La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
44
rité, se situant en fait à mi-chemin entre l’obligation de moyens
et l’obligation de résultat. Toutes les précautions doivent être
prises pour qu’il n’y ait pas d’infection (obligation de moyens),
et l’absence de preuve d’une attention particulière pour éviter
la contamination constitue finalement un manquement à une
obligation de résultat (d’asepsie)...
Cette décision de 1996 a vu l’apparition des CLIN (comités
de lutte contre l’infection nosocomiale) au sein des établisse-
ments de soins, publics ou privés, destinés à organiser la lutte
anti-infectieuse, tant bactérienne que virale, dans les divers
lieux de l’établissement, et assurer également l’éducation du
personnel de soins, médical et paramédical. Elle a bouleversé
l’approche du risque infectieux nosocomial.
L’OBLIGATION D’INFORMATION
Par l’arrêt Hedreul du 25 février 1997, la Cour de cassation
remet en question le sens de la charge de la preuve de l’infor-
mation. “Le médecin est tenu d’une obligation d’information
à l’égard de son patient, avant une intervention chirurgicale
notamment, devant être en mesure de rapporter la preuve de
la bonne exécution de cette obligation”. Le patient, victime
d’une perforation colique secondaire à une polypectomie, avait
poursuivi son médecin non pour erreur technique ou incapa-
cité professionnelle, mais pour le fait qu’il avait estimé ne pas
avoir été prévenu qu’il courait un tel risque. Peu après la publi-
cation de cet arrêt, il était considéré que “si cette décision
devait être suivie ultérieurement, elle poserait le problème de
la preuve à apporter au cas où une instance judiciaire se pose-
rait, et créerait inéluctablement un climat de suspicion et de
défiance entre le médecin et son patient”. Six ans après, nous
savons tous à quoi nous en tenir sur ce sujet, et après avoir pris
connaissance des nombreuses recommandations émanant de
nos sociétés savantes, nous récoltons la preuve de cette infor-
mation dès que le geste que nous envisageons fait courir un
certain degré de risque au patient, et de fait... à nous-mêmes !
On peut constater une alternance régulière des prises de posi-
tion dans ce domaine depuis 1815 ; la situation créée par cet
arrêt Hedreul constitue, certes en apparence, un simple retour
à une situation antérieure, mais, dans un contexte incontes-
table de “judiciarisation” dans l’esprit de la population et par
voie de conséquences, un impératif accru de précautions de la
part du praticien.
La Cour de cassation précise en octobre 1998 que “hormis les
cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être
informé, (le médecin) n’est pas dispensé de cette obligation
par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’excep-
tionnellement”. Toutefois, la Cour de cassation précise éga-
lement (14 mai 1997) “qu’un médecin n’est pas tenu de réus-
sir à convaincre son patient des dangers de l’acte médical
qu’il demande”.
La preuve de cette information sera au mieux écrite, le témoi-
gnage d’un tiers pouvant pour de multiples raisons être consi-
déré comme non recevable. Il ne s’agit pas de s’exonérer de
toute responsabilité relative à l’acte concerné, mais de pou-
voir prouver que l’information sur les risques encourus a été
valablement donnée au patient.
Reconnaissance d’information par le patient, courrier adressé
au patient, éventuellement en recommandé avec AR dans cer-
tains cas très précis, courrier au confrère venant compléter un
coup de téléphone, apparaissent comme des solutions rece-
vables à adapter à chaque situation.
OBLIGATION DE MOYENS,
OBLIGATION DE RÉSULTAT
●Une obligation de moyens impose d’utiliser tous les moyens
dont on dispose pour tenter de parvenir à un résultat satisfai-
sant, diagnostique ou thérapeutique.
●Une obligation de résultat fait courir le risque de l’enga-
gement de la responsabilité dès lors que le résultat n’est pas
atteint.
●Une obligation de sécurité de résultat concerne les maté-
riels utilisés pour un acte d’investigation ou de soins (Cass,
1re civ, 09-11-1999) et fait courir le risque de l’engagement de
la responsabilité, au cas où un dommage est intervenu alors
que le contrat consistait à assurer la sécurité de son patient,
cette sécurité ayant de fait été mise en défaut.
L’obligation pour le médecin est évidemment une obligation
de moyens et non de résultat, sauf cas particuliers. Ce point
est sans ambiguïté dans l’esprit de la Cour de cassation. Tou-
tefois, il faut rappeler que dans le domaine médical, l’obliga-
tion de sécurité n’existe que par le fait des choses utilisées, et
ne s’applique en aucune manière aux actes accomplis, la Cour
de cassation voulant fondamentalement conserver à la pratique
médicale le principe de l’obligation de moyens.
La cour d’appel de Paris, en janvier 1999, a considéré qu’à
l’obligation de moyens qui s’applique de façon générale en
matière de responsabilité contractuelle entre le patient et son
médecin, peut se voir substituer une obligation de “sécurité
résultat”, le praticien ayant une obligation de sécurité à l’égard
de son patient. Les juges de cette cour ont estimé que lors-
qu’un dommage est causé au patient et que ce dommage est
sans rapport avec l’état antérieur de ce dernier, non plus
qu’avec l’évolution prévisible de cet état, le praticien est tenu
de réparer le dommage, même en l’absence de faute, au nom
de cette obligation de “sécurité-résultat”.
Le concept de “faute virtuelle” est abordé par un arrêt de la
Cour de cassation du 23 mai 2000, qui estime que lorsque le
traitement ou l’intervention provoquent un résultat domma-
geable qui n’était pas relié à ce traitement ou à cette inter-
vention, le seul constat de ce résultat dommageable suffit à
établir la faute (putative...) du praticien, sans que la démons-
tration de cette faute par la victime soit nécessaire. Le régime
de la preuve de la faute se trouve assoupli au bénéfice du
patient. Cette notion de faute virtuelle se calque sur la notion
VIE PROFESSIONNELLE