Quelques développements sur les groupes finis

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Université Claude Bernard LYON 1
Préparation à l'agrégation de Mathématiques
Quelques développements sur les groupes nis
Michel CRETIN
1 Les groupes d'ordre 8 et 12
1.1
Les groupes d'ordre 8
Soit G un groupe d'ordre 8 ; si G contient un élément d'ordre 8, G est cyclique d'ordre 8 ie.
isomorphe à C8 et si tout les éléments sont d'ordre 2 (ie. d'exposant 2) alors G est isomorphe à
C23 .
Plaçons nous alors dans le cas où G contient un élément a d'ordre 4.
1. On suppose que G possède un élément d'ordre 2 s 6= a2 ; le sous-groupe < a > étant
d'indice 2 est distingué. On a donc :
sas−1 = a
ou
sas−1 = a−1
Dans le cas sas−1 = a, G est isomorphe à C4 × C2 tandis que si sas−1 = a−1 G est
isomorphe au groupe diédral D4 .
2. On suppose que a2 est l'unique élément d'ordre 2 de G ; on a alors G =< a, b > où b est
d'ordre 4 avec :
bab−1 = a−1 et aba−1 = b−1
de sorte que G est le groupe quaternionique ).
Le sous- groupe G =< (1, 2, 5, 4)(3, 8, 6, 7), (1, 8, 5, 7)(2, 3, 4, 6) > de S8 est isomorphe au
groupe quaternionique.
Soit H le corps (non-commutatif ) des quaternions ; le sous-groupe G = {1, −1, i, −i, j, −j, k, −k}
de H? est le groupe quaternionique.
1.2
Les groupes d'ordre 12
Soit un groupe G d'ordre 12 ; on désigne par n2 (resp. n3 ) le nombre des 2-groupes de Sylow
(resp. des 3-groupes de Sylow) de G.
1. Les valeurs possibles de n2 sont 1 et 3 tandis que les valeurs possibles de n3 sont 1 et 4 De
plus on ne peut pas avoir simultanément n2 = 3 et n3 = 4.
Lorsque n2 = 1 et n3 = 1, G est abélien et isomorphe à C4 × C3 ' C12 ou C2 × C2 × C3 '
C2 × C6 .
2. On suppose n2 = 1 et n3 = 4 ; soit H l'unique 2-groupe de Sylow de G et P ' C3 l'un
des 3-groupes de Sylow de G : On a G = H o P . Puisque H est abélien on a H ⊂ ZG (H)
donc ZG (H) est égal à H ou G (car l'ordre de ZG (H) est un multiple de 4 qui divise 12).
De plus si on avait ZG (H) , les éléments de P et H commuteraient entre eux et G serait
abélien. On a ainsi ZG (H) = H . Il en résulte que l'homomorphisme :
ϕ:P
−→ Aut(H)
p −→ ϕ(p) : (h → php−1 )
est injectif de sorte que l'ordre du groupe Aut(H) est un multiple de 3. Mais on a
Aut(C4 ) ' C2
Aut(C2 × C2 ) ' S3
de sorte que le 2-groupe de Sylow H de G est un groupe de Klein.
En l'action de G sur l'ensemble des 3-groupes de Sylow de G correspond à un homomorphisme ψ : G −→ SG/P ' S4 qui est injectif. Comme G est d'ordre 12 on a G ' A4 .
3. On suppose que n2 = 3 et n3 = 1 ; Soit P =< t >' C3 le 3-groupe de Sylow de G ;
(a) On suppose que les 2-groupes de Sylow de G sont des groupes de Klein. Soit Q =<
u, v > l'un d'entre eux ; on a par exemple :
ut = tu
vtv −1 = t−1
car si on avait utu−1 = t−1 et vtv −1 = t−1 on aurait uvtv −1 u−1 = ut−1 u−1 = t et il
sut de remplacer u par uv .
On pose s = ut = tu de sorte que K =< u, t >=< s > qui d'ordre 6 est un sousgroupe distingué de G et l'on a G = Ko < v > avec vsv −1 = vutv −1 = ut−1 = s−1 .
Finalement G est un groupe diédral D6 .
(b) On suppose que les 2-groupes de Sylow de G sont des groupes cyclique d'ordre 4.
Q =< v > l'un d'entre eux ; puisque G n'est pas abélien on a vtv −1 = t−1 . Ainsi G
est le groupe W =< t, v > engendré par un élément t d'ordre 3 et par un élément v
d'ordre 4 tels que vtv −1 = t−1 .
2 Un théorème de Burnside
Proposition 1 (Burnside)
groupe ni.
Soit G un sous-groupe d'exposant ni de
GLn(C) ; alors G est un
G est d'exposant ni : il existe donc N ≥ 2 tel que g N = e pour tout g ∈ G. Comme le
polynôme séparable X N − 1 ∈ C[X] annule g , on a que g est diagonalisable pour tout g ∈ G.
De plus les valeurs propres des éléments g ∈ G son de racines N ème de l'unité. Il en résulte que
l'ensemble T = {Tr(g)/g ∈ G} est ni.
D'autre part soit {g1 , · · · , gd } ⊂ G une base du sous-espace vectoriel de Mn (C) engendré par G.
On considère l'application :
τ : G −→ T d
g −→ (Tr(ggi ))1≤i≤d
L'injectivité de τ permet de conclure que G est ni.
Considérons alors g, g 0 ∈ G tels que τ (g) = τ (g 0 ). On a donc Tr(ggi ) = Tr(g 0 gi ) pour 1 ≤ i ≤ d.
d
P
Pour tout h ∈ G on a h =
ci gi de sorte que, par linéarité de la trace on a Tr(gh) = Tr(g 0 h).
i=1
En prenant h = g 0 −1 on a Tr(gg 0 −1 ) = n. En prenant, pour k ≥ 2, h = (gg 0 −1 )k−1 g 0 −1 on a
Tr((gg 0
−1 k
) ) = Tr((gg 0
−1 k−1
)
)
et nalement Tr((gg 0 −1 )k ) = n pour tout k ≥ 1.
Finalement on obtient, pour tout k ≥ 0 :
Tr((gg 0
−1
k
k
X
X
−1
− e)k ) = Tr( Cki (gg 0 )i (−1)k−i = n Cki (−1)k−i = 0
i=1
i=1
de sorte que gg 0 −1 − e est nilpotent. Mais gg 0 −1 − e est diagonalisable (puisque gg 0 −1 ∈ G l'est)
et gg 0 −1 − e = 0 d'où g = g 0 . Ainsi l'application τ est injective et G est ni.
3 Un lemme de Serre
Soit G un sous-groupe ni de
premier p 6= 2, la restriction à G de l'homomorphisme canonique :
Proposition 2 (lemme de Serre)
π:
GLn(Z) ; pour tout entier
GLn(Z) −→ GLn(Z/Zp)
est injective.
G est ni d'ordre N : on a donc g N = e pour tout g ∈ G. Comme le polynôme séparable
X N − 1 ∈ C[X] annule g , on a que g est diagonalisable pour tout g ∈ G. De plus les valeurs
propres des éléments g ∈ G son de racines N ème de l'unité.
Supposons que g ∈ G s'écrive g = e + ph avec h ∈ Mn (Z) ; on a alors, pour le polynôme
caractéristique χg de g :
1
χg (X) = det(Xe − g) = det((X − 1)e − ph) = pn χh ( (X − 1))
p
Le lemme suivant montre que χg = (X − 1)n ie. que toutes les valeurs propres de g sont égales
à 1 et, puisque g est diagonalisable on a g = e.
Considérons P, Q ∈ Z[X] unitaires, de degré n, les racines λ de P vériant |λ| = 1
1
et satisfaisant la relation P (X) = pn Q( (X − 1)) ; alors P = (X − 1)n .
Lemme 1
p
On a P =
Q
(X − λ) de sorte que P (1) =
Q
(1 − λ) = pn Q(0) avec Q(0) entier. On a alors
λ
λ
2
|P (1)| = pn |Q(0)| ≤ 2n . Comme p ≥ 3 on a |Q(0)| ≤ ( )n et Q(0) = P (1) = 0. Ainsi P =
p
1
(X − 1)P et Q = XQ et P (X) = pn−1 Q( (X − 1)).
p
Lemme 2
Soit K un corps ni de cardinal q ; on a
Card(
GLn(K)) = (qn − 1) · · · (qn − qn−1)
En eet soit g ∈ GLn (K) ; le première colonne C1 (g) de g doit être un vecteur non nul K n , il
y a donc q n − 1 possibilités. La colonne C1 (g) étant xée, la deuxième colonne C2 (g) de g doit
être un vecteur non nul de K n non proportionel à C1 (g) il y a donc (q n − 1) − (q − 1) = q n − q)
possibilités. Les colonnes C1 (g) et C2 (g) étant xées, la colonne C3 (g) doit être un vecteur de
K n n'appartenant pas au sous-espace vectoriel de K n de base (C1 (g), C2 (g)) il y a donc q n − q 2
possibilités pour ce vecteur. Une récurrence facile permet de conclure.
Corollaire 1
Soit G un sous-groupe ni G de
GLn(Z), on a
Card(G) ≤ (3n − 1) · · · (3n − 3n−1 )
Il sut en eet de prendre p = 3 puisque l'on a
Card(GLn (Z/Z3)) = (3n − 1) · · · (3n − 3n−1 )
Par exemple l'ordre d'un sous-groupe ni G de GL2 (Z) divise 48 et l'ordre d'un sous-groupe
ni G de GL3 (Z) divise 11232.
4 Les groupes d'ordre ≤ 59 sont résolubles
Il s'agit de montrer que tous les groupes G d'ordre n < 60 sont résolubles.
On considère donc un groupe G d'ordre n ≥ 59 et on suppose par hypothèse de récurrence que
tous les groupes d'ordre < n sont résolubles.
1. On suppose que n = pr avec p premier. Si r = 1 (2,3,5,7,11,13,17,19,23,29,31,37,41,43,47,53,59),
G est cycliqure, donc abélien et résoluble. Supposons r ≥ 2 (4,8,9,16,25,27,32,49) ; G opère
sur lui-même par automorphismes intérieurs ; le orbites étant les classes de conjugaison. Si
une orbite n'est pas réduite à un élément son cardinal est un multiple de p et l'ensemble
des orbites à un élément est le centre Z(G). On a donc :
Card(Z(G)) ≡ Card(G) mod p
et Z(G) 6= {e}. Il en résulte par récurrence que tout p-groupe est résoluble.
2. On suppose que n = pq avec p < q premiers (6,10,14,15,21,22,26,33,3',35,38,39,46,51,55,58).
On a nq = kq + 1|p de sorte que nq = 1 ; soit Q l'unique q -groupe de Sylow de G, On a
Q ' Cq , Q est distingué dans G et G/Q ' Cp . Par récurrence les groupes d'ordre pq sont
résolubles.
3. On suppose n = pqr avec p < q < r premiers (30,42). Supposons que G soit simple de sorte
que :
nr = λr + 1|pq ⇒ nr = pq
nq = µq + 1|pr ⇒ nq = r ou pr
np = νp + 1|qr ⇒ np = q, r ou qr
On a donc
Card(G) ≥ 1 + pq(r − 1) + p(q − 1) + q(p − 1) = 1 + pqr + (pq − (p + q)) > pqr
|
{z
}
≥0
Ainsi G n'est pas simple, il possède donc un sous-groupe distingué propre et on conclut
par récurrence.
4. On suppose n = p2 q (12,18,20,28,44,45,50,52)
Si p > q (18,50) on a np = kp + 1|q donc np = 1 et G possède un sous-groupe propre
distingué.
Si p2 ≤ (20,44, 52) on a nq = kq + 1|p2 on a cette fois nq = 1.
Pour n = 12 = 22 3 les valeurs possibles de n2 sont 1 et 3 tandis que les valeurs possibles
de n3 sont 1 et 4 mais on ne peut pas avoir simultanément n2 = 3 et n3 = 4 (car si n3 = 4
il y a 8 éléments d'ordre 3 donc il ne peut y avoir qu'un seul 2-groupe de Sylow).
Pour n = 45 = 32 5 on a n5 = 1.
5. On suppose n = p3 q (24,40,54,56) p > q (54) Pour n = 40 = 23 5 on a n5 = 1 et pour
56 = 23 7 on a n7 = 1.
Le cas n = 24 étant traité ci-dessous.
6. On suppose n = 24. On a n2 = 2k + 1|3 de sorte que n2 = 1 ou 3. Si n2 = 1 c'est terminé.
Supposons que n2 = 3 et considérons P1 et P2 deux 2-groupes de Sylow de G ; on a :
Card(P1 .P2 ) =
de sorte que
Card(P1 )Card(P2 )
64
=
≤ 24
Card(P1 ∩ P2 )
Card(P1 ∩ P2 )
8
≥ Card(P1 ∩ P2 )|8
3
et par suite
Card(P1 ∩ P2 ) = 4
et
G =< P1 , P2 >
Mais P1 ∩ P2 est d'indice 2 dans P1 et P2 donc distingué dans P1 et P2 et par suite dans
G qui n'est donc pas simple.
7. On suppose n = 48 = 24 3 On a n2 = 2k + 1|3 de sorte que n2 = 1 ou 3. Si n2 = 1 c'est
terminé. Supposons que n2 = 3 et considérons P1 et P2 deux 2-groupes de Sylow de G ; on
a:
Card(P1 )Card(P2 )
28
Card(P1 .P2 ) =
=
≤ 24 3
Card(P1 ∩ P2 )
Card(P1 ∩ P2 )
de sorte que
16
≥ Card(P1 ∩ P2 )|16
3
et par suite
Card(P1 ∩ P2 ) = 8
et
G =< P1 , P2 >
Mais P1 ∩ P2 est d'indice 2 dans P1 et P2 donc distingué dans P1 et P2 et par suite dans
G qui n'est donc pas simple.
8. On suppose n = 36 = 22 32 On a n3 = 3k + 1|4 de sorte que n3 = 1 ou 4. Si n3 = 1 c'est
terminé. Supposons que n3 = 4 et considérons P1 et P2 deux 3-groupes de Sylow de G ; on
a:
Card(P1 )Card(P2 )
81
Card(P1 .P2 ) =
=
≤ 36
Card(P1 ∩ P2 )
Card(P1 ∩ P2 )
de sorte que
9
≥ Card(P1 ∩ P2 )|9
4
et par suite
Card(P1 ∩ P2 ) = 3
et
G =< P1 , P2 >
Mais P1 ∩ P2 est d'indice 3 dans P1 et P2 donc distingué dans P1 et P2 et par suite dans
G qui n'est donc pas simple.
5 Le théorème de Galois inverse pour les groupes abéliens nis
Proposition 3
ni.
Tout groupe abélien ni A est le groupe de Galois d'une extension E/Q de degré
Soient = e
l'application :
Lemme 3
2π i
n
et K = Q[] ; l'extension K/Q est galoisienne de degré ϕ(n) et
GK/Q −→ (Z/Zn)?
σ −→ kσ
avec σ() = kσ est un isomorphisme de groupes.
O Puisque Φn ∈ Z[X] et est irréductible, on a p,Q = Φn de sorte que K est de degré. Les racines
de Φn sont les k avec k premier avec n de sorte que K est le corps de décomposition de Φn donc
l'extension K/Q est galoisienne. De plus pour tout σ ∈ GK/Q , σ() est une racine de Φn de sorte
que l'application σ −→ kσ est bien dénie et c'est évidemment un homomorphisme de groupes.
Cet homomorphisme est injectif puisque σ est déterminé par sa valeur σ(). Enn puisque les
cardinaux de GK/Q et de (Z/Zn)? sont ϕ(n) c'est un isomorphisme. M
Lemme 4 (un cas particulier du théorème de la progression arithmétique de Dirichlet)
Soit n ≥ 2 ; il existe une innité d'entiers premiers p tels que p ≡ 1 mod n
O
Soit p premier divisant Φn (a) mais ne divisant pas Φd (a) pour d|n et d 6= n.
On a p|an − 1 de Q
sorte que l'ordre ω de a dans Z/Zp divise n. Supposons que ω 6= n ;
puisque aω − 1 = φd (a) il existerait d|n et d 6= n tel que d|Φd (a). On a donc ω = n et
d|n
nalement n|p − 1, p − 1 étant l'ordre du groupe (Z/Zp)?
Prenons N > n et posons a = 3N !. On a |Φn (a)| =
6 1.
|Φn (a)| ≥ |
Q
(a − ek
2πi
n
k premier avecn
≥
Q
(a − 1)
k premier avecn
)|
= (a − 1)ϕ(n) ≥ 2ϕ(n) ≥ 2
Pour tout p diviseur premier de Φn (a), on a p > N
O Si on avait p ≤ N , p diviserait a mais Φn (a) − Φn (0) est un multiple de a donc p
diviserait Φn (0) = ±1 (Φn (0) est un entier, c'est aussi un produit de racines de l'unité don
est module 1) ce qui n'est pas possible.
On a p ≡ 1 mod n
Il sut de vérier que p ne divise
Q pas Φd (a) pour d|n et d 6= n. sinon a serait une racine
multiple du polynôme X n −1 = Φd dans Fp [X] et l'on aurait p|n ce qui n'est pas possible
puisque p > N > n.
d|n
M
Pour établir le résultat il sut, d'après la correspondance de Galois de montrer que tout
groupe abélien ni A est isomorphe à un quotient d'un groupe (Z/nZ)? :
En eet, d'après le théorème de structure des groupes abéliens nis A est isomorphe à une some
directe de groupes cycliques Z/Zn1 ⊕ · · · ⊕ Z/nr Znr . Il existe alors des entiers premiers distincts
p1 , · · · , pr tels que pi = ni qi + 1 pour 1 ≤ i ≤ r. Mais on a les suites exactes :
0 −→ Z/Zqi −→ Z/Z(pi − 1) −→ Z/Zni −→ 0
Mais Z/Z(pi − 1) est isomorphe au groupe (Z/Zpi )? . Ainsi A est isomorphe à un quotient
du groupe ⊕ (Z/Zpi )? . D'après le théorème chinois, ⊕ (Z/Zpi )? est isomorphe au groupe
1≤i≤r
1≤i≤r
(Z/nZ)? où n = p1 · · · pr .
Ainsi A est isomorphe un quotient de la forme (Z/nZ)? /H . Considérons le corps cylotomique
2πi
K = Q[] où = e n ; l'extension K/Q est galoisienne et l'on a GK/Q = (Z/nZ)? . On prend
E = KH .
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