24 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *375 *octobre 2016
que représente lacs des sourds aux métiers du soin.
Béces qui peuvent aussi toucher les entendants :
personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de
troubles cognitifs, personnes décientes intellec-
tuelles, patients trachéotomisés, aphasiques « Les
sourds de naissance ont développé des stragies de
communication non verbales qui peuvent être utiles
dans de nombreuses situations », souligne-t-il.
Qualités relationnelles reconnues
Mais pour le moment, peu de sourds parviennent à
décrocher un diplôme dans le secteur de la santé, faute
de cursus adap et parfois d’a priori. Dans le Nord,
l’Institut de formation d’aides-soignantes (Ifas) de
Lomme propose depuis une dizaine d’années une for-
mation accessible aux personnes sourdes avec l’appui
d’interprètes LSF (prise en charge nancièrement par
lAgeph(1)). « Chaque année, nous accueillons un à deux
sourds », précise Bernadette Miroux, sa directrice.
Malgré les qualités relationnelles observées chez les
futures aides-soignantes, la directrice nenvisage pas
dappliquer ce modèle à l’Ifsi. La faute aux nancements,
mais pas seulement : « Il me semble plus délicat qu’un
sourd non appareil devienne inrmier à cause des
sonnettes, des scopes», estime-t-elle.
Pourtant, l’Ifsi du centre de réadaptation et d’insertion
professionnelle à Castelnau-le-Lez (34) forme chaque
année entre un et trois inrmiers malentendants, selon
les promotions (2). Un établissement particulier car l’en-
semble des étudiants sont reconnus travailleurs han-
dicapés. « La formation débute par une préparatoire de
huit mois qui permet de préciser la nature du handicap
et de déterminer les moyens de compensation que l’on
peut mettre en place pour qu’il soit compatible avec le
rentiel de la formation, explique Patrice uaud,
directeur de lIfsi. Nous faisons du cas par cas. Mais en
règle générale, plus la décience auditive est importante,
moins la personne pourra exercer dans un service où la
durée de jour est courte. » Certains d’ailleurs ne pour-
ront jamais travailler aux urgences.
Mais les problèmes d’alarmes ou de sonnette peuvent,
eux, être résolus avec un boîtier lumineux. « En stage,
on remarque des étudiants qui développent dautres apti-
tudes très appréciées, comme l’observation très ne, sou-
ligne Patrice uaud. Mais le problème ne se situe jamais
du côté du patient, mais plutôt du côté des équipes. Avoir
un collègue en situation de handicap nest pas encore
entré dans les urs à l’hôpital... » Car cela suppose
en effet de modier certaines modalités de travail, pri-
vilégier les échanges par SMS ou mail plutôt que par
téléphone, par exemple. « Quand on embauche un sourd
qui a dû se battre pour faire ses études, on a l’assurance
d’avoir quelqu’un de très motivé », assure pourtant le
DrBenoît Drion. Une denrée pourtant rare, tellement
rare que les UASS peinent souvent à recruter des inr-
miers sourds... *
DOSSIER
Qui mieux que les sourds peuvent com-
prendre leurs semblables et les soigner
correctement ? Pour le DrBenoît Drion,
responsable de l’unité d’accueil et de
soins pour sourds (UASS) de Lille (59),
cest une évidence : « Favoriser laccès des étudiants sourds
au métier de soignant est quelque chose qui me tient à
cœur. Car, quel que soit le niveau de LSF que peut avoir
un entendant, un sourd sera toujours beaucoup plus
performant pour la communication. Il est le plus à même
de posséder la double compétence : métier et LSF. »
Travaillant aux côtés de soignants sourds (une inr-
mière, une art-trapeute, des interdiateurs, etc.),
le médecin connaît d’expérience tous les bénéces
Sourd et
soignant?
FORMATION
Encourager les sourds à accéder aux métiers
du soin : telle pourrait être l’une des clés pour
améliorer leur prise en charge. Encore faudrait-il
que les formations leur soient accessibles...
1- Association de
gestion du fonds
pour l'insertion
professionnelle
des personnes
handicapées.
2- L’Ugecam
Languedoc-
Roussillon vient
d’ajouter une
formation d’aide-
soignante, ouverte
aux personnes
malentendantes.
INTERMÉDIATEUR
Sourd comme
son interlocuteur,
l’intermédiateur
partage avec lui
une langue, mais
aussi une culture.
Contrairement à
un interprète LSF
qui traduit de
manière fidèle,
celui-ci reformule le
discours ou interpelle
directement la
personne sourde pour
s’assurer quelle a bien
compris. On pourrait
penser qu’ajouter
un échelon de plus
dans la relation
(intermédiateur,
interprète,
professionnel
de santé) rendrait
les choses plus
complexes, mais
«c’est tout le
contraire, insiste
Joëlle Blanchard,
intermédiatrice
au CHU de
Grenoble(38).
Certains sourds vont
être bloqués face
à un interprète, car
ils ont été habitués
à ce que leur famille
parle à leur place.
L’intermédiateur
est là pour les
rassurer et faciliter
la communication.
Son but est de
permettre aux sourds
d’être autonomes. »
En 2014, une licence
professionnelle a été
créée à la faculté
d’Aix-Marseille.
Un nouveau métier
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
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