Comptage des racines par les formes quadratiques

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Comptage des racines par les formes quadratiques
Soit P ∈ R[X] de degré n et α1 , . . . , αn les racines de P comptées avec multiplicité. Pour i ∈ N,
n
P
αki la i-ème somme de Newton.
on note si =
k=1
Observation 1 : les si sont réels. En effet, si = Ni (α1 , . . . , αn ) est un polynôme symétrique
n
P
en les racines de P où Ni (X) =
Xki ∈ R[X1 , . . . , Xn ]Sn . Il existe alors un unique polynôme
k=1
Q ∈ R[T1 , . . . , Tn ] tel que Ni = Q(Σ1 , . . . , Σn ) ce qui nous donne
Ni (α1 , . . . , αn ) = Q(Σ1 (α1 , . . . , αn ), . . . , Σn (α1 , . . . , αn ))
où les Σj sont les polynômes symétriques élémentaires vérifiant Σj (α1 , . . . , αn ) ∈ R d’après les
relations coefficients racines.
Théorème 1. Soit Q la forme quadratique réelle définie sur Rn par :
P
Q(x) = Q(x0 , . . . , xn−1 ) =
si+j xi xj
0≤i,j≤n−1
Notant (s, t) la signature de Q, on a :
• le nombre de racines complexes distinctes de P vaut s + t = rg(Q).
• le nombre de racines réelles distinctes de P vaut s − t.
Démonstration. :
Etape 1 : montrons que le nombre de racines complexes distinctes de P est r = s + t = rg(Q).
Remarquons d’abord que l’on peut étendre naturellement la définition de Q à Cn en posant :
P
∀x ∈ Cn , Q(x) = Q(x0 , . . . , xn−1 ) =
si+j xi xj
0≤i,j≤n−1
n
Alors, Q est représentée dans les bases canoniques de R et Cn par la même matrice A, d’après les
expressions analytiques précédentes. Le rang d’une forme quadratique étant le rang de n’importe
qu’elle matrice la représentant, il vient :
rg(Q) = rg(A) est le rang de Q vue comme forme quadratique sur Cn ou Rn .
Méthode : On note r le nombre de racines complexes distinctes de P . On aura démontré le
résultat si l’on prouve l’existence de r formes linéaires indépendantes l1 , . . . , lr ∈ (Cn )∗ et r
complexes non nuls λ1 , . . . , λr tels que :
Q = λ1 l12 + . . . + λr lr2 .
En effet, en complétant la famille libre (l1 , . . . , lr ) en une base de (Cn )∗ et en considérant la base
antéduale noté B, on aura trouvé une base de Cn dans laquelle la matrice de Q ait diagonale
avec exactement r coefficients diagonaux non nuls i.e :
MatB (Q) = Diag(λ1 , . . . , λr , 0, . . . , 0) =⇒ rg(Q) = r
Recherche des r formes C-linéaires indépendantes : Pour x = (x0 , . . . , xn−1 ) ∈ Cn , on a :
n
n
n
P
P
P
P
P i+j
P
Q(x) =
αk
xi xj =
αki αkj xi xj =
αki αkj xi xj
0≤i,j≤n−1
0≤i,j≤n−1 k=1
k=1
k=1 0≤i,j≤n−1
soit :
n−1
X
n
P
Q(x) =
k=1

! n−1
X j
αki xi 
α k xj 
i=0
|
j=0
{z
lk (x)
}|
{z
lk (x)
}
Notant (e∗1 , . . . , e∗n ) la base duale de la base canonique de Cn , on définit n formes linéaires
l1 , . . . , ln par :
lk (x) =
n−1
P
i=0
αki xi =
n−1
P
i=0
αki e∗i+1 (x) ce qui donne Q(x) =
n
P
lk (x)2 .
k=1
Quitte à réordonner, on peut supposer que α1 , . . . , αr sont les r racines complexes distinctes de
P et on note m1 , . . . , mr leurs multiplicités. On a ainsi pour x ∈ Cn :
2
n = m1 + . . . + mr avec mi ∈ N∗ et Q(x) = m1 l1 (x)2 + . . . + mr lr (x)2 (∇).
Objectif : montrer que les formes linéaires (li )1≤i≤r sont linéairement indépendantes. Ecrivons
la matrice de cette famille de r formes linéaires dans la base e∗ = (e∗1 , . . . , e∗n ) duale de la base
canonique de Cn :


1
1
...
1
 α1
α2
...
αr 
 2

2

α2
...
αr2 
Mate∗ (l1 , . . . , lr ) =  α1

 ..
..
.. 
 .
.
. 
α1n−1
α2n−1
...
αrn−1
On remarque alors que la matrice extraire r × r des r premières lignes est la matrice de Vandermonde V (α1 , . . . , αr ) dont le déterminant est :
Q
det(V (α1 , . . . , αr )) =
(αj − αi ) 6= 0, les αi étant distincts pour i ∈ [[1, r]].
1≤i<j≤r
On en déduit donc que les r formes linéaires complexes sont indépendantes =⇒ rg(Q) = r.
Conclusion : r = rg(Q) = s + t par définition de la signature.
Etape 2 : démontrons que le nombre de racines réelles, distinctes est s − t. Comme P est un
polynôme à coefficients réels, α racine complexe non réelle de P =⇒ α également racine de P .
Soit p le nombre de racines réelles distinctes de P , quitte à réordonner on peut supposer que :
• α1 , . . . , αp sont les racines réelles distinctes de P .
• On note alors αp+1 , αp+1 , αp+2 , αp+2 , . . . , αp+c , αp+c les racines complexes non réelles distinctes de P .
De l’étape 1, on déduit p + 2c = rg(Q) = s + t est le nombre de racines complexes distinctes de
P . La relation (∇) est en particulier vrai pour tout x ∈ Rn et notant lα1 , . . . , lαr les restrictions
à Rn des formes linéaires complexes l1 , . . . , lr , on a (∗) :
Q(x) = m1 lα1 (x)2 + . . . + mr lαr (x)2 =⇒ Q =
p
P
k=1
2
m k lα
+
k
p+c
P
k=p+1
2
2
mk (lα
+ lαk ) où lαk = lαk .
k
On définit alors les formes linéaires réelles vk et wk pour k ∈ [[p + 1, p + c]] par :
lαk + lαk
lα − lαk
et wk = k
2
2i
∗
∗
de sorte que notant (e1 , . . . , en ) la base duale de la base canonique de Rn on a :
vk =
vk =
n−1
P
i=0
Re(αki )e∗i+1 ∈ (Rn )∗ et wk =
n−1
P
i=0
Im(αki )e∗i+1 ∈ (Rn )∗ .
2
2
Ainsi, pour k ∈ [[p + 1, p + c]], lα
+ lαk = 2(vk2 − wk2 ) et
k
Q=
p
P
k=1
2
m k lα
+2
k
p+c
P
k=p+1
mk (vk2 − wk2 ) =
p
P
k=1
2
m k lα
+2
k
p+c
P
k=p+1
mk vk2 − 2
p+c
P
k=p+1
mk wk2
Alors, (lα1 , . . . , lαp , vp+1 , . . . , vp+c , wp+1 , . . . , wp+c ) est une famille de p + 2c = r formes linéaires
sur R, indépendantes. En effet, si ce n’était pas le cas, on pourrait exprimer une des formes
linéaires comme combinaison linéaire non triviale des autres formes linéaires et ainsi écrire Q
sous la forme :
Q = µ1 g12 + . . . + µe ge2 où µi ∈ R∗ , avec e ≤ r − 1 et les gi indépendantes
et on en déduirait alors que rg(Q)p= e ≤ r − 1, absurde
p d’après l’étape 1. Ainsi, en considérant
√
√
la famille ( m1 lα1 , . . . , mp lαp , 2mp+1 vp+1 , . . . , 2mp+c wp+c ) notée (g1 , . . . , gp+2c ) qui est
également libre, on obtient :
Q=
p+c
P
k=1
gk2 −
p+2c
P
k=p+c
gk2 =⇒ p + c = s et t = c soit p = s − c = s − t.
par définition de la signature d’une forme quadratique réelle.
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Details supplémentaires :
• (∗) pour x ∈ Rn : lαk (x) =
n−1
P
αk i xi =
i=0
n−1
P
i=0
αki x = lαk (x) avec pour k ∈ [[p + 1, p + c]], αk
racine de même multiplicité que αk .
Remarque 1. L’application Q du théorème est bien une forme quadratique réelle, car polynôme
homogène de degré 2 en les composantes x0 , . . . , xn−1 de x ∈ Rn .
Rappel 1. Le rang d’une forme quadratique est le rang de n’importe quelle matrice la représentant. Deux matrices représentant une même forme quadratique étant congruentes, elles sont
bien de même rang.
Rappel 2. Soit q une forme quadratique réelle définie sur un R-espace vectoriel de dimension
finie n. Alors il existe une base de E dans laquelle la matrice de q soit diagonale de la forme :
Diag(1, . . . , 1, −1, . . . , −1, 0, . . . , 0)
| {z } | {z } | {z }
s
t
n−r
où r est le rang de la forme quadratique q. Le couple (s, t) est unique et ne dépend pas du choix
de la base. Il s’appelle la signature de la forme quadratique réelle q.
Rappel 3. Deux formes quadratiques réelles q et q 0 définies sur deux R-espaces vectoriels E, E 0
de même dimension finie n sont dites équivalentes s’il existe un isomorphisme d’espace vectoriel
u : E −→ E 0 tel que :
∀x ∈ E, q 0 (u(x)) = q(x)
Ceci est encore équivalent à dire que les formes quadratiques q et q 0 sont représentées par la
même classe de congruence de matrices symétriques associées. En particulier :
• Les formes quadratiques réelles sont entièrement classifiées par la signature.
• Les formes quadratiques complexes sont entièrement classifiées par le rang.
Rappel 4. Réduction de Gauss analytique.
Soit K un corps tel que car(K) 6= 2 et E un K-espace vectoriel de dimension finie n. Soit q une
forme quadratique définie sur E, alors il existe n formes linéaires indépendantes l1 , . . . , ln qui
forment donc une base de l’espace dual E ∗ = L(E, K) et n scalaires λ1 , . . . , λn ∈ K tels que :
q = λ1 l12 + . . . + λn ln2 .
Dans la base antéduale de l1 , . . . , ln ie dans la base (e1 , . . . , en ) telle que li (ej ) = δi,j on a alors :
q(x) = q(α1 e1 + . . . + αn en ) = λ1 α12 + . . . + λn αn2
et en particulier dans cette base, la matrice de q est diagonale de la forme Diag(λ1 , . . . , λn ). Le
rang de q est alors le nombre de λi non nuls.
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