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Épilepsie
diminuer les taux et les effets des sté-
roïdes sexuels circulants, estrogènes
mais aussi testostérone ; cela concerne
en particulier leur forme libre active,
puisqu’il existe, outre une induction
du métabolisme hormonal, une stimu-
lation de la synthèse de SHBG.
Inversement, une élévation des andro-
gènes circulants a été rapportée sous
traitement par le valproate. Les
modifications des taux des hormones
gonadiques peuvent évidemment
modifier en retour la sécrétion des
gonadostimulines.
Certains AE favorisent-ils l’apparition
d’un SOPK ? En 1993, Isojärvi et al.
ont rapporté une fréquence accrue
d’ovaires de morphologie polykystique
et de signes d’hyperandrogénie chez
des patientes épileptiques traitées par
le valproate, particulièrement en cas
de traitement débuté avant 20 ans (25).
Ils ont confirmé ces données dans des
travaux ultérieurs et suggéré la réver-
sibilité des troubles en cas de substitu-
tion d’un autre AE au valproate (26).
Sur le plan physiopathologique, ils ont
émis l’hypothèse d’un lien avec la
prise de poids, fréquente sous val-
proate. La prise de poids favorise ou
s’accompagne d’une insulino-
résistance entraînant hyperinsulinémie
et augmentation de l’insulin-like
growth factor-1 (IGF-1) (avec aug-
mentation prépondérante de la forme
libre de l’IGF-1, car l’hyperinsulinémie
entraîne par ailleurs une diminution de
la synthèse de l’insulin-like growth
factor-1-binding-protein).
L’ h yperinsulinémie et l’élévation de
l’IGF-1 sont responsables d’une
hypersécrétion ovarienne d’andro-
gènes. Enfin, l’insuline diminue la
synthèse de SHBG, avec notamment
biodisponibilité accrue de la testosté-
rone libre. L’ensemble de ces altéra-
tions sont capables d’aboutir au déve-
loppement d’une hyperandrogénie et
d’un SOPK (27). La prise de poids et
l’hyperinsulinémie ne seraient toute-
fois qu’un facteur possible des
troubles endocriniens de la reproduc-
tion observés chez les patientes sous
valproate (26). D’autres auteurs ont
rapporté des résultats analogues dans
un contexte pathologique différent,
celui des troubles bipolaires (27).
Mais, dans l’un et l’autre cas, les
résultats sont hétérogènes et diver-
gents ; en effet, d’autres travaux n’ont
pas confirmé explicitement la fré-
quence accrue du SOPK chez ces
patientes – épileptiques, d’une part,
souffrant de troubles bipolaires,
d’autre part – par rapport à la popula-
tion générale, ni un lien spécifique et
bien établi avec un traitement par le
valproate (22, 24, 28, 29).
La question reste très fortement
controversée (24, 26, 30), en raison de
l’hétérogénéité des travaux et d’incon-
nues importantes qui demeurent :
– les méthodologies sont diverses selon
les études ou prêtent à discussion ;
– les critères du diagnostic de SOPK
peuvent rester imprécis ou variables dans
la littérature endocrinogynécologique ;
– la fréquence du SOPK dans la popu-
lation générale reste différemment
appréciée et discutée, selon les critères
diagnostiques retenus ;
– dans les études portant sur les AE, la
distinction est souvent imprécise ou
variable entre morphologie polykystique
des ovaires, d’une part, et syndrome
clinique des OPK, d’autre part ;
– le SOPK est bien un syndrome dont
les mécanismes physiopathologiques
restent mal connus et sont certaine-
ment multiples comme les étiologies ;
de ce point de vue, le rôle de l’épilep-
sie elle-même, probablement impor-
tant, reste également à être mieux
défini.
L’épilepsie peut en effet être par elle-
même un facteur causal important du
SOPK et de l’hyperandrogénie, et plu-
sieurs travaux en ont rapporté une fré-
quence accrue chez les patientes épi-
leptiques (4, 22, 24, 31). L’influence
du traitement AE pourrait n’être
qu’indirecte : les AE inducteurs enzy-
matiques s’opposeraient aux effets de
l’hyperandrogénie en accélérant le
métabolisme de la testostérone et en
diminuant sa fraction libre, par stimu-
lation de la synthèse de SHBG, pro-
priétés que n’a pas le valproate puis-
qu’il peut entraîner à l’inverse une élé-
vation de la testostérone, en particulier
libre (4, 31).
Des données complémentaires sont
certainement nécessaires pour confir-
mer ou infirmer un lien entre SOPK et
traitement AE, notamment par le val-
proate. Dans tous les cas, et pas seule-
ment en cas de traitement par cette
molécule, une attention et une
recherche systématiques des troubles
menstruels et neuroendocriniens et
une prévention et prise en charge très
attentives de la prise de poids sont
recommandées et indispensables (22,
24, 31).
Effets des médicaments AE sur la
contraception hormonale
Si l’épilepsie et les crises, par elles-
mêmes, ne modifient pas l’effet des
contraceptifs oraux (CO) (32, 34), il
est en revanche bien établi depuis plu-
sieurs décennies que certains AE peu-
vent affecter le devenir biologique
dans l’organisme et, par conséquent,
l’efficacité antiovulatoire des CO (32-
35). Néanmoins, ce sujet reste forte-
ment méconnu : ainsi, dans l’enquête
de Krauss et al. (33), si 27 % de 160
neurologues rapportent des grossesses
accidentelles chez leurs patientes rece-
vant des AE, 4 % seulement connais-
sent correctement les interactions
entre les CO et les six principaux AE
traditionnels.
Les AE inducteurs enzymatiques clas-
siques – phénobarbital et primidone,
phénytoïne, carbamazépine – modi-
fient la cinétique des CO (pour les-
quels, à l’état basal déjà, la biodispo-
nibilité est faible et l’effet de premier
passage, hépatique mais aussi entéro-
cytaire, très important), de sorte que
les concentrations des CO, le blocage
ovulatoire et l’effet contraceptif vont
être diminués, incertains, ou annulés,
particulièrement en cas de CO faible-
ment dosé en éthynil-estradiol. Les
mécanismes pharmacocinétiques de
cette baisse d’efficacité sont les sui-
vants :
– augmentation de la clairance méta-
Épilepsie