Histoire CRPE
La naissance de la République en France
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LA NAISSANCE DE LA REPUBLIQUE EN FRANCE
Au sortir de la crise de la Commune, la France est exsangue : elle a perdu
la guerre contre la Prusse, laquelle sest proclamée Empire Allemand au château
de Versailles et occupe encore une partie du territoire; la République nouvelle-
ment instite a du réprimer dans le sang l’insurrection parisienne afin de réta-
blir l’ordre. Le régime nest donc pas solidement ancré et peuttre n’est-il pas
encore légitime aux yeux du plus grand nombre.
I. L’hésitation républicaine (1871-1879)
Si les élections législatives de vrier 1871 placent les monarchistes en
position majoritaire à l’Assemblée Nationale, un opposant claré du Second Em-
pire, Adolphe Thiers, se voit confier la direction du gouvernement et la prési-
dence de la République. Il sagit de lhomme du compromis, un partisan de lordre,
et peu à peu dune République conservatrice ; en réprimant la Commune dans le
sang, il montre à ses détracteurs que la République peut aussi être un régime
dautorité. Sa politique se pose donc en action aux fastes de lEmpire et à
limage brouillée dun républicanisme inconséquent. Thiers négocie la paix avec
lAllemagne et obtient le retrait des troupes ennemies en 1873. La me année,
jugeant la restauration monarchiste irréaliste, il est contraint de missionner
par les monarchistes toujours majoritaires à lAssemblée. Le maréchal de Mac-
Mahon lui succède et forme un gouvernement orléaniste en compagnie du duc de
Broglie ; le ton est à lantirépublicanisme, au cléricalisme et au conservatisme
avec lambition non dissimulée de restaurer la monarchie. Le gouvernement épure
alors les administrations et fait retirer les symboles républicains des mairies
(Marianne). Il fait également édifier, sur la butte Montmartre, la basilique du
Sacré-Cœur en expiation des « crimes » de la Commune.
Les monarchistes se montrent malgré tout particulièrement sunis entre
les légitimistes dune part et les orléanistes dautre part : les premiers soutien-
nent le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, qui se verrait bien monter
sur le trône sous le nom dHenri V ; les seconds descendants de Philippe Egalité,
le cousin gicide de Louis XVI, et plus enclins à appliquer les principes libéraux
de la Révolution. Mais devant lhypotse dun renouveau du bonapartisme, les
orléanistes prent se rapprocher des républicains. Cest ainsi que
lamendement Wallon voté le 30 janvier 1875, stipulant que le chef de lEtat est
appelé « président de la République », ne lemporte que dune voix. Les lois cons-
titutionnelles de février et juillet 1875 acveront de préciser la nature du ré-
gime : le président de la République est élu pour sept ans par le Parlement ; celui-
ci se compose de la Chambre des putés, élue au suffrage universel direct et du
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Sénat, élu au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs par-
mi lesquels la France rurale est majoritaire ; le gouvernement est placé sous la
direction du président du Conseil, nommé par le Président, et responsable devant
le Parlement.
Peu à peu, lidée républicaine fait son chemin, les campagnes dun Gambetta
s’intensifient. Les républicains remportent les élections législatives de 1876, le
psident du Conseil doit alors être républicain. Mac-Mahon appelle Jules Simon
mais le renvoie un an plus tard et le 16 mai 1877, dissout lAssemblée. Les nouvel-
les élections confirment la victoire des républicains, la nature parlementaire du
gime est ainsi assurée. Refusant de se soumettre, le président de la Républi-
que choisit de se mettre (daprès lexpression de Léon Gambetta) : la majorité
publicaine acquise à lAssemblée puis au nat en 1879 ne lui laissant que peu
de marche de manœuvre. Mac-Mahon démissionne donc en 1879, année où
lAssemblée nationale regagne la capitale et le Palais-Bourbon, où la Marseillaise
devient lhymne national du régime.
L’instabilité de ces débuts de régime est due aux conditions dans lesquel-
les la République a é proclamée. Monarchistes, bonapartistes, républicains,
tous s’estiment légitimes. Toutefois, après la censure exere sous le Second
Empire, sur les réunions et la presse notamment, la vie politique est consira-
blement désorganisée. Malgré tout, les républicains sortent victorieux de cette
joute, et même s’il nexiste encore aucun grand parti organisé, les divisions des
monarchistes ont eu raison de leurs prétentions au pouvoir.
II. La République des opportunistes (1879-1885)
Après l’élection de Jules Grévy à la présidence de la République, la Répu-
blique entre dans une phase dite « opportuniste » daprès la description que
Georges Clémenceau fait alors de ses adversaires politiques. Il reste que cette
courte période est fondatrice. Durant six années, de 1879 à 1885, les gouverne-
ments successifs consolidèrent le régime en même temps qu’ils le firent accepter
de leurs contemporains. Menés notamment par les figures de proue que sont Léon
Gambetta et Jules Ferry, les opportunistes se posent en ritiers des libéraux
de 1789 et de 1848 ; ils sont attachés à la raison, au progrès, ainsi quà la mission
universelle de la France (éducation, mais également « devoir » de civiliser les
peuples inférieurs).
Pour ce faire, ils vont se montrer particulièrement prudents, de manière à
neffrayer aucune couche de la population ; la pérennité du gime est en jeu.
Dans un premier temps, il va donc s’agir dabolir le gime dordre moral incarné
par Thiers puis Mac-Mahon. La République doit garantir les libertés publiques :
liberté de réunion et liberté de la presse, de limprimerie et de laffichage en
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1881. Les libertés politiques sont également étendues avec ladoption de la liber-
té syndicale et la réforme de lélection des maires jusque-là nommés par le gou-
vernement (1884) ; ils seront dorénavant désignés par le Conseil municipal, lui-
même élu au suffrage universel. La mairie devient en me temps le relais local
indispensable du régime, la maison de tous les citoyens, exposant le drapeau
bleu, blanc, rouge –, la devise – liberté, égalité, fraternité –, et le buste dune
Marianne nourricière et conde. Et puis, pêle-mêle, le divorce est rétabli (1884)
et la réforme de la conscription généralise le service militaire obligatoire (1889)
en supprimant le volontariat, les remplacements et les exemptions ; toute la po-
pulation masculine, et même les curés, les aristocrates et les bourgeois, est ame-
née à effectuer son devoir publicain. Le sentiment républicain gagne ainsi tou-
tes les couches de la population, par légalité, dont larmée et lécole sont les pi-
liers. On la dit, lesprit de la République, et qui plus est celui des opportunistes,
est marqué par l’idée de progrès ; il est également teinté de patriotisme et
danticléricalisme. Or l’enracinement du régime suppose que lensemble des ci-
toyens soit instruit de la même manière, avec les mêmes valeurs. Mais en 1879,
lenseignement est encore aux mains de congrégations religieuses. La forme
passe donc tout dabord par linterdiction pure et simple de celles dentre-elles
qui sont accusées dorganiser « lécole de la contre-Révolution », dont les sui-
tes (1880). Après le rétablissement du divorce, linspiration lque du régime se
renforce alors que le lit doutrage à la religion est supprimé en même temps
que lobligation du repos dominical (1881). Jules Ferry, ministre de lInstruction
publique, pouvait alors dérouler son train de réformes : en 1881, gratuité de
lenseignement primaire, en 1882, obligation de la scolarité de 6 à 13 ans et lci-
té de lenseignement (le personnel ne sera lcisé quen 1886). Ainsi, la République
allait-elle pouvoir compter sur des citoyens formés à partir dun socle commun
lenseignement des « hussards noirs de la République » (le mot est de Charles
Péguy) , puis enrôlés dans le service militaire. Au moment des lois scolaires, la
France est largement alphatisée mais les disparités sont importantes entre le
nord et le sud du pays dune part, et entre garçons et filles dune même classe
dâge, dautre part. Lécole est alors mieux dotée, en matériel et en personnels
formés à cet effet. Les programmes scolaires sont adaptés à la morale patrioti-
que du régime et voient par exemple dispartre linstruction religieuse. C’est
notamment lépoque de la parution du livre
Le Tour de France par deux enfants
dAugustine Fouillée alias G. Bruno (1877 pour la première édition chez Belin),
premier manuel scolaire diffusé sur une grande échelle ; 3 millions dexemplaires
entre 1877 et 1887, 6 millions en 1900. Cet ouvrage, très patriotique, est desti-
né à la formation historique, géographique, civique, scientifique et morale des
jeunes générations ; il est psent dans les classes durant tout le régime. Le li-
vre conte lhistoire de deux frères, André et Julien, qui parcourent la France à la
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recherche de leur famille ; lannexion de lAlsace-Lorraine par les Prussiens et le
s de leur père sont les éléments clencheurs. Ainsi vont-ils sintéresser
aux régions et aux gens qu’ils croisent tout au long de leur périple. Dans chacun
des chapitres qui composent le manuel, une maxime introduit un thème qui
aborde simplement, à laide de gravures et de cartes, les éléments dune culture
commune. Cette unification par lenseignement eu pour effet de gommer les spé-
cificités des langues et cultures régionales qui passèrent au rang du folklore.
III. Le temps des crises (1885-1899)
A partir de 1885, la République connt ses premiers accidents. De graves
crises politiques et financières touchent le régime mais ne le compromettent
pas, à tel point quil apparaît renfor au tournant du siècle.
Jules Ferry quitte sa deuxième présidence du Conseil en 1885 : son gou-
vernement est « tom » sur la question coloniale ; il doit assumer une défaite
militaire au Tonkin, qui devait pourtant passer sous domination française quel-
ques jours plus tard. De toute évidence, les opportunistes ont vu passer leur
heure de gloire. Ils sont la cible dune bonne partie du personnel politique : à gau-
che, ils sont accus de négliger la situation économique et sociale du pays ; pour
la droite, le parlementarisme est responsable de linstabilité ministérielle. Au
surplus diverses affaires de corruption viennent éclabousser les responsables
gouvernementaux, à commencer par le Président lui-même : Jules Grévy est en
effet contraint à la mission aps que son gendre Daniel Wilson ait été impli-
qué dans laffaire des décorations (1887).
Un personnage va alors rassembler tous les mécontentements derrière son
nom. En 1886, le général Boulanger est ministre de la Guerre. Républicain
convaincu, il est surnom le « général la revanche » du fait de son bellicisme
envers lAllemagne à propos de lannexion de lAlsace-Lorraine. Devenant plus po-
pulaire chaque jour, obtenant les soutiens composites de tous les déçus du mo-
ment, qu’il sagisse de radicaux, de monarchistes ou de bonapartistes, le gouver-
nement cide de le limoger ; le boulangisme était , contre lopportunisme, de
linsatisfaction des masses populaires incarnées dans un chef populiste. Sa muta-
tion en province provoque un tollé, six mois avant la démission de Grévy. Georges
Boulanger est alors courtisé de toutes parts, son ralliement à lun ou lautre de
ces camps signifierait la victoire électorale de celui-ci. Le général cide enfin
de se présenter à une triple élection partielle, la loi électorale ne limitant pas le
nombre de candidatures nominales sur le territoire : il est élu trois fois (1888).
En 1889, il se psente à Paris où il gagne également. Ses partisans le somment
alors de marcher sur l’Elysée mais il se refuse à prendre illégalement ce quil
pense obtenir par les urnes quelques mois plus tard. La réaction républicaine ne
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se fait plus attendre et une loi interdit le scrutin de liste ainsi que les candida-
tures multiples. Pensant être arrêté, le général Boulanger senfuit à Londres puis
gagne la Belgique doù il suit les élections de 1889. Sans Boulanger, le boulan-
gisme n’est plus aussi convaincant dautant quentre temps, il a glissé de la gauche
ouvrière vers un nationalisme antiparlementaire de droite, qu’il fonde par ail-
leurs. Les élections sont un échec ; seulement quarante-deux sièges. En 1891,
Boulanger se suicide sur la tombe de sa mtresse.
Le boulangisme, sil n’a pas porté son leader au pouvoir, fait pour la pre-
mière fois la monstration des insuffisances de la jeune République, très peu
sociale, en même temps qu’il réle le fort sentiment antiparlementaire animant
le pays. Le peuple continue de croire à lhomme providentiel, à celui qui déplace
des foules, les guérit de leurs maux, « le parfum de la monarchie sans retourner
à l’ancien régime » (Jean Garrigues).
Peu de temps aps la crise boulangiste éclate le « scandale de Panama »
(1892). Laffaire réle que nombre de députés, pour la plupart élus de gauche,
et de journalistes ont touché des commissions illégales afin de favoriser le lan-
cement et la souscription dun emprunt desti à financer la construction du ca-
nal de Panama, alors confiée au Français de Lesseps qui sest illustrée dans le
percement de l’isthme de Suez. Laffaire fait grand bruit et démontre la collu-
sion intéressée entre le monde politique et le milieu des affaires. Elle inaugure
également lantisémitisme de lopposition à la République, à travers les propos du
journaliste Edouard Drumont, directeur de la
Libre Parole
, et couvreur du
scandale.
Mais la ritable grande crise du régime est à venir. L« Affaire » comme
on la nomme souvent, commence par une banale histoire despionnage. En 1894, le
capitaine Alfred Dreyfus est arrêté. Lhomme est convaincu davoir remis un
bordereau de larmée française à un attaché militaire allemand, officiant à
lambassade de son pays. Le 22 cembre 1894, Dreyfus est condamné à la -
gradation militaire et à la déportation à vie en Guyane. Laccusation sappuie sur
une expertise en écriture et sur un dossier secret, dont on apprendra plus tard
quil contient de nombreux faux. Surtout, Alfred Dreyfus est juif, alsacien, riche
de naissance, ayant épousé une riche ritière, et polytechnicien ; il est une cible
idéale venant confirmer les thèses dun antisémitisme latent. Il faut enfin souli-
gner qu’en cette fin dannée 1894, il nest personne pour enquêter sur la culpabili-
té de Dreyfus, vérifier les conditions de sa condamnation ; de Jaurès à Clémen-
ceau, tous approuvent la sanction, certains même la trouvent trop « clémente ».
Il ny a que Mathieu Dreyfus, frère du condamné, et Bernard Lazare, jour-
naliste pour refuser ce qui est présenté comme une évidence. En 1897, le lieute-
nant-colonel Georges Picquart avoue à deux amis conntre la vérité depuis un
an : le fameux bordereau a été transmis par le commandant Esterházy, officier
sans scrupule et endetté, muté depuis en Tunisie. En même temps, le colonel
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