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Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du
Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les
autres communes de la Zone économique 11 (Triangle GenèveGland-Saint Cergue). 159 514 exemplaires certifiés REMP/FRP.
Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi
Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer
Coordination, Publicité,
Gestion des annonces: Patrick Gravante
Maquette: Imagic Sàrl Carouge,
Daniel Hostettler, Sophie Gravante
Flashage et impression:
Mittelland Zeitungsdruck AG
Distribution: Epsilon SA
31 octobre 2016 – No 742
© Plurality Presse S.A., 2016
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Les questions insolubles
de la formation scientifique
Un récent doctorat rappelait le déclin constant de l’intérêt des jeunes pour les sciences… surtout dans les pays
«développés». Est-ce à dire que plus l’éducation a de moyens, moins elle atteint ses buts? Pas besoin d’aller
jusqu’au «supérieur» pour trouver deux ou trois autres «paradoxes» de l’enseignement.
O
n connaît la boutade souvent
citée: «Si vous trouvez que
l’éducation coûte cher, faites
l’essai de l’ignorance»; à noter que
ceux qui usent de cet éloge du savoir
l’attribuent souvent à Abraham Lincoln: erreur (voir quora.com et quotinvestigator.com)… preuve que la
«société de la connaissance» n’est
pas très regardante. Pourtant, s’il est
vrai que les pays obscurs et pauvres
sont plus ouverts à la culture scientifique que les pays techniques et prospères, alors l’ignorance et la pauvreté
ont du bon. Sophisme? Moins que
les litanies dont on nous assomme
sur les vertus de la «formation», de
l’«éducation», de l’«instruction», de
l’«apprentissage»… des «qualifications» et des «compétences»… bref,
du «savoir» sinon de la «science»…
ces termes n’étant pas synonymes:
c’est justement ce qui brouille les
équations.
Quand donc l’école
fut-elle «nouvelle»?
Retour à «Informal Science Learning», titre de la thèse soutenue le 18
octobre à l’Université, avec en soustitre – qui plairait au regretté Seymour
Papert - «An Investigation of Novelty,
Motivation and Interest Development
at a Mobile Laboratory»: mobile «tous
terrains», car utile tant au profane
qu’au potache et à l’expert, comme
l’auteur (phsg.ch/web/forschung/
curriculum-vitae/curriculum-vitaecors-rebecca.aspx). On ne va pas
regarder de plus près ce travail, qu’on
peut lire à la Faculté des sciences; le
présent article décrit plutôt les étoiles
ou nuages au ciel, et les vallées perdues sous la brume, tels qu’on les
voit, une fois hissés au faîte d’une
thèse de «didactique des sciences»
(le Congrès de communication scientifique (sciencecomm.ch) a aussi - de
loin, à Grandson - inspiré cet article;
voir aussi – d’encore plus loin – changetheequation.org et timeandlearning.org). Reprenons donc les mots
clefs de l’intitulé de la thèse… à commencer par la «nouveauté»: il fut un
temps où l’école donnait aux gosses
leur ration de nouveauté… rabâchée.
A quel moment l’«instit» est-il devenu
«ringard»? Les artistes diront «depuis
toujours»: chez eux, la bohème a
toujours fait la nique aux académies.
En science, par contre, ce sont les
mêmes qui excellent au labo et qui dirigent les chaires… et gardent même
la main sur la «Citizen Science». Estce un bien… est-ce un mal… en tout
cas, c’est une question peu discutée
(sauf en… 1969 dans «Questions aux
savants», de Pierre-Henri Simon).
L’attrait du fruit
défendu ou inconnu
Certes, la nouveauté suscite l’intérêt… on le sait d’Adam et Eve à Bill
et Monica: et donc, depuis un siècle
que l’école patine, la science est en
quête d’«informel» (voir en ligne sous
«informal learning»): club de botanique et musée des techniques… jeu
de société ou parc d’attractions… sorciers à la télé ou savants à la radio…
sans oublier le livre d’images que
relance une épicerie (coop.ch/savoir).
A noter, aussi, que la science est partout là où on ne la voit même plus:
au jardin comme au bureau. Pour
les jeunes, elle se plie en quatre afin
d’être amusante et utilitaire: «technology is fun» ou « is useful to society»
s’exclamaient les jeunes «cobayes»
du «MobiLLab » (à la grande joie de
la doctorante qui va au peuple). Là, on
retrouve un vieux problème: la technique est-elle la fille de la science, ou
sa sœur gâtée? Qui est plus près de
la «logique»: le matheux sur sa page
blanche, ou le hacker face à l’écran?
Et les grandes jonques des Chinois
de jadis – exploit technique - donnèrent-elles à «l’empire du Milieu» le
goût de l’inconnu? Les réponses se
discutent… pour peu qu’on se pose
ce genre de questions… c’est là que
notre «société de la connaissance»
n’est pas trop «scientifique».
Les «causes» donnentelle un «motif»?
Mais la notion clef de l’apprentissage
est la «motivation»… cachette du paradoxe majeur. Les jeunes – quand
il s’agit de se dépasser - ne sont
guère motivés par les sciences; à la
rigueur, par le foot, la drague, voire
le «jihad». On dira «c’est exagéré»…
«on ne peut généraliser»… mais qui
niera que les Giordano Bruno prêts à
mourir pour la «Vérité» se trouvent en
bien plus grand nombre, désormais,
autour des idées de l’ombre que de
la lumière (les martyrs de la science
TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 742 • 31 OCTOBRE 2016
étant aux oubliettes de l’histoire: voir
le livre de Gaston Tissandier (1882)
et celui de Pierre Zweiacker (2008)).
Certes, dire que Science = Vérité ou
l’inverse sent le «positivisme» du
XIXe siècle; mais au XXIe siècle, la
Science souffre du mal inverse: elle
ne sait plus comment se définir. Au fil
des siècles, elle fut «expérience» qui
défie puis défait la Religion… ensuite,
«causalité» qui donnait aux esprits de
nouvelles «lois», celles de la Nature…
enfin, catalogue raisonné des savoirs
accumulés par des «spécialistes».
A-t-elle laissé filer une chance de
retrouver une «vérité» autour des critères du philosophe Karl Popper (qui
traquait les mots savants trop creux)?
En tout cas, si les «connaissances»
techniques se démodent vite, l’esprit
des sciences est plus «durable», car il
se fond dans le décor. Mais il s’ouvre
au naïf pas encore blasé: «Si vous
remuez de l’eau dans une tasse, le
milieu va baisser et les bords monter… comment l’eau sait-elle que ce
n’est pas la tasse et tout le reste du
monde qui tourne autour d’elle? Une
petite cuillère ne peut faire tourner
l’univers… mais une petite main qui se
tend au «boson scalaire» peut «expliquer la masse»: les jeux de mots
aussi sont «instructifs». n
Dernière heure: Lundi 31 octobre à 19
heures à Annemasse (Brasserie Maître
Kanter), café philo «Y a-t-il une science
de l’éducation?»; voir aussi portesouvertes.epfl.ch des 5 et 6 novembre.
Boris Engelson
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