interprète. Elle a réussi son bac
C et est actuellement ensei-
gnante de LSF et chercheur à l’Univer-
sité catholique de Lille. Maintenant
mère de deux enfants sourds, elle a
opté pour le bilinguisme à l’école. « Je
me suis demandée comment j’allais les
éduquer. J’ai pris rendez
vous avec un ORL qui m’a
proposé de les soigner, de
leur poser un implant co-
chléaire, j’ai refusé. Beau-
coup de parents qui sont
eux-mêmes entendants
(c'est-à-dire dans 95% des
cas) n’imaginent pas que
leurs enfants puissent communiquer
autrement qu’en Français oral, or l’ap-
prentissage prend une énergie énorme,
neuf heures d’orthophonie par se-
maine. Par contre un enfant peut sans
difficulté acquérir une langue visuelle
telle que la LSF.
Un travail de recherche mené actuelle-
ment par le réseau Sourds et Santé,
dans le cadre d’un Projet Hospitalier
de Recherche Clinique, semble mon-
trer une concomitance entre la précoci-
té de l’apprentissage de la LSF et
l’insertion ultérieure dans la société.
Par ailleurs une analyse sur le recrute-
ment des sourds du réseau, réalisée en
2013, révèle que 38% des consultants
ne maîtrisent suffisamment ni la langue
des signes ni le français et nécessitent
pour consulter le recours à un intermé-
diateur sourd qui va adapter le niveau
de la langue pratiquée à leur niveau
linguistique. Ce pourcentage était de
34% en 2007.
« Ma conviction, c’est qu’il faut les
deux modalités, reprend le Docteur
Drion : apprendre le français et utiliser
les techniques de rééducation mais
aussi apprendre la langue des signes. Il
est toujours préférable d’être bilingue.
Le problème pour ceux qui ont eu une
éducation uniquement dans l’oral,
même s’ils sont brillants, c’est que,
passée l’adolescence, vers 18-20 ans,
ils ont une appétence pour la langue
des signes, qui représente pour eux une
libération, mais l’apprenant
tard, ils restent des locu-
teurs médiocres. » Pour lui,
laisser un petit élève sourd
dans une classe d’enten-
dants, coupé de tout lien
avec le monde des sourds,
sous prétexte qu’il risque-
rait de se mettre à signer (à
vouloir communiquer en LSF) consti-
tue une erreur fondamentale.
Depuis 2005, « La langue des signes
française est reconnue comme une
langue à part entière. Tout élève con-
cerné doit pouvoir recevoir un ensei-
gnement de la langue des signes fran-
çaise. Le Conseil supérieur de l'éduca-
tion veille à favoriser son enseigne-
ment. Il est tenu régulièrement informé
des conditions de son évaluation. Elle
peut être choisie comme épreuve op-
tionnelle aux examens et concours, y
compris ceux de la forma-
tion professionnelle. Sa
diffusion dans l'administra-
tion est facilitée. »
A Faches-Thumesnil, en
lien avec l’IRPA de Ron-
chin, l’association des pa-
rents d’enfants sourds
APES Nord-Pas de Calais a
créé deux classes LSF multi
-niveaux : maternelle et primaire avec
enseignement en LSF et de la LSF.
L’école est gérée par le Ministère de la
santé. Des soins et des orthophonistes
sont obligatoires. Aujourd’hui faute
d’effectifs, une des classes a du fermer.
Qu’en est-il de la poursuite au collège
et au lycée ? L’exemple de Toulouse
en fait rêver plus d’un. Pour San-
drine, « c’est une question de mentali-
té. Là-bas dans le cadre de l’Education
nationale, plus de cent jeunes sourds
sont scolarisés, il y a seize enseignants
sourds diplômés, et l’on peut faire un
parcours en LSF, de la maternelle à
l’université. Ici il y a une approche
médicale qui me gêne, poursuit-elle,
lire sur les lèvres, c’est fatigant, alors
qu’il y a des sous-titres à la TV et au
cinéma. Dans la vie on n’a pas besoin
de s’exprimer oralement du matin au
soir ! ».
En règle générale, les études et l’inser-
tion professionnelle demeurent un véri-
table parcours du combattant pour les
sourds. Cela suppose une motivation
sans faille, le recours à des interprètes
formés en langue des signes et un mi-
nimum de compréhension de la part de
leurs interlocuteurs entendants, notam-
ment lors des stages professionnels.
Ainsi Jennifer Semail, 28 ans est infir-
mière. Née sourde de parents sourds,
biberonnée à la langue des signes, elle
est aussi appareillée depuis l’âge de
deux ans. Elle entend quand
on s’adresse à elle bien en
face et qu’elle peut aussi
lire sur les lèvres. Après un
cursus entre établissements
spécialisés et intégration
scolaire en milieu ordinaire,
elle a obtenu le diplôme
d’Etat et un poste à l’
EHPAD Saint François de
Sales à Capinghem, qui accueille des
résidents âgés. Cet établissement de-
vrait, à terme, accueillir 50% de sourds
locuteurs de la langue des signes. Ils
sont actuellement 14. Lors du jury de
recrutement, quand on lui a demandé
« Et si l’on ne vous prend pas ? » Elle
a répondu avec aplomb « C’est vous
qui le regretterez ». Dans cet EHPAD,
l’engagement de personnels maîtrisant
la LSF est primordial, qu’ils soient
sourds ou non.
Face aux difficultés rencontrées par les
personnes sourdes en matière de pré-
vention et d’accès aux soins, des
centres hospitaliers, dans une quin-
zaine de régions françaises, ont mis en
place des dispositifs pour y répondre.
C’est le cas du Réseau Sourds et Santé
Nord-Pas de Calais né dans le giron du
Groupement des Hôpitaux de l’Institut
catholique de Lille (GHICL). Ses acti-
vités et perspectives ont été présentées
lors de l’assemblée générale, le 20
novembre dernier, dans ses nouveaux
locaux, avec participation d’interprètes
français-LSF. Outre l’accom-
pagnement des patients en
Le choix de la
LSF à l’école
...
Un parcours
du combattant
...
Plaquette du Bureau de Coordination des associations de Devenus Sourds et malentendants