les sommets ont-ils du relief?

L’actualité de l’emploi
manque de relief: mal-
gré le nombre de titres
d’articles ou de bouquins, les
sujets tiennent en majorité dans
un triste carré. «Comment voler
dans une bulle par la technique
du vide», «Comment écrire un
dossier qu’on ne sait même pas
lire», «Comment ajouter un zéro
au salaire d’une nullité», «Com-
ment se dire harcelé par les
contrôles de sécurité»… selon
qu’on soit ingénieur, débutant,
manager ou ouvrier: ça conforte
nos illusions d’adultes, sinon nos
rêves d’enfants. Par contre, l’En-
cyclopédie évoquée n’a pas eu
un seul lecteur en une généra-
tion, au vu de l’exemplaire intact
que j’ai en main; mais les experts
qui avaient déclaré, en 1972, son
concept mort-né devraient s’y
frotter pour gagner… en largeur
de vues. Cette Encyclopédie re-
cense ni plus ni moins que les
vingt mille plus grands problèmes
mondiaux, leurs interactions…
par effet papillon, et – avant de
chercher leur solution – les pré-
jugés qui aveuglent les experts.
Ambition «présomptueuse» et
même prométhéenne, et qui n’a
pas vraiment abouti… mais qui
laisse bouche bée celui qui tombe
dessus par hasard. Comment
l’éditeur (l’Union des associations
internationales, alarmée par le
spectacle du système onusien)
a-t-elle pu pressentir toutes ces
questions qui se retrouveraient
près d’un demi-siècle plus tard
sous le label de «société civile»,
de «pensée unique», de «moteur
de recherche»? Même la «crise»
est vue depuis vingt ou quarante
ans avec une parfaite clarté… à
la page 78. Dans la version des
années nonante que je possède,
l’ordre n’est ni alphabétique, ni
encyclopédique, mais suit sans
doute une urgence qui m’échappe
encore: pour bien entrer dans le
corps des trois mille pages grand
format, il faut lire d’abord les vingt
six courts chapitres d’introduc-
tion, et avoir saisi la distinction
entre «problèmes mondiaux» et
«problèmes basiques universels»
(toutes ces formules sont des an-
glicismes à partir de l’original).
Une équation à deux
solutions
Passons à la première notice:
«Criminalité», priorité… d’hu-
manistes. Mais pour se dé-
douaner, ils la font vite suivre
par «Impérialisme», «Sous-
développement» et «Faim».
Une autre page fait coexis-
ter «Cruauté», «Information
erronnée», «Exploitation» et
«Conformisme». Les «Taupes
africaines menacées» et les
«Courriers haineux» (sur ou
sans papier) ne sont pas ou-
bliés. Soucis plus ciblés, «Pé-
nurie de domestiques», «Ma-
ladies professionnelles des
peintres», «Obstacles à la
communication satellitaire»,
«Services sociaux non nor-
malisés», «Déni d’accès aux
bienfaits de la science». On
voit bien les effets pervers
de certains savoirs experts,
dans ces notices qui laissent
toujours quelques lignes au
point de vue «contraire». On
apprend ainsi qu’une munici-
palité a décidé de supprimer
ses postes de manager (et
pas que le titre) pour cause
de machisme… «manager»
contenant «man», l’homme.
C’était en Grande-Bretagne,
pays où une directrice d’école
a aussi boycotté «Roméo et
Juliette» pour excès d’hétéro-
sexualité.
Trois millions d’humains
par problème
Le tome deux – celui du «Poten-
tiel Humain» - est un peu trop
«New Age» à mon goût; le troi-
sième examine les stratégies et
solutions. Mais c’est le premier
– celui des vingt mille problèmes
offerts pour être soumis à six mil-
liards d’humains - qui m’a semblé
le plus dans le sujet «emploi». On
a souvent ironisé dans cette ru-
brique sur les malentendus entre
(par exemple) les «carrières» et
les «vocations». Comment faire
une «insertion professionnelle»
réussie du meilleur «potentiel hu-
main», sinon en immergeant les
plans de carrière dans l’océan
des problèmes à résoudre? Le
point de vue de Sirius que l’En-
cyclopédie voulait offrir à tous
– experts et public - était certes
une mission impossible il y a un
demi-siècle. Mais il prend corps
(céleste) peu à peu sur le Web
grâce à six milliards de papillons.
Oh! un papillon – même à visage
humain – ne volera jamais si haut
que Sirius… mais pour grimper
haut, rien ne vaut une araignée
au plafond. n
Boris Engelson
Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du
Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les
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Gland-Saint Cergue). 172 327 exemplaires certifiés REMP/FRP.
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