DI - TABLEAU DE VARIATION Le but de ce texte est de montrer que si f est une fonction numérique définie sur R, tendant vers l’infini à l’infini, qui n’est constante sur aucun intervalle de longueur non nulle, et qui ne change de sens de variation qu’un nombre fini de fois, il existe un polynôme P ayant même tableau de variation que celui de f sur R. Les données sont donc les suivantes : – on a p + 1 points (x0 , y0 ),. . . (xp , yp ) tels que x0 < · · · < xp et, si 0 ≤ i ≤ p, yi = f (xi ) . Les nombres x0 , . . . , xp constituent les bornes des intervalles Ji = [ xi−1 , xi ] où i est compris entre 1 et p. On note également J0 = ] −∞, x0 ] et Jp+1 = [ xp , +∞ [ . – la fonction f est strictement monotone sur chaque intervalle Ji . – si f est dérivable, l’ensemble des zéros de f dans R est inclus dans {x0 , . . . , xp }. – lim f (x) = ε∞ et lim f (x) = ε′ ∞ où |ε| = |ε′ | = 1. x→+∞ x→−∞ Pour i compris entre 0 ηi = 1 2 0 et p, on pose si le sens de variation de f est le même sur les intervalles Ji et Ji+1 et xi n’est pas un zéro de f ′ si le sens de variation de f sur Ji est l’inverse de celui sur Ji+1 si le sens de variation de f est le même sur les intervalles Ji et Ji+1 et xi est un zéro de f ′ Soit alors S(x) = ε p Y i=0 (x − xi )ηi . Quel que soit i compris entre 1 et p, quel que soit x dans Ji , les nombres S(x) et yi − yi−1 ont le même signe. De plus S(x) est du signe de ε sur Jp+1 . On cherche donc un polynôme P vérifiant les propriétés suivantes : (i) P ′ a le même signe que S, (ii) pour 0 ≤ i ≤ p, on a P (xi ) = yi . Pour trouver P , il suffit de trouver un polynôme Q, tel que (a) Q = SR, où R est un polynôme strictement positif sur R, Zxi Q(t) dt = yi − yi−1 . (b) pour 0 ≤ i ≤ p, on a xi−1 DI 2 En effet, le polynôme P défini par P (x) = Zx Q(t) dt + y0 , x0 vérifie P ′ = Q = SR , donc on a bien (i). Par ailleurs P (xi ) = Zxi Q(t) dt + y0 = Zxs i X s=1 x x0 i X (ys − ys−1 ) + y0 = yi . Q(t) dt + y0 = s=1 s−1 et on a bien (ii). On va chercher le polynôme R sous la forme d’une combinaison linéaire à coefficients strictement positifs de polynômes strictement positifs sur R, R= p X uj Rj . j=1 Si l’on a une telle décomposition, alors, puisque sur Ji les polynômes S et Q ont le même signe qui est celui de yi − yi−1 , on doit avoir, si 1 ≤ i ≤ p, |yi − yi−1 | = = Zxi xi−1 Zxi xi−1 = p X j=1 Si l’on introduit les matrices Zxi |S(t)| Rj (t) dt A= xi−1 |Q(t)| dt |S(t)| xi−1 , 1≤i,j≤p Zxi p X uj Rj (t) dt j=1 |S(t)| Rj (t) dt uj . |y1 − y0 | .. V = . |yp − yp−1 | u1 et U = ... , up on a alors la relation matricielle AU = V . Comme on cherche à déterminer U , connaissant V , on a besoin que A soit inversible. On veut également que les coefficients de U soient strictement positifs. Ceci sera vérifié si la matrice A est « proche » de DI 3 la matrice unité I, c’est-à-dire si les nombres Zxi xi−1 |S(t)| Rj (t) dt sont proches de δij . De manière plus précise, si l’on peut trouver pour tout j une suite de polynômes (Rjn )n telle que Zxi lim n→+∞ |S(t)| Rjn (t) dt = δij , xi−1 et si l’on pose An = Zxi xi−1 |S(t)| Rjn (t) dt , 1≤i,j≤p alors la suite de matrices (An ) converge vers I, donc la suite (det An ) converge vers det I = 1, ce qui signifie que det An n’est pas nul à partir d’un certain rang, donc que An est inversible à partir d’un certain rang. Alors, si l’on pose Un = A−1 n V , la suite de vecteurs (Un ) converge vers V , donc ses coefficients ujn sont strictement positifs à partir d’un certain rang. Si l’on fixe un nombre n vérifiant ces conditions alors le polynôme R= p X ujn Rjn j=1 convient. Il nous reste à montrer l’existence des suites de polynômes (Rjn )n . Cela provient du lemme suivant. Lemme Soit F une fonction continue positive sur un segment I, et J un intervalle inclus dans I sur lequel F ne s’annule pas. Il existe une suite de polynômes (Pn ) strictement positifs sur R, telle que Z Pn (t)F (t) dt = 1 , lim n→+∞ J et pour tout segment K inclus dans I \ J, lim n→+∞ Z Pn (t)F (t) dt = 0 . K Quitte à faire un changement de variable affine, on peut toujours supposer que J = ] −1, 1 [ . La fonction F ne s’annule pas sur J. Soit ϕn la fonction chapeau qui vaut 0 à l’extérieur de [ −1/n, 1/n ] , qui vaut n en 0 et qui est affine sur [ −1/n, 0 ] et [ 0, 1/n ] . On a donc Z1 −1 ϕn (t) dt = 1 . DI 4 Si n ≥ 2, on définit une fonction gn sur I par gn (x) = ϕn (x)/F (x) 0 si |x| < 1 . si |x| ≥ 1 Comme gn est nulle en fait si |x| ≥ 1/n, la fonction est continue sur I (même si F (1) ou F (−1) = 0). On a donc Z1 gn (t)F (t) dt = −1 Z1 ϕn (t) dt = 1 Zδ ϕn (t) dt = 0 . −1 et si [ γ, δ ] est un segment inclus dans I \ J, Zδ gn (t)F (t) dt = γ γ Alors la fonction √ gn est continue positive sur R, et si l’on pose λ = inf F (x), ce nombre est |x|≤1/2 strictement positif, et on obtient, si n ≥ 2 et si −1/2 ≤ x ≤ 1/2, 0 ≤ gn (x) ≤ n sup ϕn (x) ≤ , inf F (x) λ inégalités qui restent vraies dans [ −1, 1 ] puisque gn est nulle en dehors de [ −1/2, 1/2 ] . Appliquons le théorème de Weierstrass. Pour tout entier n ≥ 2, il existe un polynôme Qn tel que p 1 sup | gn (x) − Qn (x)| ≤ . n x∈I On a alors, si x est dans [ −1, 1 ] , |Q2n (x) − gn (x)| = |Qn (x) − p p g (x)| pn p ≤ |Qn (x) − gn (x)| (|Qn (x) − gn (x)| + 2 gn (x)) √ 1 1 2 n ≤ + √ n n λ 2 1 1 +√ √ . ≤ n2 λ n p gn (x)| |Qn (x) + Notons un le membre de droite. La suite (un ) converge vers 0. Posons maintenant Pn = Q2n + 1/n. C’est un polynôme strictement positif sur R. DI 5 Z1 −1 Pn (t)F (t) dt − 1 = = Z1 1 n F (t) dt + Z1 −1 −1 Z1 Z1 1 n F (t) dt + −1 −1 Q2n (t)F (t) dt − Z1 gn (t)F (t) dt −1 (Q2n (t) − gn (t))F (t) dt . donc 1 Z Z1 1 Pn (t)F (t) dt − 1 ≤ un + |F (t)| dt . n −1 −1 Comme le membre de droite converge vers 0, il en résulte que lim n→+∞ Z1 Pn (t)F (t) dt = 1 . −1 En dehors de l’intervalle ] −1, 1 [ , la fonction gn est nulle, donc |Qn (x)| ≤ 1 . n Alors Zδ γ 1 Pn (t)F (t) dt = n Zδ γ F (t) dt + Zδ Q2n (t)F (t) dt , γ donc δ Z Zδ 1 1 Pn (t)F (t) dt ≤ |F (t)| dt . + n n2 γ γ Il en résulte que lim n→+∞ Zδ Pn (t)F (t) dt = 0 . γ Ceci achève la démonstration du lemme. Il suffit d’appliquer le lemme à chacun des intervalles Ji pour obtenir les suites de polynômes désirées.