École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Séries de Fourier
Chapitre 10
Séries de Fourier
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 31 janvier 2011
Introduction
Présentation et objectifs
Dans ce chapitre on étudie une nouvelle forme particulière de séries de fonctions, utili-
sées pour l’étude des fonctions périodiques (pas nécessairement très régulières, souvent
la continuité n’est même pas exigée). Il s’agit d’abord de poser les bases de la théorie
que sont les séries trigonométriques, puis de voir sous quelles conditions et avec quelle
méthode une fonction périodique donnée peut être vue comme la somme d’une série trigo-
nométrique. On y réinvestit à ce propos des résultats rencontrés au chapitre 6 concernant
les espaces préhilbertiens réels.
Les résultats présentés dans ce chapitre, dûs au mathématicien et physicien français
Joseph Fourier (1768-1830), sont très utilisés partout où des phénomènes périodiques
(systèmes oscillants, ondes. . .) sont en jeu, et notamment en traitement du signal, mais
aussi, par exemple, pour l’étude du problème de la chaleur sur un disque.
On commence dans ce cours par des rappels sur les fonctions périodiques et la construc-
tion de telles fonctions, sous forme d’abord de polynômes puis de séries trigonométriques.
Dans une seconde partie, on indique comment associer à une fonction périodique fdonnée,
une telle série trigonométrique, appelée série de Fourier de f. Enfin, la troisième partie de
ce chapitre est consacrée à l’étude de la convergence cette série et aux résultats classiques
associés (théorèmes de Dirichlet et Parseval).
Prérequis:
Chapitres 6, 7, 8
Analyse et topologie (limites, continuité, dérivation, développements limités) (SUP)
Intégration (SUP)
Suites:
Analyse 1ère année (transformations intégrales, fonctions spéciales, EDP,. . .)
Thermodynamique, Electromagnétisme, Mécaniques classique, quantique et relativiste
Electronique
Traitement du signal
Selon le contexte, les fonctions considérées seront à valeurs réelles (le plus souvent) ou
complexes.
Un exemple d’application
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Chapitre 10 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Exemple 1 (Problème de la chaleur)
On considère un disque homogène tel que représenté sur la figure 1. Le cercle bordant
ce disque est maintenu, par un dispositif extérieur, à une température constante (mais
pas nécessairement uniforme). La température Tà l’intérieur du disque est une fonction
harmonique, c’est-à-dire que T= 0 (où ∆ = 2
x2+2
y2désigne le Laplacien).
Comment déterminer la température en tout point du disque ?
F(R,θ)=f(θ)
O x
y
θ
r
T(x,y)=F(r,θ)
Figure 1 – Problème de la chaleur
Résumons le principe de la solution, celle-ci étant complètement rédigée dans le corrigé
du devoir maison Fi1A du 7 mai 2004 (cf. plate-forme Campus).
La modélisation classique de ce problème (que l’on appelle Problème de la chaleur
ou problème de Dirichlet) passe par les coordonnées polaires : la température en un
point de coordonnées polaires (r, θ)est notée F(r, θ)et la température sur le cercle est
f(θ)(fest alors une fonction 2π-périodique). On est alors conduit à chercher les fonctions
F2π-périodiques selon la variable θvérifiant les conditions suivantes :
(S)
2F
r2(rcos θ, r sin θ) + 1
r
F
r (rcos θ, r sin θ) + 1
r2
2F
θ2(rcos θ, r sin θ) = 0 (E)
θR, F (R, θ) = f(θ)
(l’équation (E)est l’équation aux dérivées partielles issue de l’expression du Laplacien en
coordonnées polaires et la seconde condition est la condition limite).
En cherchant une solution de (E)sous la forme F(r, θ) = A(θ)B(r), on est conduit
au système d’équations différentielles
(A00 +λA = 0
r2B00 +rB0λB = 0.
λest une constante égale au carré d’un entier naturel : λ=n2avec nN(condition
issue de la 2π-périodicité de A).
ÀnNfixé, les solutions de (E)obtenues sont donc du type
Fn(r, θ) = rn[αncos() + βnsin()] avec αn, βnR.
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Si nest «libre», les combinaisons linéaires de fonctions Fnsont encore solutions de
(E)et, plus généralement et sous réserve de convergence, les séries du type
F(r, θ) = α0+
X
n=1
rn[αncos() + βnsin()]
sont encore solutions de (E).
Il ne reste plus qu’à déterminer les suites (αn)et (βn)telles que cette fonction vérifie
la condition limite
F(R, θ) = f(θ).
La fonction f, si elle possède un minimum de régularité (classe C1par morceaux et
continue), peut s’écrire
f(θ) = a0
2+
X
n=1
[ancos() + bnsin()]
et il ne reste plus qu’à faire les identifications nécessaires pour trouver les αnet βnen
fonctions des suites anet bn.
Les questions suivantes se posent alors, auxquelles se chapitre apportera une réponse :
1. Quelle assurance a-t-on que la série définissant F(r, θ)soit effectivement conver-
gente ? Peut-on dériver terme à terme pour vérifier (E)?
2. Pourquoi et comment fpeut-elle s’écrire sous cette forme ? Que sont réellement les
coefficients anet bn? Cette série est-elle convergente ? À quelle condition ?
3. Peut-on réellement identifier les coefficients an,bnet ceux issus de la condition limite
exprimée à l’aide de αnet βn?
On verra dans ce chapitre que l’écriture de fsous cette forme correspond au déve-
loppement en série de Fourier de f, et que ceci est valable avec des hypothèses
relativement faibles sur f.
1 Fonctions périodiques
1.1 Espaces de fonctions périodiques
Rappels
1. On appelle période d’une fonction ftout réel ptel que
tR, f(t+p) = f(t).
2. L’ensemble des périodes de fest un sous-groupe de R.
3. La fonction fest dite périodique si elle possède une période non nulle.
4. Si p > 0est une période de f,fest dite p-périodique.
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Chapitre 10 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Déterminer les groupes de périodes des fonctions constantes et des fonctions
sin,cos,tan et cotan et partie fractionnaire (i.e. x7→ x− bxc)bxcest la
partie entière de x.
Pour les fonctions à valeurs réelles, traduire ces propriétés en termes de repré-
sentation graphique de ces fonctions.
Dans toute la suite, on se limite aux fonctions 2π-périodiques.
Montrer que cela ne restreint pas le problème en construisant une bijection
entre les fonctions p-périodiques (où p > 0est fixé) et les fonctions 2π-périodiques
(changement de variable).
Proposition 1
Soit kN∪ {∞}.
(1) Les fonctions 2π-périodiques de classe Ckforment une algèbre commutative notée
Ck
2π.
(2) Les fonctions 2π-périodiques de classe Ckpar morceaux forment une algèbre com-
mutative notée CkM2π.
Une fonction 2π-périodique est déterminée par ses valeurs sur un intervalle semi-
ouvert de longueur 2π(du type [a, a + 2π[ou ]a, a + 2π]).
Représenter graphiquement sur quelques périodes la fonction 2π-périodique dé-
finie sur ]π, π]par f(x) = x2. Est-elle dans C0
2π? Dans C1
2π? Dans C1M2π?
Mêmes questions avec la fonction 2π-périodique définie sur iπ
2,3π
2ipar g(x) =
|x|.
Mêmes questions avec la fonction 2π-périodique définie sur ]0,2π]par h(x) = 1
x.
Que vaut h(0) ?
On a un résultat quant à la régularité des fonctions 2π-périodiques ainsi construites :
Proposition 2
Soient aRet g: [a, a + 2π]Rune fonction continue par morceaux telle que
g(a+ 2π) = g(a). Il existe une unique fonction fC0M2πtelle que f[a,a+2π]=g.
Si de plus gest continue, alors fC0
2π. Si gest de classe Ckpar morceaux alors
fCkM2π.
En reprenant le premier exemple construit précédemment, montrer que l’on n’a
pas forcément fCk
2πmême si gest de classe Ck, pour k > 1.
Définition 2
On appelle ensemble de Dirichlet, noté D2πl’ensemble des fonctions fcontinues
par morceaux et périodiques vérifiant la condition suivante, appelée condition de
Dirichlet :
tR, f(t) = 1
2hf(t+) + f(t)i.
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Que signifient les notations f(t+)et f(t)?
Montrer que la condition de Dirichlet est vérifiée aux points de continuité de
f.
Montrer que D2πest un sous-espace vectoriel de C0M2π.
En « rectifiant » les points de discontinuité (qui, rappelons-le, sont en nombre
fini sur chaque intervalle compact), montrer que toute fonction fC0M2π
coïncide avec une (unique) fonction e
f∈ D2πsauf en des points isolés. Illustrer
ce phénomène graphiquement.
Rappel 1
Toute fonction fC0M2πest bornée.
1.2 Produit scalaire et semi-normes usuelles
On considère dans cette section des fonctions à valeurs réelles. Ces définitions peuvent
s’étendre aux fonctions à valeurs complexes, mais il est alors nécessaire de faire appel aux
produits scalaires hermitiens et à la théorie des espaces préhilbertiens complexes.
Définition 3
Le « produit scalaire » de f, g C0M2πest défini par
hf|gi=1
2πZ2π
0
f(x)g(x)dx.
La semi-norme de la convergence en moyenne quadratique d’une fonction
fC0M2πest
kfk2=qhf|fi.
Montrer que cette application h.|.iest bilinéaire symétrique et positive. Est-elle
définie positive ? Est-ce un produit scalaire sur C0M2π? (Remarque : l’appella-
tion « produit scalaire » est toutefois très répandue).
En effectuant un changement de variable dans l’intégrale et en invoquant la
périodicité de f, montrer que l’on ne change pas la valeur de l’intégrale en la
calculant sur n’importe quel intervalle de longueur 2π.
Montrer que l’application k.k2ainsi définie vérifie les axiomes d’homogénéité
et l’inégalité triangulaire. La séparation est-elle vérifiée ? Est-ce une norme sur
C0M2π?
Représenter graphiquement l’application f2π-périodique définie sur [π, π[par
f(x) =
sin xsi x[0, π[
0si x[π, 0[
et calculer kfk2.
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