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La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 1 - janvier-février-mars 2005
ÉDITORIAL
des sujets contrôles, soit non exposés dans une approche de
cohorte, soit n’ayant pas l’événement d’intérêt dans une
approche cas-témoins.
L’exposition médicamenteuse peut être abordée à partir de
sources diverses : les bases de données de l’assurance mala-
die, qui, toutefois, ne comprennent pas de données cliniques
et sont détruites au bout de deux ans. Les données de l’assu-
rance maladie ne contiennent pas les produits d’automédica-
tion et sont parfois imprécises quant au destinataire exact du
produit remboursé. En outre, elles ne sont pas d’un abord
facile, les procédures nécessaires pour y accéder pouvant
varier du plus simple au plus complexe, voire à l’impossible,
dépendant du but de l’étude, de l’interlocuteur et des objectifs
en cours de l’assurance maladie. Les données d’hospitalisa-
tion (PMSI) et les dossiers médicaux comprennent les événe-
ments, mais rarement les antécédents ou le mode de vie (ou
du moins pas de façon fiable le plus souvent), et encore moins
souvent des données fiables d’exposition médicamenteuse – il
est possible que la prescription informatisée puisse à terme
améliorer l’information sur les médicaments pris en cours
d’hospitalisation, au moins pour les produits dits T2A. Il est
possible de retrouver les médicaments prescrits en cours
d’hospitalisation en retournant aux pancartes et aux dossiers
infirmiers. Les données d’interrogatoire des dossiers médi-
caux ne sont en général d’aucune utilité pour la consomma-
tion médicamenteuse, ou, plutôt, sont dangereux, dans la
mesure où ils pourraient laisser croire à une précision ou à
une exactitude bien illusoires tant que les externes et internes
ne seront pas convaincus de l’utilité de savoir ce que prennent
les patients et formés à l’interrogatoire médicamenteux, un
exercice souvent plus subtil qu’il n’y paraît au premier abord.
Il est donc le plus souvent nécessaire de retourner au patient
et/ou au médecin traitant ou prescripteur pour avoir des infor-
mations fiables, sous réserve du libre choix multiple du(des)
médecin(s) par le patient et de la multiplicité des prescrip-
teurs. L’évolution vers un médecin référent qui serait informé
de l’ensemble de l’activité médicale autour d’un patient ne
peut être qu’un progrès pour nous, se rapprochant ainsi du
modèle anglais, et nous laissant espérer à terme la création
d’une base de données analogue à celle du GPRD anglais,
base de référence reconnue dans le monde entier, mais qui,
malheureusement, ne comporte que des patients anglais. Le
retour au patient peut se faire par l’intermédiaire de son
médecin traitant, ou par accès direct, orienté par une pres-
cription identifiable soit par la demande de remboursement,
soit par l’intermédiaire d’un pharmacien, soit encore à l’oc-
casion d’un événement critique ou d’une hospitalisation. Le
patient peut également être identifié et interrogé au hasard par
contact téléphonique en utilisant des techniques de sondage.
On peut donc envisager des études réalisées entièrement dans
des bases de données de remboursement, lorsqu’il s’agit uni-
quement de décrire des populations sur des critères simples
non cliniques, encore que l’on puisse parfois avoir des indica-
tions de données cliniques sur des informations indirectes : un
homme de 50 ans hospitalisé et sortant avec un anticoagulant,
une aspirine, une statine, un bêtabloquant, un IEC et un dérivé
nitré a plus de risques d’avoir fait un infarctus ou un syndrome
de menace qu’un homme de 35 ans qui sort de l’hôpital avec
des anticoagulants, des antalgiques, un plâtre et de la rééduca-
tion… Ou encore une femme de 75 ans qui prend du Vioxx®
(avec du Mopral®,bien sûr) ou du Chondrosulf®a plus de
risques d’avoir une indication d’arthrose que l’homme de
40 ans qui sort de chez son médecin avec un AINS (pas du
Vioxx®,ce serait hors AMM), un myorelaxant et un lombostat.
Le plus souvent, il faudra aller chercher tout ou partie de l’in-
formation auprès du patient ou de son médecin. Il faudra donc
en avertir ce dernier pour qu’il trouve le temps, parmi ses
tâches multiples (en particulier de médecin référent), de nous
renvoyer quelque information. Faut-il le payer, ou cela
devrait-il faire partie de son activité collective, pour laquelle
les pouvoirs publics lui seront éternellement reconnaissants
(comme pour tant d’autres choses) ?
Ces études de pharmaco-épidémiologie devraient pouvoir
être réalisées pour tout produit nouveau, innovant, et cher.
Encore faut-il en avoir les moyens, non pas tant financiers
(c’est un coût infime par rapport aux investissements promo-
tionnels des entreprises du médicament, et le prix par sujet
est ridicule par rapport à un essai clinique) qu’humains :
le nombre d’équipes en France intéressées par la pharmaco-
épidémiologie et susceptibles de faire (bien) ces études se
compte sur les doigts d’une main (ou des deux). Ces études
complémentaires des études d’autorisation de mise sur le mar-
ché doivent dès maintenant être prises en charge par les phar-
macologues formés à l’épidémiologie.
Encore un défi à relever... ■