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Cette enquête se fonde sur les données d’études, accessibles au public,
de l’agence américaine de protection de la santé, la FDA, ainsi que sur
une vaste recherche dans la littérature médicale publiée à ce sujet. La
méta-analyse a porté sur 18 études randomisées sous contrôle placebo
et 11 études d’observation. «Notre analyse confirme ce que nous sus-
pections, à savoir que l’on disposait dès la fin 2000 de données prouvant
un risque accru de maladies cardio-vasculaires sous Vioxx», a déclaré
Peter Jüni. A cette époque, 52 cas d’infarctus du myocarde se sont dé-
clarés chez les 20'742 patients observés, dont 41 étaient traités au
Vioxx, soit une importante différence statistique à l’encontre du Vioxx.
Les chercheurs de l’Université de Berne critiquent en particulier
l’interprétation des données de l’étude VIGOR de 2000, qui comparait
l’efficacité et les effets indésirables du rofecoxib (Vioxx) avec un autre
antalgique, le naproxène (Apranax et Aleve, entre autres). Cette étude a
mis à jour des différences majeures dans les risques d’événements car-
dio-vasculaires. Or, les responsables de l’étude VIGOR avaient attribué
cette différence à l’effet protecteur supposé du naproxène et non au ris-
que accru d’infarctus du myocarde du rofecoxib. «Nous n’avons pourtant
trouvé aucune donnée étayant cette interprétation, relève Matthias Eg-
ger. Dès cette étude, on aurait donc dû soupçonner et prendre en
compte une fréquence accrue d’infarctus du myocarde liée au
rofecoxib».
En septembre 2004, dans son communiqué de presse annonçant le re-
trait du Vioxx, Merck annonçait que la firme était «arrivée à la conclusion,
en se fondant sur les alternatives thérapeutiques disponibles et sur les
questions soulevées par ces données» qu’un retrait volontaire du mar-
ché s’imposait. A cet égard, Matthias Egger insiste : «Cette déclaration
s’avère certes correcte en septembre 2004, mais la firme aurait pu ou dû
la faire plusieurs années auparavant, dès qu’elle a disposé des données
que nous avons utilisées dans notre analyse». Or, à cette époque, Merck
se contenta d’un communiqué de presse avec ce titre!: «Merck confirme
à nouveau la sécurité cardio-vasculaire de Vioxx»
Les risques existent indépendamment
de la durée et de la dose
La méta-analyse remet aussi en cause d’autres déclarations de Merck &
Co.!: le médicament a été retiré du marché en mentionnant que seuls les
patients sous Vioxx depuis 18 mois au moins étaient concernés. Or,
«nous n’avons pas pu confirmer ce point, relève Peter Jüni. «Les don-
nées montrent une augmentation du risque d’infarctus du myocarde
après seulement quelques mois de traitement, et que ce risque est indé-
pendant de la dose».
Les chercheurs notent aussi que parmi les diverses études menées,
celles où les données ont été saisies et évaluées de façon indépendante