Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle GenèveGland-Saint Cergue). 159 514 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Gravante Flashage et impression: Mittelland Zeitungsdruck AG Distribution: Epsilon SA 31 octobre 2016 – No 742 © Plurality Presse S.A., 2016 Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] www.toutemploi.ch Les questions insolubles de la formation scientifique Un récent doctorat rappelait le déclin constant de l’intérêt des jeunes pour les sciences… surtout dans les pays «développés». Est-ce à dire que plus l’éducation a de moyens, moins elle atteint ses buts? Pas besoin d’aller jusqu’au «supérieur» pour trouver deux ou trois autres «paradoxes» de l’enseignement. O n connaît la boutade souvent citée: «Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, faites l’essai de l’ignorance»; à noter que ceux qui usent de cet éloge du savoir l’attribuent souvent à Abraham Lincoln: erreur (voir quora.com et quotinvestigator.com)… preuve que la «société de la connaissance» n’est pas très regardante. Pourtant, s’il est vrai que les pays obscurs et pauvres sont plus ouverts à la culture scientifique que les pays techniques et prospères, alors l’ignorance et la pauvreté ont du bon. Sophisme? Moins que les litanies dont on nous assomme sur les vertus de la «formation», de l’«éducation», de l’«instruction», de l’«apprentissage»… des «qualifications» et des «compétences»… bref, du «savoir» sinon de la «science»… ces termes n’étant pas synonymes: c’est justement ce qui brouille les équations. Quand donc l’école fut-elle «nouvelle»? Retour à «Informal Science Learning», titre de la thèse soutenue le 18 octobre à l’Université, avec en soustitre – qui plairait au regretté Seymour Papert - «An Investigation of Novelty, Motivation and Interest Development at a Mobile Laboratory»: mobile «tous terrains», car utile tant au profane qu’au potache et à l’expert, comme l’auteur (phsg.ch/web/forschung/ curriculum-vitae/curriculum-vitaecors-rebecca.aspx). On ne va pas regarder de plus près ce travail, qu’on peut lire à la Faculté des sciences; le présent article décrit plutôt les étoiles ou nuages au ciel, et les vallées perdues sous la brume, tels qu’on les voit, une fois hissés au faîte d’une thèse de «didactique des sciences» (le Congrès de communication scientifique (sciencecomm.ch) a aussi - de loin, à Grandson - inspiré cet article; voir aussi – d’encore plus loin – changetheequation.org et timeandlearning.org). Reprenons donc les mots clefs de l’intitulé de la thèse… à commencer par la «nouveauté»: il fut un temps où l’école donnait aux gosses leur ration de nouveauté… rabâchée. A quel moment l’«instit» est-il devenu «ringard»? Les artistes diront «depuis toujours»: chez eux, la bohème a toujours fait la nique aux académies. En science, par contre, ce sont les mêmes qui excellent au labo et qui dirigent les chaires… et gardent même la main sur la «Citizen Science». Estce un bien… est-ce un mal… en tout cas, c’est une question peu discutée (sauf en… 1969 dans «Questions aux savants», de Pierre-Henri Simon). L’attrait du fruit défendu ou inconnu Certes, la nouveauté suscite l’intérêt… on le sait d’Adam et Eve à Bill et Monica: et donc, depuis un siècle que l’école patine, la science est en quête d’«informel» (voir en ligne sous «informal learning»): club de botanique et musée des techniques… jeu de société ou parc d’attractions… sorciers à la télé ou savants à la radio… sans oublier le livre d’images que relance une épicerie (coop.ch/savoir). A noter, aussi, que la science est partout là où on ne la voit même plus: au jardin comme au bureau. Pour les jeunes, elle se plie en quatre afin d’être amusante et utilitaire: «technology is fun» ou « is useful to society» s’exclamaient les jeunes «cobayes» du «MobiLLab » (à la grande joie de la doctorante qui va au peuple). Là, on retrouve un vieux problème: la technique est-elle la fille de la science, ou sa sœur gâtée? Qui est plus près de la «logique»: le matheux sur sa page blanche, ou le hacker face à l’écran? Et les grandes jonques des Chinois de jadis – exploit technique - donnèrent-elles à «l’empire du Milieu» le goût de l’inconnu? Les réponses se discutent… pour peu qu’on se pose ce genre de questions… c’est là que notre «société de la connaissance» n’est pas trop «scientifique». Les «causes» donnentelle un «motif»? Mais la notion clef de l’apprentissage est la «motivation»… cachette du paradoxe majeur. Les jeunes – quand il s’agit de se dépasser - ne sont guère motivés par les sciences; à la rigueur, par le foot, la drague, voire le «jihad». On dira «c’est exagéré»… «on ne peut généraliser»… mais qui niera que les Giordano Bruno prêts à mourir pour la «Vérité» se trouvent en bien plus grand nombre, désormais, autour des idées de l’ombre que de la lumière (les martyrs de la science TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 742 • 31 OCTOBRE 2016 étant aux oubliettes de l’histoire: voir le livre de Gaston Tissandier (1882) et celui de Pierre Zweiacker (2008)). Certes, dire que Science = Vérité ou l’inverse sent le «positivisme» du XIXe siècle; mais au XXIe siècle, la Science souffre du mal inverse: elle ne sait plus comment se définir. Au fil des siècles, elle fut «expérience» qui défie puis défait la Religion… ensuite, «causalité» qui donnait aux esprits de nouvelles «lois», celles de la Nature… enfin, catalogue raisonné des savoirs accumulés par des «spécialistes». A-t-elle laissé filer une chance de retrouver une «vérité» autour des critères du philosophe Karl Popper (qui traquait les mots savants trop creux)? En tout cas, si les «connaissances» techniques se démodent vite, l’esprit des sciences est plus «durable», car il se fond dans le décor. Mais il s’ouvre au naïf pas encore blasé: «Si vous remuez de l’eau dans une tasse, le milieu va baisser et les bords monter… comment l’eau sait-elle que ce n’est pas la tasse et tout le reste du monde qui tourne autour d’elle? Une petite cuillère ne peut faire tourner l’univers… mais une petite main qui se tend au «boson scalaire» peut «expliquer la masse»: les jeux de mots aussi sont «instructifs». n Dernière heure: Lundi 31 octobre à 19 heures à Annemasse (Brasserie Maître Kanter), café philo «Y a-t-il une science de l’éducation?»; voir aussi portesouvertes.epfl.ch des 5 et 6 novembre. Boris Engelson