aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particuliè-
rement exposé, la responsabilité du service public est engagée si
l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rap-
port avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible
de cet état, et présentant un caractère d’une extrême gravité”.
La première chambre civile de la Cour suprême a cassé le 8 o c t o b r e
2000 un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux de décembre 1998
qui avait condamné un praticien libéral à réparer un aléa théra-
peutique – reconnu par le fait qu’aucune faute n’avait pu être
mise à la charge du praticien concerné. Cet arrêt précisait que
l’aléa ne rentrait pas dans le champ d’application de la responsa-
bilité contractuelle du médecin, et qu’il était établi que le dom-
mage subi par le patient relevait non pas d’une faute mais d’un aléa.
La conclusion de cet arrêt était : “attendu qu’en statuant ainsi alors
que (la Cour) avait constaté la survenance, en dehors de toute
faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médi-
cal et qui ne pouvait être maîtrisé (définition de l’aléa), la cour
(d’appel), en condamnant ainsi le médecin à réparer le préjudice)
a violé les textes sus-visés,… par ces motifs, (la Cour de cassa-
tion) casse et annule etc.”. Casser un tel arrêt revient donc ici de
la part de la Cour de cassation à rétablir l’exclusive primauté de
l’exigence de la faute “prouvée” et non seulement “supposée”
ou... “par défaut”, comme étant la condition sine qua non de la
mise en jeu de la responsabilité médicale et de la réparation.
L’aléa thérapeutique, exempt par définition de faute médicale, va
voir son indemnisation, grâce à la loi du 4 mars 2002, se mettre
en place dans des dispositions qui sont détaillées ci-dessous.
L’ARRÊT PERRUCHE ET LA LOI DU 4 MARS 2002
Dans son arrêt du 17 novembre 2000, la Cour de cassation recon-
naît à Nicolas Perruche le droit d’être indemnisé pour le préju-
d i c e d’être né handicapé, la faute relevant d’un manquement du
m é d e cin, fautif en matière civile. Une erreur d’évaluation d’un
r é s u l t a t de sérologie de rubéole chez Madame P. ne permet pas
de l’avertir valablement du développement de la maladie chez
elle alors qu’elle est enceinte, et, de fait, du risque de rubéole
congénitale pour l’enfant qu’elle porte. Madame P. reprochera
de n’avoir pas été informée de cette situation et de ne pas avoir
eu la possibilité de recourir à une interruption thérapeutique de
grossesse. L’instance engagée devant le TGI puis la cour d’appel
au nom de l’enfant verra son épilogue le 17 novembre 2000,
la Cour de cassation reconnaissant à Nicolas Perruche, né lour-
dement handicapé, “l’existence d’un préjudice par le fait d’être
né”, alors qu’une ITG pratiquée par sa mère lui aurait... évité (!)
le préjudice de cette vie handicapée. Lors de sa publication, cet
arrêt Perruche avait suscité un véritable tollé dans le monde
médical. Le législateur s’est senti tenu de légiférer dans ce
domaine. Cette disposition judiciaire est maintenant contrée par
l’article premier de la loi du 4 mars 2002, dite… loi “anti-Per-
ruche” : “Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de
sa naissance”.
La loi du 4 mars 2002, en outre :
✓Réaffirme la nécessité d’une faute pour mettre en jeu la respon-
sabilité professionnelle du médecin.
✓Rappelle la présomption de responsabilité en matière d’infec-
tion nosocomiale sauf “preuve d’une cause étrangère”, propul-
sant une nouvelle fois sur le devant de la scène la notion d’“obli-
gation de sécurité de résultat”, ces dispositions étant reprises
et précisées dans la loi du 30 décembre 2002.
✓Rappelle l’impérative nécessité d’une assurance professionnelle
en responsabilité souscrite par le médecin, et adaptée à son mode
d’exercice.
✓Permet l’indemnisation de l’aléa thérapeutique dont la définition
est donnée plus haut, et pour lequel le juge administratif avait seul
admis la possibilité (CE, 30/07/1997, Aff KRESS, IPP > 70 %).
Cette possibilité est désormais offerte au titre de la solidarité
nationale, le fonds d’indemnisation ainsi créé étant financé par
l’assurance maladie. Cette disposition ne pourra s’appliquer qu’en
cas de “conséquences d’une certaine gravité”, dont les modalités
seront définies par décret.
✓Fixe à dix ans la prescription antérieurement trentenaire en
matière civile, le délai débutant à la consolidation du dommage.
✓Crée la Commission de conciliation et d’indemnisation, prévue
pour émettre un avis sur le principe et le montant d’une indemni-
sation, et qui peut recourir à un expert, le recours à un juge n’étant
prévu que pour contester l’avis initialement donné, et constituant
par ailleurs un espace de conciliation réunissant des représentants
de divers horizons, professionnels de la santé, juristes, usagers de
la santé, membres de l’ONIAM (cf. infra).
Cette loi du 4 mars 2002 prévoit, en outre, de nombreuses autres dis-
positions, qui concernent la question du secret médical, de l ’ a c c è s
au dossier, de la discrimination sociale, de dignité humaine, de l’infor-
mation, du consentement, et globalement des droits du malade.
LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 2002 EN MATIÈRE CIVILE
Toute récente adaptation de la notion de responsabilité médicale,
ce texte est l’occasion de quelques mises au point ou modifications :
✓Distinction entre les divers degrés de gravité des infections
nosocomiales, les plus sévères ouvrant droit à réparation au titre
de la solidarité nationale pour les dommages résultant d’infections
ayant généré des incapacités permanentes supérieures à 25 %
(3 % des cas) ou un décès, les autres étant prises en charge par
les assureurs. L’ONIAM (Office national d’indemnisation des
accidents médicaux) garde toutefois la faculté d’un recours à
l’encontre de l’auteur si le dommage relève “d’un manquement
caractérisé aux obligations posées par la réglementation en
vigueur en matière de lutte contre les infections nosocomiales”.
✓Indemnisation par l’ONIAM des victimes d’actes relevant de
l’intervention d’un professionnel ou d’un établissement de soins
hors de son champ d’activité (actes réalisés en situations excep-
tionnelles, antérieurement non pris en charge par l’assureur).
✓Adaptation des contrats de responsabilité civile, avec une
extension dans le temps de la prise en charge de la garantie.
Que de bouleversements depuis 1936 et depuis la qualification
contractuelle de la relation entre le médecin et son patient, cet
arrêt Mercier venant lui-même révolutionner le principe même
de la responsabilité médicale, en en fixant les bornes par le simple
fait de sa définition contractuelle ! L’obligation de moyens doit
rester le grand cadre de raisonnement et d’évaluation de la respon-
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La Lettre du Pneumologue - Volume VII - n
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3 - mai-juin 2004