05-Rivière 04/12/12 11:33 Page 97 Recherche et Applications en Marketing, vol. 27, n° 3/2012 PÉDAGOGIE Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing Arnaud Rivière Maître de conférences IAE de Tours – Université de Tours VALLOREM Rémi Mencarelli Maître de conférences – HDR IAE de Dijon – Université de Bourgogne LEG-CERMAB RÉSUMÉ La valeur perçue par les consommateurs occupe une place significative dans les réflexions actuelles des praticiens et des chercheurs en marketing. Cependant, la diversité des recherches et l’absence d’un cadre théorique unifié nécessitent un travail de clarification. Cet article propose ainsi d’identifier, à partir des définitions et approches de la valeur, des critères de classification et de caractérisation de cette notion. Puis, la comparaison avec d’autres concepts proches amène à resituer la valeur perçue au sein d’un réseau de relations. Enfin, les implications managériales, liées à l’analyse de la valeur perçue, sont soulignées. Mots clés : Valeur perçue, achat, consommation, qualité, sacrifices, satisfaction, fidélité. SOMMAIRE INTRODUCTION LA VALEUR PERÇUE, UNE NOTION POLYSEMIQUE Les apports des sciences humaines et sociales à l’étude de la valeur La formation du processus de valorisation Les critères d’appréciation de la valeur lors d’un échange Les critères de classification de la valeur Classification de la valeur selon son moment de formation Classification de la valeur selon la nature de sa conceptualisation Les auteurs remercient sincèrement le professeur Véronique des Garets ainsi que les lecteurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions qui ont permis d’améliorer la qualité de cet article. Ils tiennent également à exprimer leur gratitude à Patricia Coutelle-Brillet et Mathilde Pulh pour leur relecture attentive des premières versions de cet article. Ils peuvent être contactés aux adresses électroniques suivantes : [email protected] ; [email protected] 05-Rivière 28/11/12 98 12:01 Page 98 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Les critères de caractérisation de la valeur La valeur est issue d’un jugement comparatif La valeur est personnelle La valeur est contextuelle et dynamique VERS UN CADRE INTÉGRATEUR DE LA VALEUR PERÇUE Les déterminants du processus de formation de la valeur Valeur perçue et qualité perçue Valeur perçue et sacrifices perçus INTRODUCTION « Comment délivrer plus de valeur aux consommateurs ? » Voici une question cruciale à laquelle de nombreux responsables marketing cherchent à répondre afin d’acquérir un avantage compétitif. Cette préoccupation managériale, centrée sur le degré de valorisation d’une offre par les individus, apparaît d’autant plus importante que les politiques marketing axées sur l’amélioration de la qualité des biens ou sur la satisfaction des clients ont montré leurs limites1. La compréhension des sources de valeur est donc devenue essentielle. Elle permet notamment aux praticiens d’identifier les composantes de l’offre à développer (lors de la conception / production) ou à mettre en avant (en phase de commercialisation / distribution) (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). De même, elle constitue une aide précieuse lors de la définition du prix d’un bien (Simon, Jacquet et Brault, 2005). Sur le plan académique, la notion de valeur2 occupe une place de choix comme l’illustre la défini1. Bien que nécessaires, la qualité comme la satisfaction ne suffisent plus à assurer un avantage distinctif aux organisations. Les politiques de qualité ont trop renforcé l’orientation interne des entreprises. La mesure de la satisfaction, quant à elle, n’est pas toujours corrélée à la performance organisationnelle. En effet, des clients peuvent se dire satisfaits d’un fournisseur mais acheter leurs biens auprès de la concurrence (Woodruff, 1997). 2. Compte tenu de l’absence d’une vision unifiée sur la valeur, le terme de « notion » doit être préféré à celui de « concept » pour l’aborder. En effet, Cova et Rémy (2001) estiment qu’à l’inverse du terme de « notion », celui de « concept » suppose une définition précise de l’objet étudié. Ces auteurs parlent ainsi de « notion » lorsqu’ils abordent la « valeur de l’offre de l’entreprise pour le consommateur ». Les conséquences de la valeur perçue : satisfaction et fidélité Valeur perçue et satisfaction Valeur perçue et fidélité du client LES APPORTS MANAGÉRIAUX D’UNE ANALYSE MARKETING CENTRÉE SUR LA VALEUR PERÇUE CONCLUSION tion du Marketing Management appréhendé comme « la science et l’art de choisir ses marchés-cibles et d’attirer, de conserver, et de développer une clientèle en créant, délivrant et communiquant de la valeur » (Kotler et alii, 2006). Toutefois, l’effervescence de la communauté scientifique sur ce sujet, couplée à l’émergence de nouvelles approches conceptuelles, a entraîné une certaine confusion théorique concernant : – la signification de la notion : en raison du nombre important de définitions de la valeur perçue, Day (2002) estime qu’aucune d’entre elles n’est largement acceptée en marketing. Cette difficulté à définir, de manière consensuelle, une telle notion est due à l’ambiguïté des termes utilisés (utilité, bénéfices), à la diversité des approches développées pour la décrire, mais également, à son caractère polysémique (Zeithaml, 1988 ; Parasuraman, 1997 ; Woodruff, 1997 ; Cova et Rémy, 2001 ; Sanchez et Iniesta, 2006, 2007). – sa distinction avec d’autres concepts proches : la valeur est une notion abstraite dont le positionnement n’est pas toujours clair par rapport à d’autres concepts tels que la qualité, le prix, la satisfaction (Cronin, Brady et Hult, 2000 ; Day, 2002 ; Sanchez et Iniesta, 2006). Ces imprécisions conceptuelles font émerger la nécessité de développer un cadre d’analyse précisant la nature, le statut et le rôle de la valeur du point de vue du consommateur. L’objectif de cet article est triple. Il s’agit, à partir d’un état de l’art, de clarifier la définition de la valeur, de positionner cette notion par rapport à d’autres concepts proches, et d’en montrer l’utilité sur le plan managérial. À l’instar de certains travaux sur la satisfaction (Vanhamme, 2002) ou sur la fidélité (Lichtlé et Plichon, 2008), cette recherche souhaite apporter, aux enseignants et aux chercheurs, 05-Rivière 28/11/12 12:01 Page 99 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing une meilleure compréhension de la notion de valeur perçue. Après avoir souligné le caractère polymorphe de la valeur en sciences humaines et sociales, les multiples approches de la valeur en marketing sont mises en perspective afin d’identifier les points de divergence et de convergence entre chercheurs. Puis, une synthèse de la littérature est proposée, permettant de resituer la valeur perçue vis-à-vis de concepts proches. Enfin, les implications managériales, liées à l’analyse de la valeur perçue, sont présentées et illustrées tant d’un point de vue stratégique qu’opérationnel. En conclusion, des voies de recherche, destinées en particulier à consolider théoriquement cette notion, sont suggérées. LA VALEUR PERÇUE, UNE NOTION POLYSEMIQUE Compte tenu de l’intensité de la production scientifique de ces dernières années, ce travail vise, en premier lieu, à identifier les points de divergence (critères de classification de la valeur) et de convergence (critères de caractérisation de la valeur) entre les différentes approches de la valeur perçue. Afin de mieux apprécier les fondements et le caractère polysémique de cette notion, les racines théoriques de la valeur sont étudiées au préalable. Les apports des sciences humaines et sociales à l’étude de la valeur La notion de valeur en marketing trouve ses fondements en philosophie et en économie. En vue d’en acquérir une meilleure compréhension, un détour par les travaux en sciences humaines et sociales paraît donc nécessaire. Celui-ci permettra à la fois d’examiner le processus de formation de la valeur et les critères d’appréciation de la valeur lors d’un échange. 99 La formation du processus de valorisation Déjà utilisée sous les termes de Bien ou de Perfection, la notion de valeur a émergé progressivement dans la philosophie moderne à la fin du XVIIIe siècle (Jerphagnon, 1973 ; Lalande, 1991), pour constituer finalement un champ théorique spécifique : l’axiologie3. Les réflexions philosophiques, qui se sont principalement axées sur la compréhension du processus de formation de la valeur, se structurent autour de deux thèmes. Le premier renvoie à la question des fondements de la valeur compris, dans son acception morale, comme un ensemble de normes auxquelles toute conduite humaine va se référer (Durozoi et Roussel, 1997). Certains penseurs (Parménide, Platon, Malebranche, Kant, Scheler, Hartmann, Le Senne, Lavelle) admettent la réalité transcendante des valeurs qui s’imposent aux individus et considèrent ainsi que la morale est liée aux faits objectifs sur le monde. Platon, dans La République, soutient cette unité idéale et essentielle du Bien, du Beau et du Vrai qui constitue le fondement ontologique et métaphysique de toute notion de valeur. Cette vision conduit alors à un traitement indépendant du problème de la valeur en distinguant « être » et « devoir-être ». Par opposition à « ce qui est », « ce qui devrait être » se présente comme une sphère de normes et de fins universelles et objectives. Le chemin est ainsi ouvert à une étude des valeurs comprises comme des objets autonomes et indépendants du champ des réalités existantes4. À l’inverse, d’autres auteurs (Socrate, Protagoras, Spinoza, Hume, Nietzsche) suggèrent que les individus sont libres de choisir les fondements de leur morale. Les valeurs sont considérées comme relatives et changeantes : chaque homme est la mesure de ce qui a de la valeur pour lui. Le second thème central de réflexion des philosophes concerne l’analyse des jugements de valeur. Par opposition au jugement de vérité (ou de réalité) qui porte sur l’existence ou non d’un fait, d’un événe- 3. L’axiologie est l’étude ou la théorie (logos) de ce qui est digne d’estime (axion), de ce qui vaut, de ce qui peut être l’objet d’un jugement de valeur (Encyclopaedia Universalis). 4. Cette vision sera reprise en sociologie. Cependant, bien que s’inscrivant dans cette vision d’autonomie des valeurs par rapport aux sujets, des auteurs comme Durkheim considèrent la société comme la seule source de toute valeur : l’individu découvre les valeurs à travers les normes que sa société produit. 05-Rivière 28/11/12 100 12:01 Page 100 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli ment, d’un objet, d’un individu, le jugement de valeur est appréciatif (Caussin et Saliceti, 2010) : – en reconnaissant à un objet une importance particulière, – par référence à un modèle (une norme) qu’il pose comme devant être imité, à une finalité comme devant être réalisée. La valeur est donc un optatif, une attente, dans la visée d’une perfection qui se résout en désir ou en devoir sur le plan moral, et ne peut s’expliquer que comme une réponse à un manque, à une aspiration d’un sujet pensant et agissant. Les critères d’appréciation de la valeur lors d’un échange Si les approches philosophiques se caractérisent par un travail conceptuel conséquent autour des fondements du processus de valorisation, les économistes ont, quant à eux, engagé des réflexions approfondies concernant les critères d’appréciation et de mesure de la valeur d’un bien lors d’un échange. Les théories de la valeur ont donc été développées afin de déterminer l’espace homogène commun à toutes les marchandises à l’intérieur duquel ces dernières sont mesurables, comparables et donc susceptibles d’être considérées comme égales (Lallement, 1990). C’est ainsi en économie politique que la valeur perçue trouve son premier usage technique (Fouquet, 2002). Dans ce champ disciplinaire, au-delà de la classique distinction, formellement introduite par Smith (1776)5, entre valeur d’échange (désignant la faculté que donne un objet d’en acquérir un autre) et valeur d’usage (liée à la satisfaction que procure l’usage d’un bien au consommateur), les courants de l’économie politique se structurent autour d’une conception objective (valeur-travail) ou subjective de la valeur (valeur utilité – rareté). L’objectif commun de ces approches est de pouvoir définir des critères d’appréciation de la valeur d’une marchandise à l’occasion d’un échange, en vue de rendre compte théoriquement des prix. 5. D’autres auteurs avaient déjà suggéré une telle distinction (Galiani en 1751, Graslin en 1767, Turgot en 1769). S’inspirant en partie de la théorie du « Juste Prix6 » de Saint Thomas d’Aquin, Adam Smith (1776) s’inscrit dans une conception objective de la valeur, et considère la quantité de travail (nécessaire à la production d’un bien), comme étant la source et la mesure de toute valeur d’échange : « ce que chaque chose coûte réellement à celui qui veut se la procurer, c’est le travail et la peine qu’il doit s’imposer pour l’obtenir » (Smith, 1776). Ainsi, si pour tous les auteurs s’inscrivant dans cette approche la valeur d’usage est une condition nécessaire à la valeur d’échange, elle ne suffit pas à en constituer le fondement, comme l’illustre le paradoxe de l’eau et du diamant7 (Lallement, 1990). La thèse soutenant le travail comme élément central de la définition de la valeur (d’échange) a été approfondie par Ricardo et, dans un tout autre esprit, par Marx. Le premier reprend la théorie de Smith et l’affine, pour l’essentiel, en considérant non pas le travail commandé (quantité de travail que la vente de la marchandise permet d’acheter) mais le travail incorporé (quantité de travail nécessaire pour fabriquer la marchandise). Le second introduira la notion de temps de travail socialement nécessaire pour produire la marchandise. Il s’agit du temps qu’exige « tout travail, exécuté avec le degré moyen d’habileté et d’intensité et dans des conditions qui, par rapport au milieu social donné, sont normales » (Marx, 1867). Marx précise également que lorsque la marchandise arrive sur le marché, l’échange amène les producteurs à comparer les valeurs de leurs produits. Ce phénomène conduit alors les individus à attribuer aux marchandises des propriétés qui sont en réalité celles de leurs rapports sociaux. C’est ce qu’il nomme le caractère fétichiste de la marchandise. Au-delà de ces différences, les approches par la valeur-travail convergent vers l’idée que les prix de marché sont étroitement liés à la valeur des marchandises, et gravitent ainsi autour 6. Le juste prix d’un bien doit couvrir les dépenses en travail et les autres dépenses. Un des attributs du juste prix est d’être invariable tant que la qualité ne varie pas. Saint Thomas et les scolastiques admettent que le prix puisse augmenter lorsque la qualité est améliorée, c’est-à-dire lorsque l’utilité du bien augmente (Nézeys, 1998). 7. Ce paradoxe est utilisé par Smith pour illustrer l’absence de corrélation entre valeur d’usage et valeur d’échange. L’eau a une très forte valeur d’usage. Pourtant elle ne vaut presque rien. Inversement, le diamant, pourtant presque inutile, a une forte valeur d’échange car il a fallu une forte quantité de travail commandé pour l’extraire et le tailler. 05-Rivière 28/11/12 12:01 Page 101 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing d’un prix naturel (prix correspondant au coût de production). Dans le prolongement des réflexions menées par certains penseurs (Aristote, Galiani), philosophes utilitaristes (Bentham et Mill8) et économistes classiques français (Condillac et Say en tête9), une conception subjective de la valeur s’est progressivement développée en économie dès les années 1870. Celle-ci a principalement été défendue par la théorie néo-classique (avec des auteurs tels que Carl Menger, Stanley Jevons, Léon Walras), souvent qualifiée de marginaliste en raison de l’accent porté sur la dernière unité produite, consommée ou échangée. Selon cette approche subjective, la valeur d’une chose repose sur sa capacité à satisfaire les besoins des individus (leur utilité, et plus spécifiquement leur utilité marginale10), plaçant ainsi la valeur dans la relation qui unit l’homme à l’objet. Outre l’utilité, la rareté11 joue également un rôle essentiel en déterminant l’intensité du besoin que pourra satisfaire la marchandise. D’après cette conception, la valeur d’échange dérive de la valeur d’usage, et l’utilité devient un déterminant primordial du prix. Ces deux théories de la valeur (objective et subjective), structurant l’économie politique, seront par la suite liées et synthétisées par Marshall12. Plus globa- 101 lement, ces distinctions, établies dès la fin du XVIIIe siècle en économie politique, ont façonné toutes les voies empruntées ultérieurement par la théorie économique (Passet, 2010). Elles ont également modelé les conceptions de la valeur adoptées en marketing. Au final, ce détour par les sciences humaines et sociales offre une connaissance plus précise de la notion de valeur, dont les principaux apports sont repris dans le Tableau 1. L’étude des racines théoriques constitue une première étape dans la clarification de la notion de valeur. Toutefois, sa compréhension en marketing nécessite une analyse spécifique de ce champ disciplinaire autour de l’identification de critères de classification et de caractérisation de la valeur perçue. Les critères de classification de la valeur En marketing, la valeur perçue par les individus a été appréhendée selon plusieurs approches. Compte tenu de la multiplicité des recherches menées, deux critères sont retenus dans cet article afin de clarifier la notion de valeur perçue : le moment de formation de la valeur et la nature de sa conceptualisation. Tableau 1. – Les principaux apports des sciences humaines et sociales dans l’étude de la valeur La valeur en philosophie Structuration de la notion de valeur Nature des apports – Réalité objective et fondement ontologique de la valeur – Réalité subjective et fondement individuel de la valeur La valeur en économie – Conception objective et mesure de la valeur par le travail – Conception subjective et mesure de la valeur par l’utilité – rareté – Offre un éclairage sur les fondements – Permet l’identification de critères pour et la manière dont le jugement de valeur calculer la valeur d’échange et offre une se forme explication de la formation du prix des biens 8. Les utilitaristes, au XIXème siècle (Bentham, Mill), estiment qu’une action est bonne ou moralement justifiable dans la mesure où elle tend à produire de l’utilité, définie comme ce qui, minimisant la douleur, maximise le bonheur de toutes les personnes concernées. 9. Say rejette la théorie de la valeur-travail et considère que c’est l’utilité du bien, aux yeux des consommateurs, qui fonde sa valeur (Naudet, 2009). 10. La valeur utilité raisonne à la marge, sur la dernière unité consommée ou produite (Nézeys, 1998). On parle ainsi d’utilité marginale pour désigner la variation d’utilité résultant d’une variation à la marge de la quantité possédée. 11. Pour ce qui est de la valeur-rareté, les classiques anglais l’admettent dans le cas des biens non reproductibles mais estiment que ces derniers ne relèvent pas de l’analyse économique, centrée sur le domaine du reproductible. 12. Alfred Marshall va ainsi dénouer l’opposition en introduisant une perspective dynamique permettant d’articuler la théorie subjective (à court terme, centrée sur la demande) et la théorie objective (à long terme, centrée sur l’offre). 05-Rivière 28/11/12 102 12:02 Page 102 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Classification de la valeur selon son moment de formation Ce premier critère fait référence au moment de formation effective13 de la valeur au cours du processus d’achat et de consommation. Trois types de valeurs perçues peuvent être distingués : la valeur appréciée avant l’acquisition du bien (valeur d’achat), la valeur inhérente à la fréquentation du point de vente (valeur de magasinage), et la valeur perçue pendant / après la consommation, l’utilisation du produit (valeur de consommation). La valeur d’achat (customer value) puise ses racines dans la valeur d’échange en économie. En cohérence avec les travaux de Zeithaml (1988), elle peut être définie comme le résultat d’une confrontation entre les bénéfices et les sacrifices perçus associés à l’achat d’un produit, et se manifeste avant l’acquisition finale de l’offre. La valeur d’achat incarne une vision rationnelle et purement cognitive. Concernant le mode de calcul utilisé par les individus pour comparer les bénéfices et les sacrifices, celui-ci diffère fortement selon les auteurs (ratio, soustraction) (Woodall, 2003). La valeur a souvent été étudiée, en marketing, au travers de cette perspective utilitariste (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004), dont l’un des intérêts réside dans la proposition d’un cadre d’analyse articulé autour des sources de création et de destruction de valeur (bénéfices et sacrifices perçus). Dans le contexte particulier de la distribution de détail, de nombreux travaux académiques se sont intéressés à une valeur spécifique : la valeur (du comportement) de magasinage (shopping value) (Babin, Darden et Griffin, 1994 ; Babin et Babin, 2001 ; Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001, 2002 ; Filser et Plichon, 2004 ; Cottet, Lichtlé et Plichon, 2006 ; Amanor-Boadu, 2009 ; Bakini-Driss, Ben Lallouna-Hafsia et Jerbi, 2009 ; Schmitz, 2009). Dans le prolongement des travaux pionniers de Tauber (1972), ce type de valeur résulte de l’expérience que le chaland retire de sa visite au magasin, cette dernière étant considérée comme source de 13. Il est important de différencier le moment de formation du moment de perception de la valeur. En effet, la valeur après achat (se formant à l’issue de l’expérience de consommation) peut être anticipée (et donc perçue) par l’individu avant l’acte d’achat (Arnould, Price et Zinkhan, 2002). Dans le cadre de cette première classification, le critère retenu concerne précisément le moment de formation effective de la valeur. valorisation en soi (Bonnin, 2003). Dans la littérature, la valeur de magasinage a principalement été conceptualisée selon deux approches. La première consiste à structurer la valeur de magasinage autour d’une valeur utilitaire (correspondant à la fonction d’approvisionnement remplie par le magasin) et d’une valeur hédonique (associée à l’activité même de magasinage ainsi qu’aux différentes charges émotionnelles qu’elle procure) (Babin, Darden et Griffin, 1994). Jugeant cette vision comme trop parcellaire, un second courant a fondé son approche théorique sur la valeur de consommation (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001, 2002). Pour cette raison, et parce que la valeur de magasinage désigne finalement la valeur perçue liée à l’expérience d’un service particulier, cette notion présente une proximité conceptuelle forte avec la valeur de consommation. Toutefois, elle s’en distingue par le moment où la valeur est expérimentée par les consommateurs14. Trouvant son origine dans la valeur d’usage en économie, la valeur de consommation (consumer value) se définit comme « une préférence relative, caractérisant l’expérience d’interaction entre un sujet et un objet » (Holbrook et Corfman, 1985 ; Holbrook, 1994, 1999). Dans cette optique, la valeur est issue d’une expérience de consommation / possession d’un produit ou service. Holbrook (1994, 1999), dont les travaux constituent un apport majeur dans le cadre de cette approche, a proposé une typologie de la valeur de consommation. Celle-ci s’articule autour de trois dimensions clés : une dimension ontologique (orientation intrinsèque ou extrinsèque), une dimension praxéologique (orientation active ou passive) et une dimension sociale (orientation individuelle ou interpersonnelle). La combinaison de ces trois critères conduit Holbrook (1999) à répertorier huit facettes de la valeur susceptibles d’être perçues à la suite d’une expérience de consommation. Cette approche permet de souligner le caractère multidimensionnel de la valeur et fournit un cadre général d’analyse d’une expérience. La prise en compte du critère « du moment de formation de la valeur » permet donc de distinguer trois types de valeur. Alors qu’une certaine proximité conceptuelle peut être soulignée entre la valeur de magasinage et la valeur de consommation, une oppo14. Lieux d’achat et lieux de consommation doivent cependant être différents pour que la valeur de magasinage soit perçue par le consommateur. 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 103 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing 103 Tableau 2. – Comparaison des notions de valeur d’achat, de valeur de magasinage et de valeur de consommation Valeur d’achat Valeur de magasinage Valeur de consommation Conception subjective de la valeur en économie Racines théoriques La valeur d’échange en économie La valeur d’usage en économie Objectif de l’approche Approche intégrative, globale (obtenir un score global de valeur) Approche analytique (identifier le contenu, les composantes de la valeur) Travaux fondateurs en marketing Moment de formation Qualificatif donné aux « valeurs » Nature de l’évaluation Architecture de la notion Zeithaml (1988) Babin, Darden et Griffin (1994), Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001) Holbrook et Corfman (1985) ; Holbrook (1994, 1999) Avant achat de l’offre Durant la fréquentation du lieu de vente Pendant ou issue de l’expérience de consommation de l’offre Bénéfice Source de valorisation, signification, sens associé à la consommation Essentiellement fonctionnelle / utilitaire Fonctionnelle et non fonctionnelle Essentiellement affective / expérientielle / symbolique Conception discrète La valeur est définie à partir d’une compensation (calcul) entre différents bénéfices et sacrifices perçus (souvent limitée au ratio qualité / prix) Conception discrète (Babin, Darden et Griffin, 1994) : identification de la liste des sources potentielles de valeur ou Conception factorielle (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001) Conception factorielle Les différentes composantes de la valeur se définissent à partir d’un croisement de dimensions fondamentales d’une expérience, donnant lieu à une typologie (et non à une liste de coûts et de bénéfices) Source : adapté de Mencarelli (2005), Merle (2007) sition plus marquée apparaît dans la littérature entre la valeur d’achat et la valeur de consommation. En guise de synthèse, les différences essentielles entre ces trois formes de valeur sont exposées dans le Tableau 2. Bien qu’ayant retenu l’intérêt des chercheurs en marketing, les deux principales approches de la valeur en marketing (que constituent la valeur d’achat et la valeur de consommation) présentent plusieurs limites liées à leur conceptualisation15. Notamment, il est reproché à la valeur d’achat de proposer une vision simplificatrice de la réalité en réduisant les bénéfices procurés par un objet à des 15. Pour une synthèse, voir Rivière (2009). 05-Rivière 28/11/12 104 12:02 Page 104 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli éléments utilitaires / fonctionnels et les coûts à la seule prise en compte du prix monétaire. La valeur de consommation, quant à elle, s’est essentiellement attachée à identifier et à classer les sources de la valeur perçue sans véritablement s’interroger sur leur intégration au sein d’un jugement global. Compte tenu de ces limites, et en raison de leur caractère complémentaire, des auteurs ont plaidé pour un rapprochement entre la valeur d’achat et la valeur de consommation (Lai, 1995 ; Sweeney et Soutar, 2001 ; Woodall, 2003 ; Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). L’approche « mixte » ou « hybride » vise ainsi à adopter une position intermédiaire ou conciliatrice entre ces deux conceptualisations de la valeur. Plus précisément, elle consiste à aborder la valeur globale (ou chaque dimension de la valeur) au travers du cadre d’analyse qui structure la valeur d’achat (arbitrage bénéfices / sacrifices), tout en profitant de la richesse des composantes de la valeur de consommation. Dans cette optique, l’évaluation d’un bien peut intégrer des éléments utilitaires (fonctionnels / économiques), émotionnels et / ou symboliques, et peut avoir lieu avant et / ou après l’achat et l’expérience de consommation. Cette approche permet ainsi de réunir des conceptions habituellement disjointes en marketing. Toutefois, en raison de l’influence concomitante de la valeur d’achat et de la valeur de consommation, les travaux s’inscrivant au sein de l’approche « mixte » se différencient au regard de la nature de la conceptualisation de la valeur perçue. Classification de la valeur selon la nature de sa conceptualisation Les différentes approches, développées dans la littérature pour appréhender la valeur perçue, peuvent également être classées selon la nature de la conceptualisation de la notion. Outre l’intérêt qu’il présente dans la clarification de l’objet étudié, le critère d’analyse retenu permet également de s’intéresser aux modèles de mesure de la valeur. En cohérence avec les travaux de Zeithaml (1988), la valeur perçue peut être représentée selon une approche agrégée ou intégrative. Celle-ci, consistant à obtenir une évaluation générale du niveau de valorisation d’une offre, a pendant longtemps abordé la valeur d’un produit au travers d’un simple ratio qualité / prix (notion de value for money) (Gale, 1994). En cohérence avec cette conceptualisation de la valeur, Dodds, Monroe et Grewal (1991) ont proposé une opérationnalisation unidimensionnelle de la valeur. Toutefois, avec le développement de l’approche « mixte », la nature des bénéfices et des sacrifices perçus pris en compte s’est progressivement diversifiée (voir annexe A1.1). Cet enrichissement conceptuel a ainsi conduit à développer des mesures multidimensionnelles de la valeur perçue en considérant les différents sacrifices et bénéfices perçus comme autant de dimensions du construit (Lai, 1995 ; Aurier, Evrard et N’Goala, 2004 ; Marteaux, 2006). S’inscrivant davantage dans la vision d’Holbrook (1994, 1999), la valeur perçue peut aussi être conceptualisée selon une approche analytique. Cette dernière consiste, non pas à évaluer un niveau général de valeur, mais à distinguer, au sein même de la valeur, différentes composantes (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001 ; Sweeney et Soutar, 2001). Ces dernières constituent, dès lors, les dimensions du modèle de mesure associé (mesure multidimensionnelle de la valeur) (voir annexe A1.2). En cohérence avec les différentes conceptualisations présentées, le Tableau 3 synthétise les principaux modèles de mesure de la valeur perçue ainsi que leurs avantages et leurs limites. En accord avec Martin-Ruiz et alii (2008), le choix d’un type de mesure de la valeur pour le chercheur doit dépendre avant tout de ses objectifs. En particulier, si la valeur perçue est le construit central de la recherche, il conviendra de privilégier une représentation multidimensionnelle des facettes de la valeur afin de pouvoir obtenir des modèles de mesure précis16. Pour le manager, les modèles agrégés unidimensionnels apparaissent comme des outils parcimonieux, simples à administrer et permettant d’examiner si une offre a plus de valeur qu’une autre. Cependant, les modèles multidimensionnels ont l’avantage de proposer des découpages beaucoup plus fins de la valeur perçue, conduisant à identifier différents leviers potentiels de création de valeur. 16. L’arbitrage entre des modèles de mesure multidimensionnelle de premier ou de second ordre relève, là encore, d’un choix de la part du chercheur puisqu’il s’agit dans les deux cas du même construit hypothétique (Martin-Ruiz et alii, 2008). 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 105 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing 105 Tableau 3. – Les principales échelles de mesure associées aux différentes conceptualisations de la valeur perçue Inconvénients Avantages Exemples Contenu de d’échelles la mesure Mesure agrégée et unidimensionnelle de la valeur Mesure agrégée et multidimensionnelle de la valeur Mesure analytique et multidimensionnelle de la valeur Ratio qualité / prix Trade off entre des bénéfices (fonctionnels, émotionnels, sociaux, altruistes...) et des sacrifices Identification de dimensions de la valeur Dodds, Monroe et Grewal (1991) (Annexe A2.1) Aurier, Evrard et N’Goala (2004) (Annexe A2.2) Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001)17 (Annexe A2.3), Sweeney et Soutar (2001) (Annexe A2.4) – L’opérationnalisation du construit est simple (concision, facilité de traitement) (Sanchez et Iniesta, 2007). – La mesure permet de produire un score reflétant un jugement global de valeur. – La mesure permet de produire un score reflétant un jugement global de valeur (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). – La mesure recèle un potentiel opérationnel élevé, notamment pour identifier des leviers de création de valeur (Rivière, 2009) – Les dimensions du construit sont généralement structurées par des critères de classification et confère à la mesure un caractère généralisable (Mencarelli, 2005). – La mesure recèle un potentiel opérationnel élevé notamment pour caractériser des profils de valeur (Filser, 2008). – La mesure est peu sensible : elle se limite à être un indicateur d’intensité (valeur perçue forte ou faible) (Filser, 2008). – La mesure opératoire ne fournit aucune indication en vue d’améliorer la valeur perçue (Petrick, 2002). – Elle ne restitue qu’une vision essentiellement utilitariste et donc très parcellaire de la réalité (aucune prise en compte de la variété potentielle des bénéfices et sacrifices perçus) (Sanchez et Iniesta, 2007). – L’opérationnalisation du construit est complexe : il est en effet difficile de lister l’ensemble des bénéfices et des sacrifices pouvant être perçus par les consommateurs. – La complexité théorique peut rendre l’opérationnalisation du construit difficile, l’instrument de mesure ne reflétant que partiellement la richesse théorique du concept (Sanchez, Iniesta et Holbrook, 2009) – Ce type de mesure cherche essentiellement à identifier les sources de valeur perçue, sans vraiment s’interroger sur leur intégration au sein d’un jugement global (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). Au final, et même si d’autres clés de distinction auraient pu être mobilisées18, les deux critères de 17. Cette échelle s’intéresse plus précisément au cas spécifique de la valeur de magasinage. 18. Il aurait été possible, par exemple, de classer la valeur en fonction de l’objet auquel elle se rapporte : valeur de l’offre / valeur de la relation. Les travaux de Ravald et Grönroos (1996) révèlent ainsi qu’un individu peut être incité à s’adresser à une entreprise plutôt qu’à une autre, non seulement en raison de la valeur de l’offre, mais aussi au vu de la relation établie ou pouvant être établie avec le fournisseur (valeur relationnelle). classification retenus précédemment représentent des grilles de lecture utiles en vue d’appréhender le caractère polysémique de la valeur. Toutefois, et malgré ce morcellement théorique, il est possible d’identifier des critères consensuels caractérisant la valeur. Dans la perspective d’une définition plus unifiée de cette notion, cet effort de clarification représente un enjeu majeur. 05-Rivière 28/11/12 106 12:02 Page 106 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Les critères de caractérisation de la valeur Malgré l’existence de multiples approches conceptuelles dans la littérature, plusieurs caractéristiques de la valeur sont fréquemment admises par une majorité d’auteurs (Woodruff, 1997). Notamment, bien que souvent opposées en marketing, les définitions de la valeur de Zeithaml (1988) et d’Holbrook (1994, 1999) présentent certains points de convergence. ment en fonction des acheteurs. Parmi les caractéristiques individuelles susceptibles d’influencer le niveau de valorisation, la littérature souligne le rôle de certaines variables sociodémographiques, du degré de familiarité ou bien encore du niveau d’implication des consommateurs dans une catégorie de produits (Bolton et Drew, 1991 ; Lai, 1995 ; Sinha et DeSarbo, 1998 ; Hall et alii, 2000). La valeur est contextuelle et dynamique La valeur est issue d’un jugement comparatif La valeur est le résultat d’un jugement relatif, émanant d’un consommateur à l’égard d’un objet (Holbrook, 1994 ; Sinha et DeSarbo, 1998). Ce jugement s’appuie sur un processus comparatif pouvant s’exercer à deux niveaux (Oliver, 1999) : – une comparaison intra-produit : en accord avec la vision de Zeithaml (1988), l’individu procède à une comparaison entre les coûts et les bénéfices associés à l’offre considérée, – une comparaison inter-produits : pour attribuer une valeur à un bien, le consommateur le compare à d’autres alternatives qui serviront ainsi de points de référence (Holbrook, 1994, 1999 ; Sinha et DeSarbo, 1998). Comme précisé par Woodruff et Gardial (1996), la valeur n’existe que par rapport à la concurrence effective. La valeur est personnelle Il est fréquemment reconnu, dans la littérature, que la valeur est subjective et individuelle plutôt qu’objectivement déterminée par les vendeurs (Zeithaml, 1988 ; Woodruff, 1997 ; Sinha et DeSarbo, 1998 ; Day et Crask, 2000 ; Sanchez et Iniesta, 2006). Comme souligné par Zeithaml (1988), la nature des bénéfices et sacrifices considérés dans l’évaluation d’une offre peut varier selon les individus. Ainsi, certains consommateurs jugeront la valeur d’un bien à partir de la qualité, d’autres à partir du prix, et d’autres encore selon le prix et la qualité, ou bien en fonction de l’ensemble des bénéfices et des sacrifices générés par l’offre. Holbrook (1999) admet, lui aussi, que la valeur est perçue différem- Bon nombre d’auteurs s’accordent sur l’idée que la valeur perçue varie en fonction du type de bien acheté et de la situation d’usage à laquelle est confronté l’individu (Zeithaml, 1988 ; Sheth, Newman et Gross, 1991 ; Gardial et alii, 1994 ; Holbrook, 1994, 1999). De même, la valeur n’est pas statique mais change au cours du temps (Parasuraman et Grewal, 2000 ; Day, 2002). Ainsi, Parasuraman et Grewal (2000) soulignent le rôle déterminant de la valeur d’acquisition et de la valeur de transaction avant et durant l’achat mais insistent davantage sur l’influence des valeurs d’usage et résiduelle19 lors des dernières étapes de la consommation. Adoptant une perspective longitudinale, Woodall (2003) distingue quatre formes de valeur au cours du processus d’acquisition et d’utilisation d’un bien : la valeur perçue avant achat, la valeur perçue au moment de la transaction ou de l’expérience d’achat, la valeur perçue après achat, et la valeur résiduelle. Le caractère dynamique de la valeur peut notamment s’expliquer par l’évolution des critères d’appréciation de la valeur (nature et importance), utilisés par les individus lors des différentes phases d’interaction avec le produit (Gardial et alii, 1994 ; Parasuraman, 1997). Ainsi, malgré l’existence de désaccords entre chercheurs concernant le moment de formation de la valeur et la nature de sa conceptualisation, son caractère relatif, individuel et situationnel font l’objet d’un certain consensus dans la littérature. Bien que ce travail de clarification contribue à façonner une vision plus unifiée de la notion étudiée, celui-ci ne doit pas se 19. La valeur résiduelle ou valeur de rachat (redemption value) est considérée, par Parasuraman et Grewal (2000), comme le bénéfice résiduel (prix du produit) au moment de la reprise ou de la fin de vie d’un bien. 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 107 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing limiter à la définition de la valeur mais doit se poursuivre en vue d’étudier ses liens avec d’autres concepts proches. VERS UN CADRE INTÉGRATEUR DE LA VALEUR PERÇUE La valeur perçue se situe au sein d’un réseau nomologique complexe dont font partie la qualité perçue, la satisfaction ou encore la fidélité. Or, la multiplicité des travaux en marketing sur la valeur a fait émerger de nombreuses controverses sur l’éventuelle proximité théorique et sur les relations causales de cette notion avec d’autres concepts. Par ailleurs, si de nombreuses recherches ont traité de valeur perçue, peu d’efforts ont été consacrés à son intégration dans un modèle d’analyse plus global. Il paraît ainsi attrayant de chercher à esquisser un cadre théorique général de la valeur. L’objectif de cette partie est donc de resituer la valeur au sein d’un ensemble de concepts en abordant les déterminants et les conséquences de la valeur perçue d’une offre. Dans cette optique, le Tableau 4 recense des travaux empiriques mobilisant la valeur perçue et testant sa relation avec d’autres concepts fondamentaux de la littérature en marketing. Les déterminants du processus de formation de la valeur Comprendre le processus de formation de la valeur perçue conduit à s’interroger à la fois sur les éléments étiologiques de ce processus et sur leur impact. Sur un plan opérationnel, l’identification des déterminants de la valeur représente, pour les managers, autant de moyens d’action permettant d’accroître le niveau de valeur délivrée à leurs clients. Un examen de la littérature révèle de nombreux antécédents de la valeur tels que les caractéristiques individuelles (comme l’âge, le revenu – Bolton et Drew, 1991), les caractéristiques de l’offre (comme le prix, la marque, le point de vente, le personnel en 107 contact – Zeithaml, 1988 ; Dodds, Monroe et Grewal, 1991 ; Harline et Jones, 1996) ou encore les caractéristiques situationnelles (comme le risque perçu – Sweeney, Soutar et Johnson, 1999). Toutefois, parmi les antécédents identifiés, de nombreux chercheurs se sont intéressés à deux concepts au degré d’abstraction plus élevé, qui apparaissent comme centraux pour comprendre les processus de création ou de destruction de valeur (Dodds et Monroe, 1985) : – la qualité perçue (Zeithaml, 1988 ; Zeithaml et Bitner 2000 ; Sanchez, Iniesta et Holbrook, 2009), – les sacrifices perçus (Zeithaml, 1988 ; Teas et Agarwal, 2000). Valeur perçue et qualité perçue En raison de leur degré d’abstraction, qualité et valeur perçues ont souvent été confondues dans la littérature comme dans le discours des managers (Zeithaml, 1988). Pour certains auteurs, la valeur (monétaire) se définit comme un ratio qualité / prix (Monroe, 1990 ; Gale 1994). Cette définition a parfois amené à considérer, de manière abusive, la qualité comme une composante de la valeur (Sweeney et Soutar, 2001). Pourtant, si ces deux notions ont des points communs, elles reflètent des réalités distinctes (Kirmani et Baumgarten, 2000). La qualité perçue est définie comme le jugement, par le consommateur, de la supériorité ou de l’excellence d’un produit (Zeithaml, 1988), et s’inscrit dans un processus de confirmation / disconfirmation des attentes (Iacobucci, Grayson et Ostrom, 1994 ; Jougleux, 2006). Outre le fait que la qualité et la valeur perçues traduisent des jugements de l’individu et sont donc subjectives, elles se caractérisent également par une dimension évaluative et relative (Oliver, 1999). Cependant, alors que la valeur est le résultat d’un ratio coûts / bénéfices, le consommateur infère la qualité à partir de nombreux facteurs dont les attributs intrinsèques et extrinsèques du produit, les attentes individuelles et l’information reçue (Sirieix et Dubois, 1999). Les éléments, à l’origine de la formation de ces deux notions, permettent donc de les distinguer. Si une certaine confusion théorique a pu conduire à rapprocher qualité et valeur perçues, un examen plus attentif de la littérature montre que la qualité constituerait davantage un antécédent de la valeur exerçant 28/11/12 12:02 Page 108 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli 108 Les déterminants de la valeur Tableau 4. – Les principaux déterminants et conséquences de la valeur perçue d’une offre Concepts Références théoriques Qualité perçue Zeithmal (1988) ; Bolton et Drew (1991) ; Dodds, Monroe et Grewal (1991) ; Chang et Wildt (1994) ; Ostrom et Iaccobucci (1995) ; Fornell et alii (1996) ; Harline et Jones (1996) ; Wakefield et Barnes (1996) ; Sweeney, Soutar et Johnson (1997) ; Grewal et alii (1998) ; Grewal, Monroe et Krishnan (1998) ; Sirohi, McLaughlin et Wittink (1998) ; Cronin, Brady et Hult (2000) ; Slater et Narver (2000) ; Teas et Agarwal (2000) ; Tam (2004) ; Gallarza et Gil Saura (2006) ; Yoon, Lee et Lee (2010). Sacrifices perçus Zeithmal (1988) ; Bolton et Drew (1991) ; Chang et Wildt (1994) ; Cronin, Brady et Hult (2000) ; Teas et Agarwal (2000) ; Tam (2004) ; Gallarza et Gil Saura (2006). Caractéristiques de l’offre20 : caractéristiques intrinsèques et extrinsèques (prix, nom de marque, nom du point de vente, personnel en contact...) Dodds et Monroe (1985) ; Monroe et Krishnan (1985) ; Zeithaml (1988) ; Dodds, Monroe et Grewal (1991) ; Ostrom et Iaccobucci (1995) ; Harline et Jones (1996) ; Grewal et alii (1998) ; Grewal, Monroe et Krishnan (1998) ; Teas et Agarwal, 2000 ; Agawarl et Teas, 2001, 2002 ; 2004 ; Yi et Hoseong (2003). Caractéristiques contextuelles (risque perçu) Sweeney, Soutar et Johnson (1999) ; Agarwal et Teas (2001) ; Snoj, Pisnik et Mumel (2004). Caractéristiques individuelles Rao et Monroe (1989) ; Bolton et Drew (1991) ; Lai (1994) ; Sinha et (implication, familiarité, âge, DeSarbo (1998) ; Hall et alii (2000). revenu, genre...) Les conséquences de la valeur 05-Rivière Satisfaction Fidélité transactionnelle Fidélité relationnelle Fornell et alii (1996) ; De Ruyter et alii (1997) ; Taylor (1997) ; Lemmink, de Ruyter et Wetzels (1998) ; Cronin, Brady et Hult (2000) ; McDougall et Levesque (2000) ; Tam (2004) ; Cottet, Lichtlé et Plichon (2006) ; Gallarza et Gil Saura (2006) ; Yoon, Lee et Lee (2010). Lichtenstein, Netemeyer et Burton (1990) ; Dodds, Monroe et Grewal (1991) ; Chang et Wildt (1994) ; Wakefield et Barnes (1996) ; Grewal et alii (1998) ; Grewal, Monroe et Krishnan (1998) ; Sirohi, McLaughlin et Wittink (1998) ; Sweeney, Soutar et Johnson (1999) ; Cronin, Brady et Hult (2000) ; McDougall et Levesque (2000) ; Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001) ; Sirdesmuckh, Singh et Sabol (2002) ; Yi et Hoseong (2003) ; Tam (2004). Aurier, Benavent et N’Goala (2001). 20. Dans le cas spécifique de la valeur de magasinage, les caractéristiques de l’offre, déterminant la valeur perçue, peuvent être la disponibilité des produits, la foule, les services périphériques, le personnel en contact, les facteurs d’ambiance (Cottet, Lichtlé et Plichon, 2006). 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 109 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing sur cette dernière une influence positive (Bolton et Drew, 1991 ; Cronin, Brady et Hult, 2000). Dans cette optique, les consommateurs dérivent la valeur d’un produit ou service de la qualité perçue (Oliver, 1999). Cette dernière joue, par ailleurs, un rôle de médiateur (partiel) des effets des caractéristiques du bien, et notamment de la marque (image de marque, capital marque) et du point de vente (image du point de vente), sur la valeur perçue (Teas et Agarwal, 2000 ; Agarwal et Teas, 2002). Valeur perçue et sacrifices perçus Les sacrifices perçus apparaissent comme le second déterminant central du processus de formation de la valeur. Les sacrifices perçus peuvent se définir comme « le coût total d’un produit, c’est-àdire (...) les sacrifices monétaires et non monétaires qui sont nécessaires pour obtenir et / ou utiliser le produit » (Lambey, 1999). Là encore, une certaine confusion a conduit à assimiler valeur perçue et sacrifices perçus, en considérant ces derniers uniquement sous l’angle du prix (la valeur étant alors synonyme de faible prix21) (Zeithaml, 1988). Pendant longtemps, les sacrifices perçus ont en effet été analysés seulement au travers de leur composante monétaire et ont été confondus avec la notion de prix perçu (Grewal, Monroe et Krishnan, 1998). Pourtant, le concept de sacrifices perçus présente bien un caractère multidimensionnel, composé d’éléments monétaires mais également non monétaires comme le temps, les efforts de recherche d’information, les coûts de commodité, le risque perçu ou encore les coûts psychologiques (Murphy et Enis, 1986). La reconnaissance de l’aspect multidimensionnel des sacrifices perçus a permis de les dissocier clairement de la valeur perçue et d’isoler leurs effets en tant qu’antécédents. 21. Le travail fondateur de Zeithaml (1988) a conduit à assimiler valeur perçue et faible prix. Par la suite, Dodds, Monroe et Grewal (1991) ont montré que la relation prix – valeur suivait une courbe en U inversé. Selon ces auteurs, un accroissement du prix génère un surcroit de valeur perçue jusqu’au moment où le prix est considéré comme inacceptable par le consommateur. Dans ce dernier cas, la valeur perçue commence à décroître. Précisons que ces travaux concernent le cas où le prix du produit ou service est déjà fixé. Toutefois, l’étude de la valeur perçue peut également permettre de fixer le niveau des prix d’une offre, via l’étude du consentement à payer des consommateurs (Le Gall, 2009). Dans cette perspective, une forte valeur perçue maximisera le consentement à payer du consommateur (et donc le prix de vente potentiel). 109 Symétriquement à l’influence positive de la qualité perçue sur la valeur, plusieurs recherches ont montré l’influence directe et négative exercée par les sacrifices perçus sur le processus de valorisation (Zeithaml, 1988 ; Dodds, Monroe et Grewal, 1991 ; Teas et Agarwal, 2000 ; Tam, 2004)22. Les sacrifices perçus jouent également un rôle de médiateur (partiel) dans la relation prix – valeur tout comme dans la relation risque perçu – valeur (Teas et Agarwal, 2000 ; Agarwal et Teas, 2002). L’analyse des logiques d’influence de la qualité et des sacrifices perçus, sur le processus de valorisation d’une offre, apporte une contribution théorique intéressante. Il reste cependant à comprendre les conséquences générées par la valeur perçue. Les conséquences de la valeur perçue : satisfaction et fidélité Analyser les conséquences de la valeur perçue revient à en étudier les relations avec deux concepts centraux de la littérature en marketing : la satisfaction et la fidélité. Outre un intérêt académique, comprendre ces liens trouve une résonance managériale forte dans la mesure où les politiques de fidélisation fondées sur la gestion de la satisfaction sont courantes, à l’opposé de celles s’appuyant sur la valeur perçue. Valeur perçue et satisfaction La satisfaction est très souvent présentée comme la première conséquence de la valeur perçue (Cronin, Brady et Hult, 2000). Pourtant, un examen de la littérature montre que satisfaction et valeur sont fréquemment confondues et que leurs relations peuvent être plus complexes (Jones et Sasser, 1995 ; Caruana, Money et Berthon, 2000). D’ailleurs, Oliver (1999) identifie six représentations possibles de l’articulation satisfaction – valeur. Cette confusion trouve son origine dans les définitions proposées, mais aussi dans les modèles développés. 22. Selon la théorie des perspectives (prospect theory) de Kahneman et Tversky (1979), les individus semblent plus sensibles aux pertes (sacrifices) qu’aux gains (bénéfices). 05-Rivière 28/11/12 110 12:02 Page 110 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli La satisfaction est avant tout un état psychologique. Elle peut se définir comme une évaluation subséquente aux affects et cognitions post-consommatoires23 (Oliver, 1997). Par ailleurs, la satisfaction suppose un processus de confrontation de la performance du produit à des standards de comparaison tels que les attentes, les désirs, les normes basées sur l’expérience avec la catégorie de produits, les idéaux ou les promesses (Ngobo, 1998). Comme le notent Audrain et Evrard (2001), valeur perçue et satisfaction ont des points communs : elles sont notamment issues d’un processus de comparaison et ont toutes les deux une dimension cognitive. Plus globalement, dans une perspective postachat, satisfaction et valeur sont des jugements d’évaluation (Ostrom et Iacobucci, 1995), faisant référence à une appréciation réalisée par le consommateur à la suite d’une expérience. Cependant, plusieurs caractéristiques permettent de les distinguer : – la première renvoie aux termes de la comparaison. En effet, le jugement de valeur prend comme standards la qualité et les sacrifices consentis, contrairement à la satisfaction liée aux attentes du consommateur (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). – par ailleurs, dans une perspective cumulée, la satisfaction renvoie à une évaluation globale de la relation de l’individu avec une entreprise (DeWulf, Odekerken-Schroder et Iacobucci, 2001), alors que la valeur a une portée plus générale dans la mesure où elle est le résultat d’expériences avec une classe d’objets (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). Au-delà de cet éclairage sur les distinctions entre valeur et satisfaction, un examen attentif de la littérature permet d’identifier la satisfaction comme une conséquence de la valeur perçue. En effet, une majorité de travaux postulent et valident empiriquement une relation linéaire et positive entre valeur et satisfaction24 (Tableau 4). Plusieurs travaux ont également validé le rôle médiateur de la satisfaction sur la relation valeur – fidélité (Cronin, Brady et Hult, 2000 ; 23. La satisfaction est donc une évaluation post-expérientielle, ce que n’est pas nécessairement la valeur perçue (Audrain et Evrard, 2001). 24. Certaines recherches ont montré que la satisfaction pouvait être considérée comme un déterminant de la valeur perçue lorsque cette dernière était considérée comme le reflet de la relation de l’individu avec un produit ou service (Bolton et Drew, 1991 ; Zahorik et Rust, 1992). D’autres chercheurs ont proposé des visions conciliatrices où valeur et satisfaction seraient liées par une relation bidirectionnelle (Oliver, 1999). McDougall et Levesque, 2000 ; Tam, 2004 ; Gallarza et Gil Saura, 2006). Valeur perçue et fidélité du client Outre le lien avec la satisfaction, examiner les conséquences de la valeur perçue revient à analyser son impact sur la fidélité du client, définie : – dans une perspective transactionnelle, comme une préférence, une intention d’achat ou encore un achat répété ; – dans une perspective relationnelle, comme un lien pérenne entre les parties, autrement dit comme un engagement et un attachement du consommateur à l’égard de la marque (Lichtlé et Plichon, 2008). Historiquement, la satisfaction a été la première à être identifiée comme un antécédent de la fidélité (Oliver, 1980 ; Oliver et Linda, 1980). Cependant, des auteurs ont mis en évidence la nécessité d’introduire des variables alternatives telles que la valeur perçue, soulignant notamment le caractère transitoire des états émotionnels attachés à la satisfaction et, plus globalement, son insuffisance pour expliquer la fidélité (Gale, 1994 ; Yi et Hoseong, 2003 ; Filser, 2008). Ainsi, en considérant la fidélité dans une perspective transactionnelle, de nombreux travaux ont validé l’existence d’une influence positive de la valeur perçue sur des intentions futures (d’achat, de recommandation, de parrainage)25 ou des comportements effectifs (Tableau 4) (cette relation pouvant être modérée par l’implication à l’égard de la catégorie de produits – Yi et Hoseong, 2003). S’il est acquis que la valeur perçue exerce bien un effet positif et direct sur les comportements de fidélité, certains chercheurs estiment difficile de considérer ce concept de manière isolée et hors de tout enchâssement relationnel plus global (Aurier, Benavent et N’Goala, 2001). Ainsi, en considérant la fidélité dans une perspective relationnelle, ces auteurs proposent et valident empiriquement un cadre conceptuel élargi où la valeur perçue agit sur la fidélité par l’intermédiaire d’une chaîne relationnelle composée de la satisfaction, de la confiance et de l’attachement. 25. À notre connaissance, seuls les travaux de Grewal, Monroe et Krishnan (1998) postulent et valident un impact négatif de la valeur sur les intentions comportementales comprises comme des intentions de recherche d’information. 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 111 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing Au final, la synthèse proposée permet de comprendre la place de la valeur perçue dans des séquences causales associant déterminants et conséquences. LES APPORTS MANAGÉRIAUX D’UNE ANALYSE MARKETING CENTRÉE SUR LA VALEUR PERÇUE Afin de proposer une vision complète de la notion étudiée dans le champ du marketing, il reste à détailler les apports potentiels, d’un point de vue managérial, d’une réflexion centrée sur la valeur perçue. À ce niveau d’analyse, la valeur perçue est reconnue par de nombreux auteurs comme un outil de décision puissant pour les managers (Nilson, 1992 ; Gale, 1994 ; Gallarza, Gil-Saura et Holbrook, 2011). Plus particulièrement, les différentes approches, développées autour de la valeur perçue, semblent introduire des perspectives riches sur le plan des applications managériales tant au niveau stratégique (segmentation, positionnement) qu’au niveau opérationnel (offre produit, politique de prix). Ainsi, dans le prolongement de l’hypothèse de Woodruff (1997), la valeur perçue peut permettre d’articuler efficacement réflexion au niveau stratégique et traduction au niveau opérationnel. Sur un plan stratégique, plusieurs travaux ont illustré l’intérêt managérial de mobiliser la valeur perçue pour réexaminer des questions relatives à la segmentation (Tellis et Gaeth, 1990 ; Slater, 1997) ou encore au positionnement (Gale, 1994 ; Heskett, Sasser et Schlesinger, 1997 ; Evrard, Aurier et N’Goala, 2004 ; Arvidsson, 2006). Dans le premier cas, une approche par la valeur perçue et plus particulièrement par les bénéfices en situation d’usage peut permettre de faciliter l’identification de segments de consommateurs non satisfaits (Holbrook, 1996). Dans le second cas, l’évolution du concept de positionnement, conduisant les entreprises à mobiliser massivement des attributs symboliques au détriment d’attributs fonctionnels, pose le double problème de l’efficacité de ces stratégies (notamment de l’articulation entre positionnement voulu et positionnement perçu) et du choix des instruments permettant de les 111 mesurer (Pontier, 1988 ; Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001). Dans cette perspective, une approche par la valeur perçue peut permettre de surmonter ces difficultés en proposant des outils de mesure efficaces pour les managers (Woodruff et Gardial, 1996 ; Woodruff, 1997). Une analyse mobilisant la valeur perçue peut également favoriser l’identification de nouveaux axes de positionnement en imaginant des combinaisons de valorisation non exploitées jusqu’alors (Filser, et Plichon, 2004). Comme le soulignent Sweeney et Soutar (2001), la reconnaissance de l’importance de la valeur devrait donc conduire les entreprises à développer des stratégies de positionnement plus sophistiquées et devrait leur permettre, plus globalement, de se doter d’un avantage concurrentiel durable (voir encadré 1). Parallèlement, sur le plan opérationnel, une approche par la valeur perçue peut permettre d’optimiser les différentes composantes du marketing mix (Park, Jaworski et MacInnis, 1986). Par exemple, il peut être possible, via la mobilisation d’une analyse centrée sur la valeur, de juger de la pertinence d’un programme de customisation d’une offre. De même, la valeur revêt une importance centrale en matière de pricing (Monroe, 1990 ; Simon, Jacquet et Brault, 2005). En effet, en parallèle de la prise en compte des coûts et de la concurrence, la politique de prix doit intégrer la notion de valeur perçue dans son raisonnement en vue de fixer un prix de vente à un niveau optimal (Le Gall, 2009) (voir encadré 1). CONCLUSION L’objectif de cette contribution était de clarifier la nature, le statut et le rôle de la valeur perçue en marketing. Au terme de l’analyse, cette synthèse souligne à la fois le potentiel théorique et managérial de la valeur perçue, mais aussi la difficulté de développer une théorie intégrée de cette notion en raison de la variété des recherches effectuées et des positions adoptées sur la thématique. Ainsi, ce travail a permis d’identifier, au-delà de fondements disciplinaires éclatés et de conceptuali- 05-Rivière 28/11/12 112 12:02 Page 112 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Encadré 1. – Implications managériales liées à l’étude de la valeur perçue d’une offre – Des applications en marketing stratégique et opérationnel Sur un plan stratégique, Mencarelli et Pulh (2005) proposent une analyse du champ concurrentiel des festivals. Les auteurs montrent qu’au-delà des classiques dimensions esthétiques et hédonistes, la multiplicité des sources de valorisation des festivals laisse la possibilité de choisir entre une très grande diversité de positionnements. Les professionnels peuvent décider, par exemple, de privilégier une valorisation en termes de prestige ou de statut (festival de Salzburg, festival de Bayreuth), une valorisation intellectuelle (le in du Festival d’Avignon) ou bien encore une valorisation en termes de lien social (Chalon dans la rue). Dans le domaine de la distribution, Badot et Heilbrunn (2006) proposent une analyse du positionnement de Chapters, réseau canadien de librairies. Les auteurs s’intéressent notamment à la manière dont l’enseigne crée de la valeur pour ses consommateurs. Plus particulièrement, ils s’appuient sur la valeur pour mettre en avant la cohérence entre le positionnement voulu par l’enseigne (expérientiel) et les nombreux leviers opérationnels mobilisés (facteurs sensoriels, architecture, services proposés). Sur un plan opérationnel, Merle, Chandon et Roux (2008) mobilisent la valeur perçue afin d’analyser l’impact des programmes de customisation (de type Nike Id, My M&M’s). Ils montrent notamment que si de nombreux consommateurs sont prêts à payer un surprix pour le produit customisé (la customisation apportant un surplus de valeur), d’autres individus jugent les coûts de customisation de masse (efforts cognitifs, temps requis pour personnaliser le produit, délais de livraison) supérieurs aux bénéfices perçus, et se déclarent ainsi prêts à payer plus cher pour le produit standard (en comparaison au produit customisé). En matière de pricing, Simon, Jacquet et Brault (2005) reviennent sur le cas de la classe A de Mercedes-Benz. Lors de son introduction sur le marché allemand en 1997, l’intention était de fixer le prix du véhicule juste endessous du seuil psychologique des 30000 Deutsche Mark (environ 15 320 €). Une analyse de la valeur perçue par les clients révéla cependant que les qualités du produit et la marque Mercedes permettraient de fixer un prix plus élevé. Finalement, le modèle de base fut lancé à 31 000 DM (15 830 €). Avec 200 000 véhicules produits annuellement, la différence de prix d’environ 1 500 DM (750 €) se traduisit par 300 millions de DM (près de 150 millions d’euros) de résultat supplémentaire par an pour Mercedes. sations différenciées, des critères de classification des approches de la valeur et des éléments de convergence autour d’une définition plus consensuelle de la notion. De même, une analyse approfondie de la littérature a conduit à faire émerger, plus clairement, la place de la valeur perçue au sein d’un réseau de relations complexes avec d’autres concepts forts de la littérature marketing. Enfin, cette synthèse a souligné la capacité de la valeur perçue à relier préoccupations opérationnelles et interrogations du monde académique. Au contraire de concepts aux effets relativement limités sur le plan managérial, les développements théoriques sur la valeur trouvent un écho attentif du côté des entreprises (Filser, 2008). Cependant, si ces caractéristiques en font un cadre explicatif séduisant, ce travail met aussi en évidence une littérature dense et confuse sur le sujet. Ce caractère hétérogène débouche sur de nombreuses définitions, conceptualisations et opérationnalisations, et donc sur des difficultés à comparer et généraliser les résultats obtenus. Afin de surmonter ces limites, et au-delà de ce travail de clarification, des voies de recherche semblent prioritaires en vue de développer une représentation organisée et plus unifiée de la valeur perçue dans le champ du marketing. Parallèlement, il convient de continuer à alimenter la dynamique des réflexions autour de cette notion en proposant des voies de recherche de nature plus exploratoire. Construire un cadre théorique plus robuste autour de la valeur perçue Devant la nécessité de proposer une théorie générale et homogène de la valeur perçue, les futures recherches devraient se diriger vers la constitution 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 113 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing d’une vision agrégée de la valeur. En effet, la diversité des approches identifiées dans l’article contribue à fragiliser le processus de conceptualisation de la valeur perçue. Ainsi, ce que certains chercheurs considèrent comme des antécédents théoriques de la valeur est assimilé, par d’autres, à des dimensions ou à des conséquences de cette notion. En inscrivant la valeur à la jonction de plusieurs perspectives, il paraît possible de passer de conceptions a priori opposées à une approche intégrée. Des chercheurs se sont déjà engagés dans cette démarche en proposant des modèles hybrides (Lai, 1995 ; Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). Ces conceptualisations composites, bien que partielles, offrent des perspectives attrayantes en comparaison des modèles de la valeur s’inscrivant exclusivement dans une approche théorique restrictive. Ainsi, et contrairement à la tendance qui a caractérisé la recherche en marketing au cours de la dernière décennie, la priorité ne réside plus dans le développement d’approches alternatives de la valeur, mais dans la constitution d’une vision agrégée, bâtie sur les approches existantes. Par ailleurs, la valeur perçue devrait être davantage étudiée au sein d’un modèle global d’analyse du comportement du consommateur. Cet axe de recherche apparaît comme central en vue d’affiner la compréhension des relations entre la valeur et d’autres concepts. Ainsi, il conviendrait d’appréhender au sein d’une même modélisation l’ensemble des déterminants et des conséquences de la valeur perçue. Cette perspective présenterait le double intérêt d’analyser l’impact conjoint des déterminants sur la valeur perçue et les effets combinés de cette dernière, et de concepts proches (notamment la satisfaction), sur la fidélité. Parallèlement à cette intégration de la valeur au sein d’un modèle global, certaines relations méritent d’être approfondies. Ainsi, à l’instar de la relation satisfaction-fidélité, le lien valeur-fidélité apparaît comme potentiellement complexe mais n’a fait l’objet, à notre connaissance, d’aucune étude fouillée. Ce lien s’atténue-t-il rapidement dans le temps ? Est-il asymétrique et non linéaire comme le lien satisfaction-fidélité (Agustin et Singh, 2005) ? Quel est l’impact d’une hausse (baisse) de la valeur perçue sur la fidélité en termes d’amplitude ? La réponse à ces questions permettrait d’obtenir une analyse plus fine de l’impact de la valeur perçue sur la fidélité. Afin de construire un cadre théorique plus robuste de la valeur perçue, il paraît enfin nécessaire 113 d’intégrer plus explicitement la variable temporelle. En effet, la valeur perçue est un processus intrinsèquement dynamique (Parasuraman, 1997). Or, les recherches mobilisant la valeur adoptent généralement un horizon temporel de court terme. Considérer dans les modèles théoriques la valeur perçue comme un processus susceptible d’évoluer dans le temps, déboucherait alors sur un raffinement conceptuel. Notamment, il paraît particulièrement séduisant de développer une approche unique d’appréciation de la valeur dont la nature et l’intensité évolueraient au cours du temps, plutôt que de considérer différents types de valeur en fonction du moment d’appréhension (à l’instar des travaux de Parasuraman et Grewal, 2000). Cet axe de recherche nécessite, cependant, d’être validé par des investigations empiriques longitudinales. En vue de renforcer la place de la notion de valeur perçue en marketing, ces différentes propositions de recherche doivent tout aussi bien être examinées dans un contexte B to C que dans les autres domaines d’application du marketing (marketing industriel, marketing territorial...). Ouvrir de nouveaux champs de recherche : le cas de la co-création de valeur Au regard de l’intérêt académique grandissant pour les questions relatives aux effets d’interactions émergeant entre un système d’offre et des consommateurs (dans le prolongement des réflexions issues de la Consumer Culture Theory ou de la Service Dominant Logic), la compréhension et l’analyse des processus de co-création de valeur26 semblent être une piste de recherche prometteuse (Arnould, 2007). Dans cette perspective, les offres co-créées par le consommateur apparaissent comme un terrain d’exploration particulièrement stimulant. Ainsi, dans la lignée de quelques travaux existants (Merle, Chandon et Roux, 2008 ; Merle et alii, 2010), il semble prometteur d’approfondir la nature de la valeur d’une offre co-créée. De même, une comparaison des sources de valeur tout au long du processus de coopération entre le client et le consommateur (de la co- 26. La co-création renvoie à la coopération du client et du fournisseur tout au long du processus de conception, d’usage et de consommation. 05-Rivière 28/11/12 114 12:02 Page 114 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli conception à la co-promotion) pourrait se révéler intéressante en vue de comprendre la dynamique du processus de co-création de valeur (Zwass, 2010). Enfin, la valeur perçue pourrait être analysée en fonction d’un certain nombre de critères tels que l’intensité de participation du consommateur, les motivations initiales des individus à s’engager dans une activité de cocréation, les caractéristiques de la tâche à effectuer, ou bien encore les modalités de mise en œuvre du processus de co-création (Zwass, 2010). En prolongeant cette voie de recherche, il paraît également pertinent de développer une vision extensive de la valeur perçue en intégrant explicitement d’autres acteurs qui participent à la définition d’une offre. En effet, au-delà de la classique dyade entreprise-consommateur, Vargo, Maglio et Akaka (2008) invitent à élargir la définition du processus de création de valeur à d’autres acteurs tels que les fournisseurs, les concurrents ou les autres clients / consommateurs présents lors de l’achat et / ou de la consommation. Là encore, cela conduirait à se décentrer d’une vision axée autour de l’interaction entreprise – consommateur pour réexaminer plus complètement le contexte de formation de la valeur perçue. Les travaux académiques autour de la co-création de valeur restent à l’heure actuelle essentiellement à l’état de propositions théoriques (Gummesson, Lusch et Vargo, 2010). Pourtant, ces pistes de recherche peuvent contribuer à renouveler les interrogations autour de la valeur perçue en raison des défis théoriques et méthodologiques qu’elle pose aux enseignants-chercheurs en marketing. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Agarwal S. et Teas R.K. (2001), Perceived value: mediating role of perceived risk, Journal of Marketing Theory and Practice, 9, 4, 1-14. Agarwal S. et Teas R.K. (2002), Cross-national applicability of a perceived quality model, Journal of Product and Brand Management, 11, 4, 213-236. Agarwal S. et Teas R.K. 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Concernant les bénéfices perçus, il est possible de les reclasser en reprenant deux des trois critères de la typologie d’Holbrook (1994, 1999). Exemples de bénéfices perçus d’une offre Lai (1995) Intrinsèque • Hédonique • Affectif • Esthétique • Hédonique (plaisir-amusement, stimulation expérientielle) Extrinsèque • Fonctionnel (utilitaire) • Epistémique • Instrumental (utilitaire, connaissance) Orienté vers soi Orienté vers les autres Aurier, Evrard et N’Goala (2004) Intrinsèque • Spirituel • Pratique sociale Extrinsèque • Social • Communication (expression de soi, lien social) Non classé • Holistique • Situationnel Source : extrait de Merle (2007) Exemples de sacrifices perçus d’une offre Lai (1995) Marteaux (2006)27 Sacrifices monétaires • Coûts monétaires • Prix Sacrifices non-monétaires • Coûts temporels • Risques • Énergie • Sacrifices temporels • Coûts de commodité • Risques perçus 27. Marteaux (2006) s’inscrit dans le prolongement des travaux d’Aurier, Evrard et N’Goala (2004), et vise à détailler les sacrifices perçus d’une offre dans le cadre d’une expérience cinématographique. 28/11/12 120 12:02 Page 120 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Annexe A1.2. – L’approche analytique de la valeur Valeur perçue d’une offre Dimension 1 Antécédents de la valeur perçue Dimension 2 Conséquences de la valeur perçue Dimension 3 Dimension 4 En reprenant deux des trois critères de la typologie d’Holbrook (1994, 1999), il est possible de reclasser les facettes de la valeur identifiées par un certain nombre d’auteurs. Exemples de facettes de la valeur perçue d’une offre Intrinsèque Extrinsèque Extrinsèque Intrinsèque Orientée vers soi Holbrook (1994, 1999, 2006) Orientée vers les autres 05-Rivière Valeur hédonique N’Goala (2000) • Valeur esthétique • Valeur ludique • Valeur émotionnelle • Valeur utilitaire • Valeur économique • Excellence de la prestation • Valeur fonctionnelle / prix • Valeur fonctionnelle / qualité • Efficience • Excellence Valeur altruiste Sweeney et Soutar (2001) • Valeur hédoniste • Jeu • Esthétique Valeur économique Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001) • Valeur éthique • Éthique • Spiritualité Valeur sociale • Statut • Estime • Valeur sociale • Valeur sociale 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 121 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing 121 ANNEXE A2. – ÉCHELLES DE MESURE DE LA VALEUR PERÇUE Annexe A2.1. – Une mesure agrégée et unidimensionnelle de la valeur (Dodds, Monroe et Grewal, 1991)28 • This product is a : (very good value for the money to very poor value for the money) • At the price shown the product is : (very economical to very uneconomical) • The product is considered to be a good buy (strongly agree to strongly disagree) • The price shown for the product is : (very acceptable to very unacceptable) • This product appears to be a bargain (strongly agree to strongly disagree) Annexe A2.2. – Une mesure agrégée et multidimensionnelle de la valeur (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004)29 Utilitaire • Aller voir un film au cinéma, ça me permet d’avoir des images et un son de très bonne qualité. • Aller au cinéma, ça me permet de voir des films dans les meilleures conditions techniques. Connaissance • J’essaie de me tenir au courant des films qui passent dans les salles de cinéma. • J’écoute souvent les émissions parlant du cinéma. • Je lis souvent des articles sur les films qui passent au cinéma. Stimulation expérientielle • Quand je regarde un film au cinéma, j’oublie tout ce qui m’entoure. • Quand je regarde un film au cinéma, j’éprouve souvent une sensation de bien-être. • Quand je regarde un film au cinéma, ça m’absorbe complètement. Expression de soi (Signe) • Je peux me faire une idée de quelqu’un à partir des films qu’il va voir au cinéma. • Je juge un peu les gens en fonction des films qu’ils vont voir au cinéma. • Ma personnalité compte beaucoup dans le choix d’un film. Lien social • Aller au cinéma, ça me donne l’occasion d’en parler ensuite avec des amis. • Quand dans une conversation on parle des films qui passent au cinéma, j’aime bien ça. • J’aime bien voir des films au cinéma et en parler ensuite avec des amis. Spiritualité • Voir un film au cinéma, ça me permet de réfléchir sur les choses importantes de ma vie. • Après avoir vu un film au cinéma, j’aime bien me poser des questions importantes sur moi-même. • Voir un film au cinéma, ça me donne l’occasion de remettre en question ce que je suis. Valeur globale • Globalement, je considère qu’aller au cinéma, ça vaut bien l’énergie que j’y consacre. • Globalement, le cinéma ça vaut bien les sacrifices que je consens. • Globalement, je considère qu’aller voir un film au cinéma, ça vaut bien le temps et l’argent que je consomme. 28. Cette échelle a été développée en s’appuyant sur les travaux antérieurs de Dodds et Monroe (1985), ainsi que ceux de Monroe et Chapman (1987). Elle a été mobilisée pour mesurer la valeur perçue de différents produits (calculatrice, lecteur de musique). 29. Cette échelle a été développée en s’inspirant pour l’essentiel du travail d’Evrard et Aurier (1996), complété par celui d’Holbrook (1994). Cet outil de mesure a été utilisé pour mesurer la valeur perçue d’une séance de cinéma. Précisons que, dans cette échelle, les sacrifices ne sont pas détaillés mais intégrés dans la mesure de la valeur globale. Marteaux (2006) enrichira cet outil en ajoutant une mesure des sacrifices, indépendante de celle de la valeur. 05-Rivière 28/11/12 122 12:02 Page 122 Arnaud Rivière, Rémi Mencarelli Annexe A2.3. – Une mesure analytique et multidimensionnelle de la valeur – Échelle EVS : Experiential Value Scale (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001)30 Visual Appeal • The way XYZ displays its products is attractive • XYZ’s Internet site is aesthetically appealing • I like the way XYZ’s Internet site looks Entertainment Value • I think XYZ’s Internet site is very entertaining • The enthusiasm of XYZ’s Internet site is catching, it picks me up • XYZ doesn’t just sell products-it entertains me Escapism • Shopping from XYZ’s Internet site «gets me away from it all» • Shopping from XYZ makes me feel like I am in another world • I get so involved when I shop from XYZ that I forget everything else Intrinsic Enjoyment • I enjoy shopping from XYZ’s Internet site for its own sake, not just for the items I may have purchased • I shop from XYZ’s Internet site for the pure enjoyment of it Efficiency • Shopping from XYZ is an efficient way to manage my time • Shopping from XYZ’s Internet site makes my life easier • Shopping from XYZ’s Internet site fits with my schedule Economic Value • XYZ products are a good economic value • Overall, I am happy with XYZ’s prices • The prices of the product(s) I purchased from XYZ’s Internet site are too high, given the quality of the merchandise Excellence • When I think of XYZ, I think of excellence. • I think of XYZ as an expert in the merchandise it offers 30. Cette échelle a été conçue en s’appuyant à la fois sur une étude qualitative réalisée par une coopérative commerciale pilotée par le distributeur américain Sears (1993) et sur des échelles existantes (Batra et Athola, 1991 ; Babin et Darden, 1995). Précisons également que cet outil de mesure a été développé afin d’appréhender la valeur d’un site internet et d’un catalogue. 05-Rivière 28/11/12 12:02 Page 123 Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing 123 Annexe A2.4. – Une mesure analytique et multidimensionnelle de la valeur – Échelle PERVAL : Perceived Value (Sweeney et Soutar, 2001)31 Functional value (performance / quality) • X has consistent quality • X is well made • X has an acceptable standard of quality • X has poor workmanship • X would not last a long time • X would perform consistently Functional value (price / value for money) • X is reasonably priced • X offers value for money • X is a good product for the price • X would be economical Emotional value • X is one that I would enjoy • X would make me want to use it • X is one that I would feel relaxed about using • X would make me feel good • X would give me pleasure Social value • X would help me to feel acceptable • X would improve the way I am perceived • X would make a good impression on other people • X would give its owner social approval 31. Cette échelle a été développée en s’appuyant sur six focus group réalisés par les auteurs. L’identification des différentes dimensions de la valeur a conduit ces derniers à proposer notamment deux valeurs fonctionnelles. Dans le premier cas (performance/quality), il s’agit de mesurer l’utilité dérivée de la qualité perçue et de la performance attendue par le produit. Dans le second cas (price/value for money), il s’agit d’appréhender l’utilité qui dérive du produit en raison d’une réduction des coûts perçus de court et de long terme. Cette échelle a été utilisée pour mesurer la valeur perçue de différents produits durables (voitures, ordinateurs, appareils ménagers...). Copyright of Recherche et Applications en Marketing is the property of AFM c/o ESCP-EAP and its content may not be copied or emailed to multiple sites or posted to a listserv without the copyright holder's express written permission. However, users may print, download, or email articles for individual use.