Traitement de la nycturie - The treatment of nocturia

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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004
a ny ct u ri e e st d o ré n ava nt c l ai re m e n t
définie par lInternational Continence
S o c i e t y.Il s’agit d’un symptôme caractérisé par
le réveil nocturne à une envie d’uriner. To u t e s
les études épidémiologiques conve rgent ( 2 ),la
n ycturieestlunedesprincipalescausesde
f ragmentation du sommeil, dont les consé-
quences sont bien connues : risque accru de
chutes, perte d’efficience et somnolence diurne
pour les patients les plus jeunes. Ainsi, comme
on le ve r ra, le traitement d’une nycturie n e s t
pas qu’un problème de qualité de vie ou de
b i e n - ê t re: il s’ agit d e t ra iter u n v érita ble s ymp-
tôme qui a, au-delà des conséquences fonc-
tionnelles, une véritable morbidité.
L’intérêt d’invidualiser le symptômenycturie per-
met de mieux en analyser la physiopathologie
sous-jacente. Les causes de la nycturie sont de
trois origines plus ou moins associées : polyurie
nocturne, trouble du sommeil, duction de la
capacité sicale. Le traitement de la nyc t u r i e
doit être étiopathogénique et donc tenir compte
des désord res mis en évidence, en particulier sur
le calendrier mictionnel, outil essentiel ava n t
toute prise en charge.
N
YCTURIE ET RÉDUCTION
DE LA CAPACITÉ VÉSICALE
La réductionde la capacité vésicale, quellequ e n
soit la cause, peut être à l’origine d’une nyctu-
rie. Le traitement de la nycturie par réduction de
la capacité vésicale est identique au traitement
de n’importe quelle réduction de la capacité de
la vessie. Ainsi, dans ce contexte, il est exc e p-
tionnel que le symptôme nycturie soit isolé ; il
s’accompagne le plus souvent d’une augmenta-
tion de la fréquence des mictions de jour comme
de nuit. Le syndrome d’hyperactivité vésicale,
indépendamment de son origine, est la cause la
plus habituelle de nycturie par réduction de la
capacité vésicale. Le traitement sera donc fondé
sur la prescription de traitements antimuscari-
niques ou, éventuellement, à visée prostatique
en cas d’hypert rophie bénigne de prostate symp-
tomatique. Il est cependant intéressant de noter
qu’aucune étude clinique concernant ces diffé-
rents produits n’a porté de manière spécifique
sur l’évaluation de l’impact du traitement sur le
symptôme nycturie. En effet, dans tous les essais
cliniques, la nycturie est évaluée en tant que cri-
Traitement de la nycturie
The treatment of nocturia
F. Haab*
L
* Hôpital Tenon, Paris.
R
ÉSUMÉ
.
La nycturie est définie par un réveil lié à une envie d’uriner. Les études épidémiologiques
récentes ont démontré la fréquence et le retentissement de la nycturie, que ce soit chez l’homme
ou chez la femme. Les causes sont multiples : hyperactivité vésicale, pathologie du sommeil ou
polyurie nocturne. Une évaluation rigoureuse fondée, en première intention, sur le calendrier mic-
tionnel, est indispensable, le traitement devant être étiopathogénique.
Mots-clés : Nycturie – Polyurie – Hyperactivité vésicale.
A
BSTRACT
.
Nocturia is the complaint that the individual has to wake at night one or more times to
void. Epidemiologic studies have recently demonstrated the high pre valence of nocturia in men
and women. Etiologies are various : ove ra c t i ve detrusor, sleep disorders, nocturnal polyuria.
Micturition flow chart is the first step to understand factors and etiology of the nocturia and
allows a specific treatment based on pathophysiology.
Keywords: Nocturia – Polyuria – Overactive bladder.
Lanycturie
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004
t è re secondaire, et, de ce fait, la significativité
est exceptionnellement atteinte, les calculs d’ef-
fectifs n’ayant pas été faits pour cela (1).
N
YCTURIE PAR TROUBLE DU SOMMEIL
L’ i n t e raction entre trouble du sommeil et nyc t u-
rie est complexe. Ainsi, la nycturie est l’une des
p re m i è res causes de fragmentation de sommeil,
les autres causes principales étant le syndro m e
des jambes sans repos ou les mouvements pério-
diquesnocturnes ( 2 ) . Cependant, à l’inverse, une
pathologiedu sommeil peut en retour être à l’ori-
gine d’une nycturie. Ainsi, s’il existe un abaisse-
ment du seuil de réveil nocturne, on peut com-
p re n d re que la moindre sensation de besoin
puisse induire le réveil. Enfin, le syndro m e
d’apnées du sommeil, pathologie larg e m e n t
sous-estimée dans la prise en charge médicale
actuelle, est également une source de nyc t u r i e
par polyurie nocturne. Cependant, dans cette
situation, le traitement adap de la nyc t u r i e
reposed’abord sur la prise en charge de la patho-
logie initiale, par exemple avec prescription de
systèmes de ventilation pulmonaire adaptés plu-
tôt que par une thérapeutique visant à limiter la
diurèse nocturne.
Au moindre doute, un patient souffrant de nyc-
turie doit donc bénéficier d’une prise en charge
d’un éventuel trouble du sommeil.
N
YCTURIE PAR POLYURIE NOCTURNE
La polyurie nocturne est certainement l’une des
causes essentielles de nycturie. Cette dernière
est aisément mise en évidence. L’enquête étio-
logique doit néanmoins déterminer si la polyurie
nocturne est secondaire à un état pathologique
sous-jacent, ou si elle est primitive.
Les polyuries “secondaires”
L’ i n t e r ro g a t o i r e e t l ’ ex ame n c l in iq ue d o i ve n t
i m p é r a t i vem e n t re c h e rch e r d e s s i g n e s é vo c a-
teurs de la présence d’un troisième secteur :
notion dinsuffisance cardiaque, œdème des
membres inférieurs. Par ailleurs, l’interrogatoire
doit re l e ver l’ensemble des prises médicamen-
teuses, en particulier de diurétiques. Dans ces
circonstances, les mesures prises pour traiter la
polyurie nocturne peuvent associer :
une prise en charge de l’insuffisance card i a q u e
et/ou une adaptation, si possible, des prises
médicamenteusesen cours, notamment des diu-
rétiques à action rapide ;
une période de repos dans l’après-midi ave c
les jambes surélevées ;
– le port de bas de contention.
Cette prise en charge est donc globale et s’ins-
crit dans un schéma thérapeutique discuté avec
les autres praticiens impliqués.
Enfin, la polyurie peut être secondaire à une prise
e xc e s s i v e d e b o is s on s e n fi n d e j o urn é e. L à
encore, l’utilisation du calendrier mictionnel est
essentielle, elle sera complétée, dans les cas où
une telle situation est suspectée, par une
enquête diététique. En effet, la simple indication
sur le calendrier des boissons absorbées se
vèle le plus souvent insuffisante, l’ensemble
des ingestats devant être pris en compte.
Les polyuries primitives
Le traitement des polyuries nocturnes primitives
a fait l’objet de plusieurs essais thérapeutiques
é valuantl’intérêtde la desmopressine dans cette
indication. Les étudesinitiales portant sur la des-
mopressine dans l’indication de nycturie ont été
réalisées dès le début des années 1990. Cepen-
dant, la portée de ces études initiales s’est trou-
vée limitée, principalement en raison de la
méthodologie employée, le concept de nycturie
n’ayant pas été clairement défini à cette époque,
mais également du fait de la forme ganique
intranasale qui était la seule disponible pour la
d e s m o p r e s s i n e . C ’ e s t l a r a i s o n p o u r l a q u e l l e ,
dans les anes 2000, deux essais cliniques
p rospectifs randomisés ont été initiés avec la
forme orale (desmopressine comprimé) en
Eu rope, incluant des hommes et des femmes
s o u f f r a n t d e n y c t u r i e (3, 4). L’âge moyen des
patients inclus était de 57 ans dans un essai et
de 65 ans dans le deuxième. Les deux essais ont
c o m p o rté une phase de dose titration alisée
sur une période de trois semaines, la dose admi-
nistrée variant entre 0,1 et 0,4 mg/j. Globale-
ment, plus de 30 % des hommes et des femmes
ont eu une réduction d’au moins 50 % du nombre
d’épisodes de nycturie, contre seulement 3 %
a vec le placebo. Ainsi, lors de l’inclusion, le
nombre de mictions nocturnes était de 3,0 ± 0,9
chez les hommes et de 2,9 ± 0,75 chez les
femmes, pour passer sous traitement à 1,7 ± 0,9
chez les hommes et à 1,6 ± 0,8 chez les femmes,
soit un gain moyen de 1,3 ± 0,7 mictions noc-
turnes sur l’ensemble de la population. Alors
q u’ a vant traitement tous les patients inclus
a vaient par finition au moins deux mictions
nocturnes, le pourcentage de patients présen-
d o s s i e r
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tant moins de deux mictions par nuit était de
67,1 %. Par ailleurs, les études de la qualité du
sommeil ont montré, dans les groupes traités, un
allongement de la durée de la première période
de sommeil. Ces deux essais ont donc permis
d’établir que la desmopressine était un tra i t e-
ment efficace de la nycturie due à une polyurie
nocturne, avec un niveau de référence selon la
classificationd’Ox f o rdIa ou IB de l’avis des comi-
tés d’experts (1, 5).
C o n c e r n a n t l a t o l é r a n c e e t , e n p a r t i c u l i e r, l e
risque d’hyponatrémie, des effets indésirables
ont été décrits au cours des essais cliniques chez
des patients incluant la population âgée de
6 5 ans et plus traitée par desmopressine pour
n yc t u r i e. Au total, environ 35 % des patients ont
présenté des effets indésirables pendant la
phase d’adaptation posologique. La majorité
des cas d’hyponatmie cliniquement signifi-
c a t i v e ( n a t r é m i e 1 3 0 m m o l / l ) e s t s u r ve n u e
chez des patients âgés de plus de 65 ans. Ces
études cliniques randomies ont vélé 3 cas
pour 349 patients âgés de moins de 65 ans, soit
une prévalence de 0,8 %. L’hyponatmie est
apparue soit précocément après l’initiation du
t raitement, soit lors dune augmentation de la
posologie. Concernant le risque d’hyponat-
mie, il semble exister clairement une corla-
tion entre la survenue de l’effet secondaire et
l’âge, notamment chez les patients qui absor-
bent une quantité de boisson exc e s s i ve ( 6 ) .Il
est donc recommandé d’informer les patients
sur la nécessité d’avoir une restriction hyd r i q u e
en fin de soirée, lorsque le médicament est
p rescrit. Par ailleurs, certains préconisent un
dosage de natrémie dans les 48 h e u res suiva n t
l’initiation ou toute modification du tra i t e m e n t .
Enfin, il est important d’informer le patient sur
les signes potentiels évocateurs d’hyponatré-
mie, en particulier les céphalées et, éve n t u e l l e-
ment, des troubles digestifs à type de nausées
ou vomissements dans les formes les plus
s é v è res. En cas d’hyponatrémie, le tra i t e m e n t
r ep o s e p r in c ip a l e me n t s u r l a re s t r i c t i o n
h ydrique. Au total, Minirin
®
a récemment obtenu
en France, ainsi que dans de nombreux pays
e u roens, une extension d’autorisation de
m i s e s u r l e m a r c h é ( A M M ) p o u r l e t r a i t e m e n t
symptomatique de la nycturie de l’adulte de
moins de 65 ans lorsqu’elle est associée à une
polyurie nocturne. C’est d’ailleurs la pre m i è re
fois qu’il est fait mention du concept de nyc t u-
rie dans un libellé d’AMM.
C
ONCLUSION
La nycturie est un symptôme fréquent dont les
origines sont multiples et les conséquences par-
fois sévères en termes de retentissement ou,
éventuellement, de morbidité induite. Le traite-
ment doit être guidé par une démarche étiopa-
thogénique systématique dont le calendrier mic-
tionnel est l’un des éléments essentiels. La
desmopressine est un traitement efficace de la
n ycturie du sujet de moins de 65 ans lorsque
celle-ci est dueà une polyurie nocturne.
R
ÉFÉRENCES
B
IBLIOGRAPHIQUES
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5 . Andersson KE et al. Pharmacolo-
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Robertson GL. The role of desmopre s-
sin in the treatment of adult noctu-
ria. BJU Int 2002;90:32-6.
Lanycturie
1 / 3 100%

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