GUET-APENS Dominique de Villepin l’a annoncé : on pourrait voir qualifier de nouveaux délits. En particulier celui de « guet-apens », qui prévoirait de sanctionner de façon spécifique ceux qui sont convaincus d’en avoir tendu. Alors restons, puisqu’on s’occupe de langue, dans l’ordre symbolique : la chose est laide, mais le mot ne manque pas de charme. Ni d’histoire d’ailleurs, ni d’ancienneté. On le trouve dès le quatorzième siècle, avec un sens assez proche de celui qu’on lui donne aujourd’hui : un dispositif prévu et organisé pour attirer quelqu’un qu’on attaquera quand il sera sans défense ou en tout cas pris par surprise dans une position vulnérable. Et bien souvent ce genre de guet-apens est destiné à piéger les forces de l’ordre autant que des victimes ordinaires. On se souvient par exemple qu’au Moyen-Âge, à l’époque de François Villon notamment, les mauvais garçons avaient l’habitude de « rosser le guet », c’est-à-dire d’attendre à des coins de rues improbables les archers, pour leur faire leur petite affaire. Et pourquoi est-ce donc le guet qu’on rossait ? Parce que c’est comme ça qu’on appelait les forces de l’ordre, qui guettaient dans les rues, faisaient des rondes pour assurer comme elles le pouvaient, la sécurité des rares badauds. Et quand on sait cela, tout naturellement, on va imaginer que guet-apens vient de ce guet qu’on rossait. Et bien pas du tout ! Cela viendrait d’une expression d’ancien français : « agais apensés », c’est-à-dire agissement auquel on a pensé. Ce qui en fait un synonyme d’« acte prémédité ». La langue française prévoit presque toujours le même verbe avec ce mot de « guet-apens » : on tend un guet-apens, comme on tend un piège. Pourquoi cette image ? Parce qu’au départ, on se souvient des mots de la chasse ou de la pêche : on tend un filet, de même que l’araignée tend sa toile, on déploie une nasse dans laquelle on renfermera sa proie. Maintenant, il existe des pièges à animaux qu’on tend bien plus encore, à base de ressorts tendus qui se referment sur la bête qui s’y laisse prendre et ne peut plus s’enfuir. Mais l’image est belle car on pense en même temps à ce qu’on tend, à ce qu’on fait miroiter pour provoquer celui qu’on veut perdre, comme la muleta, le chiffon rouge qu’on agite devant le taureau pour le conduire où le mènera sa folie. Ce guet-apens a quelques synonymes : le « traquenard » par exemple, mot étonnant qui désigne de façon plus vague une machination dirigée contre quelqu’un. Pourquoi étonnant ? Parce qu’à l’origine, son sens est totalement différent. Il désigne d’abord le pas inégal d’un cheval, peut-être un peu boiteux. Et l’adjectif s’est répandu pour désigner le diable, celui qui ne marche pas droit. Ce n’est qu’après qu’on a utilisé le mot à propos d’un piège pour animaux, et que de là il a fini par signifier guet-apens. Enfin, on a « embuscade », un mot parfois plus militaire, qui intègre bien le fait que les assaillants se sont cachés pour attendre leurs victimes (on se cache dans un bosquet, dans un bois) mais garde quand même un sens moins perfide que le traquenard ou le guet-apens : l’embuscade, d’une certaine façon, c’est de bonne guerre.