EXPOS ´
EVIIB
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ETUDE INFINIT ´
ESIMALE DES SCH ´
EMAS EN
GROUPES
par P. Gabriel
B) Groupes formels
L’´etude des groupes formels est habituellement d’une simplicit´e extrˆeme. Si cela 476
n’apparaˆıt pas clairement dans les pages qui suivent, la responsabilit´e en incombe `a
un arithm´eticien, qui pr´etend connaˆıtre des groupes formels sur «autre chose que des
corps ».(1) Nous avons donc d´eroul´e pour les groupes formels «localement libres sur
des limites projectives d’anneaux artiniens »les g´en´eralit´es qu’on ´enonce d’habitude
pour les groupes formels efinis sur un corps. Pour une ´etude plus d´etaill´ee de ces
derniers, nous renvoyons au eminaire de eom´etrie alg´ebrique 1964/65 de Heidelberg-
Strasbourg. (2)
0. Rappels sur les anneaux et modules pseudocompacts
Ce paragraphe contient quelques pr´eliminaires techniques ; nous y rappelons et
compl´etons quelques r´esultats de [CA] (Des cat´egories ab´eliennes, Bull. Soc. Math.
France 90, 1962).
0.1. Un anneau pseudocompact `a gauche est un anneau topologique avec ´el´ement
unit´e, s´epar´e et complet, qui poss`ede une base de voisinages de 0 form´ee d’id´eaux `a 477
gauche lde colongueur finie (i.e. longA(A/l)<+). Nous allons supposer ici que A
est commutatif, de sorte qu’il n’y a pas `a distinguer «entre la gauche et la droite ».
En particulier, les quotients A/lsont des anneaux artiniens et A s’identifie `a la limite
projective topologique de ces anneaux qu’on munit de la topologie discr`ete.
(1)N.D.E. : L’int´erˆet des groupes formels sur un anneau local noeth´erien complet apparaˆıt, par
exemple, dans les travaux de Lubin et Tate (cf. [LT65]). L’´etude des groupes formels sur une base
arbitraire, et des questions de rel`evement et de d´eformation, en particulier pour les groupes de
Barsotti-Tate («groupes p-divisibles ») a donn´e lieu a une abondante litt´erature, cf. par exemple
[LT66, Ta67, Gr74, Me72, La75, Fo77, Il85, Br00] ; en particulier, les esultats du pr´esent
expos´e sont en grande partie repris dans le chapitre I de [Fo77].
(2)N.D.E. : Les ´editeurs ont seulement trouv´e un tel s´eminaire dat´e 1965/66 et intitul´e «Groupes
alg´ebriques lin´eaires », o`u la notion de groupe formel n’apparaˆıt pas ; voir par contre [De72].
502 EXPOS´
E VII. ´
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ESIMALE DES SCH´
EMAS EN GROUPES
Un anneau local noeth´erien complet (A,m) est ´evidemment pseudocompact (3).
0.1.1. Tout id´eal ferm´e I de A est l’intersection des id´eaux ouverts qui le contien-
nent. (4) Tout id´eal ferm´e maximal est donc ouvert. De plus, si lest un id´eal ouvert de
A, les id´eaux maximaux de A/lcorrespondent biunivoquement aux id´eaux maximaux
mqui contiennent l; ces derniers sont donc ouverts et ferm´es. Par cons´equent, tout
id´eal ferm´e maximal est un id´eal maximal ouvert (et donc ferm´e) ; la eciproque ´etant
´evidente. On notera Υ(A) l’ensemble de ces id´eaux.
Si lest un id´eal ouvert de A et si mΥ(A), le localis´e (A/l)mest donc un anneau
local si mcontient let est nul sinon. Comme l’anneau A/lest artinien, il est produit
direct d’un nombre fini d’anneaux locaux, ce qu’on peut ´ecrire
A/lY
mΥ(A)
(A/l)m.
On tire de l`a des isomorphismes «canoniques »
Alim
l
(A/l)lim
lY
m
(A/l)mY
m
lim
l
(A/l)mY
m
Am,
o`u l’on a pos´e :
Am= lim
l
(A/l)m.
Cette composante locale Amest une limite projective filtrante d’anneaux locaux arti-
niens, munis de la topologie discr`ete ; c’est donc un anneau local qui est pseudocom-
pact pour la topologie de la limite projective. (5)
478
0.1.2. — Soit r(A) l’intersection des id´eaux maximaux ouverts de A, c’est-`a-dire le
produit cart´esien des id´eaux mAmlorsqu’on identifie A `a QmAm. Pour tout id´eal
ouvert lde A, l’image de r(A) dans A/lest contenue dans le radical de A/l. Une
certaine puissance de cette image est donc nulle, de sorte que r(A)nest contenu dans
llorsque nest assez grand. La suite des r(A)ntend donc vers 0.
Il en va de mˆeme de la suite des xn, lorsque xappartient `a r(A). Autrement dit,
tout ´el´ement de r(A) est topologiquement nilpotent et la r´eciproque est claire. Il
s’ensuit que la suite de terme en´eral 1 + x+···+xnest convergente et converge
vers 1/(1 x) lorsque xr(A). Cela montre que r(A) est le radical de Jacobson de
A, c.-`a-d., l’intersection de tous les id´eaux maximaux de A (cf. Bourbaki, Alg`ebre,
Chap. 8, §6, th. 1). (6)
(3)N.D.E. : (lorsqu’on le munit de la topologie m-adique)
(4)N.D.E. : En effet, si x6∈ I, il existe un id´eal ouvert ltel que (x+l)I = , alors I + lest un id´eal
ouvert ne contenant pas x. D’autre part, dans ce qui suit, on a explicit´e le fait que tout id´eal «ferm´e
maximal »est maximal et ouvert.
(5)N.D.E. : Remarquons que Amest le localis´e de A en l’id´eal maximal m. En effet, l’´el´ement unit´e
emde Amest un idempotent de A n’appartenant pas `a m, et comme A = Am×B, o`u B = A(1 em),
alors Ams’identifie au localis´e Aemet donc aussi au localis´e S1A, o`u S = A
m. D’autre part,
comme em(1 em) = 0 alors mcontient 1 emdonc aussi B et donc ms’identifie `a mAm×B.
(6)N.D.E. : En effet, soit xr(A) ; si mest un id´eal maximal ne contenant pas x, il existe yA tel
que 1xy m, or xy r(A) donc 1xy est inversible, d’o`u une contradiction. Notons la cons´equence
suivante : si Υ(A) est un ensemble fini {m1,...,mr}, les misont tous les id´eaux maximaux de A.
0. RAPPELS SUR LES ANNEAUX ET MODULES PSEUDOCOMPACTS 503
Remarques. — (7) a) Si pest un id´eal premier ouvert de A alors, comme A/pest
artinien, pest un id´eal maximal. Par cons´equent, Υ(A) ´egale l’ensemble des id´eaux
premiers ouverts de A.
b) Chaque mAmest un id´eal de d´efinition de Am, i.e. un id´eal ouvert I tel que la
suite des Intende vers 0 (cf. EGA 0I, 7.1.2). Par cons´equent, Spec(Am/mAm), muni
de l’anneau topologique Am, est un sch´ema formel affine au sens de EGA I, 10.1.2.
c) L’anneau topologique A est admissible au sens de EGA 0I, 7.1.2, si et seulement
si r(A) est ouvert (donc un id´eal de efinition), et ceci a lieu si et seulement si Υ(A) est
fini. Dans ce cas, le sch´ema formel affine Spf(A) = Spec(A/r(A)) (cf. EGA I, 10.1.2) a
Υ(A), muni de la topologie discr`ete, comme espace sous-jacent, et le faisceau structural
a pour anneau de sections sur une partie E de Υ(A) le produit QmEAm.
d) Soit A un anneau pseudocompact arbitraire. En 1.1 plus bas, l’espace Υ(A) est
muni de la topologie discr`ete et du faisceau d’anneaux dont l’anneau des sections sur
toute partie E est QmEAm. D’apr`es b), tout point admet alors un voisinage ouvert
qui est un sch´ema formel affine, donc ceci d´efinit un sch´ema formel (EGA I, 10.4.2),
qu’on notera Spf(A). (Pour que ce sch´ema formel soit affine, il faut qu’il soit quasi-
compact, donc que Υ(A) soit fini, et en ce cas Spf(A) co¨
ıncide avec la d´efinition de
EGA I, 10.1.2).
0.1.3. — Si A et B sont deux anneaux pseudocompacts, un homomorphisme de A
dans B est, par efinition, une application continue compatible avec l’addition, la
multiplication et les ´el´ements unit´e. Un tel homomorphisme envoie un ´el´ement to-
pologiquement nilpotent de A sur un ´el´ement topologiquement nilpotent de B ; il
applique donc le radical r(A) de A dans le radical r(B) de B.
0.2. Soit A un anneau pseudocompact (commutatif). Un A-module pseudocompact
M est un A-module topologique, s´epae et complet, qui poss`ede une base de voisinages
de 0 form´ee de sous-modules Mtels que M/Msoit de longueur finie sur A.
Si M et N sont deux A-modules pseudocompacts, un morphisme de M dans N est
par d´efinition une application A-lin´eaire continue. On notera Homc(M,N) le groupe 479
de ces morphismes.
Proposition 0.2.B. — (8) (i) Les A-modules pseudocompacts forment une cat´egorie
ab´elienne, qu’on notera PC(A).(En particulier, pour tout morphisme f: M N,
Im(f)est un sous-module complet, donc ferm´e dans N).
(ii) Les A-modules pseudocompacts de longueur finie (dont la topologie est donc
discr`ete)forment un syst`eme de cog´en´erateurs de PC(A).
(7)N.D.E. : On a ajout´e ces remarques, afin de pouvoir comparer la d´efinition du spectre formel
Spf(A) donn´ee en 1.1, avec celles de EGA I, 10.1.2 et 10.4.2.
(8)N.D.E. : On a mis en ´evidence les esultats de ce paragraphe dans la proposition qui suit, et l’on
a indiqu´e ensuite les ´etapes de la emonstration, cf. [CA], §IV.3 ou [DG70], §V.2.
504 EXPOS´
E VII. ´
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ESIMALE DES SCH´
EMAS EN GROUPES
(iii) Les produits infinis et limites projectives filtrantes sont exacts, c.-`a-d., PC(A)
v´erifie l’axiome (AB5).(9)
Pour la commodit´e du lecteur, indiquons bri`evement les ´etapes de la d´emonstration.
D’abord, on a le lemme suivant ([CA]§IV.3, Lemme 1 ; pour la d´emonstration, voir [BEns],
III, §7.4, th. 1 et exemple 2) :
Lemme 0.2.C. — Soient Bun anneau, Iun ensemble ordonn´e filtrant,(Mi)et (Ni)deux
syst`emes projectifs de B-modules `a gauche, index´es par I. Soit (si)un morphisme de syst`emes
projectifs (Mi)(Ni), tel que sisoit surjectif et de noyau artinien pour tout i. Alors,
l’application
lim
si: lim
Milim
Ni
est surjective.
Corollaire 0.2.D ([CA]§IV.3, Prop. 10 & 11). Soit Mun A-module pseudocompact.
(i) Soit Kun sous-module ferm´e de M. Alors M/K, muni de la topologie quotient, est un
A-module pseudo-compact.
(ii) Soit (Mi)une famille filtrante ecroissante de sous-modules ferm´es de M.
(a) L’application canonique Mlim
M/Miest surjective et a pour noyau T
i
Mi.
(b) Pour tout sous-module ferm´e N de M, on a N + T
i
Mi=T
i
(N + Mi).
emonstration. Soit (Lj) la famille filtrante d´ecroissante des sous-modules ouverts de M.
On munit M/K de la topologie quotient, i.e. une base de voisinages de 0 est form´ee par les
sous-modules ouverts (K + Lj)/K. Comme K est ferm´e, il est ´egal `a l’intersection des K + Lj,
donc l’application
τ: M/Klim
j
M/(K + Lj)
est injective. Elle est ´egalement ouverte, le terme de droite ´etant la limite projective des
modules discrets M/(K + Lj). De plus, pour chaque j, l’application tj: M/LjM/(K + Lj)
est surjective, de noyau artinien, donc d’apr`es le lemme pr´ec´edent, l’application tdans le
diagramme commutatif ci-dessous est surjective :
Mp
//
lim
jM/Lj
t
M/Kτ//lim
jM/(K + Lj).
Comme pest un isomorphisme puisque M est complet, il en esulte que τest surjectif, donc
est un isomorphisme. Ceci prouve (i).
(9)N.D.E. : cf. [Gr57], I §1.5 et Prop. 1.8 ; on peut aussi consulter, par exemple, [Po73], §2.8 ou
[We95], Append. A.4.
0. RAPPELS SUR LES ANNEAUX ET MODULES PSEUDOCOMPACTS 505
Montrons (ii) (a). D’apr`es ce qui pr´ec`ede, on a pour tout iun isomorphisme M/Mi
lim
jM/(Mi+ Lj), et donc les deux fl`eches horizontales dans le diagramme commutatif ci-
dessous sont des isomorphismes :
Mp
//
g
lim
jM/Lj
s
lim
iM/Mi//lim
i,j M/(Mi+ Lj).
De plus, pour chaque j, la famille de sous-modules (Mi+Lj)/Ljadmet un plus petit ´el´ement,
puisque M/Ljest artinien, donc le morphisme sj: M/Ljlim
iM/(Lj+ Mi) est surjectif ;
donc, d’apr`es le lemme pr´ec´edent, sest surjectif. Il en r´esulte que gest surjectif. Enfin, le
noyau de gest la limite projective des Mi, i.e. leur intersection. Ceci prouve le point (a).
eduisons-en le point (b). Comme N est un sous-module ferm´e (donc s´epar´e et complet),
c’est un module pseudocompact pour la topologie induite par celle de M. Donc, d’apr`es (a),
les morphismes fet gdans le diagramme commutatif et exact ci-dessous sont surjectifs :
0//N//
f
M//
g
M/N
h
//0
0//lim
iN/(N Mi)//lim
iM/Mi//lim
iM/(N + Mi).
Alors, d’apr`es le «lemme du serpent », la suite 0 Ker fKer gKer h0 est exacte,
et l’´egalit´e N + T
i
Mi=T
i
(N + Mi) en r´esulte.
On peut maintenant d´emontrer la proposition 0.2.B. Soit f: M N un morphisme de
A-modules pseudocompacts. Alors K = Ker(f) est un sous-module ferm´e de M, donc s´epar´e
et complet, donc K est un module pseudocompact pour la topologie induite par celle de M.
D’apr`es 0.2.D (i), M/K muni de la topologie quotient est pseudocompact.
Montrons que le morphisme continu bijectif M/KIm(f) est bicontinu. Identifiant M/K
`a Im(f), il s’agit de montrer que la topologie quotient Qest plus fine que la topologie T
induite par celle de N. Notons (Lj) (resp. (Ni)) l’ensemble filtrant d´ecroissant des sous-
modules ouverts de M (resp. N) et posons N
i= NiIm(f). Soit P = (K + Lj)/K un
sous-module de M/K ouvert pour Q. Comme M/(K + Lj) est artinien, la famille N
i+ P a
un plus petit ´el´ement N
i0+ P. Comme les N
isont ouverts, donc ferm´es, pour Tdonc aussi
pour Q, il esulte de 0.2.D (ii) (b) que
N
i0+ P = T
i
(N
i+ P) = P + T
i
N
i= P,
d’o`u N
i0P. Ceci montre que P est ouvert pour T, et M/KIm(f) est donc un isomor-
phisme de modules pseudocompacts.
En particulier, Im(f) est complet pour T, donc ferm´e dans N. Alors, d’apr`es 0.2.D (i) `a
nouveau, Coker(f) muni de la topologie quotient est pseudocompact. Ceci prouve que PC(A)
est une cat´egorie ab´elienne.
D’autre part, les limites projectives arbitraires existent dans PC(A) : si (Mi) est un
syst`eme projectif de modules pseudocompacts, la limite projective des Mia pour module
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