Chapitre 10 : Séries de Fourier

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École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Séries de Fourier
Chapitre 10
Séries de Fourier
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 31 janvier 2011
Introduction
Présentation et objectifs
Dans ce chapitre on étudie une nouvelle forme particulière de séries de fonctions, utilisées pour l’étude des fonctions périodiques (pas nécessairement très régulières, souvent
la continuité n’est même pas exigée). Il s’agit d’abord de poser les bases de la théorie
que sont les séries trigonométriques, puis de voir sous quelles conditions et avec quelle
méthode une fonction périodique donnée peut être vue comme la somme d’une série trigonométrique. On y réinvestit à ce propos des résultats rencontrés au chapitre 6 concernant
les espaces préhilbertiens réels.
Les résultats présentés dans ce chapitre, dûs au mathématicien et physicien français
Joseph Fourier (1768-1830), sont très utilisés partout où des phénomènes périodiques
(systèmes oscillants, ondes. . .) sont en jeu, et notamment en traitement du signal, mais
aussi, par exemple, pour l’étude du problème de la chaleur sur un disque.
On commence dans ce cours par des rappels sur les fonctions périodiques et la construction de telles fonctions, sous forme d’abord de polynômes puis de séries trigonométriques.
Dans une seconde partie, on indique comment associer à une fonction périodique f donnée,
une telle série trigonométrique, appelée série de Fourier de f . Enfin, la troisième partie de
ce chapitre est consacrée à l’étude de la convergence cette série et aux résultats classiques
associés (théorèmes de Dirichlet et Parseval).
Prérequis:
Chapitres 6, 7, 8
Analyse et topologie (limites, continuité, dérivation, développements limités) (SUP)
Intégration (SUP)
Suites:
Analyse 1ère année (transformations intégrales, fonctions spéciales, EDP,. . .)
Thermodynamique, Electromagnétisme, Mécaniques classique, quantique et relativiste
Electronique
Traitement du signal
Selon le contexte, les fonctions considérées seront à valeurs réelles (le plus souvent) ou
complexes.
Un exemple d’application
1
Chapitre 10
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Exemple 1 (Problème de la chaleur)
On considère un disque homogène tel que représenté sur la figure 1. Le cercle bordant
ce disque est maintenu, par un dispositif extérieur, à une température constante (mais
pas nécessairement uniforme). La température T à l’intérieur du disque est une fonction
∂2
∂2
harmonique, c’est-à-dire que ∆T = 0 (où ∆ = ∂x
2 + ∂y 2 désigne le Laplacien).
Comment déterminer la température en tout point du disque ?
F(R,θ)=f(θ)
T(x,y)=F(r,θ)
y
r
θ
O
x
Figure 1 – Problème de la chaleur
Résumons le principe de la solution, celle-ci étant complètement rédigée dans le corrigé
du devoir maison Fi1A du 7 mai 2004 (cf. plate-forme Campus).
La modélisation classique de ce problème (que l’on appelle Problème de la chaleur
ou problème de Dirichlet) passe par les coordonnées polaires : la température en un
point de coordonnées polaires (r, θ) est notée F (r, θ) et la température sur le cercle est
f (θ) (f est alors une fonction 2π-périodique). On est alors conduit à chercher les fonctions
F 2π-périodiques selon la variable θ vérifiant les conditions suivantes :
(S)

2

∂ F
1 ∂F
1 ∂ 2F
(r cos θ, r sin θ) + 2 2 (r cos θ, r sin θ) = 0 (E)
r ∂r
r ∂θ
F (R, θ) = f (θ)
(r cos θ, r sin θ) +
2
∂r

∀θ ∈
R,
(l’équation (E) est l’équation aux dérivées partielles issue de l’expression du Laplacien en
coordonnées polaires et la seconde condition est la condition limite).
En cherchant une solution de (E) sous la forme F (r, θ) = A(θ) B(r), on est conduit
au système d’équations différentielles
(
A00 + λA = 0
r B + rB 0 − λB = 0.
2
00
où λ est une constante égale au carré d’un entier naturel : λ = n2 avec n ∈ N∗ (condition
issue de la 2π-périodicité de A).
À n ∈ N∗ fixé, les solutions de (E) obtenues sont donc du type
Fn (r, θ) = rn [αn cos(nθ) + βn sin(nθ)] avec αn , βn ∈ R.
2
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Séries de Fourier
Si n est «libre», les combinaisons linéaires de fonctions Fn sont encore solutions de
(E) et, plus généralement et sous réserve de convergence, les séries du type
F (r, θ) = α0 +
∞
X
rn [αn cos(nθ) + βn sin(nθ)]
n=1
sont encore solutions de (E).
Il ne reste plus qu’à déterminer les suites (αn ) et (βn ) telles que cette fonction vérifie
la condition limite
F (R, θ) = f (θ).
La fonction f , si elle possède un minimum de régularité (classe C 1 par morceaux et
continue), peut s’écrire
f (θ) =
∞
a0 X
+
[an cos(nθ) + bn sin(nθ)]
2
n=1
et il ne reste plus qu’à faire les identifications nécessaires pour trouver les αn et βn en
fonctions des suites an et bn .
Les questions suivantes se posent alors, auxquelles se chapitre apportera une réponse :
1. Quelle assurance a-t-on que la série définissant F (r, θ) soit effectivement convergente ? Peut-on dériver terme à terme pour vérifier (E) ?
2. Pourquoi et comment f peut-elle s’écrire sous cette forme ? Que sont réellement les
coefficients an et bn ? Cette série est-elle convergente ? À quelle condition ?
3. Peut-on réellement identifier les coefficients an , bn et ceux issus de la condition limite
exprimée à l’aide de αn et βn ?
On verra dans ce chapitre que l’écriture de f sous cette forme correspond au développement en série de Fourier de f , et que ceci est valable avec des hypothèses
relativement faibles sur f .
1
1.1
Fonctions périodiques
Espaces de fonctions périodiques
Rappels
1. On appelle période d’une fonction f tout réel p tel que
∀t ∈ R,
f (t + p) = f (t).
2. L’ensemble des périodes de f est un sous-groupe de R.
3. La fonction f est dite périodique si elle possède une période non nulle.
4. Si p > 0 est une période de f , f est dite p-périodique.
3
Chapitre 10
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♠ Déterminer les groupes de périodes des fonctions constantes et des fonctions
sin, cos, tan et cotan et partie fractionnaire (i.e. x 7→ x − bxc) où bxc est la
partie entière de x.
♠ Pour les fonctions à valeurs réelles, traduire ces propriétés en termes de représentation graphique de ces fonctions.
Dans toute la suite, on se limite aux fonctions 2π-périodiques.
♠ Montrer que cela ne restreint pas le problème en construisant une bijection
entre les fonctions p-périodiques (où p > 0 est fixé) et les fonctions 2π-périodiques
(changement de variable).
Proposition 1
Soit k ∈ N ∪ {∞}.
(1) Les fonctions 2π-périodiques de classe C k forment une algèbre commutative notée
k
C2π
.
(2) Les fonctions 2π-périodiques de classe C k par morceaux forment une algèbre commutative notée C k M2π .
Une fonction 2π-périodique est déterminée par ses valeurs sur un intervalle semiouvert de longueur 2π (du type [a, a + 2π[ ou ]a, a + 2π]).
♠ Représenter graphiquement sur quelques périodes la fonction 2π-périodique dé1
0
? Dans C 1 M2π ?
? Dans C2π
finie sur ] − π, π] par f (x) = x2 . Est-elle dans C2π
i
i
♠ Mêmes questions avec la fonction 2π-périodique définie sur − π2 , 3π
par g(x) =
2
|x|.
♠ Mêmes questions avec la fonction 2π-périodique définie sur ]0, 2π] par h(x) = x1 .
Que vaut h(0) ?
On a un résultat quant à la régularité des fonctions 2π-périodiques ainsi construites :
Proposition 2
Soient a ∈ R et g : [a, a + 2π] → R une fonction continue par morceaux telle que
g(a + 2π) = g(a). Il existe une unique fonction f ∈ C 0 M2π telle que f [a,a+2π] = g.
0
Si de plus g est continue, alors f ∈ C2π
. Si g est de classe C k par morceaux alors
k
f ∈ C M2π .
♠ En reprenant le premier exemple construit précédemment, montrer que l’on n’a
k
pas forcément f ∈ C2π
même si g est de classe C k , pour k > 1.
Définition 2
On appelle ensemble de Dirichlet, noté D2π l’ensemble des fonctions f continues
par morceaux et périodiques vérifiant la condition suivante, appelée condition de
Dirichlet :
i
1h +
f (t ) + f (t− ) .
∀t ∈ R, f (t) =
2
4
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Séries de Fourier
♠ Que signifient les notations f (t+ ) et f (t− ) ?
♠ Montrer que la condition de Dirichlet est vérifiée aux points de continuité de
f.
♠ Montrer que D2π est un sous-espace vectoriel de C 0 M2π .
♠ En « rectifiant » les points de discontinuité (qui, rappelons-le, sont en nombre
fini sur chaque intervalle compact), montrer que toute fonction f ∈ C 0 M2π
coïncide avec une (unique) fonction fe ∈ D2π sauf en des points isolés. Illustrer
ce phénomène graphiquement.
Rappel 1
Toute fonction f ∈ C 0 M2π est bornée.
1.2
Produit scalaire et semi-normes usuelles
On considère dans cette section des fonctions à valeurs réelles. Ces définitions peuvent
s’étendre aux fonctions à valeurs complexes, mais il est alors nécessaire de faire appel aux
produits scalaires hermitiens et à la théorie des espaces préhilbertiens complexes.
Définition 3
Le « produit scalaire » de f, g ∈ C 0 M2π est défini par
1 Z 2π
f (x)g(x) dx.
hf |gi =
2π 0
La semi-norme de la convergence en moyenne quadratique d’une fonction
f ∈ C 0 M2π est
q
kf k2 = hf |f i.
♠ Montrer que cette application h.|.i est bilinéaire symétrique et positive. Est-elle
définie positive ? Est-ce un produit scalaire sur C 0 M2π ? (Remarque : l’appellation « produit scalaire » est toutefois très répandue).
♠ En effectuant un changement de variable dans l’intégrale et en invoquant la
périodicité de f , montrer que l’on ne change pas la valeur de l’intégrale en la
calculant sur n’importe quel intervalle de longueur 2π.
♠ Montrer que l’application k.k2 ainsi définie vérifie les axiomes d’homogénéité
et l’inégalité triangulaire. La séparation est-elle vérifiée ? Est-ce une norme sur
C 0 M2π ?
♠ Représenter graphiquement l’application f 2π-périodique définie sur [−π, π[ par
f (x) =

sin x
0
si x ∈ [0, π[
si x ∈ [−π, 0[
et calculer kf k2 .
5
Chapitre 10
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Proposition 3
Les seules fonctions de C 0 M2π ayant une semi-norme nulle sont les fonctions ne prenant
qu’un nombre fini de valeurs non nulles sur une période. Ces fonctions sont parfois dites
négligeables.
Corollaire 4
0
et D2π munis de h.|.i sont des espaces préhilbertiens réels.
C2π
Définition 4
Pour une fonction f ∈ C 0 M2π , on définit
– sa norme de la convergence uniforme :
kf k∞ = sup |f (x)|,
x∈R
– sa semi-norme de la convergence en moyenne :
kf k1 =
1 Z 2π
|f (x)| dx.
2π 0
♠ Comme précédemment, montrer que k.k1 n’est pas une norme sur C 0 M2π et
caractériser les fonctions f telles que kf k1 = 0.
0
et sur D2π .
♠ Montrer que c’est une norme sur C2π
♠ Montrer que, pour toute fonction f ∈ C 0 M2π , on a
kf k1 6 kf k2 6 kf k∞ .
1.3
Polynômes trigonométriques
Pour tout n ∈ Z, on considère la fonction
en : R −−−→ C
t 7−−−→ eint
Proposition 5
La famille de fonctions (1, t 7→ cos nt, t 7→ sin nt)n∈N∗ est orthogonale. De plus,
√
2
k1k2 = 1
et
kt 7→ cos ntk2 = kt 7→ sin ntk2 =
.
2
♠ Démontrer cette proposition en calculant les normes et produits scalaires nécessaires, grâce aux formules de trigonométrie bien connues.
√
√
♠ En déduire que la famille (1, t 7→ 2 cos nt, t 7→ 2 sin nt)n∈N∗ est orthonormale.
6
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Séries de Fourier
Définition 5
Pour N ∈ N, on appelle polynôme trigonométrique de degré inférieur ou égal
à N toute combinaison linéaire de la famille (en )n∈[−N,N ] :
P =
N
X
cn e n
c’est-à-dire
∀t ∈ R,
n=−N
P (t) =
N
X
cn eint
n=−N
où les cn sont des nombres complexes, appelés coefficients exponentiels de P .
Proposition 6
Si P =
N
X
cn en est un polynôme trigonométrique de degré inférieur ou égal à N , il
n=−N
existe une unique famille de nombres complexes (a0 , a1 , . . . , aN , b1 , . . . , bN ) telle que
∀t ∈ R,
P (t) =
N
a0 X
+
(an cos nt + bn sin nt) .
2
n=1
Ces coefficients sont appelés coefficients trigonométriques de P . Ils vérifient en
outre
1
cn = (an − ibn )
2
∀n ∈ N∗ , 
1
c

=
(an + ibn )
−n
2
(
an = cn + c−n
∗
ou encore a0 = 2c0
∀n ∈ N ,
bn = i(cn − c−n ).
a0
c0 =
2




♠ Vérifier ces relations et démontrer l’unicité de cette famille grâce à la proposition 5.
♠ Montrer que t 7−→ cos2 t est un polynôme trigonométrique et déterminer ses
coefficients exponentiels et trigonométriques.
La proposition suivante exprime les coefficients en fonction du polynôme trigonométrique. Elle servira de base à une généralisation ultérieure.
Proposition 7 (Coefficients d’un polynôme trigonométrique)
N
X
Si P =
cn en est un polynôme trigonométrique de degré inférieur ou égal à N , on
n=−N
a
1 Z 2π
∀n ∈ {−N, . . . , N }, cn =
P (t)e−int dt.
2π 0
De même, ses coefficients trigonométriques sont donnés par les formules :
1 Z 2π
an =
P (t) cos nt dt (n > 0)
π 0
1 Z 2π
bn =
P (t) sin nt dt (n > 1).
π 0
7
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♠ Dans le cas où les coefficients trigonométriques sont réels, les exprimer comme
0
particulier.
produit scalaire de P avec un vecteur de C2π
Proposition 8
Un polynôme trigonométrique P =
N
X
cn en est à valeurs réelles (ou, plus simple-
n=−N
ment, « réel ») si et seulement si ses coefficients trigonométriques sont réels. Dans ce
cas, on a
∀n ∈ N, cn = c−n .
♠ En considérant le produit scalaire de P avec les fonctions de la famille de la
proposition 5, démontrer cette proposition.
Proposition 9
Si P =
N
X
cn en est un polynôme trigonométrique réel de coefficients trigonomé-
n=−N
triques a0 , a1 , . . . , aN , b1 , . . . , bN , on a
kP k22 =
N
X
|cn |2 =
n=−N
N
|a0 |2 1 X
(|an |2 + |bn |2 ).
+
4
2 n=1
Cette dernière proposition 9 est en fait également valable pour des polynômes trigonométriques non réels, à condition de définir correctement kP k dans ce cadre. Cela passe par
l’utilisation des espaces préhilbertiens complexes. Les coefficients |an | et |bn | n’étant alors
pas tous réels, il est important de conserver les barres de module dans cette situation.
♠ Calculer la norme du polynôme trigonométrique P : t 7−→ cos2 t.
♠ Donner une interprétation électrique de cette grandeur, en parlant notamment
de valeur efficace.
1.4
Séries trigonométriques
Définition 6
X
On appelle série trigonométrique toute série de fonctions
un où, pour tout
n>0
n ∈ N, un ∈ Vect{en , e−n }, c’est-à-dire :
∀t ∈ R,

u
0 (t)
∀n
a0
2
un (t) = cn eint + c−n e−int = an cos nt + bn sin nt
= c0 =
∈ N∗ ,
où (cn )n∈Z , (an )n∈N et (bn )n∈N∗ sont des familles de nombres complexes liées par les
relations de la proposition 6.
On peut remarquer que, avec ces notations, la somme partielle d’ordre N de cette
série trigonométrique est le polynôme trigonométrique (de degré inférieur ou égal à N )
8
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P =
N
X
Séries de Fourier
cn en . En ce sens, une série trigonométrique est une suite de polynômes trigono-
n=−N
métriques.
Comme pour les polynômes trigonométriques, la suite (cn )n∈Z est celle des coefficients
exponentiels de la série trigonométrique, et les suites (an )n∈N et (bn )n∈N∗ celles des
coefficients trigonométriques. La fonction un est parfois appelée nème harmonique
de la série.
Une série trigonométrique définit donc, lorsqu’elle converge simplement sur un domaine
D, une fonction 2π-périodique S : D → C. Si ses coefficients vérifient les conditions de la
proposition 8, alors S est à valeurs réelles.
♠ Montrer que, en cas de convergence sur un domaine D, la translation x 7→
x + 2π laisse D invariant et que S est 2π-périodique.
♠ Montrer que si la série trigonométrique converge uniformément sur [0, 2π], elle
0
.
converge uniformément sur R et que sa somme S appartient alors à C2π
Notation
Pour t ∈ R, on note
X
cn eint la série numérique c0 +
n
X
cn eint + c−n e−int .
n>1
+∞
X
En cas de convergence, sa somme est notée
cn eint . Par définition, on a alors
n=−∞
+∞
X
int
cn e
N
X
= lim
N →∞
n=−∞
cn eint .
n=−N
♠ Montrer que les polynômes trigonométriques sont des séries trigonométriques.
Donner un exemple de série trigonométrique réelle qui n’est pas un polynôme
trigonométrique.
♠ Expliciter et représenter les trois premières sommes partielles de la série trigonométrique dont les coefficients sont
(−1)n
.
n
La série semble-t-elle convergente ? Vers quelle fonction ? (cf. calculs MAPLE
en annexe A)
a0 = 0
et
∀n ∈ N∗ ,
an = 0
bn =
Théorème 10 (Critère de convergence normale)
Une série trigonométrique
S(t) =
X
n
cn eint =
a0 X
+
(an cos nt + bn sin nt)
2
n>1
est normalement convergente si et seulement si l’une (et donc l’autre) des séries numériques suivantes
X
X
|cn |
ou
(|an | + |bn |)
n
n>1
converge.
9
Chapitre 10
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♠ En utilisant l’inégalité triangulaire, montrer que les séries numériques
X
|cn |
et
n
X
(|an | + |bn |)
n>1
sont de même nature.
♠ Montrer que la norme uniforme de la fonction un : t 7→ cn eint + c−n e−int est
inférieure ou égale à |cn | + |c−n |. En considérant une valeur particulière de t
(bien choisie), montrer qu’il y a en fait égalité.
♠ Les séries trigonométriques suivantes sont-elles normalement
convergentes :
!
X (−1)n
X 1
(−1)n
sin nt ?
sin nt ? 10 −
cos nt +
2
n2
n
n>1
n>1 n
Comme on le voit sur ces exemples, il est fréquent que la condition de convergence
normale ne soit pas vérifiée. Citons cependant le résultat suivant, dont la démonstration
consiste en la vérification du critère de Cauchy uniforme à l’aide d’une transformation
d’Abel.
Théorème 11 (Une condition suffisante de convergence uniforme sur tout
compact)
Si (an )n>0 et (bn )n>1 sont deux suites de réels positifs décroissantes vers 0, alors les
séries trigonométriques
X
an cos nt
et
n>0
X
bn sin nt
n>1
convergent uniformément sur tout compact de ]0, 2π[ (et donc leur somme aussi).
X 1
1
♠ La série trigonométrique
cos nt + 2 sin nt est-elle normalement convern
n>1 n
gente ? Montrer que, pour tout k ∈ Z, cette série est uniformément convergente
sur tout intervalle [a, b] avec 2kπ < a < b < 2(k + 1)π.
2
Coefficients et sommes de Fourier
On considère une fonction f ∈ C 0 M2π (R, C).
2.1
Coefficients de Fourier
Définition 7
– On appelle coefficients de Fourier exponentiels de f les scalaires (cn (f ))n∈Z
définis par
1 Z 2π
f (t)e−int dt.
∀n ∈ Z, cn (f ) =
2π 0
– On appelle coefficients de Fourier trigonométriques de f les scalaires
10
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Séries de Fourier
(an (f ))n∈N et (bn (f ))n∈N∗ définis par
∀n ∈ N,
1 Z 2π
f (t) cos nt dt
π 0
1 Z 2π
bn (f ) =
f (t) sin nt dt
π 0
an (f ) =
∀n ∈ N∗ ,
– On appelle série de Fourier de f la série trigonométrique
S(f ) =
X
cn (f )en =
n
a0 X
+
(an (f ) cos nt + bn (f ) sin nt).
2
n>1
♠ En quoi cette dernière écriture est-elle un abus de notation ?
♠ Montrer que lorsque f est réelle, ses coefficients de Fourier trigonométriques
sont réels et les exprimer comme produit scalaire de f avec des fonctions bien
choisies.
♠ Montrer que les relations entre an (f ), bn (f ) et cn (f ) vues à la proposition 6
restent valables.
♠ Calculer les coefficients de Fourier de celles des fonctions de la section 1.1 qui
sont continues par morceaux.
2.2
Propriétés
Proposition 12
1) On a, pour tout n ∈ Z, cn (f ) = c−n (f ). Si f est réelle, on a donc cn (f ) = c−n (f ).
2) Si g est la fonction définie par g(t) = f (−t), alors c−n (g) = cn (f ). En particulier :
a) si f est paire, c−n (f ) = cn (f ),
b) si f est impaire, c−n (f ) = −cn (f ).
La proposition suivante est la version « trigonométrique » de la proposition 12 et est
très utile en pratique.
Proposition 13
1) Si f est paire, on a
bn (f ) = 0
et
an (f ) =
2Zπ
f (t) cos nt dt.
π 0
et
bn (f ) =
2Zπ
f (t) sin nt dt.
π 0
2) Si f est impaire, on a
an (f ) = 0
11
Chapitre 10
MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
♠ Démontrer ces deux propositions.
Définition 8 (Pseudo-dérivée d’une fonction C 1 par morceaux)
Soit f une fonction de classe C 1 sur un intervalle I = [a, b]. On appelle pseudodérivée de f toute fonction g définie sur I telle que, si a = a0 < a1 < · · · < an = b
est une subdivision de I adaptée à f , on a
∀i ∈ {0, . . . , n − 1},
g
0
]ai ,ai+1 [
= f
]ai ,ai+1 [
.
Si f ∈ C 1 M2π , on définit ses pseudo-dérivées en prolongeant par périodicité ses pseudodérivées sur une période.
♠ Déterminer les pseudo-dérivés de celles des fonctions étudiées à la section 1.1
qui sont effectivement de classe C 1 par morceaux.
♠ Une pseudo-dérivée est-elle unique ?
Proposition 14 (Coefficients de Fourier d’une pseudo-dérivée)
Si f est une fonction continue, 2π-périodique et C 1 par morceaux, et si Df est une
pseudo-dérivée de f , alors
∀n ∈ Z,
cn (Df ) = i n cn (f ).
♠ Représenter graphiquement une fonction vérifiant ces hypothèses.
♠ Démontrer cette proposition en découpant l’intégrale définissant cn (Df ) par la
relation de Chasles selon une subdivision adaptée et en utilisant des intégrations
par parties sur chaque intervalle de la subdivision.
Théorème 15
Si une série trigonométrique est uniformément convergente sur R, elle est sa propre
série de Fourier.
X
Autrement dit, si
cn en converge uniformément sur R et si l’on note S sa somme,
on a
n
∀n ∈ Z,
2.3
cn (S) = cn .
Inégalité de Bessel
Proposition 16
0
Si f ∈ C2π
est à valeurs réelles, pour N ∈ N, la somme partielle d’ordre N de la série
de Fourier de f (parfois appelée N ème somme de Fourier de f ) est la projection
orthogonale de f sur le sous-espace vectoriel des polynômes trigonométriques de degré
inférieur ou égal à N .
Les théorèmes sur les espaces préhilbertiens s’appliquent, et le théorème suivant découle du théorème de projection sur un espace de dimension finie.
12
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Séries de Fourier
Théorème 17 (Inégalité de Bessel)
Pour tout N ∈ N,
N
X
|cn (f )|2 6 kf k2 .
n=−N
On utilise plus souvent la conséquence suivante de ce théorème
Corollaire 18
Les séries numériques
X
|cn (f )|2
|a0 |2 1 X +
|an (f )|2 + |bn (f )|2
4
2 n>1
et
n
sont convergentes et de même somme inférieure ou égale à kf k2 .
3
Convergence
3.1
Théorème de Dirichlet
Le théorème suivant est le plus important de ce chapitre et répond aux questions : « la
série de Fourier d’une fonction est-elle convergente ? Quelle est sa somme ? »
Théorème 19 (Théoreme de Dirichlet)
Si f est une fonction 2π-périodique de classe C 1 par morceaux, alors sa série de Fourier
converge (simplement) vers la fonction
R −−−→ C
1 −
t 7−−−→
f (t ) + f (t+ )
2
Corollaire 20
Si f est une fonction de D2π qui est de plus C 1 par morceaux, alors la série de Fourier
de f converge simplement vers f :
∀t ∈ R,
f (t) =
+∞
X
cn (f )eint =
n=−∞
∞
a0 (f ) X
+
[an (f ) cos nt + bn (f ) sin nt] .
2
n=1
C’est notamment le cas si f est continue et C 1 par morceaux.
♠ Vérifier que le théorème de Dirichlet entraîne le corollaire 20.
♠ Représenter graphiquement et décomposer en série de Fourier la fonction f
2π-périodique définie sur [−π, π[ par
f (x) =


0

1


1
2
si x ∈] − π, 0[
si x ∈]0, π[
si x = 0 ou x = π
13
Chapitre 10
MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
(en considérant g = f − 12 , montrer que tous les coefficients an (f ) sont nuls).
Qu’obtient-on pour t = π2 ? (cf. calculs MAPLE en annexe B.)
♠ Même question pour la fonction 2π-périodique impaire définie par f (t) = cos t
pour t ∈]0, π[.
3.2
Convergence normale
La plupart des théorèmes sur les séries de fonctions (interversions de limites, intégrales,
etc.) exigent la convergence uniforme de la série. On donne ici une condition très facile à
vérifier pour cette question.
Lemme 21
X
Si f est 2π-périodique, continue et C 1 par morceaux, alors la série numérique
|cn (f )|
n
converge.
Théorème 22
Si f est continue, 2π-périodique et C 1 par morceaux, alors sa série de Fourier est
normalement convergente (et sa somme est f ).
3.3
Egalité de Parseval
Ce théorème est une « version infinie » du théorème de Pythagore...
Théorème 23 (Égalité de Parseval-Bessel)
Si f ∈ C 0 M2π (i.e. f est continue par morceaux et 2π-périodique), alors les séries
numériques
X
X
|cn |2
et
|an |2 + |bn |2
n
n>1
convergent, et on a
+∞
X
X
1 Z 2π
|a0 |2 1 +∞
|f (t)|2 dt =
|cn (f )|2 =
+
|an |2 + |bn |2 .
4
2 n=1
n=−∞
|2π 0 {z
}
=kf k22 si f est réelle
♠ En exploitant la décomposition en série de Fourier de la fonction f 2π-périodique
définie par ∀t ∈] − π, π], f (t) = t2 pour t = 0 et t = π, calculer les sommes de
séries numériques suivantes :
∞
X
(−1)n
n2
n=1
et
ζ(2) =
∞
X
1
.
2
n=1 n
Utiliser alors l’égalité de Parseval-Bessel pour calculer ζ(4).
4
Exercices
Les exercices 1 (1 à 3) sont à préparer.
14
École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Séries de Fourier
Exercice 1 : Calculs de séries numériques
Déterminer les développements en série de Fourier des fonctions 2π périodiques suivantes, en précisant la somme de la série de Fourier.
1. f paire, définie sur [0, π] par f (x) = x. En déduire les valeurs de
∞
X
∞
X
1
,
2
n=0 (2n + 1)
∞
X
1
,
2
n=1 n
1
,
4
n=0 (2n + 1)
et
∞
X
1
.
4
n=1 n
2. f définie sur ] − π, π] par f (x) = sin x2 . En déduire les valeurs de
∞
X
(−1)n
n=0
2n + 1
2
16n + 16n + 3
∞
X
n2
.
2
2
n=1 (4n − 1)
et
3. f définie sur ] − π, π] par f (x) = ex . En déduire la valeur de
∞
X
n=0
n2
1
.
+1
4. f impaire définie sur [0, π] par f (x) = x(π − x). En déduire les valeurs de
∞
X
∞
X
(−1)n
,
3
n=0 (2n + 1)
1
6
n=0 (2n + 1)
∞
X
1
.
6
n=1 n
et
5. f (x) = max{0, sin x}. En déduire les valeurs de
∞
X
∞
X
(−1)n
2
n=1 4n − 1
1
,
2
n=1 4n − 1
et
∞
X
n=1
(4n2
1
.
− 1)2
Exercice 2
Soit a ∈ R∗+ . Montrer que la fonction
f : t 7−−−→
1
ch a + cos t
est bien définie et 2π-périodique. On se propose de développer f en série de Fourier.
1. Soit g : C → C la fonction définie par
∀z ∈ C,
g(z) =
2z
.
(z + ea )(z + e−a )
Montrer qu’il existe des suites (αn )n∈N et (βn )n∈N∗ telles que pour tout z ∈ C tel que pour
e−a < |z| < ea on ait
∞
∞
X
X
βn
.
g(z) =
αn z n +
n
n=0
n=1 z
2. En posant z = eit , en déduire le développement de f en série de Fourier.
15
Chapitre 10
MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Exercice 3
Soit f la fonction 2π-périodique définie sur ] − π, π] par
f (t) = sh t.
1. Calculer la série de Fourier de f .
2. Montrer que cette série est convergente sur R et donner sa somme fe. La convergence
de cette série est-elle uniforme ?
X
2p + 1
3. Montrer que la série
converge et calculer sa somme.
(−1)p 2
4p + 4p + 2
n>0
Exercice 4 : Développements Eulériens
Soit α ∈ R.
1. Déterminer le développement en série de Fourier de la fonction f 2π-périodique définie
sur ] − π, π] par
f (x) = cos(αx).
2. En déduire que
∀x ∈ R \ πZ,
3. En déduire que
∀x ∈ R \ πZ,
cotan x =
∞
1 X
2x
.
+
2
x n=1 x − n2 π 2
∞
1
1 X
(−1)n 2x
= +
.
sin x
x n=1 x2 − n2 π 2
4. Montrer que la fonction
S : x 7−−−→


cotan x −
1
x

0
si x ∈]0, π[
si x = 0
est continue et que, pour tout θ ∈ [0, π[,
∞
X
"
#
θ2
ln(sin θ) = ln θ +
ln 1 − 2 2 .
nπ
n=1
Exercice 5
1. Montrer que la série de fonctions
sin3 nx
n!
n>1
X
converge et que sa somme S est une fonction de classe C 1 . Est-elle de classe C ∞ ?
2. Donner le développement de S en série de Fourier et en déduire l’expression de S(x).
16
École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Séries de Fourier
Exercice 6
Soient α ∈ R et f la fonction 2π-périodique définie sur [−π, π[ par f (x) = eαx .
1. Déterminer le développement de f en série de Fourier.
2. En déduire les développements en série de Fourier des fonctions 2π-périodiques g et h
définies sur [−π, π[ par
g(x) = sh(αx)
eth(x) = ch(αx).
3. En déduire les sommes des séries numériques
∞
X
∞
X
(−1)n−1
2
2
n=1 n + α
1
,
2
2
n=1 n + α
∞
X
et
n=1
(n2
1
.
+ α2 )2
Exercice 7
1. Montrer que pour tout x ∈ R et tout t ∈] − 1, 1[, on a
Arctan
∞ n
X
t
t sin x
sin nx.
=
1 − t cos x
n=1 n
En déduire, pour t ∈] − 1, 1[ et n ∈ N∗ , la valeur de
In =
Z π
0
t sin x
Arctan
sin nx dx.
1 − t cos x
sin nx
converge. On note f sa somme. Déterminer
n
n>1
l’expression de f sur [0, 2π[ et donner le développement de f en série de Fourier par calcul
direct.
X sin nx
3. Justifier l’intégrabilité terme à terme de la série
et en déduire les valeurs de
n
n>1
2. Montrer que, pour tout x ∈ R,
∞
X
cos nx
,
n2
n=1
X
∞
X
sin nx
n3
n=1
et
∞
X
cos nx
.
n4
n=1
Annexes
A
Exemple de série trigonométrique
17
Chapitre 10
MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
La fonction suivante permet de calculer la somme partielle d'ordre N de la série trigonométrique impaire (les
n
K1
coefficients an sont nuls) dont le coefficient bn vaut
:
n
k
O S d x, N /sum
K1 $sin k$x
, k = 1 ..N ;
k
N
S := x, N /
>
k= 1
K1
k
sin k x
k
(1)
O a d 2$Pi : b dKa :
O plot S x, 1 , x = a ..b ;
1,0
0,5
K6
K4
0
K2
2
4
6
4
6
4
6
x
K0,5
K1,0
O plot S x, 2 , x = a ..b ;
1,0
0,5
K6
K4
K2
0
2
x
K0,5
K1,0
O plot S x, 3 , x = a ..b ;
1,0
0,5
K6
K4
K2
0
K0,5
K1,0
18
2
x
École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Séries de Fourier
O plot S x, 10 , x = a ..b ;
1,5
1,0
0,5
K6
K4
K2
0
K0,5
2
4
6
4
6
x
K1,0
K1,5
O plot S x, 100 , x = a ..b ;
1,5
1,0
0,5
K6
K4
K2
0
K0,5
2
x
K1,0
K1,5
Les deux lignes suivantes sont à exécuter pour obtenir respectivement une animation montrant la convergence et
une une représentation de la somme de la série, qu'on peut raisonnablement conjecturer.
O with plots : animate plot, S x, N , x = a ..b, numpoints = 200 , N = 1 ..200 ;
x
x
1
O plot Pi$ K Kfloor K
K
, x = a ..b, discont = true ;
Pi
Pi
2
19
Chapitre 10
B
MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Sommes de Fourier d’une fonction de type créneau
O S d x, N /
1
2
sin 2$p C1 $x
C
$sum
, p = 0 ..N ;
2
Pi
2$p C1
N
> sin
2
S := x, N /
1
C
2
p=0
2 p C1 x
2 p C1
(1)
π
O a d 2$Pi : b dKa :
O plot S x, 1 , x = a ..b ;
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
K6
K4
K2
0
2
4
6
4
6
4
6
x
O plot S x, 2 , x = a ..b, numpoints = 100 ;
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
K6
K4
K2
0
2
x
O plot S x, N $N = 1 ..10 , x = a ..b, numpoints = 100 ;
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
K6
K4
K2
0
2
x
La commande suivante est à exécuter pour obtenir une animation illustrant la convergence de cette série de Fourier.
O with plots : animate plot, S x, N , x = a ..b, numpoints = 500 , N = 1 ..50, frames = 50 ;
O
20
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