Comptage de racines et signature de formes
quadratiques
Michel Coste
7 octobre 2003
La premi`ere section de ce texte pr´esente, avec des r´ef´erences des d´evelop-
pements sur les formes quadratiques ou sur les racines de polynˆomes. La deuxi-
`eme section fait manipuler des formes quadratiques sur l’alg`ebre R[X]/P .Jene
connais malheureusement pas de r´ef´erence pour cette partie dans la biblioth`eque
de l’agr´egation. La troisi`eme section pr´esente quelques m´ethodes de calcul de
signature et un algorithme impl´emene en Maple.
1 Deux m´ethodes
On peut trouver deux r´ef´erences dans la biblioth`eque de l’agr´egation qui
expliquent comment calculer le nombre de racines r´eelles d’un polynˆome au
moyen de la signature d’une forme quadratique. Nous pr´esentons bri`evement ce
qui est dit dans ces r´ef´erences. Dans tout ce qui suit, on se donne un polynˆome
P=Xn+a1Xn1+···+an`a coefficients r´eels. On note α1,...,α
nles racines
de P(dans C, compt´ees avec leurs multiplicit´es).
1.1 L’expos´e de Gantmacher
La r´ef´erence est Gantmacher, Th´eorie des matrices tome 2 (Dunod), p.
199. Soient s0,s
1,s
2... les sommes des puissances des racines de P.Ona
si=n
k=1 αi
k, et en particulier s0=n. Soit Sla forme quadratique r´eelle
de dimension nefinie par
S(u)=
n1
i,j=0
si+juiuj,o`uu=(u0,...,u
n1).
La matrice de cette forme quadratique est
H=
s0s1... s
n1
s1s2... s
n
.
.
..
.
..
.
..
.
.
sn1sn... s
2n1
.
Th´eor`eme 1 Soit (s, t)la signature de la forme quadratique S. Le nombre
de racines r´eelles distinctes de Pest st. Le nombre de racines r´eelles ou
complexes distinctes est ´egal au rang s+t.
1
Université de Rennes 1
Préparation à l’agrégation
de mathématiques
Auteur du document :
M. Coste
La d´emonstration commence par la remarque que la forme quadratique Sse
ecompose en somme de carr´es de formes lin´eaires sur Cde la mani`ere suivante :
S(u)=
n
k=1
(u0+αku1+α2
ku2+···+αn1
kun1)2.
Supposons que Paqracines distinctes et notons 1,...,
qles formes lin´eaires
correspondant `a ces diff´erentes racines. On a donc S=q
k=1 mk2
k,o`u les mk
sont les multiplicit´es des racines. Ces formes lin´eaires 1,...,
qsont lin´eairement
ind´ependantes (le d´eterminant de Vandermonde form´e par leurs qpremiers co-
efficients est non nul). Ceci montre d´ej`a que le rang de la forme quadratique
est q. Si la forme kcorrespond `a une racine complexe non r´eelle (et k`asa
conjugu´ee), on a, en notant vet wles formes lin´eaires `a coefficients r´eels telles
que k=v+iw et k=viw :
mk(2
k+k
2)=2mkv22mkw2,
ce qui montre qu’une racine complexe et sa conjugu´ee contribuent pour (1,1) `a
la signature. Bien sˆur, une racine r´eelle contribue pour (1,0) `a la signature. Le
th´eor`eme est donc montr´e.
Une remarque sur le calcul des sommes de puissances des racines. Elles s’ob-
tiennent par r´ecurrence en fonction des coefficients de P, en utilisant les clas-
siques formules de Newton (par exemple : Gourdon, Alg`ebre, Ellipses, p. 81).
Ces formules s’´ecrivent, pour tout entier strictement positif p:
pap+
p
i=1
siapi=0,o`ua0=1etaj= 0 pour j>n. (Np)
Un moyen commode d’obtenir ces formules consiste `a introduire le polynˆome
eciproque de P
Q=XnP(1/X)=1+a1X+···+anXn=
n
k=1
(1 αkX),
`ecrire l’´egalit´e dans l’anneau de s´eries formelles en X
Q=Qn
k=1
αk
1αkX=Qn
k=1
i=0
αi+1
kXi=Q
i=0
si+1Xi,
puis `a identifier les coefficients de Xp1des deux cˆot´es pour obtenir (Np).
1.2 L’expos´e de Dieudonn´e
La r´ef´erence ici est Dieudonn´e, Calcul infinit´esimal, p. 64. On introduit le
polynˆome sym´etrique en Xet Y
L(P, X, Y )=P(X)P(Y)P(Y)P(X)
XY=
n1
i,j=0
ai,j XiYj,
2
avec les coefficients duquel on fabrique la forme quadratique
Q(P, u)=
n1
i,j=0
ai,j uiuj,o`uu=(u0,...,u
n1).
La matrice de Qest quelquefois appel´ee matrice de Bezout du polynˆome P.
Th´eor`eme 2 Soit (s, t)la signature de la forme quadratique Q. Le nombre
de racines r´eelles distinctes de Pest st. Le nombre de racines r´eelles ou
complexes distinctes est ´egal au rang s+t.
L’id´ee de la d´emonstration donn´ee par Dieudonn´e est la suivante. Soit P1=
Xp+b1Xp1+···+bpet P2=Xq+c1Xq1+···+cq. Alors
L(P1P2,X,Y)=P2(X)P2(Y)L(P1,X,Y)+P1(X)P1(Y)L(P2,X,Y),
et on en d´eduit que
Q(P1P2,u)=Q(P1,v)+Q(P2,w)
o`uv=(v0,...,v
p1) avec vi=ui+p+b1ui+p1+···+bpui
w=(w0,...,w
q1) avec wi=ui+q+c1ui+q1+···+cqui.
Le d´eterminant des formes lin´eaires v0,...,v
p1,w
0,...,w
q1est au signe pr`es
le r´esultant de P1et P2. Donc, si ces polynˆomes sont premiers entre eux, la sig-
nature de Q(P1,P
2,u) est la somme de celle de Q(P1,v) et de celle de Q(P2,w).
On se ram`ene ainsi `etudier le cas des polynˆomes P=(Xα)mo`uαest r´eel
et P=((Xa)2+b2)m,o`uaet bsont r´eels, b= 0. Dans le premier cas on
obtient
L(P, X, Y )=m(Xα)m1(Yα)m1,
et la signature de Qest (1,0). Dans le deuxi`eme cas on obtient
L(P, X, Y )=2m((Xa)2+b2)m1((Ya)2+b2)m1((Xa)(Ya)b2),
et la signature de Qest (1,1). Ceci permet de conclure.
En fait le r´esultat montr´e par Dieudonn´e est diff´erent : dans la d´efinition de
L(P, X, Y ) : il pose, pour aR,
L(P, X, Y )=P(X)P(Y)(Ya)P(Y)P(X)(Xa)
XY
et il obtient que stest le nombre de racines r´eelles distinctes de Pstrictement
plus grandes que amoins le nombre de racines r´eelles distinctes de Pstrictement
plus petites que a. Mais la d´emonstration suit exactement le chemin indiqu´e ci-
dessus.
2 Les deux ne font qu’un
On ne voit pas a priori le rapport entre les deux m´ethodes expos´ees ci-
dessus. Nous allons montrer qu’il s’agit en fait dans les deux cas de la mˆeme
forme quadratique, lue dans deux bases diff´erentes.
3
2.1 L’alg`ebre R[X]/P
Les ´el´ements de l’alg`ebre quotient R[X]/P peuvent ˆetre repr´esent´es de mani`ere
unique par un polynˆome de degr´e strictement plus petit que n(la classe de Qest
repr´esenee par le reste de la division euclidienne de Qpar P). Nous identifierons
donc les ´el´ements de R[X]/P avec les polynˆomes de degr´e <n.
L’alg`ebre R[X]/P admet la base (1,X,...,Xn1) en tant qu’espace vectoriel
sur R. La matrice dans cette base de l’endomorphisme de multiplication par X
est la matrice compagnon du polynˆome P:
CP=
00... ... 0an
10
....
.
.an1
01
.......
.
..
.
.
.
.
..........0.
.
.
.
.
.......0a2
0... ... 01 a1
.
Le polynˆome caract´eristique de cette matrice est P, et donc les valeurs propres
sur Cde la multiplication par Xsont les racines α1,...,α
nde P(compt´ees
avec multiplicit´e). Si Aest un ´el´ement de R[X]/P , les valeurs propres de l’en-
domorphisme de multiplication par Asont donc A(α1),...,A(αn). La trace de
A, que l’on d´efinit comme la trace de cet endomorphisme de multiplication par
A, est donc trace(A)=n
k=1 A(αk). L’application A→ trace(A) est une forme
lin´eaire sur R[X]/P .
L’application A→ trace(A2) est une forme quadratique Tsur R[X]/P . Pour
iet jentre 0 et n1, on a trace(XiXj)=n
k=1 αi+j
k=si+j. Ceci montre :
Proposition 1 la matrice Hde la section 1.1 est la matrice de la forme T
dans la base (1,X,...,Xn1).
On peut introduire une autre forme lin´eaire :R[X]/P Refinie par
(Xn1)=1et(X) = 0 pour 0 i<n1. La forme trace s’exprime au
moyen de la forme par
Lemme 1 Pour tout ´el´ement Ade R[X]/P ,onatrace(A)=(PA).
Pour montrer cette relation, on ´etend les scalaires `a Cet on ´ecrit
PA=A
n
k=1
P
Xαk
n
k=1
A(αk)P
Xαk
(mod P).
On remarque ensuite que P/(Xαk) est unitaire de degr´e n1, pour en d´eduire
que (PA)=n
k=1 A(αk) = trace(A).
2.2 La base de Horner
Associ´e au polynˆome P, nous avons les polynˆomes de Horner :
H0=1,H
1=X+a1,H
2=X2+a1X+a2,...
...,H
n1=Xn1+a1Xn2+···+an2X+an1.
On peut compl´eter avec Hn=P, et on a la relation de r´ecurrence Hi+1 =
XHi+ai+1. Les polynˆomes de Horner sont surtout connus parce que cette
4
relation de r´ecurrence fournit (pour un polynˆome non n´ecessairement unitaire
de degr´e n)unsch´ema d’´evaluation avec nmultiplications seulement (on peut
voir Knuth, Seminumerical algorithms, p. 467). D’apr`es la propri´et´e des degr´es
´etag´es, il est clair que (Hn1,...,H
1,H
0) est une base de R[X]/P , que nous
appellerons base de Horner.
Proposition 2 La forme quadratique Q(P, u)de la section 1.2 est l’expression
de Tdans la base de Horner.
Les propositions 1 et 2 nous montrent que les formes quadratiques que l’on
trouve dans les deux expos´es sont en fait la mˆeme, `a savoir la forme T. Nous
allons montrer la proposition 2 par une suite de lemmes.
Lemme 2 On a :
P(X)P(Y)
XY=
n1
i=0
Hn1i(Y)Xi.
Pour montrer ce lemme, on peut montrer
Hp(X)Hp(Y)
XY=
p1
i=0
Hp1i(Y)Xi
par r´ecurrence sur p, en utilisant la relation de r´ecurrence entre polynˆomes de
Horner.
Lemme 3 Pour tout entier iavec 0in1,ona(XiHn1j)=δi,j (de
Kronecker).
Ce lemme se v´erifie sans difficult´e. Il montre que la forme quadratique A→
(A2) est non d´eg´en´er´ee sur R[X]/P et que les bases des monˆomes et de Horner
sont duales pour cette forme. On d´eduit du lemme 3 :
Lemme 4 Pour tout ´el´ement Ade k[X]/P ,onaA=n1
j=0 (AHn1j)Xj.
Revenons maintenant au polynˆome L(P, X, Y ) de la section 1.2. Il peut
s’´ecrire
L(P, X, Y )=P(Y)P(X)P(Y)
XYP(Y)P(X)P(Y)
XY
P(Y)P(X)P(Y)
XY(mod P(Y))
P(Y)n1
i=0
Hn1i(Y)Xigrˆace au lemme 2.
n1
i,j=0
(PHn1iHn1j)YjXigrˆace au lemme 4.
Puisque la somme figurant `a la derni`ere ligne est de degr´e <nen Y,onaen
fait
L(P, X, Y )=
n1
i,j=0
(PHn1iHn1j)XiYj,
5
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !