Master Management de la Technologie et de l’Innovation (année 2011) Introduction au droit de la concurrence 6 octobre 2011 Michel Debroux, Hogan Lovells ([email protected]) Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles © Hogan & Hartson L.L.P. All rights reserved. INTRODUCTION GENERALE (1) Un droit mondialisé, fortement influencé par l’analyse économique • Le droit de la concurrence est indissociable de la politique et de l’économie • Le droit de la concurrence est le produit d’un modèle économique et social, l’économie libérale de marché • Le droit de la concurrence est au carrefour de plusieurs disciplines: – L’économie – Le droit administratif – Le droit pénal – Le droit civil 2 INTRODUCTION GENERALE (2) • Un droit hybride (sources multiple, cf. infra, slides 12-14) • Un droit mondialisé : Les Etats membres de l’EEE Les Etats membres de l’ICN 3 INTRODUCTION GENERALE (3) Les principaux aspects du droit de la concurrence • Les abus de position dominante • Les ententes anti-concurrentielles • Le contrôle des concentrations (fusion, cession, JV, etc.) • Les aides d’Etat (spécificité communautaire) – Une quasi identité de fond entre le droit français et le droit communautaire, quelques différences de procédure – Au-delà, un air de parenté prononcé entre la plupart des droits de la concurrence dans le monde, avec des nuances toutefois (exemple : l’abus de position dominante) 4 1. Les ententes : principales règles de fond Qu’est-ce qu’une entente anticoncurrentielle ? Un cartel ? 5 INTRODUCTION Les ententes anticoncurrentielles : enjeux et risques • Peu ou pas d’incertitudes sur le fond : consensus très large sur la définition et les sanctions des ententes anticoncurrentielles et très faible taux de réformation des décisions des autorités en appel • Une répression toujours plus sévère pour les pratiques les plus graves (cartels) • Des risques nombreux et variés (amende, responsabilité de groupe, atteinte à l’image, dommages et intérêts, voire risques pénaux) • Rôle majeur des politiques de « clémence » comme outil de détection des cartels • Théorie du « battement de l’aile du papillon » : une interaction très forte entre les autorités de concurrence au plan mondial • Emergence de modes non-juridictionnels de traitement des dossiers de droit de la concurrence (engagements, « transactions », etc.) 6 Les ententes (1) Qu’est-ce qu’une entente anticoncurrentielle ? Quasi-identité des définitions et mécanismes FR et UE : – le principe : l'interdiction (art. L.420-1 (FR) et art. 101 § 1 (UE)) – la sanction : la nullité de plein droit (art. L.420-3 (FR) et art. 101 § 2 (UE)) – l'exception : le progrès économique (art. L.420-4 (FR) et art. 101 § 3 (UE)) Les textes : Art. L.420-1 C. com (FR) : Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : – 1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; – 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; – 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; – 4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. 7 Les ententes (2) Qu’est-ce qu’une entente anticoncurrentielle ? Les textes : Art. 101 TFUE : Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à: a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement, d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. 8 Les ententes (3) Qu’est-ce qu’une entente anticoncurrentielle ? Identité des définitions FR et UE Peuvent être considérés comme anticoncurrentiels : – Tous types d’accord (écrits, verbaux, tacites, informels, etc.) – Entre entreprises indépendantes (pas d’accords anticoncurrentiels intragroupes, sauf cas –rares- d’autonomie commerciale avérée) – Ayant un objet ou une potentialité d’effet anticoncurrentiel – Horizontaux ou verticaux (distribution) • Mais les ententes verticales (« restrictions verticales ») sont a priori regardées avec davantage de bienveillance que les ententes verticales, sauf les interdiction des ventes passives et fixation du prix de revente 9 Les ententes (4) Qu’est-ce qu’un « cartel » ? Terme retenu dans la pratique pour qualifier les accords anticoncurrentiels les plus graves : – Accord horizontal et secret – Visant à se répartir les marchés ou les clients, à se concerter sur les prix, à boycotter un fournisseur ou un nouvel entrant, etc. – Souvent organisé de façon plus ou moins formelle (réunions régulières, échanges d’informations, mécanismes de rétorsion en cas de nonrespect, etc.) – Parfois avec l’aide d’un tiers, qui peut être sanctionné même s’il n’est pas lui-même un concurrent (ex : AC Treuhand dans l’affaire Peroxydes Organiques) – Les cartels ne peuvent JAMAIS être justifiés et sont TOUJOURS réprimés avec une extrême sévérité 10 Les ententes (5) Y a-t-il des actes systématiquement illégaux (règle « per se » v. « rule of reason » ?) Les actes suivants présentent PRESQUE TOUJOURS un caractère illégal : • Accords horizontaux/comportements Fixation des prix et échange d’informations confidentielles sur les prix Partage de marchés Quota de production Manipulation des procédures d’appel d’offres Boycotts Echanges d’informations confidentielles et sensibles (ex : prix, clients, stratégie, etc.) 11 Les ententes (6) Le parallélisme de comportement entre concurrents n’est pas sanctionné, mais … - Un parallélisme du comportement de plusieurs concurrents donnera souvent lieu à de forts soupçons de coopération ou de concertation entre eux - Si la décision est autonome, c’est-à-dire si elle ne résulte pas d’une concertation préalable, il n’y a pas infraction - La pratique concertée peut être établie s’il n’existe pas d’autre explication que la concertation à un parallélisme de comportement 12 Les ententes (7) – Le cas des échanges d’informations • Sujet d’actualité et préoccupation récurrente des entreprises • Suspicion de principe à l’égard des échanges d’informations entre concurrents • Introduction d'un chapitre entier sur les échanges d'informations dans les nouvelles lignes directrices de la Commission sur les accords de coopération horizontale (2011/C11/01) • LD identifient 2 principaux problèmes de concurrence : – collusion : échange d'informations améliore la transparence du marché, permet aux entreprises de s'entendre sur les modalités de coordination, améliore la stabilité interne de la collusion, notamment en sanctionnant les comportements déviants, accroit la stabilité externe de la collusion en contrôlant l'arrivée des nouveaux entrants. – éviction : verrouillage du marché. Ex : dans le cas d'échange d'informations stratégiques, les concurrents qui n'y ont pas accès sont placés dans une situation désavantageuse. 13 Les ententes (8) – Le cas des échanges d’informations • • • Appréciation de l'objet anticoncurrentiel des échanges d'informations : – Importance du contexte juridique et économique et de la nature de l'échange – Echanges d'infos entre concurrents sur les actions envisagées concernant les prix ou quantités (ventes escomptées, PDM, etc) sont particulièrement susceptibles de déboucher sur une collusion. Appréciation des effets anticoncurrentiels des échanges en fonction : – des caractéristiques du marché : marchés transparents, concentrés, non-complexes, stables et symétriques facilitent la collusion. – des caractéristiques des échanges d'informations : couverture importante du marché par les entreprises, données actualisées, individualisées, non publiques, stratégiques, fréquence des échanges... Eventuels gains d'efficacité des échanges d'informations : – résoudre les problèmes d'asymétrie de l'information – améliorer l'efficacité interne des entreprises en comparant leurs meilleures pratiques respectives – réaliser des économies de coûts, notamment en réduisant les stocks inutiles ou en acheminant plus rapidement les produits périssables vers les régions où la demande est plus forte – bénéficier aux consommateurs en réduisant leurs coûts de recherches et en améliorant le choix. 14 Les ententes (9) – Le cas des échanges d’informations • Au niveau UE : CJUE, 4 juin 2009, C-8/08, T-Mobile Netherlands : une seule concertation, sur un paramètre isolé et indirect de la concurrence, peut suffire. • Au niveau français : pas d’infraction per se, il faut démontrer un effet ou au moins une potentialité d’effet anticoncurrentiel : – • Affaires “Palaces parisiens” et “Téléphonie mobile” (voir l’arrêt C. Appel Paris, 1ère ch. H, 11 mars 2009, sur renvoi après Cassation ; cassé le 7 avril 2010 sur un autre fondement, i.e. la présomption de dommage à l'économie) A lire : Lignes Directrices de la Commission sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale (pages 13-26) 15 Les ententes (10) – quelles preuves ? • Les documents internes d’une société sont souvent les meilleures preuves d’un comportement anticoncurrentiel • Mais des documents saisis dans une société peuvent rapporter la preuve de la participation à une pratique anticoncurrentielle de la part de l’ensemble des sociétés mentionnées dans ces documents. • Exemples de documents décisifs (« smoking gun ») : – Affaire de la viande bovine française : « l’accord [est] un peu contraire à la loi, mais tant pis » – Affaire des Mobiles : « Yalta des parts de marché » … – Affaire de la Boulangerie dans le département de la Marne : « le prix du pain est libre. Aucune et … « pouvons-nous serrer les rangs, sans être attrapés par la DGCCRF ? » concertation ne peut avoir lieu sur les prix. Ce qu’on fait nous, dans le cadre de l’entente sur le prix du pain est, je peux vous dire (fermez la porte … (rires dans la salle)) … complètement illégal, c’est pour ça qu’on ne l’écrit pas et qu’on le fait dire » • Selon le Conseil de la concurrence, des propos peuvent être enregistrés par des tiers (mais pas par des enquêteurs), à l’insu de la personne écoutée, sans pour autant être analysés comme un moyen de preuve illicite. Cette approche est condamnée par la Cour de cassation, sur le visa de l’article 6 § 1 CEDH (arrêt « Sony », 3 juin 2008) • Les e-mails sont des documents « éternels », incontrôlables et non personnels 16 2. Les abus de position dominante : principales règles de fond Qu’est-ce qu’un abus de position dominante ? 17 INTRODUCTION (1) Les abus de position dominante : enjeux et risques • Débat récurrent entre l’approche « per se » (forte sécurité juridique mais caractère parfois rigide et inadapté) et l’approche « effect-based » (l’inverse : souple et souvent économiquement plus justifié, mais moins prévisible). • Importance cruciale des outils et concepts économiques : définition des marchés, bien-être du consommateur, pratiques d’exclusion, analyse tarifaire, etc. • Importance de la Communication de la Commission sur l’application de l’article 82 (adoptée en décembre 2008) : Tentative de concilier l’inconciliable ? • – approche fondée sur les effets, protection de la concurrence et non des concurrents, notion du concurrent aussi efficace – … mais aussi de nombreuses exceptions aux contours flous qui préservent la possibilité pour la Commission de s’écarter de ses principes Distinction entre les abus d’exploitation et les abus d’exclusion 18 INTRODUCTION (2) Les abus de position dominante : enjeux et risques • En comparaison du domaine des ententes, moindre consensus sur la définition et le traitement des abus de domination : – hésitations de la jurisprudence sur certaines questions, – assez forte opposition US - UE jusque récemment, mais tendance à une certaine convergence avec l’administration Obama : « a noteworthy area of difference is the treatment of dominant firm behaviour. In general terms, EU doctrine and policy impose greater restrictions on dominant firms than the US competition law system does » (W. Kovacic, FTC Chairman, Competition Law International, IBA, vol. 4 No. 3, October 2008). Est-ce toujours vrai ? 19 INTRODUCTION (3) Divergences US – UE : l’affaire Microsoft (TPI, 17 Sept. 2007) « We are concerned that the standard applied to unilateral conduct (…) may have the unfortunate consequence of harming consumers by chilling innovation and discouraging competition » « In the US, the antitrust laws are enforced to protect consumers by protecting competition, not competitors … » 20 INTRODUCTION (4) – vers la fin des divergences EU-US ? 21 Définition (1) Qu’est-ce qu’un abus de position dominante ? • L’approche traditionnelle repose (reposait ?) sur un tryptique simple et une analyse prévisible (marché – dominance – abus) : 1. 2. La définition du marché pertinent, en fonction : - Des caractéristiques du produit du point de vue de la demande et plus rarement du point de vue de l’offre, - De l’élasticité croisée des prix / test SSNIP, - Des préférences des consommateurs, etc. Définition de la dominance - Rôle prépondérant (mais pas exclusif) des parts de marché : < 35-40 % (P Dom improbable) 3. 40 – 50 % (P Dom probable) > 50 % (P Dom présumée) Catalogue plus ou moins détaillé d’abus « per se » : - Rabais fidélisant, prédation, refus de vente, discrimination, etc. 22 Définition (2) • Les interrogations liées à une approche fondée sur les effets : – Faut-il encore définir les marchés ? – Faut-il encore démontrer la dominance ? “In terms of procedure, the economic approach implies that there is no need to establish a preliminary and separate assessment of dominance. Rather, the emphasis is on the establishment of a verifiable and consistent account of significant consumer harm, since such an anti-competitive effect is what really matters and is already proof of dominance” (“An economic approach to Article 82”, EAGCP, 2005, p. 4) 23 Définition (3) • Les interrogations liées à une approche fondée sur les effets: – Le juge / l’autorité sera à la recherche de l’”histoire la plus plausible” ; pour démontrer un abus (“theory of harm”): • identifier un effet anticoncurrentiel (ex : dissuader les concurrents d’entrer sur un marché par le biais de “signaux” de type variés, dont par exemple les prix prédateurs) • Identifier la théorie économique pertinente (“forclusion”) • Démontrer que les faits corroborent la théorie • … à moins que l’on démontre des effets pro-concurrentiels ou des gains d’efficacité (bilan coût-avantage) 24 Définition (4) • L’équilibre (introuvable ?) entre : – Les interdictions per se (prévisibles mais rigides et souvent inadaptées); – L’application systématique d’une règle de raison (en principe mieux adaptée et souple, mais difficilement prévisible et très lourde en termes de charge de la preuve pour les entreprises) 25 Le cadre analytique de la position dominante (1) Malgré la tendance à privilégier une approche plus économique, les trois piliers de la démonstration restent –en théorie– importants … mais les deux premiers tendent à devenir circulaires 1. Définition de marché: • Les outils habituels subsistent (tests d’élasticité croisée, tests SSNIP, préférences des consommateurs) • … mais les définitions sont souvent opportunistes (ex: “Palaces parisiens”, “Microsoft”, “Crèche de Bouc-Bel Air”), • … et en somme, un marché a beaucoup de chances d’être considéré comme pertinent s’il présente l’intérêt de faciliter la démonstration, par l’autorité de concurrence, de l’abus qu’elle soupçonne … 26 Le cadre analytique de la position dominante (2) 2. Définition de la position dominante: – “La dominance, c’est l’indépendance” – Définition utilisée dans l’affaire Hoffmann-LaRoche (1979) • – "la position dominante visée à l’article 82 du traité sur la Communauté européenne concerne la situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents". Définition toujours reprise, mais précisée dans la Communication: la position dominante s’apprécie au regard des contraintes résultant : • Des concurrents actuels • Des concurrents potentiels crédibles • De la puissance de négociation des clients 27 Le cadre analytique de la position dominante(3) 2. Définition – – Cas particulier des “bidding markets” : • 2 ou 3 concurrents “crédibles” sont suffisants pour que le marché soit contestable (affaire General Electric/Honeywell aff. T-210/01 14 décembre) • Une dominance instantanée peut être remise en cause par la fréquence des “bids” Cas particuliers des marchés émergents ou sujets à de brusques et rapides ruptures technologiques (ex: affaires Wanadoo ou Virgin Mega (France) • – de la position dominante: Une position dominante peut exister sur des marchés dynamiques ou émergents (Wanadoo), mais les autorités seront très prudentes en présence de marchés dont la technologie évolue rapidement, et s’il y a des indices de volatilité des parts de marché (Virgin Mega) Définition parfois circulaire : une position est dominante si elle permet des abus … 28 Le cadre analytique de la position dominante (4) 3. Les abus • La Communication développe la notion d’éviction anticoncurrentielle, en reconnaissant qu’il y a des évictions liées au jeu normal du marché • Les pratiques d’éviction • • Exclure la concurrence (cible: concurrents) • Rabais de fidélité, ciseaux tarifaires, prix prédateurs, prix sélectifs (British Sugar), refus de prestation • Benchmark : le concurrent aussi efficace que l’entreprise dominante (sauf cas particuliers) Les abus d’exploitation • Soutirer des profits excessifs (cibles : consommateurs, utilisateurs) • Prix excessifs, redevances excessives (IP), ventes liées/couplées, restrictions territoriales 29 Le cadre analytique de la position dominante (5) 3. Les abus • Prise en compte les gains d’efficacité en matière d’abus de position dominante : la Commission s’oriente vers un mode de justification inspiré de l’article 101 § 3 du traité • Conditions cumulatives : les gains allégués doivent : • Résulter des comportements potentiellement abusifs • Les comportements doivent être indispensables • Les gains d’efficacité doivent l’emporter sur les inconvénients, et • Les comportements ne doivent pas éliminer une concurrence effective 30 Les principaux types d’abus Typologie des abus les plus fréquents • Refus de prestation / discrimination • Clauses d’exclusivité • Prix prédateurs • Effets de ciseaux tarifaires • Remises et rabais fidélisants • Ventes liées / ventes couplées • Cas particulier des droits de propriété intellectuelle : “patent ambush” ou usage “abusif” de droits de propriété intellectuelle Remarque importante : la plupart de ces pratiques sont parfaitement admises lorsqu’elles sont mises en œuvre par une entreprise non dominante. La dominance impose une « responsabilité particulière » à son titulaire. 31 3. Les risques Cartels : condamnations fréquentes et importantes APD : Condamnations rares et très visibles (Microsoft, Intel, France Telecom), mais montants souvent importants 32 3. Les risques (1) Amendes imposées aux entreprises Indemnisation des dommages subis par les victimes Droit pénal Droit civil Droit administratif Les trois piliers de la répression des ententes et APD : Sanctions pénales pour les individus 33 3. Les risques (2) • Amendes : France (article L.464-2 C. Commerce) Maximum 10% du CA mondial H.T. consolidé, le plus élevé réalisé au cours d’un des exercice clos depuis celui précédant l’année où les pratiques ont été mises en œuvre. UE (article 23 du Règlement 1/2003) Maximum 10% du CA H.T. total réalisé au cours de l’exercice clos précédant l’année où la décision est adoptée ; Pas de règle de consolidation, mais théorie de l’imputabilité à la maison mère. 34 3. Les risques (3) 3,5 3,334 3,057 3,0 2,5 2,271 € billion 2,0 1,5 1,0 1,846 1,62 0,945 0,405 0,39 0,683 0,5 0,0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 35 3. Les risques (4) 2010 799 800 700 648 622 600 500 458 € million 385 400 331 300 200 100 55 0 Producteurs d'acier Fret aérien Cartel des banques Overall cartel fine 36 3. Les risques (5) Le communiqué de l'ADLC sur les sanctions (16 mai 2011) • Détermination du montant de base : 1. Assiette (pt. 33 s.) – – – 2. valeur des ventes réalisées en France correspondant au CA de l'entreprise concerné relatif aux produits ou services en relation avec l'infraction durant le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction Pourcentage de CA (pt. 40 s.) – – 0-30% en fonction de la gravité et du dommage à l'économie 15-30% pour les pratiques horizontales "les plus graves" (cartels) Le pourcentage du CA est fixé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage à l'économie : – éléments déterminant la gravité des faits : nature des pratiques, nature des secteurs concernés, caractéristiques 'objectives' de l'infraction, des paramètres de concurrence concernées, etc. – dommage à l'économie : "tous les aspects de la perturbation [que la pratique] est de nature à causer au fonctionnement concurrentiel des activités, secteurs ou marchés directement ou indirectement concernés, ainsi qu'à l'économie générale" (pt. 27) 37 3. Les risques (6) 3. 4. Prise en compte de la durée : – 100% pour l'année de référence – 50 % pour chacune des autres années – Au-delà de la dernière année complète de participation, "la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent". (pt. 42) Un calcul spécifique pour les infractions portant sur des marché d'appel d'offres instantanées qui prend en compte : – le chiffre d'affaires en France de l'entreprise concernée ou du groupe auquel elle appartient, pendant l'exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l'infraction ou du dernier exercice comptable complet s'il en existe plusieurs (pt. 68) – et non pas la valeur des ventes (pt. 67) 38 3. Les risques (7) Individualisation • • • Circonstances atténuantes : – "franc-tireur" ? comportement pro-concurrentiel et rôle perturbateur – rôle contraint ? – pratiques autorisées / encouragées par les autorités publiques ? Circonstances aggravantes : – rôle de meneur ou d'incitateur ? – rôle contraignant ? – effet d'exemplarité Prise en compte de la situation de l'entreprise : – entreprises mono-produits : diminution du montant de base (pt 48) – entreprises de dimension importante : augmentation du montant de base (pt 49) 39 3. Les risques (8) Prise en compte de la réitération : • Infraction préalable de fond : pas de MC, pas d'engagements • Infraction identique ou similaire ayant acquis un caractère définitif avant la fin de la nouvelle pratique • "Prescription" de la récidive : délai de 15 ans entre le précédent constat d’infraction et le début de la nouvelle pratique < 15 ANS Constat définitif d'une infraction similaire Décision de l'ADLC sur la nouvelle pratique incriminée Commission de la nouvelle infraction Début Fin 40 3. Les risques (9) Ajustements finaux : • Prise en compte de la clémence ou de la non contestation des griefs (pt. 61 s.) le pourcentage de réduction acquis est appliqué au montant résultant de la comparaison avec le plafond légal • Comparaison avec le plafond légal de l'amende 10 % du CA mondial consolidé, année de référence = le CA le plus élevé pendant la période comprise entre l'année précédant la mise en œuvre des pratiques et l'année de la décision (pt. 55 s.) • Réduction d'amende en cas de difficulté contributive de l'entreprise (pt. 62 s.) mais pas de prise en compte des difficultés du secteur 41 Synthèse de la méthode de calcul du montant de la sanction appliquée par l'ADLC • ` CA lié à la vente des produits ou services directement liés avec l'infraction réalisé pendant la dernière année complète de l'infraction X 0-30% [15-30% pour les pratiques horizontales les plus graves] • selon la gravité de la pratique et • l'importance du dommage à l'économie 1 + [0,5 x année suivante de l'infraction] 0-50% pour chaque circonstance atténuante + 0-50% pour chaque circonstance aggravante +/taille et diversification de l'entreprise 42 3. Les risques (10) • 2ème "pilier" : le risque pénal (prison ou amende personnelle, interdiction professionnelle, etc.) – Pas de droit pénal communautaire – Risque sérieux aux Etats-Unis – En France, risque faible aujourd’hui et encore assez hypothétique afin de ne pas mettre en danger les politiques de clémence, mais tendance probable à la « criminalisation » à moyen ou long terme. 43 3. Les risques (11) Des approches très différentes en matière pénale • US: la répression des cartels est essentiellement pénale (=> 26.046 jours de prison prononcés en 2010) • Europe: – Les amendes imposées par les autorités sont de nature administratives –… mais des sanctions pénales existent dans un nombre croissant d’Etats membres • Japon: – La répression pénale s’est considérablement développée, sur le modèle américain – Un département d’enquête criminel créé au sein de la JFTC en 2006 44 3. Les risques (12) FOR IMMEDIATE RELEASE WEDNESDAY, MAY 2, 2007 WWW.USDOJ.GOV AT (202) 514-2007 TDD (202) 514-1888 Eight Executives Arrested on Charges of Conspiring to Rig Bids, Fix Prices, and Allocate Markets for Sales of Marine Hose WASHINGTON — Eight executives from the United Kingdom (U.K.), France, Italy, and Japan were arrested today in Houston and San Francisco and charged for their role in a conspiracy to rig bids, fix prices, and allocate markets for United States sales of marine hose used to transport oil, the Department of Justice announced today. A criminal complaint was unsealed today in U.S. District Court in Miami, against four executives: Peter Whittle, owner of the U.K.-based consulting firm PW Consulting (Oil & Marine) Ltd.; Bryan Allison, managing director, and David Brammar, sales and marketing director, both of the U.K. company Dunlop Oil & Marine Ltd.; and Jacques Cognard, the oil and marine manager of Trelleborg Industrie S.A. in France. (…) 45 3. Les risques (13) • Dommages et intérêts civils (« private enforcement ») – Les autorités de concurrence sanctionnent le dommage « objectif » à l’économie, non le dommage subjectif subis par les victimes elles-mêmes ; d’ailleurs, le produit des amendes alimente le budget de l’Etat (ou de la Commission), mais n’indemnise pas les victimes. – Les actions en indemnisation privées restent du domaine du droit national ; il n’y a pas de « droit communautaire » de l’indemnisation privée des dommages concurrentiels … mais … (arrêt « Courage » de la Cour de Justice) – En France, il s’agit d’un cas de responsabilité délictuelle « classique » (la triologie de l’article 1382 C. Civ : faute – dommage – causalité) – Le livre blanc de la Commission européenne vise à encourager les actions privées, perçues comme le « troisième pilier » de la politique de répression des ententes (avec les amendes et les poursuites pénales). 46 4. Survol de quelques questions de procédure Comment la clémence, les engagements et la « transaction » influencent les règles de fond et les stratégies judiciaires 47 Les institutions : pluralité des acteurs du droit de la concurrence Administrations et Autorités National Communautaire International • DGCCRF • Autorité de la concurrence • Régulateurs sectoriels (CRE, ARCEP, etc.) • Commission (double rôle: (co-)législation – mise en œuvre) • ECA (European Competition Authorities) • ICN (International Competition Network) • OCDE Juridictions • Appel des décisions des Autorités (Cour d’appel Paris, 1ère chambre H, Conseil d’Etat pour le contrôle des concentrations) • Juridictions de droit commun (T. Com., C. appel spécialisées, T. admin., C. Etat, C. Cass) • Sans oublier l’arbitrage … TPICE et CJCE (Luxembourg) Autres • CEPC (Commission d’Examen des Pratiques du Commerce) Divers comités consultatifs 48 La clémence (1) Si les sanctions toujours plus lourdes sont le « bâton », la clémence est la « carotte » … La politique de clémence a été revue plusieurs fois par la Commission: 1996 2006 Juillet 1996 : 1ère communication « clémence » Janvier 1998 : 1ères lignes directrices « amende » Février 2002 : 2ème communication « clémence » Décembre 2006 : 3ème communication « clémence » Septembre 2006 : 2èmes lignes directrices « amende » 49 La clémence (2) Possibilité pour l’entreprise de limiter les risques de sanction pécuniaire, en particulier grâce aux programmes de clémence Démarche fréquente après une acquisition d’entreprise / dans la perspective d’une acquisition d’entreprise (Restructurations dans l’industrie chimique, achat par des fonds d’investissements, etc.) Une demande de clémence (à la Commission européenne, aux autorités françaises, etc.) permet à une entreprise de révéler l’existence d’une entente à laquelle elle a participé L’entente doit être en principe inconnue des autorités de concurrence, mais l’entreprise peut simplement apporter des éléments dont ces dernières ne disposaient pas pour entamer les poursuites L’entreprise peut obtenir une immunité totale ou partielle d’amende, en fonction des éléments de preuves apportés et de sa coopération avec les autorités 50 La clémence (3) La communication « clémence » (entrée en vigueur le 8 décembre 2006) 1. Immunité totale – elle n’est accessible qu’à la première entreprise qui soumet une demande, dans deux cas : • si les informations fournies permettent à la Commission de déclencher des vérifications ; • si les informations fournies permettent à la Commission d’adopter une décision de sanction, ET si (a) la Commission ne disposait pas d’informations permettant l’adoption d’une décision de sanction, et (b) aucune autre entreprise n’avait obtenu d’immunité en application du point précédent. 51 La clémence (4) Le demandeur devra : •fournir un « corporate statement » détaillé, •préciser •fournir etc.), •fournir les entités demanderesses et toutes les entités participantes, des informations facilitant les inspections (noms, adresses, autant que possible des preuves contemporaines. 52 La clémence (5) En outre, les conditions cumulatives suivantes doivent être respectées : • fournir une coopération « véritable, totale, permanente et rapide », tout au long de la procédure, • mettre fin à la pratique, au plus tard au moment où les informations sont fournies (empêche en théorie les pratiques de « sous-marins ») ; • ne pas avoir détruit ou falsifié de documents ; • ne pas divulguer sa demande de clémence ; • ne pas avoir exercé des mesures de contraintes sur les autres participants. 53 La clémence (6) 2. Réduction d’amende – une seule entreprise peut obtenir l’immunité totale, les autres se partageant les miettes : • 30 à 50 % pour la deuxième ; • 20 à 30 % pour la troisième ; • max. 20 % pour les suivantes. Condition : fournir des informations ayant une valeur ajoutée « significative » (p. ex. : des informations et documents datant de la période en question, des éléments ne nécessitant pas de corroboration, etc.). 54 La « transaction » en droit communautaire • Règlement 622/2008 du 30 juin 2008 et Communication du 2 juillet 2008 • S’approche du « plaider-coupable » US, sauf qu’il n’y a pas de négociation sur l’existence même de l’infraction ni sur la sanction à appliquer • Procédure COMPLEMENTAIRE à la clémence, pas substituable : elle n’a pas pour objet de faciliter la détection des cartels, mais simplement d’alléger la charge de travail de la Commission • Logiquement, il s’agit donc d’une procédure moins « rentable » (10 % de réduction maximum) 55 La « transaction » en droit communautaire • La Commission reste très largement maître de la procédure : – À l’ouverture (peut refuser à tout moment) et dans l’identification des destinataires, tout comme pendant les discussions bilatérales (échanges d’informations, indications sur le montant potentiel de l’amende, divulgation de quelques éléments de preuve, etc.) – Ces discussions bilatérales aboutissent à une proposition de transaction par les parties ; si la Commission accepte, ces propositions seront reprises dans la communication des griefs • La transaction peut n’impliquer que « certaines parties » … mais comment croire que les déclarations et reconnaissances faites par les parties à la procédure de transaction n’influenceront pas le sort réservé aux parties ayant refusé d’y participer ? • Récompense maximale : 10 % (la Commission peut revenir sur la proposition faite dans la Communication des griefs jusqu’à sa décision finale) 56 La « transaction » en droit communautaire • La procédure pose de réelles questions : – Quasi-reconnaissance de culpabilité de facto AVANT la notification des griefs – Impact des déclarations et reconnaissances faites par les participants à la procédure de « transaction » sur la situation des entreprises qui auront refusé d’y participer – Pouvoir discrétionnaire de la Commission – Possibilité de recours devant le TPI très largement fictive 57 La « non contestation des griefs » en droit français • Article 464-2 III du code de commerce • Instauré par la NRE en 2001, cette disposition a inspiré en partie le mécanisme communautaire • Non contestation des griefs et engagement de modifier les pratiques pour le futur • Quoi qu’en dise le Conseil, cela équivaut à une quasireconnaissance de culpabilité ; seule marge de manœuvre = contester les effets anticoncurrentiels • Récompense : la sanction « tient compte » de l’absence de contestation et le montant maximum est réduit de moitié. 58 Les engagements (article L.464-2 I C. com. et article 9 du Règlement CE 1/2003) • Outil de désengorgement des autorités de concurrence => procédure relativement rapide : évaluation préliminaire avant toute notification de griefs, propositions libres et spontanées (… ben voyons) « testées » auprès de tiers puis rendues obligatoires en cas d’adoption d’une décision (publiée). Fréquemment utilisé en matière de : – restrictions verticales (ex: distribution sélective sur Internet) ou – abus de position dominante (ex: mesures audience de la PQNR et tarifs d’EDF) • L’évaluation préliminaire n’est pas un acte d’accusation, ni la proposition d’engagements une reconnaissance de culpabilité => pas de sanction et la décision ne peut pas, en principe, fonder en tant que telle une demande privée d’indemnisation d’un dommage. • Quid en cas de dissociation d’un dossier entre ceux qui acceptent les engagements et ceux qui les refusent (ex : Bang & Olufsen (home cinéma) ou Fabre (cosmétiques)) ? 59 5. Le contrôle des concentrations 60 Introduction Similitudes évidentes avec l’APD: 1. Importance cruciale de la définition de marché et des outils économiques 2. Objectif de contrôle « structurel » de possibles abus comportementaux 3. Importance des engagements … mais avec quatre différences majeures: 1. Contrôle administratif et non judiciaire 2. Contrôle ex ante et non pas ex post 3. Contrôle portant sur des structures, et non sur des comportements 4. Délais très courts (mais aménageables, notamment en prénotification) 61 La contrôlabilité (1) 1. Changement de contrôle (JV, acquisition, fusion, etc.) • La notion de « contrôle » est assez souple : contrôle économique davantage que juridique • Notion de capacité d’exercer une influence déterminante (pas nécessairement exercice effectif de cette influence) • Eléments clés de la stratégie d’une entreprise : budgets, business plans, emprunts ou acquisitions majeures, nominations aux postes clés, etc. • Rôle des pactes d’actionnaires, des droits de veto, des intérêts « objectifs », des mécanismes de financement, etc. 62 La contrôlabilité (2) 2. Entreprises de plein exercice • Ressources propres (personnel, finances, etc.), • Liberté d’accès au marché en amont (fournisseurs) et en aval (clients, libre détermination de la politique commerciale) • Non dépendance des sociétés mères (sauf pendant la période de lancement (max 3 ans), etc. – à ne pas confondre avec la notion de contrôle 63 La contrôlabilité (3) 3. Franchissement de certains seuils (principalement CA) Juridiction CA global pour toutes les parties CA individuel UE (“grands seuils”) 5 Md€ mondial 250 M€ UE (au moins deux entreprises) UE (“petits seuils”) 2,5 Md€ mondial 100 M€ UE (au moins 2 parties) Plus un test dans chacun d’au moins 3 Etats membres : (a) CA combiné de toutes les parties › 100 M€ ; et (b) CA individuel de chacune d’au moins deux parties› 25 M€. (Sauf application de la règle des 2/3 : pas de compétence communautaire si l’ensemble des entreprises concernées réalisent › 2/3 du CA dans un seul et même Etat membre) France 150 M€ mondial 50 M€ France (au moins 2 parties) Mais certains pays combinant des seuils CA et parts de marché : UK (25%), Espagne et Portugal (30%), etc. 64 La contrôlabilité (4) Franchissement de certains seuils (principalement CA) : quels sont les chiffres d’affaires à prendre en compte? Type d’opération Chiffres d’affaires Fusion Totalité des CA consolidés des entreprises en cause Acquisition Côté acquéreur : CA global (i.e. mondial) consolidé Côté vendeur : seul le CA de la cible ! JV (entreprise commune) CA de toutes les sociétés exerçant le contrôle (=> notion de groupe) CA de la JV (+ sauf particulier de la JV « véhicule », coquille qui n’est pas considéré comme une entreprise concernée) 65 La contrôlabilité (5) Possibilité d’un renvoi vers la Commission ou vers les Etats membres Renvoi d’un ou plusieurs Etats membres à la Commission • • • A la demande des parties (pré-notification – Art. 4§5) ou d’un Etat membre (post-notification – Art. 22) Pour faciliter le traitement et harmoniser les délais (« one-stop-shop ») OU pour, à la demande d’un ou plusieurs Etats membres, traiter une concentration non communautaire mais qui comporte des risques d’affectation de la concurrence dans les Etats demandeurs Renvoi aux Etats membres • • • Renvoi total ou partiel A la demande d’une partie (pré-notification – Art. 4§4) ou d’un Etat membre (post-notification – Art. 9) Condition : risque d’affectation de la concurrence sur un marché distinct infra-national 66 Les étapes clés d’une procédure de notification (1) 1. Pré-notification confidentielle et informelle (pas de délai) A peu près systématique, et peu durer plusieurs mois : discussion avec le case-team sur les définitions de marché, sur les problèmes éventuels horizontaux ou verticaux, propositions éventuelles de « remèdes », voire d’engagements « fix-it-first », etc. 2. Phase 1 (généralement de l’ordre de 1 mois (UE : 25 jours ouvrés), prolongeable si engagements (+ 10 j.) ou si demande d’« arrêt de l’horloge », max. 20 j.) Notification formelle, tests de marché, négociation d’éventuels engagements (eux aussi soumis au marché) 3. Phase 2 (UE : max. 90 jours ouvrés, 105 en cas d’engagements) Communication de grief ou non, analyse approfondie, approfondissement des engagements 4. Décision: Interdiction ou approbation, conditionnelle ou non 5. Recours juridictionnel (TPI (UE) ou Conseil d’Etat (France)) Possibilité (fréquente) de recours des tiers (ex: Impala) 67 Les étapes clés d’une procédure de notification (2) 68 Les étapes clés d’une procédure de notification (3) Les contraintes d’une procédure de notification 1. Obligation de suspension -› interdiction de mise en œuvre anticipée (sauf cas particulier des OPA) 2. Sanctions élevées en cas de non notification ou de notification tardive 3. Processus extraordinairement lourd et exigeant : requiert souvent des milliers ou millions de données (ex: plusieurs millions de données de prix examinées dans la 2ème décision Sony-BMG) 4. Nécessité fréquente de coordonner des notifications simultanées dans de nombreuses juridictions (UE, US, Canada, Brésil, Corée, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, etc.) 69 Les questions de fond (1) La définition du marché et la mesure de la concentration Définition du marché: • à la fois empirique –ou qualitative- (caractéristique de la demande, de l’offre, des réseaux de distribution, usage des produits, stratégies marketing, rôle des marques, etc.), • et quantitative (élasticité croisée des prix, test SSNIP (ou test du monopoleur hypothétique, + 5-10 % pendant 1-2 ans), études de substituabilité, étude des reports d’achats) Mesure de la concentration : L’indice HHI = Somme du carré des parts de marché des acteurs (en %) Mesure de l’accroissement de l’indice HHI et du Delta pré- et postopération (enquête probable si HHI post fusion > 2000 et si Delta HHI > 150) 70 Les questions de fond (2) La mesure de la concentration L’indice HHI = Somme du carré des parts de marché des acteurs (en %) Enquête approfondie probable si : • HHI post fusion > 2000 sauf si Delta HHI < 150, • HHI post fusion est compris entre 1000 et 2000 mais Delta HHI > 250 En dehors de ces hypothèses, une enquête est probable si : • • • • • • Rachat d’un nouvel entrant ou entrant potentiel, et/ou Fusion de deux entreprises innovantes (ce que ne révèlent pas les PDM), Forte importance de participations croisées dans le secteur Rachat d’un franc-tireur (« maverick ») Existence d’indices d’entente L’une des parties à la concentration détient plus de 50 % 71 Les questions de fond (3) L’analyse concurrentielle d’une concentration 1. Les effets horizontaux: 1.1. Les effets unilatéraux (non coordonnés) : évolution du marché en raison des modifications de comportements liés à la concentration elle-même (« dominance simple ») Effets résultant de la diminution de la pression concurrentielle résultant de la disparition d’un acteur : effets sur les prix, sur les entrées sur le marché, analyse des reports de la demande, etc. Examen de la puissance des acheteurs, des positions des autres acteurs, des possibilités d’entrée sur le marché, des capacités de production, du degré de substituabilité des produits/services des entreprises parties à la fusion, etc. 72 Les questions de fond (4) 1.2. Les effets coordonnés (ou position dominante collective) • Risques de collusion tacite entre acteurs moins nombreux • Examen de l’homogénéité des produits, du degré de transparence des marchés, de la volatilité/élasticité de la demande, des évolutions technologiques, des contacts multimarchés, etc. • Exemple de situations rendant plausibles des collusions postconcentration : marché oligopolistique, très transparent, demande inélastique, produits homogènes, faible probabilité de nouvelles entrées, contacts multi-marchés fréquents, etc. 73 Les questions de fond (5) 2. Les effets verticaux ou congloméraux: • Risques liés à une intégration verticale, risque de verrouillage ou d’exclusion (forclusion) • Effets de portefeuille : comparaison des portefeuilles de produits, des risques de ventes liées. • Les fusions conglomérales sont rarement susceptibles de soulever des difficultés majeures, sauf forte complémentarité des produits. 74 Les questions de fond (6) 3. Comment contre-balancer des risques éventuels : l’analyse des gains d’efficacité • Distinction entre gains statiques (hors innovation) et gains dynamiques (innovations) • Ces gains peuvent résulter d’économies d’échelle ou de gammes, élimination de la double marge en matière de fusion verticales, etc. • Mais pour être acceptés, ils doivent être spécifiques à la fusion, mesurables et profiter aux consommateurs 75 Les questions de fond (7) Les engagements 1. Engagements structurels (préférés car n’imposant pas de monitoring) • • • 2. « fix-it-first » Cession partielle dans un délai déterminé, avec gestion déléguée à un tiers Octroi de licences, etc. Engagements comportementaux • Politique de prix • Engagement de maintien de contrats ou de marques existantes • Obligation d’accès à certaines ressources (réseaux, droits de PI) à des concurrents, etc. 76 6. Les aides d’Etat 77 Introduction : les contours d’une spécificité communautaire 1. Objectif : éviter les distorsions de concurrence causées non par les entreprises, mais par les Etats (« courses aux subventions », « dumping fiscal », etc.) ; tensions fréquentes sur les thèmes du patriotisme économique, des champions nationaux, etc. 2. Matière essentiellement communautaire (pas de droit national des aides d’Etat) et quasi-monopole d’intervention de la Commission, dans un objectif d’unification de l’espace économique européen ; rôle limité mais non nul des juridictions nationales, pas de rôle des autorités nationales de concurrence 3. Une volonté politique de la Commission de réduire les aides en volume et de les concentrer sur certains secteurs (recherche, PME, emploi, formation, environnement, etc.) 4. Des exceptions aux contours parfois difficiles à cerner : • • Le test de l’ « investisseur avisé en économie de marché » Le cas des services publics (SIEG) 78 1. Définition (1) Qu’est-ce qu’une aide d’Etat (art. 87 Traité CE) ? Toute mesure, quelle que soit sa nature et sa forme, mobilisant des ressources d’Etat, favorisant une entreprise ou une catégorie d’entreprises et menaçant de fausser la concurrence et d’affecter les échanges intra-communautaires. Ces critères sont cumulatifs : 1) Une ressource d’Etat - L’Etat doit s’entendre au sens large : Etat, Région, Province, Commune, etc., mais aussi entreprise publique - … mais dans ce cas, la décision doit être imputable à l’Etat (cf. arrêt « Stardust Marine », concernant le CDR) - La forme de l’aide est sans pertinence : subside, régime fiscal favorable, mise à disposition d’infrastructure à prix préférentiel, garanties, voire simple soutien verbal (cas particulièrement « limite », cf. la décision France Télécom) 79 1. Définition (2) 2) Un avantage économique - La mesure doit conférer à son bénéficiaire un avantage économique dont il n’aurait pas bénéficié dans le cadre normal de ses activités. - Soit par une augmentation de ses revenus, soit par une diminution de ses charges. 3) Le critère de sélectivité (s’applique au bénéficiaire) - Sélectivité rationae personae : une entreprise individuelle, une catégorie d’entreprises. - Sélectivité rationae loci : par rapport au « cadre géographique de référence », i.e. en règle générale un Etat, mais dans certains cas cela peut être une région ou une province, si celle-ci bénéficie d’une autonomie suffisante (notamment budgétaire et fiscale). 80 1. Définition (3) 4) L’effet sur la concurrence et les échanges intra-communautaires - Depuis l’arrêt Philip Morris (17 septembre 1980), la pratique communautaire (Commission et Cour) semble considérer que la sélectivité d’une aide entraîne ipso facto une distorsion de concurrence. La jurisprudence récente semble évoluer vers une exigence renforcée de démonstration autonome de cette condition (TPI Le Levant 22 février 2006 et Wam 6 septembre 2006, CJCE Ufex 1er juillet 2008). - Le critère d’affectation, même seulement potentielle, des échanges intra-communautaires est souvent difficile à contester. 81 1. Définition (4) Les exceptions a) Le test de l’investisseur avisé Principe : le critère de l’avantage ne sera pas rempli si l’Etat a agi comme l’aurait fait un investisseur avisé en économie de marché. Il peut s’agir d’une perspective de long terme. Exemples : • Injection en capital dans une entreprise publique, si les perspectives de retour sur investissement sont suffisamment attractives. • Sauvetage d’une entreprise en difficulté, via une analyse coût/bénéfice (mais l’Etat ne peut prendre en compte que les coûts qu’aurait supporté un investisseur privé, pas les coûts imputables à l’Etat en tant que « puissance publique » - p.ex. les indemnisations de chômage) 82 1. Définition (5) Les exceptions b) Les obligations de service public (Services d’Intérêt Economique Général) Principe : le critère de l’avantage ne sera pas rempli si l’Etat ne fait que compenser les surcoûts résultant d’OSP. Conditions cumulatives: • Existence d’un SIEG (grande liberté des Etats pour définir un SIEG, sauf erreur manifeste d’appréciation) • Le calcul de la compensation doit être fondé sur des critères objectifs et préalablement définis • Pas de surcompensation (critère de la proportionnalité) • La compensation des surcoûts de l’OSP doit être déterminée dans le cadre soit d’une procédure d’appel d’offres, soit d’une comparaison avec les coûts d’une entreprise « moyenne et bien gérée » 83 1. Définition (6) Les exceptions c) La règle de minimis • Les mesures impliquant des transferts inférieurs à 200.000 € sur trois ans ne sont pas des aides (100.000 € pour les entreprises de transport routier). • Tout type d’aide est couvert, sauf les aides à l’exportation • Idem pour les garanties apportées aux prêts inférieurs à 1,5 M€ • Ces règles ne s’appliquent qu’aux aides dites « transparentes », i.e. celles dont le montant peut être calculé avec certitude à l’avance. 84 1. Définition (7) Les exemptions a) Les règlements d’exemptions par catégorie Un règlement général d’exemption par catégorie a été adopté le 6 août 2008 ; il harmonise et simplifie les règles applicables à de nombreux types d’aides, portant principalement sur des aides : à l’investissement et à l’emploi en faveur des PME, à la fourniture de capital-investissement; à la recherche et au développement, à la protection de l’environnement, à la recherche et au développement dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, - aux jeunes entreprises innovantes, - à la formation, - à l'embauche de travailleurs défavorisés ou handicapés sous forme de subventions salariales, etc. - 85 1. Définition (8) Les exemptions a) Les règlements d’exemptions par catégorie Principe : Les aides sont acceptées si leur « intensité » (calculée en équivalent-subvention brut, « ESB ») n’excède pas certains pourcentages, qui varient en fonction de la nature du secteur, du type d’aide et des zones géographiques concernées, le tout sous réserve du respect d’un plafond global. Exemple : « aides à la participation de PME aux foires » : OK si l'intensité de l'aide ne dépasse pas 50 % des coûts admissibles, i.e. les coûts résultant de la location, de la mise en place et de la gestion d'un stand lors de la première participation d'une entreprise à toute foire ou à toute exposition. 86 1. Définition (9) Les exemptions b) Les décisions d’exemption individuelle Examen au cas par cas sur le fondement des critères énoncés à l’article 87 § 3 : a) b) c) d) e) Aides en faveur du développement économique de certaines régions défavorisées Aides en faveur d’un « projet important d’intérêt européen » (ex: Eurodisney) Aides en faveur du développement de certaines activités ou régions « si elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun » Aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine Autres catégories déterminées par le Conseil (=> fondement juridique des règlements d’exemption par catégorie, cf. supra) 87 Si tous les critères qualificatifs sont remplis et qu’aucune exception ne s’applique, alors la qualification d’aide est acquise et se pose la question de la compatibilité 1. 2. 1ère question : s’agit-il d’une aide ? 2ème question : l’aide est-elle autorisée ? (question de qualification) (question de compatibilité) Les critères qualificatifs (la forme est sans pertinence) : • Mobilisation d’une ressource d’Etat ? • … procurant un avantage au(x) bénéficiaire(s) ? • … de façon sélective ? • … en faussant (ou menaçant de fausser) la concurrence et en affectant le commerce intra-communautaire ? Les exceptions : • De minimis ? • SIEG ? • Investisseur avisé en économie de marché ? 1. L’aide entre-t-elle dans le Règlement d’exemption par catégorie ? Si la réponse est négative : 2. L’aide peut-elle, MAIS SEULEMENT APRES NOTIFICATION (suspensive), bénéficier d’une décision d’exemption individuelle ? En pratique, les notifications visent souvent, également, à solliciter une « attestation négative », i.e. une décision de la Commission constatant l’absence d’aide, soit parce que l’un des critères qualificatifs est absent, soit parce qu’une des exceptions s’applique. Synthèse du raisonnement « Aide d’Etat » 88 Le régime des aides d’Etat (1) 2. Si les critères cumulatifs sont remplis (ce qui sous-entend que les exceptions ne s’appliquent pas) et que l’Etat ne peut pas invoquer le règlement d’exemption par catégorie alors : obligation de notification préalable (avec effet suspensif) en vue d’obtenir une exemption individuelle. Distinction entre « illégalité » et « incompatibilité » de l’aide: • Si une mesure n’a pas été notifiée à la Commission, elle est illégale ipso facto et doit, en principe, être remboursée, même si elle est ultérieurement déclarée compatible (cf. cependant l’arrêt CELF, qui impose seulement le paiement d’intérêts moratoires) • Rôle des juges nationaux en cas d’absence de notification (cf. les affaires Ryanair ou taxe d’équarrissage, p. ex.) ; possibilité de procédures parallèles … • Si une mesure est déclarée incompatible, elle doit être remboursée à l’Etat, selon les procédures nationales (quid de l’opposition à titre exécutoire en droit administratif interne, cf. arrêt Scott Paper ?) 89 Le régime des aides d’Etat (2) 2. Eléments de procédure (art. 88 du Traité et règlement n°659/1999) : • Distinction entre une aide nouvelle et une aide existante (conséquence importante : l’obligation de remboursement ne s’applique qu’aux aides nouvelles ; pour les aides existantes, la Commission ne peut proposer que des « mesures utiles ») • Aides existantes : • Aides mises en œuvre avant l’entrée en vigueur du traité (notion importante pour les nouveaux Etats membres, en particulier les pays anciennement membres de la zone d’influence soviétique) • Aides mises en œuvre depuis plus de dix ans • Mesures qui ne constituaient pas des aides à la date de leur mise en œuvre, mais qui sont devenues des aides par la suite (ex: mesures qui n’affectaient pas la concurrence dans un secteur autrefois fermé à la concurrence et ensuite libéralisé) • Aides nouvelles : les aides … qui ne sont pas existantes 90 Le régime des aides d’Etat (3) 2. Eléments de procédure (art. 88) : • La notification est effectuée par l’Etat, PAS par les autres parties éventuellement intéressées (ex: l’entreprise bénéficiaire) ; mais un concurrent peut déposer plainte auprès de la Commission et donc déclencher une auto-saisine de celle-ci. • Examen du dossier de notification en deux temps : • « Phase 1 » de deux mois ; l’examen est suspensif : l’aide ne peut pas être versée ; • « Phase 2 » : si la Commission a des doutes, elle ouvre la procédure formelle d’examen approfondi (délai approximatif de 18-24 mois). • Les tiers ont un rôle limité dans la procédure matière d’aide d’Etat. Une décision de refus d’ouvrir la phase 2 est susceptible de recours devant la CJCE. Idem pour une décision de classement d’une plainte (arrêt Athinaïki Tekniki, 17 juillet 2008) 91 Le régime des aides d’Etat (4) 2. Le rôle des juridictions nationales • Vérification de la qualification d’aide, travail souvent difficile dans des cas précis (SIEG, critère de l’investisseur avisé) • S’il y a aide et qu’elle n’a pas été notifiée, la sanction est automatique : gel du versement de l’aide et, en théorie, remboursement, même si l’aide est ultérieurement jugée compatible par la Commission (cf. toutefois l’arrêt CELF) • La Cour de cassation semble admettre l’action en dommage et intérêts pour des pratiques de concurrence déloyale rendues possibles par des aides d’Etat non notifiées (Cass. Com 15 juin 1999, Ducros) • (pour mémoire, les autorités nationales de concurrence ne jouent aucun rôle en matière d’aide d’Etat) 92