Épilepsie D. Broglin* Bases anatomophysiologiques Contrôle cérébral des sécrétions ovariennes L’axe hypothalamo-hypophysaire (AHH) régit la libération pulsatile circhorale de gonadolibérine hypothalamique, LHRH (ou GnRH) ; celle-ci déclenche la sécrétion des gonadostimulines antéhypophysaires, FSH et LH, du profil temporel dynamique desquelles dépendent les différentes phases du cycle menstruel. L’AHH obéit à une régulation supérieure télencéphalique par d’importantes connexions réciproques (figure 1), via le système limbique (SL), noyau amygdalien (NA) en particulier : schématiquement, effets excitateurs de la partie corticomédiale du NA sur la libération de LHRH, l’ovulation et le comportement sexuel via la strie terminale ; effets inhibiteurs inverses de sa partie baso-latérale via la voie amygdalofuge ventrale (1-4). Le NA, directement ou via l’hypothalamus, contrôle également l’innervation neurovégétative sympathique et parasympathique, centrifuge et centripète de l’ovaire (4). * Dominique Broglin est neurologue, spécialisé en épileptologie, et exerce au Centre Saint-Paul - hôpital Henri Gastaut de Marseille, établissement également spécialisé dans ce domaine. Il s’intéresse particulièrement à l’évaluation préchirurgicale des épilepsies partielles et à la prise en charge des épilepsies sévères, à la pharmacologie clinique des antiépileptiques, aux rapports entre épilepsies et hormones ainsi qu’aux problèmes spécifiques rencontrés chez les femmes épileptiques. Effets des stéroïdes ovariens sur l’excitabilité neuronale Les estrogènes (Oe) – principalement l’estradiol – et la progestérone (Pr) sont presque totalement liés aux protéines : albumine, sex hormone binding globulin (SHBG) et transcortine (3). Sous forme libre, ces hormones se lient à des récepteurs intracellulaires spécifiques, largement répartis au niveau des neurones cérébraux (principalement AHH, SL et néocortex). Le complexe ainsi formé, soit directement au niveau du noyau, soit dans le cytoplasme, se lie spécifiquement à un récepteur ADN intranucléaire et influe ainsi sur la transcription des ARN et finalement sur la synthèse protéique (dont, notamment, des sous-unités constitutives du complexe-récepteur GABA-A). Ces effets génomiques sont lents, de l’ordre d’heures ou de jours. Les stéroïdes ovariens agissent aussi sur certains types de récepteurscanaux membranaires : récepteurs GABA-A, avec effets inhibiteurs, pour les Oe et la Pr ; récepteurs NMDA, avec effets excitateurs, pour les Oe. Il s’agit ici de phénomènes très rapides : minutes, secondes ou moins (1, 3, 4, 6, 9, 10). Par ces mécanismes multiples, les stéroïdes ovariens exercent, à côté du rétrocontrôle sécrétoire classique de l’AHH (positif et négatif pour les Oe, négatif pour la Pr), d’importants effets neuronaux, morphologiques et fonctionnels, neurochimiques et électrophysiologiques. Ils influent ainsi sur l’excitabilité neuronale et les phénomènes physiologiques et les comportements qui en dépendent. Concernant l’excitabilité neuronale et la susceptibilité aux décharges épileptiques, on peut conclure schématiquement, à partir de données expérimen- D es interactions multiples et réciproques existent entre hormones ovariennes et épilepsies (1-8). Très schématiquement : les stéroïdes ovariens peuvent modifier l’excitabilité neuronale et, donc, les décharges épileptiques et leur expression clinique ; en retour, ces phénomènes épileptiques, d’une part, les médicaments antiépileptiques (AE), d’autre part, peuvent modifier les concentrations et/ou les effets des hormones hypophysaires et/ou ovariennes et, par là, les fonctions et comportements qui en dépendent. Quelques données principales seront brièvement résumées ici. Des conclusions cliniques certaines restent difficiles, particulièrement en raison d’obstacles et/ou d’imperfections méthodologiques. En premier lieu, le rôle des AE est difficile à distinguer de celui de l’épilepsie elle-même. En second lieu, selon les études : – les critères diagnostiques des troubles hormonogénitaux sont variables ; – les populations étudiées sont soit restreintes, soit hétérogènes et, de ce fait, l’influence du type d’épilepsie, du type et de la fréquence des crises reste mal précisée ; – les comparaisons avec des sujetscontrôles sont difficiles ou de fiabilité inégale ; – on observe enfin une grande diversité des traitements AE. 110 Épilepsie Hormones ovariennes et épilepsies D. Broglin Néocortex Néocortex Cx. entorhinal Hy pothalamus F. corticohypothal. H i p poc a m pe N. arqué Pré-opt. latéral Dorso-médial A m y g d. b a s o - l at . V. amygdalofuge ventrale Cx. piriforme Pré-opt. médial Ventro-médial A m y g d. c o r t i c o - m é d. Bulbe olfactif Strie terminale Figure 1. Schéma des connexions néocortico-limbiques et hypothalamiques. tales – nombreuses – et cliniques que : – les Oe ou un ratio Oe/Pr élevé sont excitateurs et favorisent la survenue de décharges et phénomènes épileptiques ; – la Pr, ainsi que certains de ses métabolites réduits actifs, alloprégnanolone en particulier, ou un ratio Oe/Pr faible sont inhibiteurs et protecteurs (3, 4, 6, 9, 10). Influence des hormones et fonctions ovariennes sur l’épilepsie Selon les étapes de la vie génitale ◗ Puberté Les modifications importantes des hormones hypophyso-ovariennes, dans la période péripubertaire, peuvent influer sur l’excitabilité neuronale et l’expression de gènes neuronaux, et ainsi jouer un rôle dans les modifications évolutives souvent observées dans cette période péripubertaire, dans plusieurs des syndromes épileptiques idiopathiques et âge-dépendants, à savoir : le début (notamment dans l’épilepsie myoclonique juvénile et les épilepsies avec photo-sensibilité, dont, en outre, la prépondérance féminine est bien établie), ou à l’inverse la régression (par exemple, dans l’épilepsie-absences de l’enfant et l’épilepsie à pointes centro-temporales). Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003 Toutefois, les relations réciproques puberté-épilepsie restent mal connues, et des liens cliniques précis n’ont pas encore été établis : les données restent peu nombreuses et les résultats et interprétations hétérogènes (3, 6, 8). Un début fréquent ou très fréquent des crises à la ménarche ou autour d’elle a été noté dans quelques études, notamment en cas de recrudescence cataméniale ultérieure. Dans les épilepsies ayant débuté dans l’enfance, la période pubertaire et la ménarche ne s’accompagnent pas de modifications significatives ou homogènes de la fréquence critique et n’affectent pas les chances de succès d’un sevrage. Dans les épilepsies partielles, les quelques résultats rapportés sont divergents : fréquence péripubertaire des crises accrue pour certains auteurs, diminuée pour d’autres particulièrement pour les crises partielles complexes. Une étude récente (6), chez 200 patientes environ, a montré une aggravation – crises plus fréquentes ou plus sévères – autour de la ménarche chez 30 % d’entre elles environ, plus particulièrement chez celles présentant une épilepsie partielle ; et, dans plus d’un tiers des épilepsies généralisées idiopathiques, le début des crises est survenu dans les sixmois après les premières règles. En cas d’augmentation péripubertaire des crises, il existe un autre facteur causal auquel le clinicien doit être attentif : la diminution des taux et de l’effet des AE en raison de la croissance et de l’augmentation rapide du volume de distribution. Par ailleurs, l’épilepsie ne semble pas affecter l’âge et le déroulement physiologique de la puberté (3, 6, 8). Des anomalies ne sauraient donc être simplement attribuées à l’épilepsie, sans entreprendre les investigations diagnostiques appropriées (8). ◗ Ménopause Le rôle de la ménopause (2, 3, 7, 11) reste globalement très peu connu. La ménopause est un processus durable au cours duquel les modifications hormonales sont dynamiques et progressives : à la phase initiale de périménopause, le ratio Oe/Pr augmente généralement, avec possible effet aggravant ; une fois la ménopause confirmée (1 an sans menstruations), la sécrétion estrogénique a en revanche disparu presque totalement, avec possible effet bénéfique. On dispose en fait de très peu de données concernant les effets cliniques de la ménopause sur l’épilepsie. Des modifications variables de la fréquence critique ont été rapportées : diminution, augmentation, ou réapparition des crises dans une épilepsie jusque-là bien contrôlée. Une étude a conclu qu’une réduction de la fréquence critique semble plus probable dans les circonstances suivantes : crises auparavant bien contrôlées, épilepsie de début tardif et, enfin, existence antérieure d’une recrudescence cataméniale des crises ; à l’inverse, un risque d’aggravation paraît plus élevé en cas d’épilepsie avec crises généralisées tonico-cloniques fréquentes, d’une part, et crises partielles complexes, d’autre part. Une étude plus récente a montré que : chez les patientes en périménopause, la fréquence des crises avait diminué chez 13 %, augmenté chez 64 % plus volontiers en cas de recrudescence cataméniale antérieure, était inchangée chez 23 % ; chez les patientes ménopausées, la fréquence critique avait diminué chez 41 %, particulièrement en cas de recrudescence catamé- 111 Épilepsie Épilepsie niale auparavant, avait augmenté chez 31 % et restait inchangée chez 28 %. Le rôle, éventuellement néfaste, de l’hormonothérapie de substitution reste à préciser ; dans l’étude précédente chez un petit nombre de patientes, une augmentation des crises était rapportée par 63 % des femmes recevant cette hormonothérapie versus 12 % seulement des femmes non traitées ; une absence de différence entre traitement estrogénique seul et traitement combiné estroprogestatif était mise en évidence, d’autres travaux ayant suggéré un risque moindre avec ce dernier (11, 12). Le risque de débuter une épilepsie durant la ménopause ne semble pas accru. L’influence de la ménopause iatrogène n’a pas été étudiée. ◗ Grossesse Au cours de la grossesse (2, 3, 7, 8, 12-14), la fréquence critique peut être modifiée. Les différentes études donnent des chiffres, variables certes, mais toutefois assez convergents. Globalement : la fréquence critique reste sensiblement inchangée chez la moitié à deux tiers (et jusqu’à 83 %) des patientes, accrue chez 20 à 33 % (17 à 35 %) et diminuée chez 10 % environ (de 7 jusqu’à 25 %) d’entre elles. Une relation définie ou constante n’est pas actuellement reconnue entre l’évolution de cette fréquence et : – la période de la grossesse ; – les taux d’Oe ou le ratio Oe/Pr (mais durant la gestation, c’est l’estriol, encore peu étudié, qui prédomine) ; – le type des crises et de l’épilepsie ; – l’existence ou non d’un traitement AE. Cependant, des facteurs multiples sont envisageables à l’origine de l’augmentation de la fréquence des crises (1, 7, 8, 12, 14) : facteurs hormonaux, métaboliques, comportementaux, privation de sommeil et, enfin, modification de la cinétique des AE. Les mécanismes de cette dernière sont multiples, principalement : augmentation importante (50 %) du volume de distribution ; diminution de la liaison protéique ; augmentation de la clairance. Toutefois, une moins bonne obser- vance est probablement un facteur dominant chez de nombreuses patientes. Globalement, on observe une baisse des taux totaux. Mais les taux libres peuvent évoluer différemment pour les AE à forte liaison protéique. Il est recommandé alors de doser également les formes libres, ce qui semble peu pratiqué dans notre pays. Dans tous les cas, le traitement doit être ajusté, si nécessaire, en se fondant avant tout sur l’évolution clinique. En revanche, en dehors d’une meilleure observance chez certaines patientes, les mécanismes d’une fréquence réduite des crises ne sont pas connus. Les épilepsies débutant durant une grossesse et les crises spontanées survenant exclusivement au cours de grossesses sont rares (1). Selon les phases du “cycle menstruel” : l’épilepsie cataméniale Il s’agit d’une recrudescence des crises en relation avec les phases du cycle menstruel, rapportée par plus de 70 % des patientes. Dans les études toutefois, sa fréquence, voire sa réalité, sont très diversement appréciées, du fait notamment de définitions et de méthodologies différentes : selon les auteurs, ce lien est absent ou rare – 10 à 12,5 % des patientes – ou très fréquent – jusqu’à 70 % des patientes ou plus (15-17). En adoptant un seuil de fréquence des crises au moins deux fois plus élevé pour définir les périodes sensibles du cycle menstruel, Herzog retrouve un lien chez environ un tiers de 184 patientes (15) qu’il a observées durant un cycle. Il décèle trois profils temporels de recrudescence critique : – en premier lieu, au cours des cycles normaux, recrudescence péri- et permenstruelle (de quelques jours avant les règles jusqu’à leurs deux ou trois premiers jours) d’une part, périovulatoire (entre J8 à J10 et J14) d’autre part ; – en second lieu, au cours des cycles comportant une phase lutéale anormale avec sécrétion diminuée de Pr, avec ou sans anovulation, recrudes- cence des crises dans la deuxième partie du cycle (entre J8 du cycle n et J2 du cycle n + 1) (15). La fréquence critique est accrue lors des cycles anovulatoires. Des facteurs pathogéniques multiples sont envisageables, liés aux caractères du cycle, au type des crises et de l’épilepsie et au traitement AE ; leurs rôles respectifs restent difficiles à préciser. Un rôle prépondérant est attribué aux facteurs suivants : – modifications des taux des hormones ovariennes, avec un taux faible ou chutant rapidement en fin de cycle de Pr et/ou un ratio Oe/Pr élevé, ce qui caractérise les différentes phases de recrudescence documentées, tant pour les cycles normaux qu’anormaux ; – baisse du taux des AE par augmentation de leur volume de distribution et/ou de leur clairance métabolique en fin de cycle – les stéroïdes ovariens métabolisés par les mêmes systèmes enzymatiques hépatiques que la plupart des AE étant alors en quantité fortement réduite (3, 4, 15, 17). Hormones et fonctions ovariennes chez les patientes épileptiques Modifications des taux hormonaux contemporaines des crises Hors de notre sujet exact, les données principales concernent l’hyperprolactinémie précoce et durable, mais imparfaitement sensible et spécifique, après les crises généralisées tonicocloniques et partielles, notamment temporo-limbiques (1, 4, 18). Des modifications significatives ou homogènes des stéroïdes ovariens après les crises n’ont pas été jusqu’ici mises en évidence. Des élévations transitoires des taux de FSH et LH ont été observées après des crises partielles ou généralisées mais, dans d’autres études, les modifications sont absentes ou hétérogènes (1). 112 Épilepsie Épilepsie Modifications hormonales interictales On a rapporté dans des épilepsies partielles surtout temporales (ET) (1, 4, 18), mais aussi dans des épilepsies généralisées idiopathiques (EGI) (19) : – une modification de la sécrétion de LHRH avec fréquence de pulsatilité diminuée chez les patientes traitées et, à l’inverse, accrue chez des patientes non traitées ; – une réponse sécrétoire LH à la LHRH augmentée ou diminuée ; – une dispersion anormalement large des taux de LH en phase folliculaire précoce ; – une élévation des taux de FSH. De telles anomalies peuvent être associées à ou à l’origine de troubles menstruels et endocriniens. Troubles menstruels et endocriniens de la reproduction Chez les patientes épileptiques, par ailleurs indemnes de lésion hypothalamohypophysaire décelable, la fréquence des troubles menstruels est augmentée : cycles irréguliers, oligo- ou aménorrhée, troubles de l’ovulation et anovulation (18, 20-22), associés ou dus à des troubles endocriniens de la reproduction, en particulier hypogonadisme hypogonadotrophique (HH), syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), hyperprolactinémie (1, 4, 19, 22, 23). Ces troubles ont été rapportés chez des patientes traitées et non traitées, surtout dans les ET (4, 20), les plus étudiées, mais également dans les EGI (19). Sur le plan physiopathologique (4, 6, 8, 19, 20, 22), les principales hypothèses avancées sont les suivantes : – effet de la lésion épileptogène et/ou des décharges épileptiques sur l’AHH et les mécanismes régulateurs qu’il contrôle ; – effets multiples des médicaments AE, envisagés plus loin. Un rôle important ou causal est attribué aux décharges et crises épileptiques, à l’origine d’altérations des mécanismes néocorticaux et limbiques de régulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire et de sécrétion des gonadolibérines et gonadostimulines. Les troubles neuroendocriniens résultants entraîneraient un défaut Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003 de sécrétion de Pr ou un ratio Oe/Pr élevé, eux-mêmes susceptibles, en retour, de favoriser les décharges et les crises (figure 2). Dans le cas particulier des décharges et crises temporolimbiques, pourraient survenir, selon Herzog (4), soit une diminution de LH et de LH/FSH, soit une augmentation de LH et une diminution de FSH, favorisant ou provoquant, respectivement, un HH ou un SOPK (figure 2). Les décharges limbiques pourraient également (4) jouer par diminution ou augmentation de la libération hypothalamique de dopamine entraînant, respectivement, une augmentation de la LH et de la prolactine favorisant un SOPK, ou une diminution de la LH favorisant un HH. Un effet des décharges limbiques sur l’innervation neurovégétative de l’ovaire est également possible. Cet auteur (4) a suggéré, en outre, l’existence d’un lien entre décharges interictales temporales gauches ou extratemporales droites et SOPK, d’une part, décharges temporales droites et HH, d’autre part. On doit souligner que l’existence d’un ou de plusieurs facteur(s) étiopathogénique(s) commun(s) à l’épilepsie et aux troubles endocriniens de la reproduction est également une hypothèse. Rôle des médicaments antiépileptiques Effets des AE sur les taux et les effets des hormones endogènes Les AE peuvent avoir des effets multiples sur les fonctions hormonogénitales et celles de la reproduction, et jouer un rôle dans la genèse de troubles neuroendocriniens, cela par de multiples mécanismes possibles, agissant à plusieurs niveaux. Les AE peuvent ainsi avoir des effets : sur l’axe hypothalamo-hypophysaire ; sur les glandes périphériques ; sur les hormones hypophysaires et périphériques, leur sécrétion, leurs protéines de liaison, leur métabolisme ; enfin, par l’intermédiaire de mécanismes métaboliques tels que la régulation du poids corporel et la sensibilité à l’insuline. Plusieurs études ont rapporté des modifications de divers taux hormonaux, en association avec différents AE (2, 3, 19, 22, 24). Mais certains résultats restent hétérogènes, et le rôle des AE n’est pas encore exactement précisé. Les AE inducteurs enzymatiques (carbamazépine, phénobarbital et primidone, phénytoïne) peuvent Néocortex Système limbique D é c h a rg e s, c r i s e s épileptiques Axe hypothalamohypophysaire Pr diminuée ou ratio Oe/Pr augmenté Cycles anovulatoires Déficit lutéal Fréquence et/ou amplitude des pics de LHRH ➚ Fréquence des pics de LHRH ➘ ➚ LH et ➘ FSH LH et LH/FSH ➘ SOPK HH Figure 2. Crises épileptiques et troubles endocriniens de la reproduction : hypothèses physiopathologiques (d’après [4]). 113 Épilepsie Épilepsie diminuer les taux et les effets des stéroïdes sexuels circulants, estrogènes mais aussi testostérone ; cela concerne en particulier leur forme libre active, puisqu’il existe, outre une induction du métabolisme hormonal, une stimulation de la synthèse de SHBG. Inversement, une élévation des androgènes circulants a été rapportée sous traitement par le valproate. Les modifications des taux des hormones gonadiques peuvent évidemment modifier en retour la sécrétion des gonadostimulines. Certains AE favorisent-ils l’apparition d’un SOPK ? En 1993, Isojärvi et al. ont rapporté une fréquence accrue d’ovaires de morphologie polykystique et de signes d’hyperandrogénie chez des patientes épileptiques traitées par le valproate, particulièrement en cas de traitement débuté avant 20 ans (25). Ils ont confirmé ces données dans des travaux ultérieurs et suggéré la réversibilité des troubles en cas de substitution d’un autre AE au valproate (26). Sur le plan physiopathologique, ils ont émis l’hypothèse d’un lien avec la prise de poids, fréquente sous valproate. La prise de poids favorise ou s’accompagne d’une insulinorésistance entraînant hyperinsulinémie et augmentation de l’insulin-like growth factor-1 (IGF-1) (avec augmentation prépondérante de la forme libre de l’IGF-1, car l’hyperinsulinémie entraîne par ailleurs une diminution de la synthèse de l’insulin-like growth factor-1-binding-protein). L’hyperinsulinémie et l’élévation de l’IGF-1 sont responsables d’une hypersécrétion ovarienne d’androgènes. Enfin, l’insuline diminue la synthèse de SHBG, avec notamment biodisponibilité accrue de la testostérone libre. L’ensemble de ces altérations sont capables d’aboutir au développement d’une hyperandrogénie et d’un SOPK (27). La prise de poids et l’hyperinsulinémie ne seraient toutefois qu’un facteur possible des troubles endocriniens de la reproduction observés chez les patientes sous valproate (26). D’autres auteurs ont rapporté des résultats analogues dans un contexte pathologique différent, celui des troubles bipolaires (27). Mais, dans l’un et l’autre cas, les résultats sont hétérogènes et divergents ; en effet, d’autres travaux n’ont pas confirmé explicitement la fréquence accrue du SOPK chez ces patientes – épileptiques, d’une part, souffrant de troubles bipolaires, d’autre part – par rapport à la population générale, ni un lien spécifique et bien établi avec un traitement par le valproate (22, 24, 28, 29). La question reste très fortement controversée (24, 26, 30), en raison de l’hétérogénéité des travaux et d’inconnues importantes qui demeurent : – les méthodologies sont diverses selon les études ou prêtent à discussion ; – les critères du diagnostic de SOPK peuvent rester imprécis ou variables dans la littérature endocrinogynécologique ; – la fréquence du SOPK dans la population générale reste différemment appréciée et discutée, selon les critères diagnostiques retenus ; – dans les études portant sur les AE, la distinction est souvent imprécise ou variable entre morphologie polykystique des ovaires, d’une part, et syndrome clinique des OPK, d’autre part ; – le SOPK est bien un syndrome dont les mécanismes physiopathologiques restent mal connus et sont certainement multiples comme les étiologies ; de ce point de vue, le rôle de l’épilepsie elle-même, probablement important, reste également à être mieux défini. L’épilepsie peut en effet être par ellemême un facteur causal important du SOPK et de l’hyperandrogénie, et plusieurs travaux en ont rapporté une fréquence accrue chez les patientes épileptiques (4, 22, 24, 31). L’influence du traitement AE pourrait n’être qu’indirecte : les AE inducteurs enzymatiques s’opposeraient aux effets de l’hyperandrogénie en accélérant le métabolisme de la testostérone et en diminuant sa fraction libre, par stimulation de la synthèse de SHBG, propriétés que n’a pas le valproate puis- qu’il peut entraîner à l’inverse une élévation de la testostérone, en particulier libre (4, 31). Des données complémentaires sont certainement nécessaires pour confirmer ou infirmer un lien entre SOPK et traitement AE, notamment par le valproate. Dans tous les cas, et pas seulement en cas de traitement par cette molécule, une attention et une recherche systématiques des troubles menstruels et neuroendocriniens et une prévention et prise en charge très attentives de la prise de poids sont recommandées et indispensables (22, 24, 31). Effets des médicaments AE sur la contraception hormonale Si l’épilepsie et les crises, par ellesmêmes, ne modifient pas l’effet des contraceptifs oraux (CO) (32, 34), il est en revanche bien établi depuis plusieurs décennies que certains AE peuvent affecter le devenir biologique dans l’organisme et, par conséquent, l’efficacité antiovulatoire des CO (3235). Néanmoins, ce sujet reste fortement méconnu : ainsi, dans l’enquête de Krauss et al. (33), si 27 % de 160 neurologues rapportent des grossesses accidentelles chez leurs patientes recevant des AE, 4 % seulement connaissent correctement les interactions entre les CO et les six principaux AE traditionnels. Les AE inducteurs enzymatiques classiques – phénobarbital et primidone, phénytoïne, carbamazépine – modifient la cinétique des CO (pour lesquels, à l’état basal déjà, la biodisponibilité est faible et l’effet de premier passage, hépatique mais aussi entérocytaire, très important), de sorte que les concentrations des CO, le blocage ovulatoire et l’effet contraceptif vont être diminués, incertains, ou annulés, particulièrement en cas de CO faiblement dosé en éthynil-estradiol. Les mécanismes pharmacocinétiques de cette baisse d’efficacité sont les suivants : – augmentation de la clairance méta- 114 Épilepsie Épilepsie bolique hépatique des CO, par induction puissante des CytP450 microsomiaux hépatiques qui métabolisent les CO, avec diminution de leurs concentrations plasmatiques, particulièrement de l’éthynil-estradiol, de 40 à 50 et jusqu’à 70 % ; – augmentation de la synthèse de la SHBG avec ipso facto diminution de la fraction libre, active, des CO, cela pour les progestatifs principalement. En outre, la fraction de l’éthynil-estradiol inactivé par sulfoconjugaison intra-entérocytaire, pourrait être accrue par certains AE (phénobarbital). Le felbamate, l’oxcarbazépine sont susceptibles également de diminuer l’effet des CO. Pour le topiramate, également inducteur peu puissant du métabolisme de l’éthynil-estradiol, une étude récente (36) chez des volontaires saines a montré une absence d’effet significatif sur les concentrations plasmatiques d’éthynil-estradiol et de noréthindrone, si les doses sont inférieures ou égales à 200 mg par jour ; à ces doses, on peut donc escompter a priori une absence d’effet clinique significatif sur la contraception orale chez des patientes traitées. Le tableau I indique quels sont les AE susceptibles d’interférer avec la contraception orale et ceux dépourvus d’effet. La baisse de l’effet contraceptif avec les AE inducteurs est sujette à de grandes variations interindividuelles et non exactement prévisible chez une patiente donnée. La survenue de saignements en cours de cycle est un indice clinique d’alerte, mais sujet à des faux positifs, ainsi qu’à des faux négatifs, nettement plus problématiques. Avec ces AE, le choix d’un CO suffisamment dosé (50 µg d’éthinylestradiol ou plus) est recommandé, ce qui peut néanmoins ne pas être suffisant (34). Dans les conditions d’un traitement AE inducteur associé, le risque de complications d’une contraception hormonale fortement dosée, thromboemboliques avant tout, ne semble pas augmenté ; en cas d’antécédents familiaux cependant, il est Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003 Tableau I. Présence ou absence d’effets significatifs des antiépileptiques sur les contraceptifs oraux. Diminution des concentrations et risque d’inefficacité des CO Carbamazépine Felbamate Oxcarbazépine Phénobarbital Phénytoïne Primidone Topiramate* * voir détail dans le texte Absence d’effets significatifs reconnus Benzodiazépines Éthosuximide Gabapentine Lamotrigine Lévétiracétam Tiagabine Valproate Vigabatrin Zonisamide recommandé d’éviter ces doses élevées d’estrogène, en particulier en prescrivant un AE non inducteur (8). Le recours à un autre mode de contraception peut être nécessaire, de façon permanente, ou complémentaire au cours d’un cycle si des saignements sont survenus. Le tableau II résume les principales mesures cliniques à mettre en œuvre, si un traitement AE inducteur est nécessaire. En cas de contraception progestative par voie i.m. et de traitement concomitant par un AE inducteur, il est recommandé de rapprocher les injections toutes les 6 à 8 semaines (34, 35). L’efficacité contraceptive des implants sous-cutanés de lévonorgestrel peut Tableau II. Dispositions particulières en cas de traitement antiépileptique pouvant réduire l’efficacité des contraceptifs oraux. ◗ Information éclairée de la patiente sur le risque de diminution de l’effet contraceptif. ◗ Utilisation d’un estro-progestatif suffisamment dosé en éthinyl- estradiol,50 µg,voire plus. ◗ Évaluation clinique étroite, et si nécessaire biologique, du blo- cage de l’ovulation, surtout au cours des premiers cycles de traitement. ◗ En cas de saignement en cours de cycle : possible inefficacité contraceptive. Si persistance de saignements sur plusieurs cycles,majorer les doses de CO ou modifier la méthode contraceptive. ◗ Adjoindre une contraception locale : – par prudence,les deux ou trois premiers cycles de traitement ; – pour la suite du cycle,en cas de saignement ou d’observance irrégulière du traitement CO. ◗ Contraception locale,si une sécurité contraceptive quasi absolue est désirée ou nécessaire. ◗ En cas de diminution ou d’arrêt d’un traitement AE inducteur : évaluer les effets sur la CO et si nécessaire réduire le dosage du CO. également être réduite : cela a été démontré, pour la phénytoïne du moins, chez des patientes traitées, avec diminution significative des concentrations plasmatiques de lévonorgestrel chez 6 patientes sur 6 recevant de la phénytoïne et survenue d’une grossesse imprévue chez 2 d’entre elles (35). Par ailleurs, aux doses d’hormones usitées, les CO oraux ne modifient pas la fréquence des crises, y compris en cas de fortes doses d’éthynil-estradiol (32, 34). 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