurales gauches. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 9 1_CC_Melloni 27/02/08 16:21 Page 10 B. Melloni Références 1 2 3 4 5 6 7 10 Gopi A, Madhavan SM, Sharma SK, Sahn SA : Diagnosis and treatment of tuberculous pleural effusion in 2006. Chest 2007 ; 131 : 880-9. Baumann MH, Nolan R, Petrini M, Lee G, Light RW, Schneider E : Pleural tuberculosis in the United States. Chest 2007 ; 131 : 1125-32. 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En 1985, un diagnostic de maladie de Gougerot-Sjögren a été porté devant un syndrome sec oculaire et salivaire, des nodules violacés des membres inférieurs expliqués par une cryoglobulinémie et enfin la présence d’anticorps antinucléaires. Un traitement associant une corticothérapie orale et de l’hydroxychloroquine (Plaquenil®) a été entrepris. Le dossier n’est malheureusement pas disponible et la validité des informations ne repose que sur l’interrogatoire de la patiente. En 2001, la patiente étant toujours traitée par hydroxychloroquine, le syndrome sec oculaire s’aggrave et l’ophtalmologiste aurait parlé d’une néovascularisation rétinienne. Elle est adressée dans un service d’ophtalmologie référent qui propose d’instituer un traitement par ciclosporine. Dans le bilan préthérapeutique, un scanner thoracique est réalisé, montrant un syndrome infiltrant et des nodules apicaux pouvant évoquer une tuberculose. L’endoscopie est normale et les sécrétions trachéo-bronchiques sont stériles (absence de Mycobacterium tuberculosis hominis à la culture). Il est alors conseillé à son pneumologue d’effectuer une biopsie pulmonaire chirurgicale. Celle-ci confirme la présence de granulomes épithéloïdes et gigantocellulaires justifiant une quadrithérapie antituberculeuse pendant 6 mois. En 2002, on constate une amélioration spontanée des lésions oculaires faisant surseoir la prescription de ciclosporine. En 2003, la patiente se plaint d’une toux et d’une dyspnée d’effort. Le pneumologue réalise un nouveau bilan respiratoire. Une biopsie bronchique est effectuée par fibroscopie souple et révèle un chorion inflammatoire avec une plage de nécrose fibrinoïde compatible avec une vascularite. À l’examen clinique, la patiente est asthénique, il n’y a pas de perte de poids récente. La dyspnée d’effort est évaluée à un stade III. Il n’y a pas de râles crépitants, pas de souffle cardiaque. Il n’y a pas d’hippocratisme digital. Le revêtement cutané est normal. Les aires ganglionnaires sont libres de toute adénomégalie. La rate et le foie ne sont pas hypertrophiés. Le test de Schirmer est ⬎ 5 min avec kératite bilatérale. Il n’y a pas d’iridocyclite. La biopsie des glandes salivaires accessoires ne retrouve pas de granulome ni d’arguments en faveur d’un Sjögren. Le bilan biologique est le suivant : leucocytes 4, 9 Giga/l ; hémoglobine 116 g/l ; CRP 28 mg/l ; clairance de la créatinine 50 ml/min, protéinurie/24 h négative ; bilan hépatique normal ; sérologies des hépatites A, B et C : négatives. Taux d’enzyme de conversion de l’angiotensine 32 UI (normale). Le dosage du pro BNP est à 305 ng/ml. Le bilan immunologique montre les résultats suivants : anticorps antinucléaires positifs au 1/400e, anticorps anti-antigènes nucléaires solubles positifs (59 UI) ; anti-SSA, anti-RNP, anti-Sm, anti-topo isomérase I négatifs. Anticorps anti-SS B positifs (56 UI). Anticorps antimitochondrie, anti-muscle lisse, anti-cellule pariétale de l’estomac, anti-cytosol hépatique, antiribosomes négatifs. La recherche de cryoglobulinémie est négative. EFR : VEMS = 1,21 l (66 % Th) ; CVF = 1,70 l (76 % Th) ; VEMS/CVF = 71 %. CPT = 3,61 l (78 % Th) ; KCO = 92 % Th. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 11-12 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 11 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 12 F. Lebargy Gaz du sang en air ambiant : PaO2 =72 mm Hg ; Pa CO2 = 37 mmHg ; pH = 7,38. Le scanner thoracique est présenté ci-contre (fig. 1). L’échographie cardiaque ne montre pas d’anomalie particulière hormis un petit anévrysme du septum inter-auriculaire. La cinétique du ventricule gauche est homogène. La fraction d’éjection du VG est de 70 %. L’évolution est favorable sous traitement. Mais après 12 mois, la patiente se dit à nouveau essoufflée et rapporte un épisode de bronchite subaiguë avec une expectoration muco-purulente. L’examen clinique note une température à 38,1°C, un syndrome pleural droit, une tachycardie régulière à 96/min avec un assourdissement des bruits du cœur sans bruit surajourté, une asthénie et un amaigrissement de 2 kg dans le dernier mois, un syndrome dépressif. Le reste de l’examen est normal : pas de lésion cutanée, pas d’adénomégalie, ni d’hépatosplénomégalie, l’examen neurologique est normal. Le bilan biologique est le suivant : leucocytes = 9,8 Giga/l dont 88 % de polynucléaires neutrophiles ; hémoglobine Fig. 1. Imagerie initiale avant traitement en 2003. 96 g/l, hématies = 3,25 Tera/l ; protéine C réactive = 93 mg/l ; bilan hépatique normal ; créatininémie = 38 mmol/l ; protides totaux = 61 g/l ; albuminémie = 25 g/l. L’électrophorèse retrouve une bande mince Questions correspondant à un pic IgG à chaîne légère à un taux de 4 g/l. Le bilan immunologique retrouve des anticorps antinucléaires positifs au Quelle(s) maladie(s) systémique(s) doit-on évoquer ? Citez les 1/400e avec une fluorescence mouchetée et nucléolaire. La radiograarguments cliniques, biologiques, radiologiques. Quel examen phie thoracique correspond à la figure 2B. La ponction pleurale permet de confirmer le diagnostic ? Quel traitement instaurezrecueille un liquide citrin contenant 40 % de polynucléaires non altérés et 60 % de cellules mononucléées. L’analyse biochimique du vous ? Quelles sont les étiologies possibles de cet épanchement liquide est la suivante : pH = 8, 1 ; glucose = 4,1 mmol/l ; LDH pleural ? Quel bilan complémentaire faut-il réaliser ? Précisez = 287 UI/l ; protides 25 g/l. Il n’y a pas de cellules tumorales, ni de les modalités thérapeutiques. cellules LE. La culture du liquide reste stérile après 42 jours d’étuve. Fig. 2. (A) Cliché antérieur (2004) réalisé au cours de la surveillance du traitement de la maladie systémique. Apparition d’une pleurésie en 2005 (B). 12 Rev Mal Respir 2007 ; 25 : 11-12 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 13 Cas clinique n° 2 Pleurésies et maladies systémiques F. Lebargy Commentaires Introduction Toutes les maladies systémiques sont susceptibles de toucher l’appareil respiratoire, mais il faut d’emblée souligner qu’elles n’ont pas toutes la même incidence. De plus, la prévalence des atteintes pleuro-pulmonaires diffère de façon importante selon la maladie systémique considérée. En pratique, les atteintes pleurales sont surtout observées au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et du lupus érythémateux systémique (LES). Elles peuvent être inaugurales ou surviennent le plus souvent dans le cours évolutif de l’affection. Il est important d’en connaître les caractères cliniques et biochimiques afin d’être capable de les reconnaître parmi les autres pleurésies relevant de causes générales (cancers, infections). Les pleurésies rhumatoïdes Épidémiologie et prévalence La polyarthrite rhumatoïde est la plus fréquente des maladies articulaires inflammatoires chroniques. En France, son incidence est estimée à 8 nouveaux cas/1 000 000 habitants et sa prévalence entre 0,3 et 0,5 % [1]. L’atteinte thoracique la plus fréquente est la pleurésie (inflammation pleurale responsable d’une douleur pleurétique avec ou sans épanchement liquidien), observée dans 5 % des cas [2]. Une étude prospective récente conduite parmi 150 patients consécutifs atteints de PR établit la fréquence de l’atteinte pleurale à 3,3 % lorsqu’on la recherche de manière systématique par la radiographie de thorax et le TDM thoracique [3]. Bien que la PR soit plus fréquente chez la femme, l’atteinte pleurale s’observe plus souvent chez l’homme. Son incidence est estimée à 0,3 % chez la femme et 1,5 % chez l’homme. Lésions anatomiques [4] Hôpital Maison Blanche, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex. Correspondance : [email protected] L’examen par thoracoscopie révèle une plèvre viscérale légèrement inflammatoire, tandis que la plèvre pariétale est épaissie et parsemée de multiples micronodules de 0,5 mm de diamètre donnant un aspect granuleux très caractéristique. L’examen histologique de la plèvre montre le remplacement du revêtement mésothélial par une couche pseudo-stratifiée de cellules épithéliales. Des cellules géantes différentes des cellules de Langerhans et des cellules à corps étrangers sont parfois observées. Des plaques fibreuses de petite taille peuvent épaissir la plèvre, mais la fibrose pleurale extensive est rare. La rupture de nodules rhumatoïdes et le développement d’une fistule broncho-pleurale apparaît comme un des mécanismes des empyèmes dans la PR. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 13-19 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 13 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 14 F. Lebargy Aspects cliniques [2, 4-7] La pleurésie rhumatoïde survient habituellement chez l’homme âgé de plus de 60 ans et dont la PR évolue depuis plusieurs années (10 ans en moyenne). Elle précède rarement l’atteinte articulaire de quelques semaines ou quelques mois. Le symptôme révélateur est la douleur pleurale, mais il est fréquent que la pleurésie soit asymptomatique, découverte sur une radiographie de thorax de routine. Typiquement l’épanchement est unilatéral de faible ou de moyenne abondance, parfois bilatéral. Les autres présentations sont plus rares : pleurésie aiguë fébrile, détresse respiratoire aiguë liée à l’abondance de l’épanchement, nodule adossé à la plèvre. Une atteinte parenchymateuse est associée à l’épanchement pleural dans 20 % des cas. Caractères du liquide pleural [2, 6] L’aspect du liquide est variable, le plus souvent citrin ou sérohématique. L’analyse biochimique révèle un liquide exsudatif, avec un taux de lactico-déshydrogénase élevé (LDH ⬎ 1 000 UI/l), une glycopleurie abaissée et un pH ⬍ 7,30. Un taux de glucose ⬍ 1 mmol/l (200 mg/l) est observé chez 60 % des patients et un taux compris entre 1 et 2,5 mmol/l (200 et 500 mg/l) chez 20 % des patients. Aucun marqueur ne permet d’affirmer la nature rhumatoïde de la pleurésie. L’augmentation du taux d’adénosine-désaminase (ADA) n’est pas spécifique et peut s’observer dans la tuberculose pleurale, les pleurésies purulentes et certaines pleurésies néoplasiques. De même, les augmentations de la fraction soluble du récepteur à l’IL-2, de la Neuron Specific Enolase (NSE), de la 2 microglobuline, et des fractions du complément (C5b-9) n’ont aucune spécificité. Cependant, un taux de FR ⬎ 1/320 ou égal ou supérieur au taux sérique est fortement évocateur du diagnostic. L’analyse cytologique peut être évocatrice lorsqu’elle ramène des cellules épithéloïdes, des cellules géantes, et des cristaux de cholestérol. D’autres aspects sont possibles et peuvent orienter vers d’autres mécanismes. Un aspect hémorragique peut être le reflet d’une vascularite à l’origine d’un infarctus pulmonaire. Un aspect laiteux secondaire à la présence de cristaux de cholestérol produits par le vieillissement et la dégradation des granulomes est possible. Un épanchement chyleux en rapport avec une obstruction lymphatique secondaire à une amylose a été rapporté. Enfin, un aspect puriforme peut être observé en cas de d’exsudation massive de PNN et de débris fibrinoïdes. Manifestations cliniques [2, 8-12] Les formes aiguës ou subaiguës se traduisent par des douleurs pleurales, une toux, une dyspnée et une fièvre. Les épanchements pleuraux sont souvent bilatéraux et de faible ou de moyenne abondance. Une péricardite peut lui être associée et se traduire par l’augmentation de la taille du cœur sur le cliché thoracique standard. Ces pleurésies lupiques sont volontiers récidivantes et classiquement cortico-sensibles. Le liquide est citrin ou séro-hémorragique, constamment exsudatif. La cellularité du liquide est variable pouvant comporter une prédominance de polynucléaires neutrophiles ou de lymphocytes. La présence de cellules LE est très évocatrice. Ce sont des polynucléaires neutrophiles dont le noyau polylobé est refoulé en périphérie par une volumineuse inclusion cytoplasmique lilacée, correspondant au noyau homogénéisé d’un monocyte phagocyté. La glycopleurie est normale et le pH est alcalin (pH ⬎ 7,35), contrairement aux pleurésies rhumatoïdes. La recherche d’anticorps antinucléaires est souvent positive et les taux du complément hémolytique total, de C1q, C3 et C4 sont effondrés. La biopsie pleurale habituellement réalisée pour éliminer d’autres étiologies (tuberculose, métastase pleurale) montre une inflammation lymphoplasmocytaire non spécifique de la plèvre. Des dépôts d’immunoglobulines et de complément sont détectés en immunofluorescence. Les critères diagnostiques Le diagnostic se discute en 3 étapes : reconnaître le lupus lorsque la pleurésie inaugure la maladie lupique, affirmer la nature lupique de la pleurésie et enfin écarter les pleurésies relevant d’autres étiologies. Évolution et pronostic Reconnaître le lupus érythémateux systémique (LES) Dans la plupart des cas, l’épanchement pleural est de faible abondance, parfaitement toléré et ne nécessite pas d’exploration supplémentaire. Les trois quarts d’entre eux régressent spontanément dans les 3 mois. Dans un quart des cas, l’épanchement persiste au-delà d’un an. Les résultats obtenus par l’injection intrapleurale de méthylprednisolone sont contradictoires, mais semblent plus efficaces lorsque les paramètres biochimiques du liquide témoignent d’une nette inflammation (hypoglycopleurie, LDH élevées). Les récurrences sont fréquentes, même après corticothérapie intrapleurale. Les rares formes de fibrose pleurale extensive, responsables d’une restriction importante, peuvent bénéficier d’une décortication chirurgicale. Il n’existe pas d’étude ayant évalué l’efficacité sur les pleurésies rhumatoïdes, des nouveaux anti-inflammatoires bloquant le TNF-␣ [8]. Le LES est une maladie systémique extrêmement polymorphe dont l’évolution est faite de poussées successives entrecoupées de périodes de rémission. Aussi, le délai entre les premiers symptômes et la réalisation d’une forme achevée peut être long, compris entre 5 et 15 ans chez 25 % des patients. Dans la majorité des cas, la pleurésie émaille l’évolution de la maladie lupique dont le diagnostic a déjà été effectué, l’enjeu étant d’établir la nature lupique de la pleurésie (voir infra). Plus rarement (2-5 %), l’atteinte pleurale est inaugurale et s’associe le plus souvent à des signes généraux, articulaires ou cutanés. Le pneumologue est alors en situation d’établir le diagnostic de maladie systémique et de recueillir les éléments cliniques et biologiques en faveur d’un LES. L’interrogatoire peut constituer une aide au diagnostic s’il retrouve des antécédents de photosensibilité, de purpura thrombopénique « idiopathique », de leucopénie inexpliquée, ou d’anomalies de la coagulation. Les données de l’anamnèse prennent, dans ce contexte, toute leur valeur et permettent d’enrichir la liste des critères requis pour affirmer la maladie lupique (tableau I) [9]. Le diagnostic immunologique de lupus [13] s’appuie sur la détection d’auto-anticorps dirigés contre certains constituants du noyau. La première étape consiste à rechercher la présence d’anticorps antinucléaires (AAN) par les techniques d’immunofluorescence indi- Les pleurésies lupiques Épidémiologie Le lupus érythémateux systémique (LES) affecte préférentiellement les femmes. L’incidence annuelle du LES varie de 1,8/100 000 en Europe à 4,6/100 000 en Amérique du Nord. La pleurésie en est 14 la manifestation thoracique la plus fréquente [2, 9]. Au cours de l’évolution du LES, les douleurs pleurales sont rapportées dans plus de 50 % des cas et les épanchements liquidiens sont identifiés chez 30 % des malades [10, 11]. Cette fréquence élevée est confirmée par les études post mortem qui constatent un épanchement pleural dans plus de 90 % des cas [12]. La pleurésie lupique affecte tous les âges, les hommes et les femmes en proportion équilibrée. L’atteinte pleurale peut constituer un mode de révélation du LES dans 2 à 5 % des cas [10-11]. Rev Mal Respir 2007 ; 25 : 13-19 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 15 Pleurésies et maladies systémiques Tableau I. Critères de classification du lupus. Critères pour la classification de la maladie lupique (ARA -1982), modifiés en 1997 • Éruption maculaire en aile de papillon • Éruption discoïde • Photosensibilité • Ulcérations buccales et naso-pharyngées • Polyarthrite non érosive • Pleurésie ou péricardite • Atteinte rénale : protéinurie ⬎ 0,5g/24 h ou cylindres urinaires • Atteinte neurologique : convulsions, psychose • Atteinte hématologique : - anémie hémolytique avec réticulocytose ; - leucopénie ⬍ 4 Giga/l ; - lymphopénie ⬍ 1,5 Giga/l ; - thrombopénie ⬍ 100 Giga/l. • Désordres immunologiques : - présence de cellules LE ; - détection d’un anticorps anti-ADN natif ; - anticorps anti-Sm ; - présence d’un anticorps antiphospholipide. • Présence d’un titre anormal d’anticorps antinucléaire. recte (IFI) sur noyaux entiers. Actuellement, les meilleurs résultats sont obtenus sur des lignées de cellules homologues (lignée HEp-2 de cellules hépatiques tumorales) dont la sensibilité atteint 99 %. La distribution et l’aspect de la fluorescence diffèrent selon la spécificité des auto-anticorps (tableau II). Lorsque le test de dépistage des AAN est positif, il convient de caractériser ces anticorps dont la signification diffère selon la cible moléculaire qu’ils reconnaissent. Deux types d’anticorps antinucléaires ont une forte spécificité pour le lupus : les anticorps anti-ADN et l’anticorps anti-antigène soluble Sm. Tableau II. Distribution de la fluorescence nucléaire selon la spécificité des anticorps antinucléaires. ADN : acide désoxyribonucléique ; RNP : ribonucléoprotéine. Distribution de la fluorescence Spécificité de l’anticorps Fluorescence homogène Anti-ADN Anti-histone Anti-DNP Fluorescence périphérique membranaire Anti-ADN Fluorescence mouchetée Anticorps anti-antigènes nucléaires solubles : anti-SSA, anti-SSB, Sm... Fluorescence nucléolaire Anti-RNP nucléolaires Les anticorps anti-ADN natifs captent aussi bien l’ADN bicaténaire que l’ADN monocaténaire suggérant que l’antigène reconnu est le squelette phosphodésoxyribose de l’ADN. Leur identification repose soit sur une technique radio-immunologique (test de Farr), soit sur une technique d’immunofluorescence indirecte sur le protozoaire crithidia luciliae. Le test de Farr est le plus spécifique et reste le test de référence. Un second groupe d’anticorps anti-ADN ne reconnaît que l’ADN monobrin ou dénaturé (ADNd) suggérant que la cible est constituée par des bases puriques ou pyrimidiques de l’ADN. Les anticorps anti-ADNd sont fréquemment associés aux lupus induits par les médicaments, mais ont une faible spécificité pour LES. L’anticorps anti-Sm est dirigé contre un antigène nucléaire soluble. Il est identifié par méthode radio-immunologique ou immuno-enzymatique (ELISA : enzyme linked immunosorbant assay). Sa spécificité est très élevée, mais sa sensibilité est faible, variable selon le type de test utilisé et l’origine ethnique des patients (5-10 % chez les Caucasiens et 30 % chez les Nord-Américains par méthode radioimmunologique). Du fait du caractère dissocié des manifestations lupiques, en particulier lors des premières années d’évolution, l’Association américaine de rhumatologie (ARA) a proposé une liste de critères, établie sur la fréquence des différents symptômes relevés dans les principales cohortes nord-américaines de LES (tableau I). Le diagnostic peut être retenu lorsque 4 critères au moins sont présents [9]. Toutefois, l’utilisation de ces critères est limitée par leur manque de sensibilité. Ainsi, dans l’étude de Levin et coll., portant sur 156 patients, seulement 50 % des malades possédaient au moins 4 des critères de classification lors de la première année d’évolution de la maladie [14]. Affirmer la nature lupique de la pleurésie La survenue d’une pleurésie au cours d’un lupus n’a pas une signification univoque. La nature lupique de la pleurésie repose sur un faisceau d’arguments parmi lesquels : – l’évolution aiguë ou subaiguë de la pleurésie ; – l’association à d’autres manifestations systémiques synchrones compatibles avec une poussée lupique ; – la présence d’un syndrome inflammatoire clinique et biologique associé : fièvre, accélération de la vitesse de sédimentation, élévation de la protéine réactive C... ; – le caractère exsudatif du liquide pleural ; – la présence de cellules de LE dans le liquide pleural [9, 13] ; – un titre d’anticorps anti-ADN dans le liquide pleural supérieur au titre sérique [15] ; – un taux de complément abaissé (CH50, C3, C4) dans le liquide pleural. La pleurésie lupique constitue un critère d’activité de la maladie. Tous les scores proposés pour définir l’activité de la maladie incluent la pleurésie et lui confèrent une valeur élevée d’activité [9]. Éliminer les autres causes de pleurésie Au cours du LES, l’épanchement pleural peut être en rapport avec d’autres étiologies. Aussi, il est important de rappeler l’intérêt d’utiliser les algorithmes décisionnels proposés pour le diagnostic de tout épanchement pleural liquidien. Nous n’envisagerons pas les étiologies classiques des épanchements pleuraux telles que les infections (tuberculeuses ou bactériennes) toujours possibles chez les sujets immunodéprimés, ni les pleurésies néoplasiques dont on connaît la fréquence dans la population générale, mais nous insisterons sur des causes plus spécifiquement reliées au LES : – l’insuffisance cardiaque gauche doit être évoquée en premier lieu. Les atteintes cardiaques au cours du lupus sont possibles. Il s’agit de myocardite interstitielle ou d’endocardite à l’origine d’une insuffisance mitrale ou aortique. Toutefois, l’évolution de ces atteintes cardiaques vers une insuffisance cardiaque congestive est rare [9]. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 15 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 16 F. Lebargy Habituellement, l’insuffisance cardiaque est la conséquence d’une hypertension artérielle, d’une insuffisance rénale ou de comorbidités associées. Le caractère transudatif du liquide pleural, la valeur élevée du Brain Natriuretic Peptide (BNP) dans le sang et le liquide pleural, les valeurs hémodynamiques obtenues par échographie cardiaque suffisent pour affirmer le diagnostic ; – l’atteinte rénale est fréquente au cours du lupus [9]. Elle survient dans la première année d’évolution chez plus de 50 % des cas et affecte d’emblée sa forme histologique définitive. Tous les compartiments du rein peuvent être atteints : glomérulopathies, atteintes tubulointerstitielles, atteintes vasculaires. La généralisation de la ponction biopsie rénale a permis de décrire différents types de lésions glomérulaires : lésions glomérulaires minimes, glomérulite focale, glomérulonéphrite extra-membraneuse, glomérulonéphrite proliférative diffuse, de pronostic bien différent. Certaines formes sont associées à un syndrome néphrotique pouvant se compliquer d’une polysérite ou d’un épanchement pleural. Le caractère transudatif du liquide pleural et la profonde hypoalbuminémie permettent habituellement de rattacher la pleurésie au syndrome néphrotique. Toutefois, il ne faut pas méconnaître l’éventualité d’une embolie pulmonaire secondaire à une thrombose des veines rénales, plus fréquente au cours des glomérulonéphrites extramembraneuses. En cas d’insuffisance rénale évoluée, terme de certaines glomérulonéphrites sévères, les pleurésies urémiques sont possibles ; – l’embolie pulmonaire reste une étiologie redoutée des pleurésies. Favorisée par l’alitement ou l’existence d’un syndrome néphrotique associé, elle peut être aussi la conséquence d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) [16-18] ; – enfin, il ne faut pas méconnaître la possibilité de lupus induits (LI) ou lupus médicamenteux dont les manifestations cliniques sont très proches du LES hormis la sévérité de l’atteinte rénale et la forte prévalence d’anticorps anti-ADN dénaturé. Ainsi, plusieurs cas de lupus induits par l’etanercept, antagoniste du TNF-␣ employé dans le traitement de nombreuses maladies inflammatoires, ont été rapportés récemment [18]. Les autres arthropathies inflammatoires La spondylarthrite ankylosante (SPA) La SPA est un rhumatisme inflammatoire touchant principalement le squelette axial. Sa fréquence est estimée entre 0,3 et 1/2 000 habitants. La maladie touche surtout le sexe masculin (90 % des cas). L’atteinte de l’appareil respiratoire est la conséquence de lésions diverses. La réduction de l’ampliation thoracique par enraidissement des articulations costovertébrales costosternales et sternoclaviculaires peut être responsable d’une insuffisance ventilatoire restrictive. Une maladie fibro-bulleuse est rapportée à une fréquence allant de 1,3 à 15 % selon les séries (19-20). Elle s’accompagne d’un épaississement pleural adjacent [20]. Une surinfection par Aspergillus ou Mycobacterium kansasii ou avium a été rapportée [21]. L’épanchement pleural liquidien semble rare, puisqu’il n’est rapporté que dans 3 des 2 080 SPA de la Mayo Clinic [21]. Il ne semble pas corrélé à l’activité de la SPA. L’analyse du liquide révèle un exsudat avec un taux de glucose et un pH normaux. Il est exceptionnel que ces épanchements pauci symptomatiques nécessitent un traitement spécifique. L’injection intrapleurale de corticostéroïdes peut être efficace en cas de pleurésie récidivante [2, 8]. En raison de la faible prévalence des épanchements liquidiens au cours de la SPA, la survenue d’une pleurésie doit faire rechercher une autre cause, en particulier une cause cardiaque. En effet une valvulopathie aortique est rapportée dans 1 à 10 % des cas, cette prévalence atteignant 40 % des cas dans les séries autopsiques. Elle est 16 Rev Mal Respir 2007 ; 25 : 13-19 responsable d’une insuffisance aortique pouvant se compliquer d’une insuffisance cardiaque. Le pronostic est sévère et la moyenne de survie est de 7 ans après la découverte de la valvulopathie [22]. La maladie de Still de l’adulte (MSA) Il s’agit d’une affection rare (0,50/100 000 habitants), d’étiologie inconnue et ne possédant pas de marqueur diagnostique spécifique. Elle survient chez l’adulte jeune (⬍ 35 ans), plus fréquemment de sexe féminin et se manifeste par une triade associant une fièvre, des arthrites et une éruption cutanée. La fièvre est constante, habituellement vespérale à 39-40 °C avec des pics thermiques précédés de frissons, réalisant un aspect de fièvre hectique. Les atteintes articulaires sont constantes, mais parfois retardées par rapport à la fièvre. Le plus souvent, il s’agit d’arthrites avec synovites et épanchements articulaires, arthrites bilatérales, symétriques et touchant les grosses articulations (genoux, poignets, coudes, chevilles). L’éruption cutanée est formée de petites macules de quelques millimètres de diamètre, non prurigineuses, prédominant sur la racine des membres, le tronc et la face d’extension des membres supérieurs. Au plan biologique, on observe une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (⬎ 10 Giga/l avec PNN ⬎ 80 %), un syndrome inflammatoire marqué et une hyperferritinémie plus élevée que ne le voudrait le syndrome inflammatoire (⬎ 10 000 ng/ml). La recherche de facteurs rhumatoïdes, d’anticorps anti-peptides citrullinés est négative par définition. Une atteinte pleurale, sous forme d’épanchement liquidien de faible ou moyenne abondance, de nature exsudative, est notée dans environ 25 % des cas. L’étude histologique de la plèvre montre une inflammation aiguë non spécifique [23]. Le syndrome de Gougerot-Sjögren Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une affection chronique caractérisée par une infiltration des glandes exocrines par des lymphocytes, puis leur destruction à l’origine d’une xérostomie et une xérophtalmie dont la conséquence est un syndrome sec. Il peut être primitif ou associé à d’autres connectivites, en particulier la polyarthrite rhumatoïde. Les atteintes pleurales avec ou sans épanchement liquidien sont rares, estimées sur les données du scanner thoracique à 0,6 %. Les pleurésies sont de faible abondance, à prédominance lymphocytaire. Les anti-SS-A /SS-B ainsi que des facteurs rhumatoïdes peuvent être détectés dans le liquide pleural [6]. La sclérodermie systémique La sclérodermie est une affection généralisée du tissu conjonctif, des artérioles et des microvaisseaux, caractérisée par une fibrose et une oblitération vasculaire. L’atteinte de la peau est caractéristique de la maladie et se traduit par un épaississement et une rigidité cutanée. Mais de nombreux organes peuvent être également intéressés (tube digestif, appareil respiratoire, rein). C’est une maladie rare dont l’incidence est estimée entre 2 et 16 nouveaux cas par million d’habitants et par an. On distingue deux formes de pronostic très différent : les formes cutanées diffuses plus volontiers associées à la présence d’un anticorps anti-topo-isomérase I et les formes cutanées limitées plus souvent associées à un anticorps anti-centromère [24]. La fibrose pulmonaire est fréquemment associée aux formes cutanées diffuses, tandis que l’hypertension artérielle pulmonaire constitue une complication possible des formes cutanées limitées. Les pleurésies sont rares au cours des SS et pourraient être liées à l’augmentation de la perméabilité des microvaisseaux pleuraux. Habi- 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 17 Pleurésies et maladies systémiques tuellement de faible abondance et parfois bilatérales, elles sont asymptomatiques et ne justifient pas de traitement spécifique. Elles doivent faire discuter de principe les étiologies cardiaques et infectieuses. La survenue de pneumothorax bilatéral a été rapportée au cours de la SS, mais la spécificité d’un tel événement n’est pas démontrée [6]. La polymyosite et la dermato-polymyosite Ces affections s’intègrent dans le groupe des myosites inflammatoires. Les complications respiratoires les plus fréquentes sont les atteintes des muscles respiratoires en rapport avec la myosite et les pneumopathies infiltrantes. Les complications infectieuses semblent particulièrement fréquentes au cours de ces affections, qu’il s’agisse de pneumonies d’aspiration induite par le troubles de déglutition ou de pneumonies à germe opportunistes (Pneumocystis jirovecii) favorisées par les traitements immunosuppresseurs. Les épanchements pleuraux sont exceptionnellement isolés. Ils sont satellites d’une pneumonie infectieuse ou parfois d’une pneumopathie infiltrante diffuse [8]. La connectivite mixte (CM) La CM ou syndrome de Sharp est une entité complexe de connaissance récente. Elle emprunte ses manifestations à diverses connectivites telles que le LES, la sclérodermie, la polyarthrite rhumatoïde ou la dermato-polymyosite justifiant le terme de connectivite mixte [25]. La description princeps faite par Sharp rapportait l’association d’un syndrome de Raynaud, d’arthralgies, de myalgies et d’un aspect boudiné des doigts. Le caractère bénin de cette connectivite a d’emblée été souligné du fait de l’absence de manifestations viscérales graves. En fait, le suivi longitudinal des patients atteints de CM a montré que plus de la moitié d’entre eux développaient ultérieurement une connectivite majeure avec atteinte viscérale (LES, sclérodermie, DPM) faisant remettre en question le concept de CM. L’association quasi constante à un anticorps antiribonucléoprotéine (anti-RNP) [26] et l’existence de lésions vasculaires comportant une prolifération intimale et une nécrose fibrinoïde justifient néanmoins d’individualiser la CM parmi les autres connectivites. L’atteinte respiratoire la plus fréquente est la fibrose pulmonaire diffuse et concerne environ la moitié des patients. Une autre complication est la survenue d’une HTAP qui ne paraît jamais associée à l’atteinte interstitielle contrairement à ce qui est observé au cours des SS [27]. Un épanchement pleural est observé dans 6 % des cas et un épaississement pleural dans 2 % des cas. Les pleurésies sont habituellement unilatérales, de faible abondance, et de nature exsudative. Elles ne justifient pas de traitement spécifique [6, 27]. Les vascularites [2, 8] Le syndrome de Churg et Strauss Le syndrome de Churg et Strauss est caractérisé par une vascularite touchant les vaisseaux de petit calibre, une éosinophilie périphérique et tissulaire et un asthme. Dans la plupart des cas, la maladie évolue en 3 phases : une phase prodromique marquée par un asthme et une rhinite allergique de contrôle difficile, une phase d’éosinophilie périphérique et tissulaire pouvant mimer un syndrome de Löffler ou une pleurésie chronique à éosinophiles et enfin une phase systémique associant des manifestations neurologiques périphériques ou centrales, cardiaques (myocardique surtout), rénales ou cutanées, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Le délai moyen entre les manifestations systémiques et les premiers symptômes d’asthme est de trois ans. La fréquence de l’atteinte pleurale est discutée. Elle est estimée jusqu’à 30 % dans certaines séries. Elles sont uni ou bilatérales, souvent de faible abondance. Elles peuvent donner lieu à des douleurs pleurales ou au contraire rester asymptomatiques. Le liquide est exsudatif, le taux de LDH élevé. Quelques observations rapportent une glycopleurie et un pH abaissés. Le caractère le plus marquant est la richesse en éosinophiles qui peut dépasser 80 % de la formule cytologique. Les lésions pleurales associent une infiltration de la plèvre par des éosinophiles avec parfois des aspects de vascularite. Habituellement les épanchements pleuraux sont résolutifs avec la corticothérapie. La maladie de Wegener La maladie de Wegener est une vascularite granulomateuse nécrosante touchant les vaisseaux de petit et de moyen calibre. L’association de lésions ORL, pulmonaires et rénales sont évocatrices du diagnostic. La détection dans le sérum d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires de spécificité anti-protéinase 3 (PR-3) est un bon marqueur de la maladie, doté d une sensibilité de 91 % et d’une spécificité de 99 % lors des poussées. Les atteintes pulmonaires réalisent 3 grands tableaux cliniques : les condensations pulmonaires excavées ou non, les hémorragies alvéolaires et les sténoses des bronches proximales. L’atteinte pleurale est présente dans 5 à 20 % des cas. Il s’agit d’épanchements uni ou bilatéraux peu abondants volontiers associés aux lésions parenchymateuses. La nature de ces pleurésies n’est pas univoque. Des épanchements para-pneumoniques, exsudatifs, riches en polynucléaires neutrophiles avec une glycopleurie et un pH normaux ont été rapportés. De même, une fréquence accrue des pleurésie en cas d’insuffisance rénale plaide pour leur origine urémique. De rares cas de pneumothorax ou d’hydropneumothorax liés à une fistule broncho-pleurale ont été publiés. Les autres vascularites La panartérite noueuse ne donne pas de complications pulmonaires spécifiques. La survenue d’un épanchement pleural doit faire évoquer une atteinte cardiaque secondaire aux lésions artériolaires myocardiques. La maladie de Horton ou artérite à cellules géantes intéresse les artères élastiques de gros calibre et plus particulièrement les territoires céphaliques. Elle est associée 7 fois sur 10 à une pseudo-polyarthrite rhizomélique justifiant leur regroupement dans le même cadre nosologique. Elle touche principalement le sujet âgé. Les manifestations respiratoires sont rares et leur diagnostic difficile en raison du caractère isolé ou dissocié des symptômes en particulier lorsqu’ils inaugurent la maladie (4 % des cas). Il s’agit d’une toux isolée cortico-sensible, des bronchospasmes, des opacités parenchymateuses ou des épanchements pleuraux. La maladie de Behçet est une affection chronique d’étiologie inconnue, prédominant dans les pays méditerranéens et associée de façon significative à l’haplotype HLA-B5. Elle se manifeste par des signes cutanés (aphtose bipolaire, pseudofolliculite, pathergie cutanée), oculaires (uvéite), articulaires, neurologique (méningo-encéphalite, thrombophlébites cérébrales). L’atteinte respiratoire comporte des thromboses et des anévrysmes artériels pulmonaires ainsi que des infarctus pulmonaires associés à une vascularite des petits vaisseaux pulmonaires. Les épanchements pleuraux au cours de la maladie de Behçet sont rares. Ils sont en général satellites d’infarctus pulmonaires ou parfois associés à des thromboses de la veine cave supérieure. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 17 2_CC_Lebargy 27/02/08 16:22 Page 18 F. Lebargy Les autres maladies de systèmes La sarcoïdose Les atteintes pleurales symptomatiques sont rares au cours de la sarcoïdose, estimées entre 2 et 4 %. Il s’agit d’épanchements liquidiens, d’épaississements pleuraux ou plus rarement de pneumothorax compliquant une fibrose. Les pleurésies sont des transudats ou des exsudats, lymphocytaires dans deux tiers des cas. Quelques cas de chylothorax ont été rapportés [28]. La maladie périodique La maladie périodique ou fièvre méditerranéenne familiale est une affection héréditaire atteignant plus souvent les sujets originaires de l’Est méditerranéen, les Juifs sépharades et les Arméniens. Elle évolue sous forme d’événements paroxystiques associant des accès fébriles et des crises douloureuses abdominales. Des localisations thoraciques témoignant d’une inflammation pleurale sont également possibles. Elle se traduit par une douleur thoracique unilatérale, mais peut changer de côté d’un épisode à l’autre. Elle régresse en 24 ou 48 heures. Les atteintes thoraciques sont habituellement associées à des douleurs abdominales, mais elles peuvent être isolées. Lorsqu’il existe, l’épanchement pleural est minime ou de faible abondance, formé par un liquide clair ou parfois puriforme, inflammatoire, riche en polynucléaires non altérés [29]. L’amylose L’amylose est une affection caractérisée par des dépôts extracellulaires de substances protéiques variées, pouvant infiltrer de nombreux organes et en altérer le fonctionnement. Quelle que soit la nature biochimique des protéines constituant la substance amyloïde, elles ont en commun une structure particulière (structure fibrillaire -plissée) et une propriété tinctoriale permettant de l’identifier : elles présentent un dichroïsme après coloration par le rouge Congo. Les amyloses de l’appareil respiratoire sont localisées (30 % des cas), ou diffuses (70 % des cas) [30]. Dans les formes localisées, l’atteinte respiratoire réalise soit une infiltration de l’arbre trachéo-bronchique (plaques muqueuses, sténoses), soit à un ou plusieurs nodules pulmonaires [2, 30]. Les pleurésies par dépôts amyloïdes sont rares et plus souvent de nature infectieuse, secondaires à une pneumopathie développée en aval de l’obstruction bronchique. Les amyloses diffuses représentent 70 % des cas et réalisent un tableau de pneumopathie infiltrante diffuse. Dans la majorité des cas, ce sont des amyloses systémiques primitives associées à des dépôts d’une substance amyloïde de type AL, formée à partir de chaînes légères d’immunoglobulines. Le terme systémique fait référence, ainsi, aux précurseurs systémiques de la substance amyloïde mais n’implique pas obligatoirement l’atteinte de plusieurs organes. Dans ces formes, l’atteinte pleurale n’est pas univoque. Elle peut être secondaire à une amylose rénale responsable d’un syndrome néphrotique ou d’une amylose cardiaque responsable d’une insuffisance cardiaque ou enfin être due à une infiltration amyloïde de la plèvre. Ce dernier mécanisme semble être en cause dans le caractère réfractaire de ces épanchements pleuraux [32]. Conduite à tenir devant un épanchement pleural survenant au cours d’une maladie systémique Plusieurs situations sont possibles. 18 Rev Mal Respir 2007 ; 25 : 13-19 La maladie systémique est fréquente et l’incidence des pleurésies dans cette affection est élevée (PR, LES). La discussion diagnostique est centrée autour de l’analyse du liquide pleural : – Les résultats de l’analyse du liquide sont évocateurs d’une inflammation pleurale spécifique dans le cadre d’une poussée de la maladie. Il s’agit : • d’une pleurésie exsudative, riche en cristaux de cholestérol avec hypoglycopleurie franche évoquant une pleurésie rhumatoïde ; • d’une pleuropéricardite survenant chez une lupique connue dont le liquide pleural est exsudatif constitué de PNN non altérés et de cellules LE et contenant des taux élevés d’anticorps anti-ADNn ; • dans ces situations, le traitement de l’affection sous-jacente permet la résolution de l’épanchement dans la majorité des cas. Le bénéfice de l’injection intra-pleurale de corticoïdes est controversé. – L’analyse du liquide pleural n’est pas contributive, ne permettant pas de rapporter de façon formelle la nature inflammatoire de la pleurésie à une poussée de la maladie systémique : • les transudats doivent faire discuter avant tout une atteinte cardiaque ou rénale associée à la maladie systémique ; • les exsudats doivent faire éliminer une cause infectieuse (culture du liquide pleural, biopsie pleurale en cas de suspicion de tuberculose), une cause néoplasique (étude cytologique à la recherche de cellules malignes, biopsie pleurale à l’aiguille, et/ou par thoracoscopie) ; • dans les deux cas (transudat ou exsudat), il faut rechercher de manière systématique une embolie pulmonaire cruorique surtout en présence de facteurs de risques associés tels qu’un syndrome néphrotique ou la présence d’un SAPL. Dans ce contexte clinique, Les indications d’exploration instrumentale de la plèvre à visée diagnostique ne sont retenues qu’après avoir discuté de principe toutes les hypothèses (cardiaques, rénales, emboliques, infectieuses, médicamenteuses) pour lesquelles la biopsie pleurale ne permettrait pas d’obtenir de signature histologique spécifique. La pleurésie se développe en dehors d’une poussée de la maladie systémique ou encore l’incidence des pleurésie lors de la maladie systémique considérée est faible. Dans cette situation clinique, la démarche diagnostique est commune à toutes les pleurésies. En absence de diagnostic obtenu par biopsie pleurale à l’aiguille, une thoracoscopie pour examen de la cavité pleurale et biopsies dirigées doit être réalisée. Références 1 2 3 4 5 6 7 Guillemin M, Saraux Aguggenbuhl P, Roux CH, Fardellone P, Lebihan E : Prevalence of rheumatoid arthritis in France: 2001. Ann Rheum Dis 2005 ; 64 : 1427-30. 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Tous droits réservés 19 3_CC_Bonniaud 27/02/08 16:22 Page 20 Cas clinique n° 3 Atteinte pleurale médicamenteuse P. Bonniaud Observation Patient de 28 ans suivi dans le service de pneumologie pour une dyspnée progressivement croissante, associée à des douleurs thoraciques bilatérales de type pleural. Antécédents Alors qu’il avait 4 ans, il avait été traité pour une leucémie aiguë lymphoblastique. Sa chimiothérapie s’était terminée à l’âge de 7 ans. Il avait récidivé à 9 ans avec des localisations testiculaires et médullaires, puis à 10 ans avec une nouvelle infiltration testiculaire. Il avait bénéficié initialement d’une irradiation encéphalique (18 Gy) et, lors des rechutes, de deux irradiations testiculaires bilatérales (18, puis 8 Gy). Il n’avait jamais eu d’irradiation thoracique. Depuis la fin du traitement, il avait été suivi sans jamais aucun signe de reprise évolutive. Les traitements reçus pour sa leucémie sont récapitulés dans le tableau I. Il n’avait pas d’autre antécédent personnel ou familial. Tableau I. Liste des différentes chimiothérapies reçues aux différentes phases de la leucémie aiguë lymphoblastique entre 4 et 10 ans. Induction Consolidation Entretien Rechute à 10 ans vincristinerubidomycineprednisone et méthotrexate intrathécal cytosinethioguanine cyclophosphamidethioguanine/ rubidomycinehydroxyurée/ méthotrexateBCNU/ARA Cvincristine vincristinerubidomycine asparaginaseprednisone Puis méthotrexate, cytosine et cyclophosphamide, Puis vincristineadriamycine, L-asparaginase et aracytine Service de Pneumologie et Réanimation Respiratoire et INSERM U866, CHU du Bocage et Faculté de Médecine, 21079 Dijon. Correspondance : [email protected] 20 Histoire de la maladie La dyspnée avait commencé plusieurs mois avant la première consultation, alors qu’il avait 25 ans. Elle avait été très progressivement croissante pour aboutir à une dyspnée à la marche lente. Des douleurs thoraciques bilatérales, plutôt postérieures, irradiaient vers les sommets et évoquaient des douleurs pleurales. Elles étaient calmées par les AINS. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 20-21 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 3_CC_Bonniaud 27/02/08 16:22 Page 21 Atteinte pleurale médicamenteuse Son traitement habituel se composait uniquement d’une injection mensuelle de testostérone retard (Androtardyl®). À l’examen, le patient était de petite taille (1,60 m), son BMI était à 16. Son thorax était très aplati dans le sens antéro-postérieur. Ses gaz du sang en air au repos montraient un pH à 7,42, une PaCO2 à 34 mmHg et une PaO2 à 83 mmHg. Les clichés thoraciques de face et de profil et les EFR sont joints (fig. 1 et 2). La DLCO/VA était à 109 % de la norme. Un ancien cliché thoracique, réalisé alors qu’il avait 23 ans, était normal. Au cours de son suivi dans le service, il avait présenté un pneumothorax du sommet gauche spontané (fig. 3). Il avait alors bénéficié d’une vidéothoracoscopie afin de réaliser une symphyse pleurale mécanique. Une biopsie pleurale avait été faite pendant le geste (fig. 4). Fig. 3. Scanner thoracique réalisé lors du pneumothorax spontané. Fig. 1. Clichés thoraciques de face et de profil. Volumes pulmonaires 10 6 8 Volume (L) 5 6 4 4 3 2 1 2 0 Norme 0 1 2 3 4 5 VR Pré Post VRE Post2 CI Fig. 2. Épreuves fonctionnelles respiratoires. Fig. 4. Étude histologique d’une biopsie pleurale réalisée lors du traitement du pneumothorax par vidéothoracoscopie (Trichrome de Masson, x 200). Questions Quelle pathologie pleurale présente ce patient ? Quelles en sont les grandes causes ? Que peut-on particulièrement suspecter dans le cas présent ? Quelles sont les différentes présentations radiocliniques des atteintes pleurales induites par les médicaments ? © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 21 3_CC_Bonniaud 27/02/08 16:22 Page 22 Cas clinique n° 3 Atteinte pleurale médicamenteuse P. Bonniaud Commentaires Les clichés présentés dans l’observation permettent de mettre en évidence un épaississement pleural bilatéral des sommets et une réduction du diamètre thoracique antéro-postérieur. Le scanner thoracique réalisé lors du pneumothorax gauche spontané permet de mieux mettre en évidence l’épaississement pleural. L’analyse de biopsies pleurales confirme un épaississement pleural majeur avec accumulation de fibres de collagène. Le parenchyme sous-jacent ne paraît pas trop altéré. Le syndrome restrictif majeur n’est pas associé à un trouble de la diffusion. Ce jeune patient présente donc une fibrose pleurale viscérale bi-apicale, responsable de pneumothorax (PNX) spontané et de douleurs pleurales. Il n’y a pas d’atteinte évidente du parenchyme. L’atteinte bilatérale et prédominante aux sommets est un peu inhabituelle. Classiquement, la fibrose pleurale induit un retentissement fonctionnel sévère lorsque l’atteinte est viscérale. Les étiologies des fibroses pleurales sont majoritairement représentées par les suivantes : L’exposition à l’amiante Outre les plaques pleurales pariétales, les patients exposés à l’amiante peuvent présenter des fibroses pleurales viscérales engainantes [1]. Possible conséquence de pleurésies asbestosiques bénignes parfois passées inaperçues, la fibrose atteindra préférentiellement les angles costophréniques. Habituellement unilatérale, elle s’accompagne d’atélectasies par enroulement [2] et d’insuffisance respiratoire restrictive. La décortication pleurale est alors discutable, parfois tentée, souvent peu efficace, voire dangereuse. Une fibrose pleurale peut être observée dans les silicoses, mais il existe alors presque toujours une atteinte silicotique majeure du parenchyme [3]. Le pontage coronaire Des épanchements pleuraux secondaires à une chirurgie cardiaque, et tout particulièrement un pontage coronarien, apparaissent dans 43 à 91 % des cas dans le mois suivant. Ils sont le plus souvent asymptomatiques et sans conséquence. Dans 10 % des cas, ils peuvent être significatifs et imposer une ponction évacuatrice, voire un drainage [4]. La complication la plus redoutable à long terme est la fibrose pleurale engainante induisant un syndrome restrictif avec de véritables poumons engainés (trapped lung) [5]. L’analyse du dossier de chirurgie aidera. Classiquement, cette atteinte pleurale se situe à gauche (fig. 1). Il existe de rares cas d’atteintes bilatérales, voire exceptionnellement unilatérales à droite [6]. Service de Pneumologie et Réanimation Respiratoire et INSERM U866, CHU du Bocage et Faculté de Médecine, 21079 Dijon. Correspondance : [email protected] 22 Les atteintes fibreuses de la plèvre induites par un médicament La plus classique est celle induite par les dérivés des ergots de seigle (EdS) [7]. Cette atteinte a été décrite lors de la prise de bromocriptine dans le traitement de la maladie de Parkinson ou le méthysergide utilisé dans la migraine, mais tous les dérivés des EdS peuvent être Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 22-24 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 3_CC_Bonniaud 27/02/08 16:22 Page 23 Atteinte pleurale médicamenteuse La fibrose pleurale induite par le cyclophosphamide est plus rare. Ce médicament est connu pour sa capacité à induire des fibroses pulmonaires, mais l’atteinte pleurale isolée est décrite, surtout lorsque ce médicament a été utilisé comme « chimiothérapie » pour des maladies cancéreuses, notamment hématologiques [10, 11]. Cette fibrose est apicale, bilatérale et peut survenir plusieurs années (jusqu’à 16 ans) après la fin de l’utilisation du cyclophosphamide [12]. Lorsque la chimiothérapie a été administrée dans l’enfance, elle est associée à un platythorax [13] suggérant un « arrêt de la croissance thoracique ». Les douleurs pleurales volontiers associées seraient calmées par les AINS. Il survient des PNX spontanés, parfois bilatéraux, difficiles à traiter, puisque la plèvre viscérale, fibreuse, ne reviendra pas spontanément à la paroi. Le pronostic est redoutable avec une évolution progressive vers l’insuffisance respiratoire restrictive sévère et le décès. Aucun traitement n’est connu actuellement, mis à part la greffe pulmonaire. Des épaississements pleuraux localisés sont observés chez des patients souffrant d’une pneumopathie à l’amiodarone en regard des territoires où le parenchyme est atteint. Ces épaississements peuvent persister après arrêt de l’amiodarone et guérison de l’atteinte parenchymateuse [9]. Un -bloquant, le practolol, était responsable de fibroses pleurales. Il a été retiré du marché en 1976. La pleurésie tuberculeuse Cause classique de fibrose pleurale, elle aurait peu de conséquences sur la fonction respiratoire [14]. Elle est à différencier des séquelles pleurales de la tuberculose et de ses traitements (notamment PNX et extra-pleural). Pour éviter l’apparition de fibrose pleurale et péricardique, certains ont proposé d’associer des corticoïdes au traitement de la tuberculose pleurale. Cette attitude est très discutée [15]. Les pleurésies de la polyarthrite rhumatoïde (PR) Fig. 1. Patient de 55 ans ayant bénéficié, 7 ans auparavant, d’un pontage aorto-coronarien. Dans les mois suivant cette chirurgie, il avait présenté un épanchement pleural gauche abondant, exsudatif, qui avait du être évacué. Actuellement, il existe une fibrose pleurale marquée de tout l’hémithorax gauche. Aucune lésion n’est aperçue à droite. La fibrose pleurale est responsable d’atélectasies par enroulement visibles sur le cliché thoracique et le scanner. responsables [8]. Il ne faut pas oublier certains EdS « cachés » comme la nicergoline retrouvée dans le Sermion®, médicament utilisé pour les troubles cérébraux légers liés à l’âge. Cette atteinte fibrosante pleurale peut être isolée ou associée à une atteinte péricardique, médiastinale, rétropéritonéale et également des valves cardiaques. Un épanchement liquidien, parfois modeste peut être associé. Classiquement, les patients présentent des douleurs pleurales, une atteinte de l’état général, une fièvre modérée, un syndrome inflammatoire et une atteinte fonctionnelle restrictive. Les atélectasies par enroulement sont habituelles. Il sera important après un interrogatoire soigneux, de dépister le médicament en cause, parfois donné depuis longtemps. L’arrêt de celui-ci va s’accompagner assez rapidement d’une amélioration des symptômes et du syndrome inflammatoire. La régression de la fibrose est habituelle, mais beaucoup plus lente et incomplète. Les séquelles pleurales, visibles sur le cliché thoracique, seront asymptomatiques et sans conséquence sur la fonction respiratoire. La réintroduction d’EdS entraînera une possible récidive. L’exposition préalable à l’amiante est un facteur de risque [9]. La PR est une pathologie inflammatoire fréquente. Ses atteintes pleurales sont classiques [16] avec parfois une véritable fibrose pleurale associée ou non à une atteinte péricardique [17]. Elle fait souvent suite à des épanchements pleuraux ayant les caractéristiques d’empyèmes, exsudatifs et très riches en polynucléaires neutrophiles, alors qu’aucun germe n’est isolé. La conduite à tenir devant ces épanchements pleuraux purulents aseptiques n’est pas bien déterminée, mais il apparaît impératif d’envisager un traitement actif de la PR. Ces patients sont à surveiller de près, car l’évolution peut se faire vers un fibrothorax avec un retentissement fonctionnel important. La décortication sera souvent inefficace et dangereuse chez ces patients fragiles et volontiers immunodéprimés. La recherche d’une néoplasie et d’une tuberculose active, ce d’autant que les patients sont sous anti-TNF, s’imposera toujours. La fibrose pleurale se rencontre également dans d’autres maladies de système comme le lupus [18]. Ces atteintes sont devenues plus rares depuis que le traitement de cette maladie a progressé. À noter que l’atteinte pleurale est particulièrement fréquente et peut même être isolée dans les lupus induits. Des épaississements fibreux de la plèvre sont ici souvent associés à des épanchements. Ces derniers sont exsudatifs, riches en cellules, mais la formule est variable. Les anticorps antinucléaires sont augmentés. Les anticorps antihistones sont classiquement élevés, mais non spécifiques. Les anticorps anti-ADN ont été décris avec acébutolol, hydralazine, pénicillamine et procaïnamide. La présence d’ANA dans le liquide pleural est une aide au diagnostic. Il existe volontiers une polysérite avec une atteinte péricardique. L’atteinte pleurale fibrosante peut se voir très rarement après une pleurésie chez un patient présentant une connectivite mixte [19]. Les épaississements pleuraux sont classiques dans la spondylarthrite ankylosante [20]. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 23 3_CC_Bonniaud 27/02/08 16:22 Page 24 P. Bonniaud Les séquelles de pleurésie purulente Références Le diagnostic est souvent facile, car le patient connaît l’antécédent de pleurésie purulente. L’analyse des clichés antérieurs sera très utile. Cette atteinte est unilatérale et même si parfois elle est importante, elle est rarement symptomatique. 1 La radiothérapie 3 Les lésions fibreuses sont en général associées à une fibrose du parenchyme pulmonaire. L’histoire clinique aidera au diagnostic, tout en se méfiant d’une récidive de la néoplasie [21]. Les hémothorax L’interrogatoire du patient et les clichés anciens seront d’une grande aide. Classiquement, il est dit que l’évacuation d’un hémothorax doit être la plus complète possible pour éviter cette évolution fibrosante, finalement assez rare. Les traitements agressifs comme les fibrinolytiques ou la thoracotomie pour « nettoyer » au mieux la cavité pleurale, sont discutables, car parfois dangereux [14]. 2 4 5 6 7 8 9 L’insuffisance rénale chronique avec une augmentation de l’urée 10 Ces épanchements sont gélatineux, puis finalement fibreux et sont tardifs ; ils sont devenus rares. 11 Fibroses pleurales cryptogéniques 12 Certaines fibroses pleurales n’ont pas de cause évidente et sont dites cryptogéniques. Certaines sont familiales et peuvent atteindre une fratrie [22]. 13 Conclusion L’ensemble du tableau présenté chez notre patient évoque donc une fibrose pleurale secondaire à l’administration préalable (dans l’enfance) de cyclophosphamide. D’autres médicaments ont pu majorer cette atteinte fibreuse comme le BCNU (carmustine). La biopsie pulmonaire a confirmé la fibrose sévère. L’absence d’autres antécédents, d’autres traitements responsables de la fibrose, d’exposition à l’amiante et de cas similaire dans la famille, a permis de retenir ce diagnostic. L’évolution a été défavorable et le patient est décédé d’insuffisance respiratoire restrictive à l’occasion d’une surinfection bronchique avant le recours à la greffe. Les atteintes pleurales induites par les médicaments sont plus rares que les atteintes parenchymateuses. Elles sont cependant variées dans leur présentation allant des douleurs pleurales aux épaississements fibreux ou graisseux (lipomatose) en passant par les épanchements (exsudatifs, riches en éosinophiles, chyleux...) ou les pneumothorax. Lors de doute, il est facile de s’aider du site pneumotox.com [7]. Le diagnostic ne peut être définitivement retenu qu’après élimination des diagnostics différentiels. 24 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 22-24 14 15 16 17 18 19 20 21 22 Huggins JT, Sahn SA : Causes and management of pleural fibrosis. Respirology 2004 ; 9 : 441-7. Gevenois PA, de Maertelaer V, Madani A, Winant C, Sergent G, De Vuyst P : Asbestosis, pleural plaques and diffuse pleural thickening: three distinct benign responses to asbestos exposure. Eur Respir J 1998 ; 11 : 1021-7. Arakawa H, Honma K, Saito Y, Shida H, Morikubo H, Suganuma N, et al. : Pleural disease in silicosis: pleural thickening, effusion, and invagination. Radiology 2005 ; 236 : 685-93. 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Marquignon Observation Motif de consultation Il s’agit d’un patient de 74 ans, Monsieur P., adressé pour symptômes fonctionnels respiratoires à type de dyspnée d’apparition progressive, associée à une toux sèche. Antécédents, habitus, traitement Cette personne retraitée a pour principaux antécédents : – une hypercholestérolémie ; – une HTA ; – un tabagisme estimé à 50 paquets-années, sevré depuis 20 ans ; – traitement usuel : énalapril (IEC) et simvastatine (statine). Ce patient a occupé pendant 40 ans une activité professionnelle d’ingénieur dans le service méthodes d’un chantier naval. Il mettait au point des procédés de soudage qu’il testait ensuite à bord des bâtiments. Histoire de la maladie Depuis environ 1 an, Monsieur P. a constaté l’apparition d’une dyspnée survenant principalement à l’effort (marche en côte, montée des escaliers, pour environ 1 étage...), associée depuis 3 mois à une toux sèche. Il ne décrit ni orthopnée, ni dyspnée paroxystique. Examen clinique Monsieur P. mesure 1,61 mètre pour 75 kg, et semble en bon état général. Les bruits du cœur sont réguliers, à une fréquence de 72/min. On note un souffle systolique 3/6 maximum au foyer mitral. La tension artérielle est de 140/80 mmHg. Les pouls périphériques sont perçus. Il n’est pas constaté de signe de décompensation cardiaque. Il n’existe ni cyanose, ni hippocratisme digital, ni dyspnée de repos. La fréquence respiratoire est de 12/min. Le murmure vésiculaire est symétrique. Il existe quelques fins râles crépitants aux 2 bases pulmonaires. Les aires ganglionnaires sont libres. L’examen des téguments ne met pas en évidence d’anomalie particulière. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Consultations de Pathologie Professionnelle, Service de Santé du travail, Centre Hospitalier Universitaire de Caen, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France. Correspondance : [email protected] Examens complémentaires Une radiographie thoracique de face numérisée (fig. 1). Un scanner thoracique sans injection de produit de contraste (fig. 2 et 3). Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 25-26 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 25 4_CC_Clin 27/02/08 16:22 Page 26 B. Clin, M.-F. Marquignon Des épreuves fonctionnelles respiratoires, comportant à la fois une mesure des débits et volumes pulmonaires en pléthysmographie, une diffusion de l’oxyde de carbone en apnée et des gaz du sang au repos : – CPT : 5,28 l (91 % th) ; – CV : 3,10 l (98 % th) ; – VEMS : 2,15 l (92 % th) ; – VEMS/CV : 69 % ; – DEM 50, DEM 75 respectivement à 59 et 39 % des valeurs de référence ; – diffusion du monoxyde de carbone en apnée : normale ; – gaz du sang : normaux. Questions Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Fig. 1. Radiographie de thorax de face. Quelles investigations proposez-vous éventuellement de réaliser ? Quelles éventuelles démarches médico-légales proposez-vous à Monsieur P. ? Une surveillance médicale sera-t-elle nécessaire ? Si oui, quelles en seront les modalités ? Fig. 2 et 3. Scanner thoracique sans injection de produit de contraste. 26 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 25-26 4_CC_Clin 27/02/08 16:22 Page 27 Cas clinique n° 4 Plaques pleurales et pachypleurite B. Clin, M.-F. Marquignon Commentaires De l’exposé du cas clinique, on retiendra plusieurs éléments : – sujet âgé, aux antécédents de tabagisme actif ; – exposition professionnelle à l’amiante caractérisée par une durée et une intensité importantes ; – apparition progressive de symptômes fonctionnels respiratoires avec examen clinique pratiquement normal (notamment, absence d’altération de l’état général) ; – présence au scanner thoracique de plaques pleurales pariétales multiples, associées à des épaississements pleuraux viscéraux avec atélectasie par enroulement, d’aspect pseudo-tumoral ; – difficulté diagnostique initiale ; – nécessité de réfléchir à d’éventuelles démarches médico-légales, ainsi qu’à l’opportunité et aux modalités d’une surveillance médicale. Caractéristiques des fibroses pleurales liées à l’exposition à l’amiante Les fibroses pleurales liées à l’exposition à l’amiante comportent : – les plaques pleurales, qui touchent la plèvre pariétale et plus rarement la plèvre scissurale ; – les épaississements pleuraux diffus, qui correspondent à une fibrose de la plèvre viscérale, constituant un épaississement de cette dernière avec symphyse des deux feuillets pleuraux, faisant souvent suite à une pleurésie bénigne [1]. Les plaques pleurales pariétales sont les plus fréquentes, les pleurésies bénignes et les épaississements pleuraux diffus étant beaucoup plus rares ; les deux types de lésions peuvent coexister chez un même sujet, ou se succéder dans le temps. Les plaques pleurales Consultations de Pathologie Professionnelle, Service de Santé du travail, Centre Hospitalier Universitaire de Caen, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France. Correspondance : [email protected] Ce sont des plages circonscrites de fibrose de la plèvre pariétale, la lésion histologique élémentaire étant la plaque fibro-hyaline, qui respecte le revêtement mésothélial et n’adhère pas à la plèvre viscérale. Cette dernière caractéristique explique l’absence ou la quasi-absence de retentissement sur la fonction ventilatoire [2]. Ces plaques fibro-hyalines peuvent se calcifier progressivement et siègent presque exclusivement sur le feuillet pleural pariétal. Cependant, des plaques scissurales sont parfois observées, au niveau des scissures interlobaires. Leur épaisseur varie de quelques millimètres à 1 centimètre, rarement plus [3]. Elles peuvent être unilatérales ou plus souvent bilatérales et leur siège de prédilection se situe : – sur la paroi thoracique antéro-latérale entre la 3e à la 5e côte ; – sur la paroi thoracique postérieure et latérale de la 6e à la 9e côte ; – sur le diaphragme en position centrale et postérieure. Elles peuvent plus rarement être observées sur la plèvre médiastinale ou péricardique. Le temps de latence nécessaire à l’apparition des plaques pleurales est rarement inférieur à 20 ans. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 27-29 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 27 4_CC_Clin 27/02/08 16:22 Page 28 B. Clin, M.-F. Marquignon Il n’y a aucune démonstration d’une filiation entre plaques pleurales et mésothéliome malin pleural. À exposition identique à l’amiante, il n’est pas démontré d’excès de risque de cancer pulmonaire pouvant être imputé à la seule présence de plaques pleurales. La radiographie thoracique standard est peu sensible et peu spécifique en ce qui concerne les plaques non calcifiées. Vues de face, les plaques pleurales apparaissent comme des ombres mal définies, avec des contours souvent irréguliers, en « carte de géographie » ; de profil, elles forment des opacités allongées, de densité hydrique. L’examen tomodensitométrique thoracique est beaucoup plus sensible et spécifique : il permet une bonne analyse de l’interface plèvre-poumon et différencie les plaques pleurales des épaississements graisseux et des structures physiologiques contenues dans l’espace intercostal. Les plaques ont une densité hydrique et présentent des bords abrupts, donnant un aspect de surélévation quadrangulaire en plateau. Elles peuvent cependant avoir aussi un aspect pseudo-nodulaire ou avoir une épaisseur minime, soulevant alors des difficultés diagnostiques [4]. Dans tous les cas, l’interface plaque pleurale-parenchyme pulmonaire apparaît parfaitement régulier, sans prolongements fibreux intra-parenchymateux. Les épaississements pleuraux viscéraux Ils sont également qualifiés d’« épaississements pleuraux diffus » : le caractère diffus doit cependant être compris dans le sens d’une diffusion viscéro-pariétale et non d’une diffusion en étendue. Ils sont beaucoup plus rares que les plaques pleurales. La fibrose de la plèvre viscérale constitue un épaississement de cette dernière avec symphyse des deux feuillets pleuraux et fait souvent suite à une pleurésie inflammatoire pouvant passer inaperçue. Contrairement aux plaques pleurales, les épaississements pleuraux ne sont pas spécifiques d’une pathologie de l’amiante, car de multiples autres causes d’inflammation pleurale peuvent entraîner les mêmes lésions. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination. L’épaississement pleural viscéral est associé à des prolongements fibreux qui pénètrent dans le parenchyme pulmonaire dénommés « bandes parenchymateuses ». Les sites les plus fréquents de développement des épaississements pleuraux viscéraux sont les régions postéro-inférieures de la paroi thoracique. À la radiographie thoracique, l’épaississement pleural viscéral s’associe à un comblement du cul-de-sac costo-diaphragmatique homolatéral, reflet d’un épanchement pleural antérieur, critère adopté par la classification du BIT de 2000 [5]. À un stade plus évolué, on peut observer une atélectasie par enroulement, qui résulte de l’attraction de la plèvre viscérale avec enroulement du parenchyme pulmonaire autour d’une adhérence pleurale. À l’examen tomodensitométrique thoracique, la fibrose pleurale viscérale se définit par un épaississement pleural associé à des lésions parenchymateuses à type de « bandes parenchymateuses » ou « d’atélectasie par enroulement » au contact de l’épaississement. L’atélectasie par enroulement se présente sous la forme d’une opacité arrondie ou ovalaire au contact d’une plèvre épaissie avec une perte de volume pulmonaire confirmée par l’attraction des scissures voisines. L’incurva- 28 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 27-29 tion du pédicule bronchovasculaire vers l’atélectasie donne le signe dit de « la queue de comète » [6]. Dans notre observation, l’absence d’antécédent pathologique antérieur pouvant expliquer les épaississements pleuraux diffus, et les caractéristiques de l’exposition professionnelle à l’amiante (importante en intensité) permettent de retenir le diagnostic d’épaississements pleuraux viscéraux liés à l’amiante. En outre, les données de l’anamnèse, associées au scanner thoracique, orientent vers le diagnostic d’atélectasie par enroulement. En effet, l’attraction de la scissure, et l’association intime de l’opacité pulmonaire à l’épaississement pleural situé à son contact, permet d’établir le diagnostic différentiel avec une lésion tumorale. La recherche de corps asbestosiques ou de fibres d’amiante dans le liquide de lavage bronchiolo-alvéolaire n’a aucun intérêt dans le cas d’une exposition avérée à l’amiante. Dans notre observation, il est inutile de prescrire d’autres examens complémentaires que ceux déjà réalisés. Certaines études ont montré que les épaississements pleuraux diffus pouvaient s’accompagner de syndromes fonctionnels restrictifs soit par réduction des volumes pulmonaires, soit par une limitation de la mobilité diaphragmatique [7]. Dans notre observation clinique, il existe un léger syndrome restrictif, vraisemblablement en rapport avec les épaississements pleuraux viscéraux observés. Les pleurésies bénignes liées à l’amiante Elles résultent d’expositions importantes à l’amiante et surviennent avec une latence parfois inférieure à 10 ans. Une relation entre prévalence de l’épanchement pleural et importance de l’exposition asbestosique a été démontrée [8]. Ces pleurésies sont très fréquemment asymptomatiques et leur diagnostic est le plus souvent rétrospectif. Elles peuvent entraîner des symptômes à type de douleur thoracique, parfois associée à une toux et à une dyspnée [9]. Elles sont généralement unilatérales et parfois récidivantes, inquiétant par leur caractère exsudatif et parfois hémorragique. Les biopsies pleurales réalisées par thoracoscopie ne montrent aucune anomalie spécifique. La pleurésie peut évoluer vers la régression complète ou, au contraire, laisser subsister un épaississement pleural viscéral avec comblement du cul-de-sac homolatéral. Modalités d’indemnisation des plaques pleurales et des épaississements pleuraux viscéraux liés à l’amiante Pour les assurés des régimes général et agricole de la Sécurité sociale, les tableaux de maladies professionnelles n° 30B (Régime général) et 47B (Régime agricole), permettent une réparation forfaitaire des préjudices par présomption d’origine. La déclaration de maladie professionnelle doit être effectuée par la victime, à l’organisme d’assurance maladie, dans un délai de 2 ans après la rédaction du certificat médical initial, qui doit être établi par tout médecin choisi par le patient. Ce certificat doit décrire avec précision les anomalies constatées, ainsi que la date de leur première constatation. 4_CC_Clin 27/02/08 16:22 Page 29 Plaques pleurales et pachypleurite Si le délai de prise en charge ou la durée d’exposition prévus aux tableaux ne sont pas respectés, la réparation ne pourra être acquise qu’après avis favorable d’un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, chargé de confirmer l’existence d’un lien direct entre la profession et la pathologie. Le FIVA (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante), crée en 2001, permet une indemnisation complémentaire des préjudices subis par la victime d’une maladie professionnelle liée à l’amiante, mais aussi d’accorder une réparation aux victimes d’expositions extra-professionnelles (ainsi qu’à leurs ayants droit en cas de décès), au-delà de l’indemnisation accordée par la reconnaissance en maladie professionnelle, sans utiliser la voie de la procédure contentieuse. L’acceptation par la victime de la proposition d’indemnisation formulée par le FIVA rend irrecevable toute action juridictionnelle de la part de l’intéressé(e) en réparation du même préjudice, notamment les actions en faute inexcusable. Enfin, le décret n° 99-247 prévoit la possibilité d’une allocation de cessation anticipée d’activité professionnelle à partir de l’âge de 50 ans pour tout assuré actif reconnu atteint de l’une quelconque des affections bénignes dues à l’amiante. Cette allocation s’élève à 65 % du montant du salaire des 12 derniers mois de travail en tant que salarié. Il est donc recommandé de proposer à toute personne autrefois exposée à l’amiante un scanner thoracique vers l’âge de 50 ans pour ne pas méconnaître une éventuelle atteinte pleurale ou pulmonaire, éventuellement infra-radiographique, susceptible de lui donner droit à cette allocation. bilan médical comportant un examen clinique, un examen radiologique du thorax, et éventuellement une exploration fonctionnelle respiratoire. La conférence de consensus de 1999 pour l’élaboration d’une stratégie de surveillance médicale clinique des personnes exposées à l’amiante a conseillé d’y ajouter le scanner thoracique tous les 6 ou 10 ans selon le niveau d’exposition à l’amiante [10]. Dans notre observation clinique, compte tenu des antécédents d’exposition professionnelle à l’amiante présentés par le patient, une surveillance médicale post-professionnelle est conseillée. Cette surveillance associera un bilan biennal comportant un examen clinique, une radiographie thoracique, et des épreuves fonctionnelles respiratoires, d’autant qu’il existe des épaississements pleuraux diffus. L’exposition à l’amiante ayant vraisemblablement été importante, un scanner thoracique réalisé tous les 6 ans pourra compléter ces bilans. Références 1 2 3 Dans notre observation clinique, il est donc nécessaire de rédiger un certificat médical initial décrivant les anomalies constatées au scanner (plaques pleurales et épaississements viscéraux avec atélectasie par enroulement), afin que le patient puisse effectuer, s’il le souhaite, une déclaration de maladie professionnelle. Les modalités d’indemnisations complémentaires doivent également lui être expliquées. 4 5 6 Surveillance médicale Les pathologies liées à une exposition à l’amiante étant caractérisées par un long temps de latence, il est justifié de poursuivre une surveillance médicale, même après l’arrêt de l’exposition, que le sujet soit toujours en activité ou non. Chez un patient encore en activité professionnelle, la surveillance médicale justifiée par des antécédents d’exposition professionnelle à l’amiante est assurée par le médecin du travail. Cependant, le diagnostic de pathologie liée à l’amiante peut n’intervenir qu’après la fin de l’activité professionnelle : ainsi, l’article D. 461-25 du Code de la Sécurité sociale dispose que toute personne retraitée, inactive, ou demandeur d’emploi, qui a été exposée à l’amiante peut demander à bénéficier gratuitement tous les 2 ans d’un 7 8 9 10 Cugell DW, Kamp DW : Asbestos and the pleura: a review. Chest 2004 ; 125 : 1103-17. Ameille J, Matrat M, Paris C, Joly N, Raffaelli C, Brochard P, et al. : Asbestos-related pleural diseases: dimensional criteria are not appropriate to differentiate diffuse pleural thickening from pleural plaques. Am J Ind Med 2004 ; 45 : 289-96. Jörvholm B, Arvidsson H, Blake B, Hillerdal G, Westrin CG : Pleural plaques - asbestos-ill health. Eur J Respir Dis 1986 ; 145 : 1-59. Beigelman-Aubry C, Ferretti G, Mompoint D, Ameille J, Letourneux M, Laurent F : Atlas iconographique tomodensitométrique des pathologies bénignes de l’amiante. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 759-81. International Labour Office guidelines for the use of the ILO international classification of radiographs of pneumoconiosis, revised edition 2000. International Labour Office Occupational Safety and Health series n° 22 Geneva ILO 2002. Lynch DA, Gamsu G, Aberle DR : Conventional and high resolution computed tomography in the diagnosis of asbestos-related diseases. Radiographics 1989 ; 9 : 523-51. 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Il s’agit d’un homme de 54 ans travaillant et vivant en milieu rural, technicien de service vétérinaire et apiculteur. Il n’a pas de facteur de risque respiratoire (en particulier pas de tabagisme). Ses antécédents sont marqués par des coliques néphrétiques (lithiases rénales) et une hernie ombilicale opérée le 11/12/2002. Antécédents Début février 2003, le patient consulte pour une douleur basithoracique droite (colique néphrétique quelques jours auparavant, chirurgie ombilicale 2 mois auparavant, amaigrissement 3 kg depuis la chirurgie). Le 8 février 2003, devant la dyspnée et une fièvre à 39°C, le malade est hospitalisé. L’examen clinique à l’admission est le suivant : – fièvre : 39,2°C, pression artérielle : 130/80 mmHg, pouls : 90/min ; – saturation O2 : 89 % ; – douleur thoracique droite augmentée par l’inspiration ; – dyspnée augmentée au décubitus ; – diminution de l’ampliation thoracique, matité, abolition du murmure vésiculaire à droite. Biologie Service de Pneumologie, CHRU De Rouen Hôpital de Bois-Guillaume, 147, avenue du Maréchal Juin 76031 Rouen cedex, France. Correspondance : [email protected] 30 Glycémie (3,3-5,5 mmol/l) 5,1 Na (137-143 mmol/l) Hb (12-18 g/dl) 13,7 ASAT (⬍ 60 UI/l) 57 134 Ht (35-55 %) 41 ALAT (⬍ 60 UI/l) 122 K (3,5-4,5 mmol/l) 3,7 GR (4-6,2 T/l) 4,59 Gamma-GT (5-45 UI/l) Chlore (97-105 mmol/l) 103 GB (4-10 G/l) 20,9 Phosphatases alcalines (30-120 UI/l) 317 Bilirubine (17 mmol/l) 4 CPK (10-180 UI/l) 34 Amylase (10-45 UI/l) 34 Urée (3-7 mmol/l) 3,9 Polynucléaires neutrophiles (1,7-7,5 G/l) 19,23 Créatinine (60-120 μmol/l) 81 Plaquettes (150-400 G/l) 353 Protides (65-75 g/l) 76 TP (75-120 %) 71 Ca (2,3-2,5 mmol/l) 2,18 CRP (⬍ 10 mg/l) 266 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 30-31 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 5_CC_Benhamou 27/02/08 16:22 Page 31 Pleurésies purulentes de l’adulte Gazométrie artérielle en air ambiant pH 7,46 PaCO2, kPa 4,53 PaO2, kPa 8,6 CO2 total, mEq/l 23,3 SaO2 92,6 Radiographie de thorax (fig. 1 et 2) Présence d’un épanchement pleural droit de grande abondance. Fig. 2. Radiographie thoracique de profil. Ponction pleurale Liquide trouble ; protides 49 g/l, glucose 0,2 mmol/l (glycémie 5,1 mmol/l), lipase 14 UI/l, LDH 6 585 UI/l. Questions À ce stade, quel est votre diagnostic ? Quelle est votre prise en charge thérapeutique ? Fig. 1. Radiographie thoracique de face. Quel bilan complémentaire demandez-vous ? © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 31 5_CC_Benhamou 27/02/08 16:22 Page 32 Cas clinique n° 5 Pleurésies purulentes de l’adulte D. Benhamou Commentaires Cette observation soulève plusieurs points : – le diagnostic en lui-même ne pose pas de grosses difficultés. C’est la précocité du diagnostic qui pose problème. En effet, celui-ci est rarement évoqué d’emblée compte tenu de la faible incidence de cette pathologie et l’évolution initiale est souvent torpide ; – la prise en charge thérapeutique repose sur 2 points essentiels : l’antibiothérapie générale et le traitement local ; – l’antibiothérapie dépend de l’étiologie microbienne qui présente des différences notables avec celle des pneumopathies aiguës dont elles sont pourtant une complication ; – le traitement local (essentiellement drainage, mais aussi kinésithérapie) fait l’objet de beaucoup de discussions portant notamment sur la méthode de drainage (médical ou chirurgical) et sur l’intérêt de l’adjonction d’un traitement fibrinolytique intra-pleural ; – le pronostic immédiat est greffé d’une assez lourde mortalité liée surtout au terrain. Le pronostic à plus long terme est en rapport avec les séquelles pleurales à l’origine d’une atteinte fonctionnelle respiratoire. Il est surtout lié à la précocité de la prise en charge et à la qualité du traitement local (drainage et kinésithérapie). Diagnostic Le tableau clinique est, en règle générale, dominé par la pneumopathie aiguë sous-jacente. Rarement, l’examen clinique est parlant montrant un syndrome pleural (matité, abolition des vibrations vocales). C’est plus la persistance anormale d’un signe (fièvre, douleur, etc.) qui évoquera l’apparition secondaire d’un épanchement. La radiographie est essentielle et doit être renouvelée précocement en cas d’évolution anormale d’une pneumopathie aiguë. Cependant, ses sensibilité et spécificité dans le diagnostic de pleurésie para-pneumonique ne sont pas excellentes (67 et 70 %) : épanchements minimes mal visibles (200 à 500 cc de liquide sont nécessaires pour entraîner un simple comblement de cul-de-sac costo-diaphragmatique), opacité parenchymateuse associées, clichés en position couché chez des patients graves peu mobilisables. Parfois, l’aspect est évocateur de cloisonnement. L’échographie complète utilement la radiographie quand la ponction ou l’évacuation pleurale est difficile. Elle permet de localiser l’épanchement (et donc le point de ponction) et de rechercher le cloisonnement. Le scanner thoracique est l’examen de choix quand l’image est complexe associant image parenchymateuse et pleurale. Il est donc très utile au choix de la méthode de drainage. Il est par ailleurs indispensable au bilan étiologique : tumeur broncho-pulmonaire... Service de Pneumologie, CHRU De Rouen Hôpital de Bois-Guillaume, 147, avenue du Maréchal Juin 76031 Rouen cedex, France. Correspondance : [email protected] 32 Dans notre observation, outre l’absence de lésions pulmonaire ou médiastinale associée, il montre une poche pleurale unique, libre de cloison. La ponction pleurale est primordiale et doit être réalisée le plus précocement possible. Elle permet de : Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 32-35 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 5_CC_Benhamou 27/02/08 16:22 Page 33 Pleurésies purulentes de l’adulte – confirmer le diagnostic ; – préciser la nature du liquide ; – faire les recherches bactériologiques ; – commencer le traitement (évacuation). La présence de pus franc macroscopiquement affirme l’empyème : seule l’étude bactériologique est utile sur ce liquide. Une odeur nauséabonde est évocatrice d’infection à germes anaérobies, mais n’est pas constante. La présence d’un liquide non purulent impose une batterie d’examens biologiques. – l’analyse bactériologique permet l’isolement d’un ou plusieurs germes dans 55 à 65 % des cas (des cultures aérobies et anaérobies sont indispensables) ; – la prédominance de polynucléaires neutrophiles est en faveur de la nature infectieuse du liquide ; – les caractéristiques biochimiques (glucose, pH, LDH, etc.) peuvent aider à poser les indications thérapeutiques (drainage). Des recherches plus spécifiques sont utiles dans certains cas particuliers (amylase et suspicion de rupture de l’œsophage par exemple) Germes en cause Dans notre observation, l’examen microbiologique du liquide pleural confirme une pleurésie purulente : – examen direct : leucocytes 25 000, hématies 2000, 82 % polynucléaires neutrophiles ; – cultures : Streptococcus anginosus (groupe milleri). Les prélèvements endoscopiques bronchiques sont concordants, montrant sur l’aspiration et sur le brossage bronchique protégé un streptocoque (à concentration néanmoins faible (102 sur la BBP et 105 sur l’aspiration)). Les caractéristiques bactériologiques de ces suppurations par rapports aux pneumopathies aigues sont multiples : la prédominance des infections polymicrobiennes, la responsabilité de germes saprophytes oro-pharyngés (streptocoques), la fréquence des germes anaérobies, la fréquence de la présence d’une bêta-lactamase. L’importance de ce phénomène est amplifiée par le polymicrobisme. Facteurs de risque - physiopathologie - étiologie Le bilan pratiqué chez notre patient comportera un scanner thoracique (opacité pleurale droite avec condensation parenchymateuse lobaire inférieure droite) et une endoscopie bronchique (normale), un bilan stomatologique (poches parodontales importantes) et ORL (normal), une échographie abdominale (normale). Le terrain occupe une place primordiale dans la survenue des pleurésies purulentes. Inhalation Les mécanismes des pneumopathies d’inhalation sont bien connus et mis en cause dans nombre d’infections broncho-pulmonaires de présentations diverses : pneumopathies d’allure banale, pneumopathies nosocomiales... Les suppurations pleurales sont l’évolution défavorable de quelques-unes de ces pneumopathies aiguës. L’évolution vers la suppuration pleurale pourrait être liée à l’importance de l’inoculum inhalé, la diminution des défenses locales ou générales, une évolution torpide et silencieuse retardant l’antibiothérapie. La virulence des germes pourrait être en cause. Il existe souvent des facteurs de risque d’inhalation isolés ou cumulés : éthylisme aigu ou chronique, épilepsie, toxicomanie, anesthésie générale récente, accident neurologique récent... On peut y ajouter la mauvaise hygiène bucco-dentaire qui, si elle ne favorise pas le risque d’inhalation, majore considérablement la taille de l’inoculum bactérien inhalé (essentiellement germes anaérobies). Dans notre observation, 2 de ces facteurs de risque sont présents : une anesthésie générale dans les semaines précédentes a pu favoriser des épisodes d’inhalation ; le bilan stomatologique chez ce patient retrouvait des poches parodontales importantes. Tumeurs bronchiques Leur fréquence est importante, proche de 20 % dans les séries étudiées. Le mécanisme est différent : une pneumopathie aiguë sousjacente n’est pas toujours présente, la tumeur pouvant créer une fistule broncho-pleurale par nécrose tumorale. Infections nosocomiales Le mécanisme d’inhalation (prédominant dans les infections nosocomiales) est le plus souvent en cause. Peuvent également être impliquées, des causes iatrogènes, telles que les complications de ponctions, drainages pleuraux, chirurgie thoracique ou abdominale. Autres causes locorégionales À côté des pneumopathies aiguës qui constituent l’étiologie prédominante des suppurations pleurales, un certain nombre de causes locales ou régionales peuvent survenir. Rarement une autre affection non tumorale pulmonaire est en cause tel un infarctus pulmonaire, une séquestration... Les traumatismes et plaies du thorax sont peu fréquents. Les causes dentaires, ORL et œsophagiennes hautes, quelles soient infectieuses, tumorales ou malformatives (diverticule...), interviennent par un mécanisme d’inhalation déjà évoqué. Les causes œsophagiennes basses interviennent par fistulisation ou rupture. Enfin, une fistulisation à partir d’autres organes creux ou non est possible (côlon, pancréas, rein, rachis...). Enfin, une diffusion régionale sans fistule peut se voir dans les foyers infectieux de voisinage (péritonite, abcès sousphrénique...). Métastase septique Ce mécanisme est probablement très rarement en cause et peut être l’apanage de certains germes (Staphylococcus aureus...). Immunodépression générale Elle est présente de manière très variable dans les différentes séries de la littérature (2 à 27 %). Les immunodépressions iatrogènes (notamment la corticothérapie) semblent être le plus souvent en cause. Pathologies respiratoires chroniques Les bronchopathies chroniques obstructives ne constituent pas classiquement un facteur de risque (en dehors de l’immunodépression liée à la corticothérapie prolongée de certains de ces malades). © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 33 5_CC_Benhamou 27/02/08 16:22 Page 34 D. Benhamou Traitement Antibiothérapie Les bases de l’antibiothérapie reposent initialement sur les données cliniques (caractère nauséabond du liquide pleural...), étiologiques et thérapeutiques antérieures et surtout, dans un 2e temps, sur les données bactériologiques. Avant instauration de toute antibiothérapie, il faudra donc s’acharner à obtenir une identification bactériologique par prélèvements de liquide pleural, d’hémocultures, voire de prélèvements protégés des sécrétions bronchiques avec études aérobie et anaérobie. L’antibiothérapie initiale devra toujours être efficace sur le pneumocoque, les autres streptocoques et les germes anaérobies et, dans certaines circonstances (pleurésies post-chirurgicales, nosocomiales...), sur les bacilles Gram négatif et les staphylocoques. La plupart des antibiotiques diffusent bien dans le liquide pleural atteignant des concentrations avoisinant 75 % des taux sériques. L’activité des aminoglycosides peut cependant être inhibée en milieu acide dans le pus pleural. L’association bêtalactamines-inhibiteurs de bêtalactamases (amoxicilline/acide clavulinique, ticarcilline/acide clavulinique, pipéracilline/ sulbactam) peut être utilisée en 1re intention (avec une préférence pour les 2 dernières molécules en cas de suspicion de bacille Gram négatif ). Les céphalosporines de 3e génération (en association avec aminosides ou quinolones et éventuellement anti-anaérobies) et l’imipénem sont, en règle générale, réservés au traitement de 2e intention et ciblé sur un germe identifié multirésistant. Dans notre observation, l’antibiothérapie initiale (Augmentin 1 g/ 200 mg x 3/j IV et Oflocet 200 mg x 2/j po) débutée devant le tableau de pleuro-pneumopathie infectieuse, est modifié secondairement après le résultat des cultures, au profit de amoxicilline 2 g x 3/j et acide clavulanique 200 mg x 3/j IV. Drainage pleural L’évacuation précoce du liquide s’impose. Les méthodes de drainage sont multiples et les indications respectives de chacune d’elles sont très controversées. Elles reposent sur : – des critères cliniques : il s’agit surtout du terrain sous-jacent ; – des critères bactériologiques : certains germes ayant une virulence plus marquée pour la plèvre, pourraient justifier de méthodes plus invasives de drainage ; – des critères d’imagerie : ils sont certainement plus importants. Sont pris en compte l’importance de l’épanchement, sa localisation et les éventuels cloisonnements ; – l’analyse du liquide pleural : plusieurs arguments plaident pour un drainage efficace : aspect macroscopique franchement purulent, présence de germes à l’examen direct ou aux cultures, un taux bas de glucose ou du pH ou un taux élevé de LDH ; – enfin, les habitudes ou l’expertise locales. La ponction au trocart avec évacuation simple (isolée ou répétée) est la méthode la moins invasive. Elle est indiquée en cas d’épanchement para-pneumonique non compliqué (non purulent, bactériologie négative, en plèvre libre non cloisonnée). La ponction au trocart avec évacuation et lavage de plèvre (en règle générale répétée). Elle nécessite des ponctions itératives, mais n’immobilise pas le patient au lit entre les ponctions. Le drainage continu par drain thoracique avec possibilité de lavage discontinu de plèvre est préféré par certains. Ces méthodes s’imposent en cas de purulence franche, de bactériologie positive dans le liquide, de cloisonnement. Il est aussi discuté en cas de liquide trouble ou clair s’il 34 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 32-35 existe certains arguments péjoratifs : terrain, difficulté d’évacuation, glucose et pH bas ou LDH élevées. L’usage de drogues fibrinolytiques est proposé pour améliorer le drainage en cas de cloisonnement. Son efficacité est discutée : 4 essais randomisés [1-4] et une méta-analyse (reprenant 3 des ces essais randomisés en double aveugle) rapportent une supériorité des fibrinolytiques sur la qualité du drainage et le recours à la chirurgie, mais l’intérêt clinique n’est pas démontré dans certaines études, notamment à long terme (6 mois). Ces essais, par ailleurs, ont une puissance insuffisante (effectifs trop faibles). À l’inverse, un essai britannique randomisé en double aveugle et comprenant 454 patients ne montre pas de supériorité des fibrinolytiques sur le sérum salé [5]. Mais la population étudiée est plus hétérogène que dans les petits essais, masquant peut-être des groupes de patients pouvant potentiellement bénéficier des fibrinolytiques. Streptokinase et urokinase semblent avoir une même efficacité, mais l’urokinase serait mieux tolérée [6]. Le drainage chirurgical va de la pose d’un drain sous thoracoscopie avec ou sans effondrements des cloisons à des interventions plus lourdes de décortication. Ses indications et son temps sont très discutées, précoces pour certains (beaucoup d’auteurs anglo-saxons) [7, 8], après échec d’un drainage du fait du cloisonnement, tardives pour d’autres (notamment en France) après un traitement médical prolongé comprenant notamment une kinésithérapie intensive. La kinésithérapie est effectivement très importante. Elle peut être débutée précocement. Elle vise à favoriser la réexpansion pulmonaire par une rééducation active et passive des mouvements de l’hémithorax et du diaphragme. Elle limite les séquelles pleurales et le syndrome restrictif qui en découlent. Elle donne des résultats souvent spectaculaires à long terme à condition d’être prolongée (plusieurs mois). Dans notre observation, des ponctions avec lavage de plèvre sont réalisées (quotidiennement, puis 3 fois par semaine) ramenant 200 à 300 cc de liquide en plus du liquide de lavage (1 litre de sérum physiologique). Une instillation d’urokinase est réalisée lors des 2e et 3e ponctions-lavage. Une kinésithérapie respiratoire est débutée précocement. Évolution-pronostic La mortalité globale pour les pleurésies purulentes est difficile à trouver dans la littérature, car elle souvent rapportée en fonction des options thérapeutiques. Elle semble comprise entre 4 et 15 % [9-11]. Dans notre expérience (n = 104), elle atteint 18,3 % et est supérieure à celle des PA hospitalisées (8 à 15 %). La morbidité (en termes de séquelles ultérieures) est difficilement appréciable dans la littérature. Dans notre série personnelle, sur 55 patients, les séquelles étaient présentes avant 3 mois dans 67 % des cas (minimes 29 %, modérées 11 % et importantes 27 %), après 3 mois dans 31 % des cas (minimes 25 %, modérées 4 % et importantes 2 %) et à 1 an dans 11 % des cas (toujours minimes). Dans notre observation, l’évolution est favorable avec une apyrexie stable (⬍ 37,5°C) à partir du 25/2/03. Survenue le 26/2 d’un épistaxis d’évolution rapidement favorable après simple compression antérieure. Sur le plan radiologique l’évolution est satisfaisante (fig. 1 et 2), sans cloisonnement visible au scanner (fig. 3). L’antibiothérapie IV est relayée à J 21 par une antibiothérapie orale (mêmes molécules et même doses). La kinésithérapie respiratoire est poursuivie tous les jours (1 mois), puis 3/semaine pendant 6 semaines. 5_CC_Benhamou 27/02/08 16:22 Page 35 Pleurésies purulentes de l’adulte En fin d’hospitalisation le 3/3/03, l’amélioration clinique est nette. La gazométrie est normalisée (PaO2 AA : 11,8, PaCO2 : 4,71, pH : 7,44, Sat : 97 %). À distance, l’amélioration se confirme : absence de récidive de signes infectieux, disparition des douleurs thoraciques et de la dyspnée d’effort en quelques semaines. Il persistera à 6 mois et 1 an une séquelle radiologique (surélévation de la coupole diaphragmatique droite) et un discret syndrome restrictif (EFR : CPT 76 %, CV 76 %, VEMS 87 %). Fig. 3. TDM thorax : poche pleurale droite avec niveau hydroaérique. Références 1 2 3 Fig. 1. Radio thoracique : évolution initiale sous traitement. 4 5 6 7 8 9 10 Fig. 2. Radio thoracique : évolution secondaire sous traitement. 11 Davies RJ, Traill ZC, Gleeson FV : Randomised controlled trial of intrapleural streptokinase in community acquired pleural infection. Thorax 1997 ; 52 : 416-21. Bouros D, Schiza S, Tzanakis N, Chalkiadakis G, Drositis J, Siafakas N : Intrapleural urokinase versus normal saline in the treatment of complicated parapneumonic effusions and empyema. A randomized, double-blind study. Am J Respir Crit Care Med 1999 ; 159 : 37-42. Tuncozgur B, Ustunsoy H, Sivrikoz MC, Dikensoy O, Topal M, Sanli M, et al. : Intrapleural urokinase in the management of parapneumonic empyema: a randomised controlled trial. Int J Clin Pract 2001 ; 55 : 658-60. Diacon AH, Theron J, Schuurmans MM, Van de Wal BW, Bolliger CT : Intrapleural streptokinase for empyema and complicated parapneumonic effusions. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 170 : 49-53. Maskell NA, Davies CW, Nunn AJ, Hedley EL, Gleeson FV, Miller R, et al. : Controlled trial of intrapleural streptokinase for pleural infection. N Engl J Med 2005 ; 352 : 865-74. Bouros D, Schiza S, Patsourakis G, Chalkiadakis G, Panagou P, Siafakas NM : Intrapleural streptokinase versus urokinase in the treatment of complicated parapneumonic effusions: a prospective, double-blind study. Am J Respir Crit Care Med 1997 ; 155 : 291-5. Bilgin, M, Akcali Y, Oguzkaya F. Benefits of early aggressive management of empyema thoracis. ANZ J Surg 2006 ; 76 : 120-2. Coote N, Kay NE. Surgical versus non-surgical management of pleural empyema. Cochrane Database Syst Rev 2005 : CD001956. Alfageme I, Muñoz F, Peña N, Umbría S, Alfageme I : Empyema of the thorax in adults. Etiology, microbiologic findings, and management. Chest 1993 ; 103 : 839-43. Ahmed RA, Marrie TJ, Huang JQ : Thoracic empyema in patients with community-acquired pneumonia. Am J Med 2006 ; 119 : 877-83. Muir JF, Cuvelier A, Trehony A : Pleurésies purulentes. Rev Prat 1997 ; 47 : 1315-9. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 35 6_CC_Monnet 27/02/08 16:23 Page 36 Cas clinique n° 6 Tumeurs de la plèvre I. Monnet Observation Motif de consultation Un homme de 65 ans est adressé aux urgences pour dyspnée au moindre effort avec toux sèche depuis quelques semaines. Antécédents Les principaux antécédents sont un cancer colique opéré il y a 10 ans sans traitement complémentaire, un athérome des carotides traité par Aspégic®, un tabagisme à 30 paquetsannées sevré il y a 20 ans. Il était technicien, puis cadre dans une entreprise d’aéronautique. Histoire de la maladie Apparition d’une dyspnée d’effort progressivement croissante accompagnée d’une toux sèche, sans fièvre, sans douleur thoracique. Il a perdu 4 kg sans asthénie franche. Examen clinique Il montre un état général peu altéré (OMS 1), une saturation de pouls en O2 à 95 % sous 3 l/min d’O2, un syndrome pleural droit. Examens complémentaires Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil, France. Correspondance : [email protected] 36 La radiographie thoracique retrouve un épanchement pleural droit de grande abondance (fig. 1). La ponction pleurale ramène un liquide séro-hématique, exsudatif (protides 53 g/l), de formule panachée : 110 éléments/mm3 dont 21 % de polynucléaires neutrophiles, 29 % de lymphocytes, 50 % de cellules mésothéliales. L’analyse cytologique ne retrouve pas de cellules tumorales. Le scanner thoracique confirme l’épanchement libre de la grande cavité pleurale droite, un discret épaississement de la plèvre médiastinale, une atélectasie passive du poumon sousjacent. Il n’y a pas de plaque pleurale visible ni d’adénopathie médiastinale de taille significative (fig. 2). La thoracoscopie droite permet l’évacuation de 3,8 l de liquide séro-hématique. La plèvre pariétale présente un aspect inflammatoire avec quelques plaques fibro-hyalines et quelques nodules. La plèvre viscérale présente de multiples nodules de petite taille. Toutes ces lésions sont diffuses (fig. 3). De larges biopsies pleurales sont effectuées. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 36-37 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 6_CC_Monnet 27/02/08 16:23 Page 37 Tumeurs de la plèvre Fig. 3. Thoracoscopie : multiples nodules sur la plèvre viscérale. Fig. 1. Radio thoracique : épanchement pleural droit de grande abondance. Questions Quel est le diagnostic le plus probable ? Quels examens complémentaires proposez-vous ? Détaillez les différents volets de votre prise en charge. Fig. 2. TDM thoracique : épanchement volumineux de la grande cavité droite. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 37 6_CC_Monnet 27/02/08 16:23 Page 38 Cas clinique n° 6 Tumeurs de la plèvre I. Monnet Commentaires Le mésothéliome pleural est une tumeur rare, et ne représente que 2 à 3 % de l’ensemble des pleurésies tumorales. Son incidence actuelle est estimée entre 650 et 800 nouveaux cas par an en France [1] ; 82 % des patients présentent une exposition antérieure à l’amiante, le plus souvent professionnelle, ce qui explique la forte prédominance masculine. Dans la plupart des cas (comme dans cette observation), il s’agit d’une pleurésie en climat froid sans élément d’orientation. L’examen de référence pour faire le diagnostic est la thoracoscopie, qui permet une description précise des lésions, des biopsies de bonne taille et qui a une rentabilité de 98 % [2]. Le diagnostic anatomopathologique est souvent difficile, il doit systématiquement comporter une étude en immunohistochimie [3]. En cas de doute ou d’inclusion d’un patient dans un essai thérapeutique, les prélèvements peuvent être adressés au groupe anatomopathologique d’aide au diagnostic du mésothéliome (Mésopath, F. Galateau, Caen). Dans cette observation, l’examen histologique extemporané a confirmé la nature tumorale des lésions. L’analyse histologique définitive conclut à un mésothéliome malin de type épithélial, confirmé par l’immunohistochimie (forte positivité intranucléaire de la calrétinine, positivité intracytoplasmique de CK5/6, positivité membranaire de l’EMA, négativité du TTF1) (fig. 1). Fig. 1. Marquage calrétinine. Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil, France. Correspondance : [email protected] 38 La démarche de soin répond à une prise en charge globale : vu le pronostic sombre, à côté du traitement spécifique (le plus souvent médical), le traitement des symptômes et l’aide dans les démarches médico-sociales sont d’une grande importance. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 38-40 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 6_CC_Monnet 27/02/08 16:23 Page 39 Tumeurs de la plèvre La symphyse pleurale : dans cette observation, elle a été réalisée précocement en raison de l’importance de l’épanchement et de son retentissement ; vu l’analyse extemporanée (confirmant la lésion tumorale) et l’étendue des lésions ne faisant pas envisager de traitement intra-pleural, le talcage pouvait être effectué en fin de thoracoscopie. Cette modalité (talc poudrage des Anglo-Saxons) est en effet la plus efficace pour obtenir une symphyse pleurale [4] ; chez les patients ne pouvant pas tolérer une thoracoscopie (altération de l’état général, grand âge), le talcage par le drain (talc slurry des Anglo-Saxons) est une alternative. En cas d’échec de la pleurodèse chimique ou de poumon trappé, la mise en place d’un cathéter pleural « à demeure » peut être envisagée [5]. Le plus rapidement possible : la radiothérapie prophylactique des orifices de drainage doit être proposée le plus précocement possible (dans les 4 semaines suivant le geste) pour éviter l’apparition des nodules de perméation, estimé à 20 % des cas. Son intérêt a été démontré par étude randomisée française comparant la radiothérapie (il s’agissait d’une irradiation limitée utilisant les électrons, délivrant 3 x 7 grays en 3 séances consécutives dans les 10 à 15 jours suivant le geste) à l’absence de radiothérapie [6]. Il est également conseillé d’éviter les ponctions pleurales itératives, et en cas de geste de tatouer les orifices de ponction ou drainage pour faciliter le repérage pour irradiation. Le patient a reçu une irradiation prophylactique des orifices de drainage 4 semaines après la thoracotomie, à la dose de 3 x 7 Gy. Quel bilan préthérapeutique ? L’étendue du bilan préthérapeutique dépend du traitement envisagé. Le traitement de référence actuel est la polychimiothérapie associant cisplatine et pemetrexed. Dans ce cas, le bilan minimal préthérapeutique associe la thoracoscopie initiale avec description précise de l’atteinte des différents feuillets, un scanner thoraco-abdominal effectué après évacuation pleurale. La recommandation est de ne pas effectuer de recherche systématique de localisation secondaire, sauf en cas de point d’appel. Ce bilan scannographique servira de référence pour mesurer la réponse à la chimiothérapie. Si une chirurgie d’exérèse est envisagée (pleuro-pneumonectomie élargie), ce bilan « minimal » doit être complété : – par une IRM thoracique, qui permet une meilleure identification de l’envahissement du fascia endothoracique et du diaphragme ; – par un TEP-scanner, qui pourrait apporter une aide à l’évaluation de l’envahissement ganglionnaire médiastinal et surtout à la recherche de localisations secondaires [7]. Une confirmation histologique reste indispensable en cas d’hyperfixation (médiastinoscopie, ponction-biopsie d’une lésion à distance) ; – certains proposent systématiquement une médiastinoscopie, même si elle ne permet pas un accès à tous les territoires ganglionnaires impliqués, une laparoscopie pour éliminer une carcinose péritonéale, une thoracoscopie controlatérale, une IRM cérébrale [8, 9], mais cette approche n’est pas recommandée par la conférence d’experts de la SPLF [10] ; – enfin, le bilan d’opérabilité doit comporter des explorations fonctionnelles respiratoires, une scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion et une échographie cardiaque. Le but de ce bilan lourd et parfois invasif est d’aboutir à une meilleure sélection des patients. En effet, la seule chirurgie radicale du mésothéliome est la pleuro-pneumonectomie élargie dont la mortalité et la morbidité sont non négligeables (3,8 à 9,1 % et 60 %), et qui ne permet une exérèse complète que dans 37 à 75 % des cas. Ceci explique que cette chirurgie est maintenant intégrée dans un traitement multimodal en association avec une chimiothérapie associant cisplatine et pemetrexed (néoadjuvante ou adjuvante) et une radio- thérapie (postopératoire). Le bénéfice sur la survie de ce type d’approche n’est pas certain [11], et la population concernée est limitée (formes épithéliales, âge ⬍ 65 ans, stade ⬍ T3N1). Actuellement, dans l’attente des résultats de études de faisabilité et randomisées, il n’est pas recommandé de réaliser ce type de chirurgie hors essai [12]. Quel traitement médical ? Jusqu’à une période récente, il n’y avait pas de chimiothérapie de référence dans le traitement du mésothéliome. En 2003, une étude randomisée comportant 448 patients démontrait la supériorité de l’association cisplatine-pemetrexed sur cisplatine seul [13]. La toxicité principale était hématologique, limitée par la supplémentation en vitamine B12 et acide folique. Pour la première fois dans cette pathologie, la médiane de survie dépassait 12 mois (12,1 mois versus 9,3 mois). La qualité de vie était également améliorée. Le pemetrexed est la seule drogue qui a l’Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication en France, en association avec le cisplatine. Il est recommandé de proposer cette association aux patients ayant un bon état général (PS ⬍ 2). En l’absence de progression, le traitement doit être poursuivi pour 6 cures. Chez ce patient, une chimiothérapie par cisplatine-pemetrexed a été débutée. La tolérance est satisfaisante. Comment évaluer l’efficacité de la chimiothérapie ? L’évaluation de la réponse nécessite un scanner thoracique « de départ » effectué après talcage. En fonction de l’aspect de la lésion cible, on utilisera les critères OMS pour les lésions bidimensionnelles, RECIST pour les lésions unidimensionnelles et RECIST modifiés (somme des mesures de l’épaississement pleural par une perpendiculaire à la paroi ou au médiastin, en 2 endroits distincts, sur 3 niveaux de coupe différents) en cas d’atteinte pleurale circonférentielle [14]. Dans cette observation, le scanner thoracique 1 mois après la thoracoscopie avec talcage montrait un épaississement pleural basithoracique droit difficilement mesurable (fig. 2). Après 3 cures de chimiothérapie, il n’y avait pas de récidive de l’épanchement pleural, pas de douleur thoracique. Le scanner après 3 cures montrait l’absence de progression et la chimiothérapie est actuellement poursuivie pour un total de 6 cures. Fig. 2. Épaississement pleural basal droit : aspect avant traitement. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 39 6_CC_Monnet 27/02/08 16:23 Page 40 I. Monnet Démarches en vue de réparation médico-sociale Dans l’idéal, le patient doit être épaulé dans ses démarches par une assistante sociale. Lorsque l’exposition à l’amiante n’est pas évidente, le patient doit être adressé en consultation spécialisée en pathologie professionnelle. Le premier temps est la mise en évidence de l’exposition à l’amiante : l’interrogatoire professionnel est indispensable et systématique, remontant au début du cursus ; il faut également interroger le patient sur ses lieux de vie et ses activités extraprofessionnelles pour rechercher une exposition extraprofessionnelle. Plusieurs démarches sont possibles [14]. L’obtention d’une reconnaissance en maladie professioinnelle La reconnaissance en maladie professionnelle peut être obtenue dès lors qu’une exposition à l’amiante d’origine professionnelle est repérée à l’interrogatoire, pendant une activité salariée. L’analyse minéralogique n’est pas nécessaire. Un certificat médical doit alors être établi et remis au patient mentionnant l’affection et son lien potentiel avec une exposition professionnelle antérieure. Dans le régime général de la Sécurité sociale, c’est le tableau 30 qui permet la prise en charge du « mésothéliome malin primitif de la plèvre ». La reconnaissance en maladie professionnelle permet une meilleure indemnisation en cas d’arrêt de travail si le patient est encore en activité, et le versement d’une rente qui s’ajoute à sa retraite ou à son salaire. En cas de décès, cette rente peut faire l’objet d’une pension de reversion au conjoint. C’est le patient lui-même qui effectue la démarche de déclaration en maladie professionnelle auprès de son organisme de protection sociale. Références 1 2 3 4 5 6 7 8 L’indemnisation par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) Cette prestation est ouverte à toute personne présentant un mésothéliome pleural ainsi qu’aux ayants droit après le décès du patient, qu’une exposition à l’amiante soit identifiée ou non, et quelle que soit l’origine de cette exposition. Un certificat médical confirmant le diagnostic doit être établi par un pneumologue ou un cancérologue. L’indemnisation est élevée, car elle représente une « réparation intégrale » tenant compte de l’ensemble des préjudices subis par le patient (économique, moral, physique, préjudice d’agrément, voire préjudice esthétique). Elle complète les prestations proposées par l’organisme de protection sociale lorsque le patient fait l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle. Le FIVA indemnise intégralement le patient lorsqu’il n’est pas couvert pour le risque maladie professionnelle par son régime de protection sociale ou lorsqu’il n’y a pas d’exposition à l’amiante retrouvée. Les barèmes d’indemnisation et les formulaires nécessaires au dépôt de dossier peuvent être consultés sur le site du FIVA : www.fiva.fr L’ouverture d’un droit à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité (à partir de l’âge de 50 ans) Chez ce patient, l’interrogatoire professionnel a retrouvé une exposition professionnelle à l’amiante probable, discontinue et moyenne de 1952 à 1960, il était alors technicien dans une entreprise aéronautique de trains d’atterrissage et de freins d’avions. Le patient a pu déposer son dossier de déclaration de maladie professionnelle à la Sécurité sociale et saisir le FIVA 3 mois après la thoracoscopie. 40 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 38-40 9 10 11 12 13 14 15 Gilg Soit Ilg A, Chamming’s S, Rolland P, Ducamp S, Brochard P, Galateau-Sallé F, Pairon JC, Astoul P, de Quillacq, Frenay C, Goldberg M : Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM) : principaux résultats, France, 1998-2004. BEH 2007 ; n° 41-2. Boutin C, Rey F : Thoracoscopy in pleural malignant mesothelioma: a prospective study of 188 consecutive patients. Part I : diagnosis. Cancer 1993 ; 72 : 389-93. Galateau-Sallé F, Copin MC, Delajartre AY, Vignaud JM, Astoul P, Pairon JC, Le Pimpec-Barthes F, Brochard P : Quels critères pour le diagnostic anatomopathologique du mésothéliome pleural malin ? Conférence d’experts de la Société de Pneumologie de Langue Française sur le mésothéliome pleural malin. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 11S37-44. 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Godard Synthèse Nous envisagerons tout d’abord les techniques utilisées en imagerie médicale dans l’exploration de la plèvre, puis nous illustrerons leur intérêt dans les principales pathologies pleurales. Techniques d’exploration en imagerie Nous ne parlerons pas des limites et des apports de la radiographie standard qui sont bien connus. La numérisation de l’image a bien amélioré sa réalisation et sa qualité. Nous envisagerons successivement : – l’échographie ; – l’IRM ; – la TDM ; – la TEP-TDM. L’échographie En pathologie thoracique, l’échographie présente d’importantes limites. En effet, l’air et l’os sont, pour cette technique, des barrières infranchissables. Par contre, il s’agit d’un examen en temps réel, réalisable au lit du malade. C’est ainsi que l’échographie pourra être utilisée pour diagnostiquer un épanchement pleural. L’échographie pourra guider une ponction pleurale évacuatrice. Elle sera aussi utilisée pour réaliser la biopsie d’une lésion périphérique pleurale ou parenchymateuse [1]. L’IRM L’imagerie par résonance magnétique (IRM) possède un signal spécifique permettant de bien distinguer le sang, la graisse et l’eau. L’injection de produit de contraste rehausse les lésions tissulaires. De plus, les améliorations constantes de cette technique permettent l’utilisation de séquences originales d’acquisition rapide. Malheureusement, l’IRM ne visualise pas le parenchyme pulmonaire et, malgré toutes ses améliorations, conserve une résolution spatiale inférieure à celle de la TDM. Enfin, l’accessibilité aux appareils est encore limitée, bien que le parc d’IRM soit en forte progression en France. Dans ces conditions, l’IRM ne peut être qu’un apport complémentaire dans la pathologie pleurale. Tout le monde souligne son intérêt dans l’étude de l’envahissement pleuro-pariétal des tumeurs de l’apex. Quelques publications soulignent sa supériorité à la TDM concernant le bilan locorégional des mésothéliomes [2]. Néanmoins, à cause de ses limites et devant les performances actuelles de la TDM et de la TEP-TDM, les indications de l’IRM en pathologie pleurale restent limitées et circonstancielles. Radiologie, Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 371, avenue du Doyen Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5. Correspondance : [email protected] La TDM La tomodensitométrie (TDM) a bénéficié de perfectionnements récents avec l’introduction sur le marché des appareils multi-barrettes (TDM multicoupes). Ainsi, il est possible de réaliser aujourd’hui 64 coupes sub-millimétriques en une seule rotation d’une durée inférieure Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 41-46 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 41 7_Synth_1 27/02/08 16:23 Page 42 J.-P. Sénac et coll. à 0,5 seconde. Les constructeurs annoncent dans un avenir proche des performances supérieures. Ainsi, la résolution spatiale et la résolution temporelle sont fortement améliorées. Comme nous le verrons, la TDM est aujourd’hui l’examen de référence dans la pathologie thoracique et pleurale en particulier. Pour réaliser un examen de qualité, certaines règles sont à respecter : – une acquisition sans injection de produits de contraste (PDC) est très utile en particulier pour détecter les calcifications ; – l’injection de PDC doit être réalisée dans la plupart des cas, avec, très souvent, une étude du rehaussement précoce et tardif des lésions pleurales ; – une attention particulière doit être portée à l’irradiation surtout lorsqu’il s’agit d’examens répétitifs, comme chez les patients exposés aux poussières d’amiante. Dans tous les cas, réduire la dose de rayons X doit être un souci constant du radiologue. La TEP-TDM L’utilité de la tomographie par émission de positrons (TEP) au FDG en oncologie est connue depuis longtemps et a fait l’objet de nombreuses publications [3]. Parmi les indications définies par les Centres de lutte contre le cancer : standard options recommandations (SOR), l’oncologie pleurale n’a pour l’instant qu’une option B2, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une indication controversée. À titre d’exemple, le staging ganglionnaire des cancers bronchiques à la TEP-TDM a une option A, donc représente une indication justifiée. Néanmoins, de nombreuses publications récentes semblent souligner l’intérêt de la TEP-TDM en oncologie pleurale. Plusieurs points sont à souligner : – l’intérêt du couplage TEP-TDM n’est plus à démontrer (fusion d’images, meilleur calcul de l’émission radioactive). Dans cette association, il est nécessaire pour améliorer le diagnostic, que la TDM réalisée soit de bonne qualité, avec, si besoin, injection de PDC Iodé ; – il faut connaître les délais à respecter entre la réalisation de la TEPTDM et certaines thérapeutiques, qui peuvent induire des artéfacts : • chirurgie (2 mois) ; • radiothérapie (4 à 6 mois) ; • chimiothérapie (3 semaines) ; • injection de facteurs de croissance hématopoïétiques (1 semaine) ; – l’isotope utilisé (18FDG) manque de spécificité en oncologie. Certains isotopes plus spécifiques sont à l’étude : 11C-Méthionine (marqueur du métabolisme protidique), 11C-Choline (marqueur de la membrane cellulaire), 18F-FluoroThymidine (marqueur de la prolifération cellulaire). 18 Illustrations pathologiques Les épanchements pleuraux Ils sont très fréquents en pathologie thoracique et peuvent correspondre à des causes multiples. Les épanchements gazeux purs (pneumothorax) ou mixtes (hydro et pyo-pneumothorax) sont très bien analysés par la TDM. La réalisation d’une TDM au décours d’un pneumothorax spontané est utile pour déceler une éventuelle pathologie interstitielle sous-jacente (histiocytose, lymphangiomyomatose...). L’échographie, mais surtout la TDM, permettent le diagnostic d’épanchements liquidiens de faible abondance. Dans tous les cas 42 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 41-46 d’épanchement pleural (de faible à grande abondance), la TDM permet l’analyse des lésions parenchymateuses et thoraciques associées, qui sont souvent la clé du diagnostic. Dans la majorité des cas, il est difficile, sinon impossible, en TDM de déterminer la nature du liquide. Dans certains cas de chylothorax ou d’hémothorax, l’IRM peut être intéressante, mais la ponction pleurale reste évidemment l’élément de référence. Il est parfois délicat en TDM de distinguer un épanchement pleural d’un épanchement péritonéal, ou de faire la part des deux sur une coupe axiale passant par le diaphragme. En fait, la possibilité d’obtenir en temps réel simultanément des coupes sagittales et coronales, permet de résoudre ce problème qui apparaît aujourd’hui désuet. Par contre, distinguer une pleurésie purulente enkystée d’un abcès pulmonaire reste un problème de pratique quotidienne. Pour ce faire, on s’aidera de la séméiologie classique, en particulier du SplitSign, qui correspond au rehaussement des 2 feuillets pleuraux qui s’écartent et enveloppent une pleurésie enkystée. L’abcès pulmonaire infiltre le parenchyme, alors que la pleurésie enkystée le refoule. Soulignons enfin la pertinence de la TDM pour situer dans la cavité pleurale la position des drains pleuraux. Plèvre et amiante en dehors du mésothéliome La plèvre est l’organe cible des patients ayant été exposé aux poussières d’amiante, en particulier chargées d’amosite. La surveillance de ces patients est un problème de santé publique, d’autant que le spectre du mésothéliome plane sur eux. Il apparaît actuellement que la surveillance par radiographie standard est bien insuffisante et que l’échographie n’a plus sa place. C’est évidemment la TDM qui reste l’examen de référence, complétée ou non par la TEP-TDM. La TDM permet en effet une détection très précise des plaques pleurales qui sont un témoin d’exposition et non une pathologie en soi. Les plaques pleurales peuvent intéresser tous les secteurs de la plèvre, peuvent être plus ou moins calcifiées et plus ou moins volumineuses. De nombreuses études longitudinales ont montré que ces plaques pleurales ne nécessitaient pas de surveillance particulière. Il ne s’agit pas en effet d’un état prémésothéliomateux. Le patient atteint de plaques pleurales doit être surveillé comme tous les patients ayant été exposés aux poussières d’amiante. La fibrose pleurale est certainement la conséquence de pleurésies bénignes à répétition et résolutives. Elle se manifeste par un épaississement de la plèvre pariétale, mais aussi viscérale, avec rétraction, volontiers des lobes inférieurs. Cette fibrose pleurale détermine des anomalies parenchymateuses : – opacités linéaires irradiées de la plèvre pariétale épaissie en « pied de corneille » ; – opacités linéaires translobulaires correspondant à des atélectasies périphériques déterminées par la rigidité pulmonaire. Ces anomalies ne doivent pas être confondues avec des signes d’asbestose débutante. La ligne curviligne sous-pleurale décrite par Yoshimura pourrait correspondre à la même étiologie. C’est dans ce contexte que l’on voit survenir les atélectasies rondes dont la séméiologie est bien connue (fig. 1). La pachypleurite bénigne est la conséquence de la fibrose pleurale. Cette pachypleurite bénigne détermine un épaississement circonférentiel avec rétraction d’un hémithorax. Elle peut être très douloureuse et envahir les parties molles, parfois même avec une extension controlatérale rétrosternale. La survenue d’une pleurésie bénigne, et/ou d’une pachypleurite bénigne est une indication de pleuroscopie, afin d’éliminer un mésothéliome. 7_Synth_1 27/02/08 16:23 Page 43 Imagerie médicale de la plèvre Fig. 1. Malade exposé à l’amiante, pleurésie bénigne à répétition, fibrose pleurale avec en particulier rétraction du LIG et épaississement de la scissure associé à une atélectasie ronde. Les phénomènes d’enroulement sont bien mis en évidence sur les vaisseaux pulmonaires étudiés en mode MIP. Néanmoins, il est difficile, sinon impossible, de réaliser des pleuroscopies itératives chez un patient présentant une pachypleurite dite bénigne évolutive. Dans ce cas, la TEP-TDM peut-elle être une alternative diagnostique (fig. 2) ? C’est ce que nous verrons au chapitre suivant. douloureuse et devant toute manifestation pleurale atypique (pleurésie enkystée, a fortiori, masse pleurale localisée). Le mésothéliome peut se révéler, comme nous l’avons observé, par un pneumothorax. Chez des patients non exposés à l’amiante, l’attention est moins alertée et le diagnostic de mésothéliome se fait en général à un stade évolué de la maladie. À un stade évolué, le diagnostic de mésothéliome est évidemment plus facile. Les images TDM sont alors très évocatrices. Il s’agit d’un engainement rétractile d’un hémithorax par une plèvre épaissie plus ou moins nodulaire, l’atteinte de la petite scissure est assez évocatrice et permet de distinguer le mésothéliome d’une pachypleurite bénigne (fig. 3). La biopsie est l’élément-clé du diagnostic. Elle se pratique au cours d’une pleuroscopie et quand celle-ci est impossible du fait de l’accolement pleural par l’intermédiaire d’une minithoracotomie. La place de la ponction biopsique transthoracique guidée par la TDM peut se discuter. Sa rentabilité dans le diagnostic de mésothéliome est faible. Dans tous les cas, il faut se méfier lors d’actes diagnostiques à travers la paroi (ponctions sous TDM ou positionnements de vidéoscopes) d’un éventuel ensemencement pariétal. Un flash de radiothérapie à l’endroit de la pénétration du matériel diagnostic permet en général d’éviter ce genre d’inconvénient. Fig. 3. Mésothéliome évolué forme typique. Épaississement multinodulaire de la plèvre, avec rétraction de l’hémithorax et envahissement de la scissure. Fig. 2. Patient de 66 ans exposé à l’amiante. Pachypleurite avec fibrose pleurale prédominant à gauche avec rétraction de l’hémothorax gauche. Les douleurs étaient tenaces, le malade a bénéficié de plusieurs pleuroscopies confirmant la pachypleurite bénigne. La TEP ne montre aucune fixation pathologique évoquant un mésothéliome. Le mésothéliome Éventualité redoutable et redoutée par les patients exposés aux poussières d’amiante, le mésothéliome pleural est de diagnostic difficile, surtout au début. C’est certainement la pratique de la pleuroscopie systématique chez des malades exposés et asymptomatiques qui permit à Boutin de diagnostiquer des formes débutantes. Jusqu’à ce jour, l’imagerie est en effet peu performante dans le diagnostic des mésothéliomes au début. Comme nous l’avons vu, il faut soupçonner un mésothéliome et prescrire une pleuroscopie chez des malades exposés aux poussières d’amiante qui présentent une pleurésie dite bénigne, une pachypleurite qui s’aggrave et devient Comme nous l’avons vu, l’IRM permet, pour certains, un bilan plus précis de l’extension locorégionale du mésothéliome. En fait, cet apport n’est pas décisif, d’autant que l’IRM ne voit pas les éventuelles métastases pulmonaires. La plupart des équipes continuent d’utiliser la TDM comme examen de référence dans ce type de pathologie. Par contre, tout le monde attend beaucoup de la TEP-TDM dans le diagnostic, le bilan et le pronostic du mésothéliome. Beaucoup de publications ont été réalisées sur ce sujet avec des sensibilités (Se) et des spécificité (Sp) élevées, dépassant pour certains Se = 80 % et Sp = 90 % [4, 5]. Certains ont observé que l’intensité de l’émission radioactive a une valeur pronostique [6]. Malheureusement, il s’agit de séries limitées qui concernent des mésothéliomes en général évolués et non pas débutants. En effet, les faux négatifs de la TEP-TDM concernent les tumeurs à faible activité métabolique et/ou de petite taille, ce qui peut être le cas d’un mésothéliome au début. Il faut souligner ici les difficultés que rencontrent souvent les anatomopathologistes pour distinguer mésothéliome et hyperplasie épithéliale bénigne, adénocarcinome secondaire pleural et mésothéliome. Ces difficultés les ont conduits à créer des pôles de référence régionaux dans ce type de pathologie. Enfin, les lésions inflammatoires et infectieuses de la plèvre, peuvent provoquer des faux positifs à la TEP-TDM. Malgré ses insuffisances, la TEP-TDM représente un progrès indiscutable dans le diagnostic et le bilan préthérapeutique de ces tumeurs. Par exemple, comme le montre l’observation suivante (fig. 4), la TEP-TDM aurait pu guider la biopsie au sein d’une volumineuse tumeur pleurale qui s’est révélée être un mésothéliome et qui fut considérée à tort comme une tumeur fibreuse bénigne de la plèvre. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 43 7_Synth_1 27/02/08 16:23 Page 44 J.-P. Sénac et coll. a b c d Fig. 4. Femme de 64 ans, découverte fortuite d’une masse thoracique (a). L’hypothèse d’une tumeur fibreuse pleurale, semble confirmée par la biopsie sous TDM, bien que la TEPTDM montre un foyer d’hypermétabolisme très suspect (b). La patiente refuse l’intervention, aggravation (c et d). Thoracotomie : mésothéliome de type sarcomateux. Des séries plus importantes sont nécessaires pour apprécier l’apport de la TEP-TDM dans cette pathologie. Il est vraisemblable aussi que la TEP-TDM bénéficiera dans les années à venir de perfectionnements techniques qui augmenteront ses performances. Les tumeurs secondaires pleurales De nombreux cancers viscéraux métastasent à la plèvre. Nous parlerons plus loin des métastases pleurales des cancers bronchiques. Plusieurs présentations cliniques et tomodensitométriques peuvent se rencontrer : – un épanchement pleural d’abondance variable répétitif avec, en général, du sang à la ponction pleurale qui peut d’ailleurs confirmer le diagnostic en mettant en évidence des cellules tumorales dans le liquide de ponction. L’étude du rehaussement tardif après injection de produit de contraste peut montrer des nodules pleuraux sur la plèvre pariétale, ce qui est assez évocateur. Parfois il s’agit d’un épanchement pleural sans caractéristique bien particulière. Il est évident que la TDM corps entier peut permettre la découverte de la tumeur primitive ; – des nodules pleuraux associés à un épaississement circonférentiel et rétractile de la plèvre comme dans le mésothéliome. Nous avons vu d’ailleurs que des formes épithéliales de mésothéliome sont difficiles à distinguer en anatomopathologie des adénocarcinomes pleuraux secondaires. Dans le cas de métastases pleurales, la TEP-TDM a le double avantage de faire le diagnostic de lésions pleurales [7] et de détecter parfois la tumeur viscérale primitive. Dans ce domaine, il faut se méfier des faux positifs de la TEP-TDM. Par exemple, l’activité des muscles lisses digestifs peut déterminer des hyperfixations physiologiques du 18FDG. Il en est de même des variations physiologiques de la sphère génitale féminine. Enfin, il faut garder à l’esprit qu’un polype digestif bénin est susceptible de déterminer une hyperfixation au 18FDG. Cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et atteinte pleurale Il s’agit d’un sujet qui comporte deux cas de figure : 44 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 41-46 – tout d’abord, l’envahissement locorégional de la plèvre par le cancer. Dans le bilan préthérapeutique du CBNPC (cTNM), le franchissement d’une scissure par le CBNPC fait passer le T quel que soit la taille de la tumeur à T2. En ce qui concerne l’atteinte de la plèvre pariétale (costale, médiastinale ou diaphragmatique), le T quelle que soit la taille de la tumeur passe à T3. La tomodensitométrie montre bien l’atteinte scissurale (T2), surtout grâce à l’utilisation des coupes coronales et sagittales. L’appréciation du T3 pariétal ou médiastinal est parfois plus délicat. Dans ce cas, et si cela est important pour la décision thérapeutique, la TEP-TDM peut apporte des précisions supplémentaires grâce à la fusion d’images ; – la carcinose pleurale. C’est encore une des causes les plus fréquentes de thoracotomie blanche. En effet, la carcinose pleurale peut passer totalement inaperçue sur une exploration TDM. Parfois, elle se traduit par des signes aspécifiques : un petit épaississement pleural, quelques nodulations périphériques. Dans d’autres cas, il s’agit d’un épanchement pleural tout à fait banal, éventualité de découverte fréquente au cours du bilan des CBNPC et qui pose le problème de sa nature bénigne ou maligne. La plupart des équipes ne se contentent plus de l’absence de cellules malignes dans le liquide pleural sur plusieurs prélèvements et vont en général jusqu’à la pleuroscopie pour infirmer ou confirmer la malignité. Parfois existent sur la TDM des signes évocateurs de malignité comme un épaississement nodulaire de la plèvre pariétale apparaissant au sein de l’épanchement pleural sur les temps tardifs après injection de produit de contraste iodé. Rarement, les signes sont encore plus évidents : épaississement nodulaire et rétractile d’un hémithorax avec envahissement des scissures. Il est trop tôt pour dire si la TEP-TDM sera d’un apport décisif dans ce domaine. Certaines publications semblent prometteuses [9-11]. Si cela se vérifiait, la TEP-TDM éviterait beaucoup de pleuroscopies et quelques thoracotomies blanches. Une nouvelle classification cTNM a été récemment proposée par The International Association for the Study of Lung Cancer [12, 13]. Elle est appelée à remplacer la dernière révision proposée par Mountain en 1997. Elle modifie la stadification de la carcinose pleurale dans le bilan préthérapeutique du CBNPC. Jusqu’alors, la carcinose pleurale était stadifiée T4, aujourd’hui, elle est classée M1a, c’est-à-dire qu’elle est considérée à juste titre comme métastatique. Rappelons que la nouvelle stadification cTNM du CBNPC prévoit deux sous-groupes dans le stade métastatique M1 : le sous-groupe M1a qui comprend les métastases thoraciques (nodules parenchymateux métastatiques controlatéraux au CBNPC et carcinose pleurale) et le sous-groupe M1b qui englobe les métastases extrathoraciques. Le pronostic du sous-groupe M1a est meilleur que celui du sous-groupe M1b. Les tumeurs fibreuses de la plèvre Les tumeurs fibreuses de la plèvre improprement appelées mésothéliomes bénins se développent dans tous les secteurs de la plèvre. Celles à point de départ scissural peuvent être mobiles dans la scissure, ce qui permet de les diagnostiquer sur une TDM positionnelle, décubitus, puis procubitus. La plupart prennent naissance dans la grande cavité pleurale et se présentent sous forme d’une masse périphérique qui refoule le parenchyme pulmonaire et qui possède des connections étroites avec la plèvre (angle de raccordement avec la paroi et rapport avec les scissures). Dans la majorité des cas, il s’agit d’une tumeur de croissance lente, totalement asymptomatique (la classique hypoglycémie associée à ce type de tumeur n’est pratiquement jamais observée), ce qui explique que sa découverte soit souvent très tardive. Il s’agit alors d’une volumineuse masse refoulant le parenchyme pulmonaire, puis le médiastin et le cœur (fig. 5). Elles se rehaussent habituellement de façon assez homogène en TDM après l’injection de produit de contraste iodé. Il est possible parfois de mettre en évidence au sein de 7_Synth_1 27/02/08 16:23 Page 45 Imagerie médicale de la plèvre tration de la paroi et du médiastin survient à un stade avancé, stade où la cure chirurgicale n’est plus possible. Or, le traitement de ces tumeurs est essentiellement chirurgical. Dans ces conditions, il serait intéressant de détecter avant l’intervention d’éventuels foyers suspects de dégénérescence. Il semble que la TEP-TDM, avec toutes les restrictions que nous avons déjà évoquées, puisse détecter ces foyers (fig. 4). Ces constatations réalisées sur une tumeur opérable peuvent en effet avoir des conséquences thérapeutiques et, de toute façon, influencera le rythme de la surveillance postopératoire. Enfin, la TEPTDM peut guider un prélèvement biopsique transthoracique guidé par TDM et de toute façon orienter l’examen anatomopathologique sur la pièce opératoire de tumeurs qui atteignent souvent des dimensions très importantes (8 kg et plus...). Atteintes diverses de la plèvre Fig. 5. Femme de 48 ans : dyspnée progressive. Volumineuse masse lobaire inférieure droite sur le cliché standard. La ponction biopsique sous scanner évoque le diagnostic de fibrome pleural non dégénéré, confirmé par l’intervention chirurgicale. la masse de volumineux vaisseaux transdiaphragmatiques (artères et veines). Les aspects tomodensitométriques de la tumeur fibreuse de la plèvre sont assez évocateurs. Devant une volumineuse masse pulmonaire qui n’infiltre ni la paroi ni le médiastin, le seul diagnostic différentiel est celui d’un sarcome pulmonaire éventualité beaucoup plus rare. Le deuxième problème diagnostique posé par ce type de tumeur est la mise en évidence de signes de dégénérescence. En effet, ces tumeurs peuvent dégénérer en tumeur maligne sarcomateuse, voire en mésothéliome malin comme le montre une de nos observations (fig. 4). Les signes de dégénérescence tomodensitométriques sont les suivants : hétérogénéité de la tumeur après injection de produit contraste iodé, apparition d’un épanchement pleural (fig. 6). L’infil- a b c d Fig. 6. Homme de 50 ans, volumineuse tumeur pleurale : le diagnostic de fibrome pleural est confirmé par la biopsie transthoracique (a). Malheureusement, ce malade refusera l’intervention. Évolution vers la dégénérescence maligne (b, c, d). De nombreuses affections moins fréquentes que celles que nous venons d’évoquer peuvent intéresser la plèvre. Les sarcomes de la plèvre De nombreux sarcomes peuvent naître dans la plèvre. Il est d’ailleurs difficile parfois de distinguer sur les prélèvements anatomopathologiques entre un mésothéliome sarcomateux et un véritable sarcome de la plèvre. Il faut souligner aussi que les sarcomes pleuraux sont regroupés dans le même tableau des maladies professionnelles que le mésothéliome chez les patients ayant été exposés aux poussières d’amiante. Les sarcomes pleuraux se présentent sous forme de masse pleuro-pariétale envahissant très vite les structures avoisinantes. Sans rentrer dans des subtilités anatomopathologiques, on peut dire que l’on rencontre dans la plèvre des sarcomes d’agressivités différentes avec une prédilection pour les sarcomes agressifs. Sur le plan de l’imagerie TDM, il s’agit de masse pleuro-pariétale en général unique envahissante, récidivant après exérèse chirurgicale et présentant en fin d’évolution une dissémination métastatique. La TEP-TDM est tout à fait intéressante sur le plan diagnostique et bilan préchirurgical (fig. 7). L’agressivité du sarcome peut-elle être corrélée à l’intensité de l’émission radioactive ? Fig. 7. Volumineuse tumeur pleurale avec envahissement locorégional. Le diagnostic de synovialosarcome pleural sera obtenu par ponction sous TDM © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 45 7_Synth_1 27/02/08 16:23 Page 46 J.-P. Sénac et coll. Hydatidose pleurale Il faut évoquer le diagnostic d’hydatidose pleural dans les pays d’endémie devant la découverte d’image hydro-aérique pleurale unique ou multiple. En effet, il est fréquent, sinon habituel, de découvrir ces lésions au stade de fistulisation. Les aspects sont assez évocateurs en TDM et permettent de prescrire les recherches biologiques nécessaires au diagnostic. 3 4 5 Lymphome et plèvre [14-20] La plèvre est souvent atteinte dans les lymphomes hodgkiniens (LH) et les lymphomes non hodgkiniens (LNH). Dans tous les cas, il s’agit d’un épanchement pleural liquidien associé à des lésions viscérales thoraciques et extrathoraciques. On connaît la pertinence de la TEP-TDM dans le bilan lésionnel préthérapeutique des lymphomes. La TEP-TDM a aussi un grand intérêt dans le suivi, permettant d’apprécier une évolution favorable ou défavorable en fonction de l’extinction ou de la persistance de la fixation du 18FDG. Ainsi, il est possible de distinguer masse résiduelle stérilisée de lésions encore actives. Le lymphome thoracique primitif est une atteinte très rare qui se présente sous la forme d’un épanchement pleural et dont le diagnostic est fait par la pleuroscopie. 6 7 8 9 Endométriose pleurale La localisation à la plèvre de l’endométriose utérine est une éventualité très rare qui peut néanmoins se rencontrer. Dans ce cas, il s’agit d’un hémothorax récidivant qui survient au moment des règles. 10 Maladie de Castelman Atteinte thoracique très rare, la maladie de Castelman, dans sa forme thoracique et localisée (maladie de Castelman de forme hyaline), intéresse le médiastin et parfois l’espace extrapleural, avec, souvent, extension à l’espace rétro-péritonéal. 11 12 Conclusion Parmi les nouvelles techniques d’exploration en imagerie médicale, il faut signaler la TDM et la TEP-TDM. La TDM fournit actuellement les meilleures images de la plèvre normale et pathologique. La TEP-TDM associe images morphologiques et images métaboliques. Cet apport est aujourd’hui sensible en oncologie thoracique. Il reste à prouver la pertinence de la TEP-TDM dans la pathologie pleurale tumorale, mais certains travaux sont très prometteurs dans ce domaine. L’échographie pleurale reste une méthode diagnostique complémentaire qui permet le guidage en temps réel d’un acte interventionnel. Enfin, l’IRM n’a pas prouvé sa supériorité à la TDM et, a fortiori, à la TEP-TDM. Ses indications actuelles ne sont que complémentaires de ces 2 méthodes. 14 15 16 17 Références 18 1 19 2 46 13 Seyfarth HJ, Wirtz H, Borte G, Gradistanac T, Gessner C, Hammerschmidt S : Ultrasound guided transthoracic biopsy - safety and efficacy. Pneumologie 2007 ; 61 : 563-7. Yamamuro M, Gerbaudo VH, Gill RR, Jacobson FL, Sugarbaker DJ, Hatabu H : Morphologic and functional imaging of malignant pleural mesothelioma. Eur J Radiol 2007 ; 64 : 356-66. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 41-46 20 Update on PET/CT Imaging. Radiol Clin North Am 2007. Ambrosini V, Rubello D, Nanni C, Farsad M, Castellucci P, Franchi R, et al. : Additional value of hybrid PET/CT fusion imaging vs. conventional CT scan alone in the staging and management of patients with malignant pleural mesothelioma. Nucl Med Rev Cent East Eur 2005 ; 8 : 111-5 Bénard F, Sterman D, Smith RJ, Kaiser LR, Albelda SM, Alavi A : Metabolic imaging of malignant pleural mesothelioma with fluorodeoxyglucose positron emission tomography. Chest 1998 ; 114 : 666-7. Francis RJ, Byrne MJ, van der Schaaf AA, Boucek JA, Nowak AK, Phillips M, et al. : Early prediction of response to chemotherapy and survival in malignant pleural mesothelioma using a novel semiautomated 3dimensional volume-based analysis of serial 18F-FDG PET scans. J Nucl Med 2007 ; 48 : 1449-58. Meignan M, Paone G : 18-Fluoro-deoxy-glucose (18FDG) positon emission tomography (PET) for the evaluation of malignant pleural disease. Rev Pneumol Clin 2006 ; 62 : 128-34. Erasmus JJ, McAdams HP, Rossi SE, Goodman PC, Coleman RE, Patz EF : FDG PET on pleural effusions in patients with non-small cell lung cancer. AJR Am J Roentgenol 2000 ; 175 : 245-9. 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C’est dire l’importance de la formation des plus jeunes auprès de médecins expérimentés dans la prise en charge des pathologies pleurales. Dans ce chapitre, nous n’aborderons pas les problèmes spécifiques de la prise en charge du pneumothorax, des traumatismes thoraciques ni du drainage postopératoire. Indications Dès qu’une pleurésie est présente, son évacuation est nécessaire à la récupération de la fonction respiratoire. Cependant, le drainage n’est pas systématique et n’est pas non plus toujours une urgence. En cas de pleurésie abondante avec retentissement respiratoire, il y a une urgence à évacuer, pas toujours à drainer, en particulier avant que l’enquête étiologique n’ait abouti. Les indications de drainage en urgence d’une pleurésie (en dehors des traumatismes thoraciques) sont les hémothorax et hémopneumothorax, les empyèmes, les ruptures œsopleurales [2]. Le drainage est le plus souvent nécessaire lors des pleurésies parapneumoniques compliquées (cloisonnement, abondant où à pH acide), des pleurésie néoplasiques (pour la réalisation d’une symphyse pleurale) et des pleurésies abondantes et récidivantes [3, 4]. En dehors de ces situations, le traitement de la pleurésie est étiologique et comporte une évacuation pleurale qui ne nécessite pas toujours de drainage (pleurésie inflammatoire accompagnant les connectivites, pleurésie transudatives abondantes de l’insuffisance cardiaque...). Contre-indication Il n’y a pas de contre-indication absolue à la pose d’un drain thoracique, en particulier en situation d’urgence. La vérification du TP, du TCA et de la numération plaquettaire doit être réalisée chez des sujets à risques. Les troubles de l’hémostase doivent, si possible, être corrigés avant la pose du drain [1, 5]. Service de Pneumologie, CHIC de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94000 Créteil. Correspondance : [email protected] Le choix du drain (fig. 1) Les drains sont de tailles très variables allant de 6 French (2 mm) à 40 French (13,3 mm). Les drains de petites tailles sont mieux tolérés cliniquement, mais peuvent s’obstruer ou se couder plus facilement. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 47-51 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 47 8_Synth_2 27/02/08 16:23 Page 48 G. Mangiapan marquage métallique sur la peau pour déterminer le point de drainage. En effet, les rapports anatomiques peuvent varier entre la position au scanner, en décubitus dorsal et bras levés et la position au moment du drainage, en particulier lors d’un drainage postérieur : position assise et bras baissés. Le repérage échographique au lit du patient juste avant le drainage et réalisé par l’opérateur apporte le maximum de sécurité et d’efficacité [8]. L’échographie permet de préciser la distance de l’épanchement à la peau, l’épaisseur de celui-ci, la position et la distance des organes sous jacent (cœur, aorte, diaphragme, organe sous-phrénique...) [9]. L’utilisation d’une gaine stérile sur la sonde permet aussi de guider en temps réel la ponction et le drainage dans les situations les plus difficiles. Si le repérage échographique n’est pas réalisé par le médecin qui draine, celui-ci doit être présent lors de cet examen pour vérifier la position du patient et discuter avec le radiologue de la voie d’abord idéale. Le compte rendu de l’échographie doit impérativement comporter l’épaisseur de l’épanchement, sa distance à la peau et les différents points de drainage possibles doivent être marqués sur la peau. Dans les situations les plus difficiles, le drainage peut s’effectuer directement sous contrôle tomodensitométrique, en particulier lors de cloisonnement et de poche difficile à repérer en échographie (paravertébrale...). Fig. 1. Les différents types de drainage. A : dissection et pose à la pince ; B : drain à mandrin interne ; C : trocart de monod ; D : Pleurocath ; E : pose selon la technique de « Seldinger » ; F : Pleur X®. Dans les pleurésies parapneumoniques ou les pleurésies néoplasiques, il n’est pas prouvé qu’un drain de grande taille ait une efficacité supérieure. En particulier des drains de 14 F posés sous contrôle tomodensitométrie permettent un bon contrôle de la pleurésie [6]. Par contre, lors d’hémothorax, il est recommandé de poser un drain de grande taille (au moins 28 F) [7]. Les drains présentent plusieurs orifices latéraux facilitant le drainage et des repères pour les positionner. Un liseré radio-opaque, discontinu au niveau de l’orifice le plus proximal du drain, est parfois présent sur le drain permettant un meilleur contrôle radiologique de sa position. Le choix du site d’insertion (fig. 2) Lors de pleurésie libre de la grande cavité, le site d’insertion à privilégier est le « triangle de sécurité » : dans la région axillaire moyenne, en arrière du pectoral, en avant du grand dorsal, au-dessus d’une ligne horizontale passant par le mamelon et sous le sommet du creux axillaire [1, 5]. Lors de pleurésie cloisonnée, le choix du site de drainage doit impérativement être déterminé par l’imagerie [6]. La tomodensitométrie thoracique permet de déterminer le nombre et le volume des différentes poches pleurales, cependant, elle ne permet pas de préciser l’existence de cloisonnement dans l’épanchement. Il faut prévoir un Pose du drain Préparation du patient Avant la pose, le patient doit être informé. L’information doit contenir les raisons du drainage, le principe technique de celui-ci, les conséquences pour le patient (douleur, immobilité...). Les questions et les craintes du patient doivent être entendues et prises en compte, le consentement au soin doit être recueilli. Cette information est un des éléments fondamentaux du contrôle de l’anxiété avant un geste technique. Une prémédication peut être réalisée. Elle n’est pas systématiquement proposée. Un anxiolytique rapide peut contrôler une anxiété non calmée par des explications rassurantes. Un antalgique (pallier II ou III) permet de limiter la douleur qui est décrite dans 10 % à 50 % des cas selon les séries [10, 11]. Cependant, une anesthésie locale de qualité permet la pose du drain sans douleur et est un élément de sécurité. L’intérêt d’une prémédication par atropine n’est pas démontré, même si quelques réactions vagales sévères ont été décrites, en particulier lors de drainage de pneumothorax. Il n’est pas nécessaire que le patient soit à jeun, il est même préférable qu’il ne le soit pas. Installation du patient La position du patient dépend du site de drainage. Pour un drainage axillaire, le patient est en décubitus dorsal, buste légèrement relevé (30 à 45°) le bras en abduction à au moins 90° : soit main derrière la tête, soit bras posé sur le lit. Le patient peut éventuellement être en décubitus latéral du côté opposé, bras vers l’avant, cette position peut être préférable chez des patients très asthéniques qui ne pourraient pas tenir leur bras trop longtemps. Le patient est assis dos au médecin pour un drainage postérieur, il est allongé en décubitus dorsal, buste légèrement surélevé, bras le long du corps pour un drainage antérieur. Asepsie Fig. 2. Le triangle de sécurité. 48 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 47-51 La pose du drain doit répondre à une asepsie chirurgicale. Le site doit être désinfecté selon les protocoles en vigueur (par exemple : 8_Synth_2 27/02/08 16:23 Page 49 Drainage pleural des épanchements liquidiens : en pratique détersion avec une solution de povidone iodée dermique (Bétadine®), rinçage au sérum physiologique, antisepsie à la povidone iodée alccolique à 2 reprises en respectant les temps de séchage). L’opérateur doit revêtir masque, casaque stérile et gants stériles après lavage chirurgical des mains. Le site est protégé par des champs stériles en grandeur et en nombre suffisant pour respecter les règles d’asepsie. Dans ces conditions, une antibioprophylaxie n’est pas recommandée [1]. Anesthésie L’anesthésie locale se fait à la lidocaïne à 1 %. Elle débute avec une aiguille de 25 Gauge (sous-cutanée orange) par l’anesthésie du derme. L’injection doit provoquer une papule (phénomène de peau d’orange signant le site intradermique de l’injection) qui doit être suffisamment large pour couvrir toute l’incision cutanée. L’anesthésie des plans profonds se poursuit avec une aiguille de 21 Gauge (aiguille IM verte). L’anesthésie est renforcée sur le passage à proximité du périoste en rasant le bord supérieur de la côte inférieure de l’espace intercostal choisi. L’espace pleural est repéré par l’arrivée de liquide dans la seringue et, en se retirant d’un millimètre, on termine par une anesthésie abondante de l’espace sous-pleural. Il ne faut pas dépasser 3 mg/kg de lidocaïne, soit 20 ml de lidocaïne à 1 %, chez un patient de 60 kg. Le drain n’est posé que si du liquide est recueilli lors de l’anesthésie locale. Si on ne retrouve pas de liquide, il faut suspendre le geste et ne le reprendre qu’après vérification du site de drainage (repérage anatomique, nouvelle imagerie). L’anesthésie locale doit être réalisée avec attention. La qualité de l’anesthésie est un élément de sécurité majeur. En effet, avec une bonne anesthésie, la pose du drain doit se dérouler sans douleur. Si une douleur survient cela signifie que l’on a dépassé l’espace intercostal et la plèvre pariétale adjacente et que le drain progresse dans la paroi ou au contact (au travers) du diaphragme. La douleur impose donc le retrait du drain et la reprise des repères. La pose du drain Plusieurs techniques sont disponibles. Leur choix dépend de la taille du drain, du matériel disponible et de la maîtrise de la technique [1, 2, 5, 12]. Dissection et pose à la pince (« technique chirurgicale ») Une incision cutanée large (au moins 2 cm) est réalisée devant la côte inférieure. Le trajet de drainage est disséqué à la pince jusqu’à la plèvre en remontant devant la côte et en rasant le bord supérieur de celle-ci. La plèvre doit être ouverte à la pince. Une fois le trajet réalisé, on refait le trajet au doigt jusqu’à la cavité pleurale, ce qui permet de vérifier l’absence d’adhérences. On prend l’extrémité du drain avec la pince qui est dirigée au travers de l’espace intercostal jusque dans la plèvre. Une fois dans la plèvre, le drain est introduit de quelques centimètres jusqu’à la position voulue. La vérification de la cavité au doigt est un élément de sécurité important limitant les risques traumatiques Cette technique nécessite une incision cutanée plus grande et est plutôt utilisée pour les drains les plus gros. Il faut préférer des drains à bout mousse et à trocart non perforant qui ont un risque traumatique moindre. Drain passé au travers d’un trocart métallique : drain de Monod La même dissection à la pince de l’espace intercostal est réalisée jusqu’à l’ouverture de la plèvre. Un trocart métallique à bout mousse de taille supérieure à celui du drain est introduit dans l’espace intercostal, puis le trocart interne est enlevé et le drain introduit au travers du tube métallique en l’orientant dans la direction voulue. Une fois en place, le tube métallique est retiré. Petit drain placé au travers d’une grosse aiguille : Pleurocath Il s’agit d’un drain de petite taille (6 à 10 French (2 à 3,3 mm)). Après anesthésie, une petite incision cutanée est réalisée puis la ponction pleurale est réalisée avec la grosse aiguille (13 à 8 Gauge (2,4 à 4 mm)) montée sur une seringue. La progression est réalisée jusque dans l’espace pleural. La seringue est alors enlevée et le petit drain est introduit au travers de l’aiguille métallique. Une fois en place, l’aiguille est retirée. Il faut arrêter la progression de l’aiguille dès l’entrée de la cavité pleurale, le bout pointu et tranchant de celle-ci risquant de provoquer un traumatisme pulmonaire. Il ne faut jamais retirer le drain au travers de l’aiguille, sinon il risque d’être sectionné sur le bord coupant de cette dernière. Pose selon la technique de Seldinger [10] Après anesthésie, la ponction pleurale est réalisée avec une petite aiguille (16 Gauge). Une fois dans l’espace pleural, un fil guide métallique y est introduit. Une incision cutanée de la taille du drain est réalisée. Plusieurs dilatateurs de taille progressivement croissante sont alors enfilés sur le fil guide afin de dilater l’espace intercostal sans le disséquer. Après le dernier dilatateur, le drain est mis en place sur le fil guide de la même manière, puis le fil guide est enlevé. Cette technique permet une ouverture atraumatique de l’espace intercostal et évite aussi le risque traumatique de l’extrémité de drain qui reste sur le fil guide. Il ne faut cependant pas mobiliser le drain une fois le fil guide enlevé. Une fois le drain en place et avant de le fixer, une aspiration est réalisée à la seringue afin de vérifier l’arrivée facile de liquide pleural, prouvant la bonne position du drain. Le drain est solidement fixé à la peau afin éviter une mobilisation accidentelle. La réalisation d’un fil de bourse en prévision de l’ablation n’est pas indispensable. Le drain est relié au système de drainage, le plus souvent un système clos et intégré type Pleurevac®. Il faut éviter une évacuation trop rapide exposant au risque d’œdème a vacuo. On laisse donc le liquide s’écouler spontanément sans aspiration. Si le volume atteint rapidement 1 à 1,5 litres ou si le patient présente une toux ou une dyspnée à l’évacuation, le drain doit être clamper et l’évacuation est reprise plus tard. Lorsque le liquide ne s’écoule plus spontanément, une aspiration douce à – 20 cm d’eau est appliquée. Un pansement stérile est mis en place et le raccord du drain est protégé. Drain à mandrin interne rigide Une incision de taille légèrement supérieure à celle du drain est réalisée. La dissection à la pince de l’espace intercostal est identique. La plèvre doit impérativement être ouverte à la pince et non avec le drain. Le drain est introduit au travers de l’espace intercostal. La progression doit toujours être douce et sans forcer. Une fois le drain dans l’espace pleural, il est orienté dans la direction voulue et poussé en retenant le trocart qui ne doit pas progresser dans l’espace pleural pour limiter le risque traumatique. Surveillance du drainage Une radiographie thoracique doit systématiquement être réalisée pour vérifier la position du drain. Si son extrémité est trop distale, il est retiré de quelques centimètres. Si la position est douteuse, un scanner thoracique permet de préciser la position exacte du drain. La surveillance doit être effectuée par une équipe formée et habituée à la prise en charge des drainages thoraciques. Le volume et © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 49 8_Synth_2 27/02/08 16:23 Page 50 G. Mangiapan l’aspect du liquide drainé et l’absence de bullage doivent être notés toutes les 4 h. Le drain doit être « trait » régulièrement pour éviter l’obstruction par des dépôts. Le point d’entrée du drain est surveillé et le pansement refait tous les 2 jours. En cas de tarissement du liquide, il faut vérifier l’absence d’obstruction ou de coudure du drain. Si un bullage apparaît, il s’agit le plus souvent d’une désadaptation du drain au système de drainage ou d’un retrait accidentel du drain, plus que d’une plaie pulmonaire. Il faut vérifier tout le système de drainage, l’éventuelle apparition d’orifice latéral à la peau (retrait accidentel) et réaliser une radiographie thoracique. Une radiographie quotidienne est effectuée (mobilisation du drain, efficacité du drainage). Une évaluation de la douleur est nécessaire et une prescription d’antalgique de pallier 3 de secours est proposée. La mobilisation précoce du patient permet d’éviter les complications de décubitus. La kinésithérapie de réexpansion thoracique est possible précocement et même souhaitable en cas de pleurésie parapneumonique. Il faut parfois encadrer les séances de kinésithérapie par une prémédication antalgique. Ablation du drain Le drain peut être retiré lorsque l’indication du drainage a disparu, c’est-à-dire lorsque le débit du liquide est de moins de 100 ml/j, que le liquide est séreux, que l’état du patient s’est amélioré et que la radio ne montre pas de collection résiduelle. S’il persiste un épanchement, il faut évoquer une malposition ou une obstruction du drain. L’ablation du drain peut être douloureuse [13]. Un traitement antalgique doit être proposé par voie générale et/ou inhalée (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote : MEOPA). Le drain se retire en aspiration. Le fil d’attache est sectionné, on prépare des compresses stériles imbibées de povidone iodée ou du tulle gras (compresses imperméables à l’air). L’opérateur retire le drain d’une traction douce et régulière, applique immédiatement les compresses imbibées sur l’orifice de drain et masse l’espace afin de dissocier les différents plans et de refermer le trajet. La cicatrice est maintenue fermée entre 2 doigts et des stéristrips sont appliqués. L’utilisation d’un fil de bourse permettrait d’éviter le pneumothorax à l’ablation du drain, cependant, la supériorité de cette technique n’est pas démontrée et la cicatrice induite est souvent importante. S’il est utilisé, il faut impérativement réaliser une anesthésie locale, du fait de la douleur induite lors de la fermeture du fil. L’extrémité du drain est sectionnée et adressée éventuellement pour culture microbiologique afin de détecter une éventuelle colonisation nosocomiale précoce. Une radiographie est réalisée après l’ablation pour vérifier l’absence de pneumothorax et l’absence de réaccumulation précoce de liquide. Complications Les complications d’un drainage thoracique sont de fréquence et de gravité très variables selon les séries, et les techniques utilisées. La principale complication est la malposition du drain retrouvée jusqu’à 40 % dans certaines séries [14, 15]. Le drain est alors intrascissural ou dans la paroi. Une position intrapariétale est plus souvent observée chez le sujet obèse. Cette malposition peut aussi survenir après la pose, lors de la mobilisation du patient avec un personnel insuffisamment formé, un drain mal attaché ou un patient agité. Une position intraparenchymateuse est retrouvée dans 0 à 25 % des séries [8, 14, 15]. Une telle complication peut entraîner la majoration des images radiologiques, l’aggravation ou l’apparition d’un pneumothorax, mais dans près de la moitié des cas, il n’y a aucune 50 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 47-51 conséquence clinique et parfois même, une amélioration clinique et radiologique de la pleurésie [16]. La radiographie standard sousestime, voire ignore cette complication, et au moindre doute un scanner thoracique doit être effectué [14, 15, 17] La perforation d’autres organes a été rapportée : plaie cardiaque, artérielle pulmonaire ou aortique, passage transdiaphragmatique avec perforation hépatique ou splénique. Ces complications sont rares, le plus souvent absentes des séries et rapportées au cas par cas dans la littérature [18, 19]. La fréquence de ces complications varie selon la technique (moins fréquent avec une dissection à la pince et au doigt par rapport à un drain à mandrin interne), selon le lieu de prise en charge (plus fréquent aux urgences que dans un service de chirurgie) et selon l’expérience de l’opérateur [17]. Le risque de complication est limité si un repérage précis est réalisé, en particulier échographique au lit du patient, et si les points suivants sont respectés : toujours ouvrir la plèvre à la pince, ne jamais forcer en posant le drain, ne jamais continuer la pose si le patient a mal. Certaines séries décrivant des drainages sous échographie ne rendent compte d’aucune complication à la pose [8]. Le risque de pleurésie purulente est faible, survenant chez 2 à 3 % des patients. Ce risque est augmenté par la durée du drainage et la manipulation du drain (déconnection pour injection intrapleurale) [8]. La douleur est une complication décrite dans 10 à 50 % des cas lors de la pose ou lors de la surveillance, drain en place. L’utilisation d’un protocole adapté comportant une anesthésie locale de qualité et un traitement antalgique par voie générale à la demande permet de contrôler cette complication [11]. Elle est d’autant plus importante que le drain est gros, mais elle dépend aussi de la pathologie sousjacente (pneumothorax, empyème, pleurésie néoplasique). Elle justifie la prescription anticipée d’antalgique de secours. Dans certain cas, il faut avoir recours à un PCA de morphine dont les doses sont déterminées après titration. Drainage à demeure des épanchements pleuraux chroniques Lors d’épanchement pleural néoplasique récidivant, malgré la symphyse pleurale, l’alternative aux ponctions itératives est la mise en place d’un drain tunnélisé permettant l’évacuation du liquide en ambulatoire de manière répétée. Le drain actuellement disponible est le système de drainage Pleur X® [20]. Il s’agit d’un drain souple en silicone. Comme pour les autres systèmes de drainage, une information claire et complète est nécessaire, d’autant plus que le drain restera en place pendant une longue période. La pose est réalisée sous anesthésie locale à la lidocaïne. L’anesthésie de l’espace intercostal est identique, on y adjoint l’anesthésie sous-cutanée du trajet de tunnélisation. La pose du drain se fait selon la technique de « Seldinger » avec ponction de l’espace intercostal avec une aiguille de 16 Gauge, passage d’un fil guide, puis mise en place d’un dilatateur qui sert de canule pour l’introduction du drain souple. Une fois en place, un système d’évacuation, grâce à des bouteilles de vide branchées sur une valve antiretour, permet l’évacuation plusieurs fois par semaine à domicile de 500 ml à 1 litre de liquide. L’évacuation peut se faire par le patient lui-même ou par un personnel paramédical formé. La pose de ce drain est réalisable en ambulatoire. Son indication est le traitement symptomatique des pleurésies néoplasiques récidivantes. Dans une grande série, le contrôle des symptômes était complet ou partiel dans 89 % des cas. Une symphyse spontanée était obtenue dans 43 % des cas. Dans 4 % des cas, le drain n’a pas pu être mis en place. Les complications principales étaient le cloisonnement (12 %) et l’infection (3 %) [21]. 8_Synth_2 27/02/08 16:23 Page 51 Drainage pleural des épanchements liquidiens : en pratique Conclusion Le drainage thoracique est un acte technique utile dans de nombreuses maladies pleurales et parfois réalisé en urgence. Comme tout acte technique, il nécessite une parfaite maîtrise de toutes les étapes de sa réalisation, de l’indication au retrait, pour pouvoir être appliqué avec le moins de risque possible. La maîtrise de ce geste nécessite une formation auprès de médecin et de chirurgiens expérimentés dans la prise en charge des maladies pleurales. La disponibilité de plus en plus grande de l’échographie au lit du malade devrait diminuer les complications des gestes pleuraux. 9 10 11 12 13 14 Références 1 2 3 4 5 6 7 8 Laws D, Neville E, Duffy J : BTS guidelines for the insertion of a chest drain. Thorax 2003 ; 58 : ii53-9. 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Pneumothorax « idiopathique » Unité de Chirurgie Thoracique, Hôtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4, France. Correspondance : [email protected] 52 C’est probablement la pathologie pleuro-pulmonaire pour laquelle la vidéothoracoscopie est le plus souvent réalisée. Pour ce qui concerne le pneumothorax spontané idiopathique, il existe désormais un large consensus pour préférer le traitement par l’abord vidéothoracoscopique, plutôt que par thoracotomie latérale ou axillaire [1, 2]. Les indications sont elles aussi désormais codifiées : échec du traitement médical d’un premier épisode, première récidive homolatérale (le taux de récidive ultérieure étant proche de 70 %) ou pneumothorax à bascule (compte tenu du risque de pneumothorax simultané bilatéral) [3]. La chirurgie du pneumothorax spontané idiopathique est faite par une vidéothoracoscopie avec trois trocarts. Elle permet l’exploration de la cavité pleurale entière. La recherche d’une éventuelle fuite aérienne peut être réalisée avec un test de reventilation hydropneumatique, et la résection des bulles, des blebs, ou des territoires de dystrophie à l’origine du pneumothorax aisément accomplie à l’aide de pinces automatiques réalisant l’agrafage et la section en même temps. En général, de minimes résections parenchymateuses apicales ou au niveau du bord scissural du Nelson sont réalisées [1, 2]. Dans le cadre du traitement du pneumothorax, un geste de symphyse pleurale doit être rajouté à la résection des blebs ou des bulles : l’abrasion pleurale ou le talcage, en sachant que la première est, en général, préférée dans les cas typiques, en particulier chez les hommes [1, 2]. Le taux de réussite après symphyse chirurgicale par vidéothoracoscopie pour pneumothorax récidivant est de l’ordre de 95-97 % pour une opération dont la mortalité est pratiquement nulle et la morbidité (hémothorax nécessitant la réopération et/ou la transfusion, infection du site opératoire, pneumopathie) très faible [1, 2]. En effet, des pneumothorax autrefois considérés idiopathiques chez la femme doivent, d’après nous, être vus d’un œil différent. Nous avions initialement démontré que 25 % des femmes avec un pneumothorax considéré idiopathique, avaient finalement un pneumothorax cataménial (donc un pneumothorax récidivant survenant toujours en période menstruelle) [4]. Une étude plus récente nous a permis de démontrer que le pneumothorax chez la femme adressée pour prise en charge chirurgicale est cataménial dans environ 25 % des cas, et que dans la majorité de ces cas, une endométriose thoracique peut être prouvée histologiquement [5]. D’autre part, chez les femmes ayant un pneumothorax non cataménial, une endométriose thoracique peut être néanmoins identifiée dans plus de 10 % des cas [5]. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 52-55 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 9_Synth_3 27/02/08 16:24 Page 53 La vidéothoracoscopie Les lésions endométriotiques thoraciques peuvent intéresser la plèvre pariétale ou la plèvre viscérale (dans de rares cas), mais surtout, dans la quasi-totalité des cas, le diaphragme [4, 5]. D’autre part, il est désormais acquis que la grande majorité des pneumothorax cataméniaux ou liés à l’endométriose reconnaîtrait comme mécanisme pathogénique un passage d’air transgénital/transabdominal, puis transdiaphragmatique, tandis que seulement la minorité des cas de pneumothorax secondaires à une endométriose reconnaîtrait comme mécanisme pathogénique un passage intrapleural d’air de provenance pulmonaire [6]. Quoi qu’il en soit, la vidéothoracoscopie permet de rechercher une endométriose thoracique qui sera confirmée à l’examen histologique, de réaliser l’exérèse des lésions endométriotiques, ainsi que l’ablation d’une maladie bulleuse éventuellement associée [4-6]. L’exérèse des lésions endométriotiques est réalisée par des pleurectomies pariétales, des résections-wedge pour les nodules de la plèvre viscérale, et surtout par des résections diaphragmatiques partielles ; celles-ci peuvent être réalisées par un abord thoracoscopique pur si le grand axe de la zone de résection diaphragmatique est inférieur à 3 cm, ou bien par une mini-thoracotomie sous contrôle vidéothoracoscopique associé, en cas de lésions plus étendues [4, 5]. En particulier, la vidéothoracoscopie permet de bien identifier les rapports des lésions endométriotiques avec le nerf phrénique, de façon à l’épargner lors des résections diaphragmatiques. Un geste de symphyse pleurale doit être dans tous les cas associé, et nous préconisons actuellement la réalisation d’un talcage systématique pour les femmes ayant un pneumothorax cataménial ou un pneumothorax non cataménial, mais présentant des lésions macroscopiquement suspectes d’endométriose [5]. Pneumothorax spontané secondaire Il n’existe pas de consensus sur la voie d’abord à adopter pour la prise en charge d’un pneumothorax spontané secondaire à une maladie emphysémateuse, bien que l’opération puisse être souvent réalisée en vidéothoracoscopie, se gardant la possibilité d’une conversion thoracotomique [2]. L’opération est souvent proposée dès le premier épisode, et le traitement d’une bulle perforée et un geste d’abrasion pleurale doivent toujours être réalisés. Dans le cadre d’un pneumothorax secondaire à une maladie interstitielle pulmonaire (fibroses pulmonaires, lymphangioléiomyomatose, histiocytose X...), la vidéothoracoscopie permet, à part le traitement de la cause immédiate du pneumothorax, la réalisation d’une biopsie pulmonaire qui permettra le diagnostic étiologique. Transsudats pleuraux Lorsque le caractère transsudatif d’un épanchement pleural est établi par les examens chimiques dans le cadre d’un tableau clinique compatible, il est classiquement retenu qu’il n’y a pas d’indication à la réalisation d’une exploration de la cavité pleurale. Néanmoins, une prise en charge vidéothoracoscopique des épanchements pleuraux secondaires à une cirrhose hépatique a été préconisée [7, 8]. L’exploration vidéothoracoscopique de l’hémithorax droit chez ces patients permettrait, dans un pourcentage assez important des cas, de mettre en évidence des perforations diaphragmatiques à l’origine du passage péritonéal-pleural du liquide. Ces perforations pourraient faire l’objet de colmatage par suture ou apposition de colle biologique avec un taux de réussite très encourageant [7]. L’expérience, sur ce sujet, reste en l’état actuel des connaissances, limitée. Exsudats pleuraux Un épanchement pleural exsudatif dont l’étiologie reste indéterminée sur les éléments cliniques, de l’imagerie, biologiques, cytologiques et éventuellement de la ponction-biopsie pleurale, doit faire l’objet d’une exploration pleurale par thoracoscopie [9, 10]. En milieu chirurgical, cette dernière est réalisée à l’aide de la technique de vidéochirurgie, sous anesthésie générale et ventilation monopulmonaire, de façon à pouvoir explorer l’ensemble de la cavité pleurale. Cette exploration permet d’objectiver le caractère inflammatoire ou possiblement néoplasique des plèvres, et surtout de réaliser des biopsies sous contrôle de la vue, dont la rentabilité est extrêmement élevée. À la différence des biopsies pleurales à l’aveugle qui ont une sensibilité de 50-60 % pour les épanchements pleuraux secondaires à une infiltration tumorale de la plèvre (carcinose pleurale), la sensibilité des biopsies par thoracoscopie avoisine au moins 90 % [9-11]. Dans le cas des carcinoses pleurales, l’exploration par vidéothoracoscopie permet non seulement le diagnostic étiologique, mais aussi le traitement palliatif, en réalisant la symphyse par talcage. Celle-ci donne de meilleurs résultats par rapport aux autres techniques réalisées en percutané : injection de bléomycine, talc en suspension, dérivés de la tétracycline [12]. Le choix d’une chirurgie vidéo-assistée concerne les épanchements pleuraux qui sont révélateurs d’une pathologie néoplasique. D’autre part, pour les épanchements pleuraux qui surviennent chez des patients ayant un antécédent de maladie tumorale, et dont le caractère néoplasique peut être affirmé sur les bases de la simple cytologie pleurale ou bien d’une évolution clinique particulièrement évocatrice, l’indication à une chirurgie vidéothoracoscopique est variable selon la typologie de la maladie néoplasique et sa possible sensibilité au traitement (en général chimiothérapie, hormonothérapie), ainsi que des possibilités de réexpansion pulmonaire et de l’espérance de vie du patient. Si le nombre de ponctions évacuatrices nécessaires est faible et si la maladie semble sensible aux traitements généraux, il peut être raisonnable de ne pas réaliser de symphyse chirurgicale dans l’immédiat, mais de poursuivre la surveillance de l’épanchement et de la réaliser secondairement en cas d’inefficacité des traitements systémiques, tout en étant vigilant à ne pas laisser évoluer trop longtemps un épanchement à l’évidence insensible à la chimiothérapie ou à l’hormonothérapie, car les risques de développement d’un poumon engainé avec par conséquent inefficacité de la symphyse seraient trop importants. En cas de maladie dont la sensibilité à la chimiothérapie est probablement médiocre, il est légitime de proposer une vidéothoracoscopie de symphyse assez précocement, de façon à avoir le maximum de chances d’avoir un parenchyme pulmonaire encore relativement souple, capable d’une réexpansion complète ou semicomplète, garantie essentielle pour une réussite de la symphyse. Dans tous les cas, un geste de symphyse pleurale ne peut être envisagé que si l’espérance de vie du patient est estimée à au moins deux-trois mois. Un cas à considérer à part est celui du mésothéliome pleural malin [14]. La vidéothoracoscopie permet l’exploration complète de la cavité pleurale, la réalisation de larges biopsies qui doivent dans tous les cas inclure le tissu sous-pleural et éventuellement de la graisse médiastinale, de façon à objectiver une éventuelle invasion des tissus sous-pleuraux, ce qui peut être d’une aide précieuse au diagnostic anatomopathologique. La vidéothoracoscopie permet, entre autres, de faire un bilan topographique précis (diaphragme, plèvre médiastine, culs-de-sac pleuraux), surtout utile dans les cas qui pourront éventuellement faire l’objet d’un traitement d’induction par chimiothérapie suivi d’une réévaluation en vue d’une exérèse secondaire par pleuro-pneumonectomie. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 53 9_Synth_3 27/02/08 16:24 Page 54 M. Alifano En cas de diagnostic prouvé ou suspecté à l’examen anatomopathologique extemporané de mésothéliome malin, une symphyse chirurgicale par talcage doit être réalisée, car elle est indiscutablement un pilier du traitement symptomatique de cette maladie. D’autre part, un talcage ne gêne absolument pas une exérèse secondaire en pleuropneumonectomie qui est par ailleurs facilitée après une symphyse pleurale [14]. Seuls les malades pour lesquels se poserait éventuellement l’indication à une pleurectomie-décortication ne doivent pas faire l’objet d’un talcage au décours de la vidéothoracoscopie. Pyothorax Le traitement chirurgical d’une pleurésie purulente cloisonnée (donc non accessible au simple drainage percutané) est réalisé désormais, dans la plus grande partie des cas, par vidéothoracoscopie [15]. Il existe une certaine superposition des indications au traitement par fibrinolyse ou par vidéothoracoscopie [16]. Il n’y a pas de consensus, en l’état actuel, pour l’un ou l’autre traitement, mais il est admis d’autre part que les échecs de la fibrinolyse peuvent être gérés par un traitement par vidéothoracoscopie. Toutes les pleurésies purulentes cloisonnées peuvent être managées par vidéothoracoscopie, à condition qu’il n’y ait pas de pachypleurite viscérale engainante empêchant la réexpansion pulmonaire, cas dans lequel il existe une indication à une décortication pleuro-pulmonaire. Cette dernière opération est aujourd’hui plutôt réalisée par thoracotomie, bien que ce geste puisse aussi être réalisé, mais avec plus de difficultés, par un abord vidéochirurgical [17]. Le traitement chirurgical d’une pleurésie purulente « standard » se fait par une vidéothoracoscopie avec en général trois accès. La poche pleurale la plus volumineuse est repérée, si possible, à l’aiguille, ce qui permet de mettre en place le premier trocart, de vider la première poche et, progressivement, de réaliser la défibrination et le décloisonnement complet de la cavité pleurale jusqu’au rétablissement d’une cavité pleurale unique. Après le décloisonnement et la défibrination, une toilette pleurale avec antiseptiques est aussi réalisable en vidéothoracoscopie, ainsi que la mise en place, sous contrôle de la vue, d’un double ou triple drainage pleural [16]. Bien que la vaste majorité des pleurésies purulentes sans pachypleurite viscérale puisse être gérée par vidéothoracoscopie, il existe des cas où l’abord vidéothoracoscopique se révèle insuffisant (par exemple, en cas de large abcès pulmonaire perforé dans la cavité pleurale), et pour lesquels une conversion thoracotomique s’impose donc. À noter que de rares cas de pyothorax bilatéral cloisonné peuvent faire l’objet d’un traitement chirurgical bilatéral par vidéothoracoscopie, ce qui est beaucoup moins lourd que le traitement conventionnel par thoracotomie bilatérale chez des patients qui sont souvent fatigués [18]. Un cas à considérer à part est celui du pyothorax tuberculeux. À part le rôle dans le diagnostic étiologique, la vidéothoracoscopie peut être utile pour la défibrination d’une poche pleurale, de façon à permettre le maximum d’efficacité au traitement médical basé sur la chimiothérapie antituberculeuse et la kinésithérapie [19]. D’autre part, en cas de surinfection d’un empyème tuberculeux à pyogène, la toilette chirurgicale par un abord vidéothoracoscopique peut être d’une aide précieuse et permettre le contrôle de la surinfection. Il est évident qu’une poche pleurale chronique séquellaire d’un empyème tuberculeux ne se prête pas à un traitement par vidéothoracoscopie, mais nécessite un abord de chirurgie à ciel ouvert (décortication pleuro-pulmonaire si le parenchyme sous-jacent est de qualité satisfaisante, pleuro-lobectomie en cas de destruction d’un lobe, ou chirurgie pariétale d’affaissement dans les cas non gérables autrement). 54 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 52-55 Hémothorax traumatique Lorsque l’indication chirurgicale pour un hémothorax traumatique est retenue (drainage d’emblée supérieur à 1 l ou saignement persistant supérieur à 150 ml/h, ou drainage total supérieur à 1 litre/24 heures), l’exploration se fait désormais de plus en plus par vidéothoracoscopie, à condition que le patient soit hémodynamiquement stable, et que l’intubation sélective avec ventilation monopulmonaire soit possible [20-22]. La vidéothoracoscopie est réalisée avec deux ou trois trocarts, et une grosse canule d’aspiration doit être utilisée pour évacuer rapidement le sang et les caillots, ce qui permet de réaliser un bilan lésionnel à la recherche d’une cause persistante de saignement. Dans un délai rapide, il est possible de réaliser par thoracoscopie la coagulation des vaisseaux pariétaux ou la réparation d’une plaie parenchymateuse (qui peut aussi être à l’origine d’un pneumothorax associé). La vidéothoracoscopie peut être utilisée pour le drainage d’un hémothorax résiduel après drainage percutané. Une étude prospective [23] a en effet démontré que la vidéothoracoscopie fait mieux que le drainage itératif en terme de durée de drainage total et de durée d’hospitalisation. On sait d’autre part qu’une évacuation complète d’un hémothorax résiduel permet de réduire les conséquences fonctionnelles liées à l’organisation d’un hémothorax incomplètement drainé, ainsi que de réduire le taux de complications infectieuses tardives de l’espace pleural secondaires à un hémothorax incomplètement drainé et ayant fait l’objet de plusieurs drainages ou ponctions [23, 24]. Chylothorax La vidéothoracoscopie joue souvent un rôle dans la prise en charge du chylothorax, dans le cadre du diagnostic étiologique et de la prise en charge thérapeutique [25-27]. Dans le cas d’épanchement chyleux post-traumatique, la vidéothoracoscopie permet, en adjonction à l’imagerie traditionnelle, de localiser la fuite chyleuse et d’en réaliser le colmatage par ligature ou mise en place de clips [25, 26]. Si l’identification du canal thoracique n’est pas réalisable par thoracoscopie, la ligature en masse de tout le tissu siégeant entre la veine azygos et l’aorte peut être aussi réalisée aisément en vidéothoracoscopie. La thoracoscopie peut être aussi intéressante à visée de diagnostic topographique et de traitement des chylothorax traumatiques postchirurgicaux (après chirurgie œsophagienne ou pulmonaire) [25], où la fuite chyleuse peut siéger aussi bien au niveau du canal thoracique qu’au niveau d’autres collecteurs lymphatiques et même de lymphatiques sous-pleuraux. En fait, l’agrandissement des images obtenu avec la vidéothoracoscopie permet parfois une recherche plus aisée qu’une exploration à ciel ouvert [25]. La vidéothoracoscopie peut être aussi un outil valable pour la recherche étiologique des chylothorax secondaires à une occlusion de la circulation lymphatique par pathologie néoplasique ou infectieuse ganglionnaire, ou dans le cadre de lymphangioléiomyomatose/sclérose tubéreuse. Dans ces conditions, des biopsies ganglionnaires ou parenchymateuses pulmonaires peuvent être aisément réalisées en vidéothoracoscopie, ainsi que le traitement du chylothorax par symphyse pleurale (souvent par talcage), la fuite lymphatique n’étant souvent pas unique. Tumeurs fibreuses solitaires de la plèvre Les tumeurs fibreuses solitaires de la plèvre (anciennement dénommées mésothéliome bénin) sont des tumeurs développées au 9_Synth_3 27/02/08 16:24 Page 55 La vidéothoracoscopie niveau de la couche sous-mésothéliale de la plèvre, dont l’origine peut être aussi bien au niveau de la plèvre pariétale qu’au niveau des plèvres médiastine, diaphragmatique ou viscérale, cette dernière origine étant de loin la plus fréquente. Ces tumeurs sont rarement multifocales, et plus fréquemment unifocales. L’aspect scannographique est souvent assez évocateur, mais absolument non pathognomonique (diagnostic différentiel avec les neurinomes et les lésions pulmonaires primitives périphériques). D’autre part, le caractère bénin ou malin ne peut être établi sur une simple ponction sous scanner, car ces lésions sont souvent hétérogènes et uniquement l’analyse de la tumeur en totalité permet d’en affirmer le caractère, les atypies cytonucléaires et les mitoses pouvant être présentes dans certaines zones, mais pas dans d’autres de la lésion [28]. L’indication opératoire est donc formelle lorsqu’une tumeur fibreuse solitaire de la plèvre est suspectée. L’exérèse peut se faire en chirurgie vidéothoracoscopique pure ou en chirurgie vidéo-assistée à l’aide d’une mini-thoracotomie pour l’extraction de la pièce opératoire, si celle-ci est assez volumineuse [28]. Les résultats, en termes de survie, sont excellents pour les lésions qui s’avèrent bénignes à l’examen anatomopathologique définitif, mais aussi très satisfaisants dans le cas où le diagnostic anatomopathologique définitif conclut au caractère malin de la tumeur [28]. 11 12 13 14 15 16 17 18 19 Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Bertrand PC, Régnard JF, Spaggiari L, Levi JF, Magdeleinat P, Guibert L, et al. : Immediate and long-term results after surgical treatment of primary spontaneous pneumothorax par VATS. Ann Thorac Surg 1996 ; 61 : 1641-5. Mouroux J, Elkaïm D, Padovani B, Myx A, Perrin C, Rotomondo C, et al. : Video-assisted thoracoscopic treatment of spontaneous pneumothorax: technique and results of one hundred cases. J Thorac Cardiovasc Surg 1996 ; 112 : 385-91. Baumann MH, Strange C, Heffner JE, Light R, Kirby TJ, Klein J, et al. : AACP Pneumothorax Consensus Group. Chest 2001 ; 119 : 590602. 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