La ny c t u r i e Nycturie : définitions et épidémiologie Nocturia: definitions and epidemiology G. Amarenco* RÉSUMÉ. La nycturie est définie par un réveil lié à une envie d’uriner. C’est un symptôme fréquemment retrouvé, et pas seulement chez l’homme ou chez la personne âgée. Sa physiopathologie est complexe et fréquemment multifactorielle. Elle altère très souvent la qualité de vie du patient qui en souffre. La polyurie nocturne se définit par une production nocturne excessive d’urine pendant le sommeil. Mots-clés : Nycturie – Polyurie – Sommeil – Desmopressine. ABSTRACT. Nocturia is the complaint that the individual has to wake at night one or more times to void. Nocturia is a very common lower urinary tract symptom, not only in the elderly and/or in men. The pathophysiology is multifactorial and can be complex. Nocturia is often bothersome and may affect the patient’s quality of life. Nocturnal polyuria is defined as the production of an abnormally large volume of urine during sleep. Keywords: Nocturia – Polyuria – Sleep – Desmopressin. S ymptôme fréquent du bas appareil urin a i re, accompagnant vo i re révélant diverses pathologies, la nycturie constitue aussi une entité nosologique à part entière. Elle pose un doubleproblème, fonctionnel d’une part, avec son retentissement important sur la qualité de vie des patientsqui en souffrent, médical d’autre part, avec le risque inhérent aux levers nocturnes (chutes, fractures, traumatismes crâniens). DÉFINITION La nycturie (nocturia des Anglo-saxons) a récemment fait l’objet d’un travail de standardisation de la part de l’ICS (International Continence Society), avec la publication d’un rapport reprenant définitions et critères de diagnostic (1). La nycturie est définie par un réveil lié à une envie d’uriner. PRÉVALENCE * Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, hôpital Rothschild (AP-HP). E-mail : [email protected] La prévalence de ce symptôme est importante. Quatre pour cent des enfants entre 7 et 15 ans rapportent une nycturie (2), alors que la prévalence est de 58 % chez les hommes et de 66 % chez les femmes entre 50 et 59 ans. Chez les per- Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004 sonnes de plus de 80 ans, la prévalence augmente encore, atteignant 72 % des hommes et 91 % des femmes (3). C’est dire que ce symptôme touche toutes les tranches d’âge et intére s s e tous les spécialistes de la sphère périnéale, qu’il s’agisse d’urologues, de gynécologues, de g é r i a t res, de neurologues, de médecins de rééducation ou de pédiatres. NOSOLOGIE La nycturie est donc définie par un réveil lié à une envie d’uriner. Cette définition s’applique quel que soit le nombre de levers nocturnes. Si la miction s’effectue pendant le sommeil, il s’agit non pas d’une nycturie mais d’une énurésie nocturne. La première miction du matin n’est pas incluse dans la définition, puisqu’il s’agit de l’évacuation normale des urines produites pendant la nuit. Bien que de nombreux patients (et médecins…) pensent que se lever une fois la nuit pour uriner n’est pas pathologique, ils doivent néanmoins être considérés comme ayant une nycturie. Pour certains patients, le facteur causal du réveil n’est pas le besoin d’uriner, mais celui-ci est ressenti comme prégnant, nécessaire, une fois éveillé. 9 d o s s i e r RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Van Kerre b roeck P, Abrams P, Chaikin D et al. International Continence Society. The standardization of terminology in nocturia: report from the standardization subcommittee of the International Continence Society. Br J Urol Int 2002;90(Suppl. 3):11-5. 2. Mattsson S. Urinary incontinence and nocturia in healthy schoolchildren. Acta Paediatr 1994;83:950-4. 3. Middelkoop HA, Smilde-van den Doel DA, Neven AK et al. Subjective sleep characteristics of 1,485 males and females aged 50-93: effects of sex and age, and factors related to self-evaluated quality of sleep. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 1996;51(3):M108-15. 4. Jackson S, Donovan J, Brookes S et al. The Bristol female lower urinary tract symptoms questionnaire: development and psychometric testing. Br J Urol 1996;77(6):805-12. 5 . Asplund R. The nocturnal polyuria syndrome (NPS). Gen Pharmacol 1995;26(6):1203-9. 6. Rembratt A, Norg a a rd JP, Andersson KE. What is nocturnal polyuria? Br J Urol Int 2002;90(Suppl. 3):18-20. 7 . Kirkland JL, Lye M, Levy DW, Banerjee AK. Patterns of urine flow and electrolyte excretion in healthy elderly people. Br Med J (Clin Res Ed) 1983;287(6406):1665-7. 8 . Weiss JP, Blaivas JG. Nocturia. J Urol 2000;163(1):5-12. 10 Ces patients peuvent aussi être considérés comme “n ycturiques”. Ceux qui, comme les patients ayant un handicap moteur, sont réveillés par un besoin d’uriner mais sont incapables de se re n d reaux toilettes, associent les symptômes nycturie et incontinence. Quel que soit le degré de nycturie, l’importance de la gêne induite par ce symptôme est variable en fonction de l’individu ; c’est ce degré de gêne qui déterminera la stratégie diagnostique, évaluative et thérapeutique. DÉFINITION DE LA NUIT La nuit est définie comme l’intervalle de temps e n t rele moment où l’individu se couche dans l’intention de dormir et celui où il se réveille avec l’intention de se lever. La durée de cet intervalle est bien évidemment variable en fonction de l’âge. Il est important de considérer le temps de sommeil, et non pas le temps passé au lit. Pour les tra vailleurs à temps de tra vail irrégulier ( “ t rois-huit”), la définition est du même type, ainsi que pour ceux répartissant le temps de sommeil en plusieurs périodes. BILAN DE LA NYCTURIE Le bilan initial est obligatoirement exhaustif. La collecte des antécédents, notamment neuro l ogiques, uro n é p h rologiques et card i ovasculaires, est indispensable, ainsi que les notions de prise médicamenteuse et d’altération du sommeil. Un examen cytobactériologiquedes urines est indispensable, de même qu’un examen clinique détaillé. La réalisation d’un calendrier mictionnel est fondamentale, avec horaires et volumes des mictions, et ce sur 24 à 72 heures. Ce catalogue devra aussi mentionner l’heure du coucher, celui du lever, et préciser le caractère réparateur ou non du sommeil. L’analyse du retentissement en termes de qualité de vie doit aussi être effectuée (BFLU TS, par exemple) (4), en sachant q u’aucun questionnaire spécifiquen’a encore été développé dans ce domaine particulier. Si un trouble du sommeil est suspecté, un électroencéphalogramme de sommeil peut être envisagé (cf. chapitre spécifique). L A POLYURIE Une diurèse de 24 heures excédant 40 ml/kg de poids corporel doit être considérée comme une polyurie. Les dosages de la glycosurie et de l’osmolarité permettentde distinguer le diabète insipide (pituitaire, rénal, gestationnaire, primaire, psychogénique, iatrogène) du diabète. La polyurie nocturne (5) est définie par une production anormale d’urine pendant le sommeil. Cette mesure inclut toutes les urines produites après le coucher, ainsi que la première miction du lever au matin. Elle peut être exprimée, en cas de diurèse normale des 24 heures, en pourcentage de celle-ci. Cette valeur est très variable selon les individus et augmente avec l’âge. Les jeunes adultesentre 21 et 35 ans excrètent une moyenne de 14 ± 4 % de 23 heures à 7 heures, alors que les personnes âgées excrètent 34 ± 15 % (6, 7). Ainsi, la polyurie nocturne peut être définie par une excrétion de plus de 20 % de la diurèse totale chez les jeunes, et de plus de 33 % chez les personnes âgées (1). PHYSIOPATHOLOGIE DE LA NYCTURIE Les patients avec nycturie qui n’ont ni polyurie ni polyurie nocturne isolée, ont le plus souvent un volume fonctionnel vésical réduit ou un trouble du sommeil. L’étude du catalogue mictionnel, avec chiffrage du volume nocturne uriné et du volume mictionnel moyen diurne, est important. Certains indices ont pu être pro p osés : index nycturique (moyenne du volume uriné nocturne/capacité vésicale fonctionnelle) ; index de polyurie nocturne (moyenne du volume uriné nocturne/volume uriné des 24 heure s ) (8). ■ Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004