Traité de Rome et concurrence : les articles 85 et 86
I) Objectifs
En 1957, les Etats membres de la nouvelle CEE veulent s’assurer du respect de la libre
concurrence, dans un marché commun qu’ils souhaitent conforme au modèle libéral
d’économie de marché. Les articles 85 et 86 du Traité de Rome sont la traduction
politique de cette volonté économique.
Ils s’appliquent aux entreprises privées de l’UE (CEE jusqu’en 1993), mais aussi non
européennes si elles restreignent quand même la concurrence à l’intérieur de l’UE.
Les objectifs des articles 85 et 86 sont avant tout de :
permettre aux entreprises de se concurrencer à conditions égales sur les marchés de
tous les États membres en prévenant la formation de situations anticoncurrentielles
(entente, position dominante).
favoriser l'efficience économique en créant un climat propice à l'innovation et au
progrès technique.
protéger les intérêts des consommateurs européens.
II) Restrictions de la concurrence européenne
A) Article 85 : les ententes
Il déclare « incompatible avec le marché commun » et interdit :
1. « tous accords entre entreprises » et « toutes décisions d’associations d’entreprises »
(ou ententes : accords entre entreprises destinés à limiter ou à éliminer la concurrence
s'exerçant entre elles, dans le but d'augmenter les prix et les bénéfices des entreprises
participantes, sans produire d’avantages compensatoires objectifs)
2. « toutes pratiques concertées » (coordination entre entreprises sans accord officiel)…
pouvant nuire au « jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun » et
« affecter le commerce entre Etats membres ».
Cas d’application particuliers de l’article 85 : lorsque les entreprises cherchent à :
influer sur « les prix d’achat, de vente ou d’autre conditions de transaction ».
« limiter la production, les débouchés, le développement technique, les
investissements » au préjudice des consommateurs.
infliger « un désavantage dans la concurrence » à des partenaires commerciaux en
leur appliquant « des conditions inégales à des prestations équivalentes ».
« subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation par les partenaires de
prestations supplémentaires » qui n'ont « pas de lien avec l'objet de ces contrats ».
se « répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ».
Les « accords ou décisions » violant cet article sont déclarés nuls.
B) Article 86 : les abus de position dominante
Il ne condamne pas les positions dominantes (situation de puissance économique
détenue par une entreprise, lui donnant le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une
concurrence effective sur le marché) mais les abus qui peuvent en être faits (quand le
comportement de l'entreprise influence la structure ou le degré de concurrence du marché).
Il interdit en effet «le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive
une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ».
Les cas d’application (excepté le dernier point) sont les mêmes que ceux de l’article 85.
III) Pragmatisme : les exemptions
Les articles 85 et 86 (81 et 82 dans le Traité de Nice) oeuvrent pour la concurrence et le
libre jeu du marché. Néanmoins, restreindre la concurrence peut parfois conduire à des
gains collectifs sous forme de « progrès économique ou technique »
1
et d’« amélioration
de la production et de la distribution »1.
Ainsi, si l'article 86 n’a ni dérogation individuelle ni exemption par catégorie, l’article
85 admet cependant plusieurs dispositions qui assouplissent les interdictions
d
pour « tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises »
pour « toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises »
pour « toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées »…
...qui portent à des progrès et des améliorations, mais sous trois conditions :
réserver « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte » (c’est-à-
dire éviter que les entreprises ne confisquent la totalité du surplus du
consommateur comme dans le cas du monopole parfaitement discriminant par
exemple),
ne pas « imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas
indispensables pour atteindre ces objectifs »,
ne pas « donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des
produits en cause, d'éliminer la concurrence ».
Bibliographie
Greffe Mairesse Reiffers, Encyclopédie économique, Economica 1990, p. 2116 à 2119.
Echaudemaison C.D., Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, Nathan, 6ème Edition.
Le Traité de Rome : europa.eu.int/abc/obj/treaties/fr/frtoc053.htm
La concurrence européenne : europa.eu.int/scadplus/leg/fr/s12000.htm
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Article 85
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