Troubles cognitifs et démences

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Dossier coordonné par Joël Belmin
Auto-évaluation
• Questions
• Réponses
1428
1511
Éditorial
• Maladie d’Alzheimer : un chantier pour la santé publique en France
J. Belmin, J.-M. Léger
1429
Mises au point
Correspondance
Joël Belmin, Service de gériatrie
et consultation mémoire,
Hôpital Charles Foix
et Université Paris VI,
7 avenue de la République,
94205 Ivry-sur-Seine.
[email protected]
• Épidémiologie des démences
C. Berr, T. N. Akbaraly, F. Nourashemi, S. Andrieu
1431
• Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
S. Pariel-Madjlessi, C. Opéron, R. Péquignot, C. Konrat, S. Léonardelli,
J. Belmin
1442
• Neuro-imagerie des démences
S. Lehéricy, C. Delmaire, D. Galanaud, D. Dormont
1453
• Mild Cognitive Impairment
J. Touchon, F. Portet
1464
• Démences vasculaires et démences mixtes
D. Zekry, C. Duyckaerts, J.-J. Hauw
1469
• Démences frontotemporales
I. Le Ber, B. Dubois
1477
• Démence à corps de Lewy et démence associée à la maladie
de Parkinson
C. Meyniel, P. Damier
1485
• Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
M. Soto, E. Reynish, F. Nourhashémi, B. Vellas
1491
• Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
J. Belmin, R. Péquignot, C. Konrat, S. Pariel-Madjlessi
1500
1427
Une priorité de santé publique
Dossier thématique
Troubles cognitifs et démences
Presse Med. 2007; 36: 1428
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés
Test de lecture
troubles cognitifs et démences
Dossier thématique
Auto-évaluation
Troubles cognitifs et démences
La lecture régulière de La Presse Médicale fait partie intégrante de votre démarche
permanente de formation. Dorénavant, pour optimiser cette formation, nous vous proposons
avec chaque dossier thématique un court test de lecture.
Avant d’aborder la lecture de ce dossier thématique, nous vous proposons de faire
un pré-test vous permettant d’évaluer vos connaissances sur ce sujet.
Les éléments de réponse aux questions se trouvent dans les différents articles du dossier.
Bien entendu, vous pouvez refaire le test après la lecture complète des articles pour voir
si vous avez modifié vos réponses.
Les réponses et des commentaires sont disponibles à la fin du dossier thématique.
Vrai
Faux
Pour faire le diagnostic de démence, il est nécessaire d’avoir les éléments suivants :
plainte du patient concernant sa mémoire, déficit objectif de la mémoire, aphasie,
retentissement des troubles cognitifs sur la vie sociale.
❏
❏
2.
L’imagerie cérébrale montre toujours une atrophie corticale chez les patients âgés atteints
de la maladie d’Alzheimer.
❏
❏
3.
L’épilepsie, les chutes et les pneumopathies infectieuses sont des complications
de la maladie d’Alzheimer.
❏
❏
4.
Chez les patients ayant une démence débutante, les éléments suivants sont en faveur
du diagnostic de démence à corps de Lewy :
• Syndrome extrapyramidal
• Hallucinations visuelles
• Hallucinations auditives
• Maladie de Parkinson
• Paralysie de l’oculomotricité
• Altération marquée des fonctions exécutives
• Caractère fluctuant des symptômes cognitifs
• Crises épileptiques
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
❏
Les inhibiteurs de la cholinestérase sont indiqués dans le Mild cognitive impairment
ou déclin cognitif léger.
❏
❏
1.
5.
1428
Réponses p. 1511
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
en ligne sur / on line on
troubles cognitifs et démences
www.masson.fr/revues/pm
Dossier thématique
Éditorial
Presse Med. 2007; 36: 1429–30
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Maladie d’Alzheimer : un chantier
pour la santé publique en France
Joël Belmin1, Jean-Marc Léger2
1. Service de gériatrie et consultation mémoire, Hôpital Charles Foix
et Université Paris VI, Ivry-sur-Seine (94)
2. Service d’explorations fonctionnelles orienté en neurologie,
Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris (75)
Correspondance :
Disponible sur internet :
le 12 septembre 2007
Joël Belmin, Service de gériatrie et consultation mémoire, Hôpital Charles Foix
et Université Paris VI, 7 avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine.
[email protected]
Alzheimer’s disease: a major piece of work for Public Health in France
L
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.07.003
1429
a maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées responsables de démence constituent
aujourd’hui un véritable fait de société. Elles sont entrées dans notre vie quotidienne et dans
notre inconscient collectif. Lequel d’entre nous n’a-t-il jamais plaisanté sur son “Alzheimer débutant” face à l’oubli d’un numéro de téléphone ou d’un rendez-vous ? Compte tenu du nombre de
personnes touchées, proche de 1 million de cas en France, il est vraisemblable que la plupart des
français ont dans leur entourage familial ou amical une ou plusieurs personnes concernée(s) par
ces maladies. Celles-ci font l’objet d’une médiatisation importante : dans la presse, il n’y a pas de
mois sans annonces de découvertes scientifiques relatives à ces maladies, ou d’informations sur
des personnalités atteintes. Au cinéma, dans les séries télévisées et dans les romans, on voit de
plus en plus souvent apparaître des personnages atteints, voire même des œuvres entièrement
construites autour de la maladie – ils apparaissent même dans les sketches de nos humoristes !
Paradoxalement, alors que ces maladies sont de mieux en mieux connues du public, certains
médecins restent encore mal informés sur leur diagnostic et leur prise en charge. Aussi, ce dossier de La Presse Médicale, qui présente une série de mises au point actualisées sur cette thématique, est le bienvenu.
Bien évidemment, la préoccupation de notre société à propos des démences n’est pas le fruit
du hasard. La maladie d’Alzheimer et les autres démences sont très fréquentes et le nombre
de patients augmente de façon importante du fait du vieillissement de la population [1]. Le
retentissement de ces maladies sur les patients est majeur, et concerne les dimensions fondamentales des individus que sont la mémoire, les autres fonctions cognitives et l’autonomie. Les
conséquences sur l’entourage familial sont elles aussi sévères. Ces maladies sont responsables
Belmin J, Léger JM
1430
d’hospitalisation à répétition et sont la principale cause
d’entrée en institution d’hébergement. Le coût pour la société
est considérable [2], estimé à 10 milliards d’euros par an en
France dans un récent rapport de l’Office parlementaire
d’évaluation des politiques de santé [3].
La maladie d’Alzheimer est placée aujourd’hui sous les feux de
l’actualité. Le président de la République récemment élu l’a
déclarée « grande cause nationale » et a souhaité en faire un
chantier présidentiel. Les attentes dans ce domaine sont nombreuses. Améliorer le repérage des patients et leurs accès au
diagnostic est un premier axe : si, paradoxalement, la maladie
est de mieux en mieux connue du public, elle est encore
méconnue par de nombreux médecins. On estime que chez
environ la moitié des patients, le diagnostic n’a pas été fait. Il
est important de sensibiliser les médecins généralistes à repérer ces patients à l’aide d’outils simples, et de les adresser vers
des centres spécialisés en cas de suspicion de démence ; lesquels centres sont aujourd’hui surchargés, avec des délais
d’attente importants, et un accroissement de la capacité de
soin de ces centres est indispensable. L’amélioration des soins
à domicile est une autre attente forte ; si ceux-ci ont fait beaucoup de progrès au cours des dernières années, ils doivent être
encore améliorés au plan quantitatif et qualitatif. Leur répartition sur le territoire n’est pas homogène. L’aide aux patients
isolés est encore très difficile et, surtout, l’aide et le soutien
aux aidants familiaux des patients sont très insuffisants. Les
accueils de jour représentent une aide importante pour certains
aidants, mais ces accueils sont encore peu nombreux et ne sont
pas pris en charge par le système de santé. Un troisième axe,
tout à fait négligé jusqu’à présent, concerne la prise en charge
des patients en institution d’hébergement dans tous ses
aspects [4]. Enfin, la recherche sur la thérapeutique est une
dimension capitale, avec l’espoir d’obtenir dans un délai relativement proche des agents thérapeutiques capables de transformer l’évolution naturelle de la maladie d’Alzheimer. Pour
atteindre ce but, il faut promouvoir la recherche fondamentale
et la recherche clinique sur cette thématique, mobiliser les professionnels des secteurs public et privé, les patients et leur
entourage, et aussi encourager la coopération entre chercheurs,
cliniciens et industriels du médicament. Quant à la recherche
sur la prévention, elle est aussi un axe important pour le
futur, même si cet aspect est aujourd’hui moins avancé que la
recherche en thérapeutique [5, 6].
Références
1
2
3
4
5
6
Ramaroson H, Helmer C, Barberger-Gateau P, Letenneur L, Dartigues JF.
Prévalence des démences et de la maladie d’Alzheimer chez les sujets
âgés de plus de 75 ans : résultats actualisés de la cohorte Paquid. Rev
Neurol. 2003; 159: 405-11.
Bonin-Guillaume S, Zekry D, Giacobini E, Gold G, Michel JP. L’impact économique des démences. Presse Med. 2005; 34: 35-41.
Gallez C, pour l’Office parlementaire d’évaluation en santé. Rapport sur la
prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.
République française : Assemblée Nationale-Sénat, 2005.
Vellas B, Gauthier S, Allain H, Andrieu S, Aquino JP, Berrut G et al, Société
française de gériatrie et gérontologie. Consensus sur la démence de type
Alzheimer au stade sévère. Presse Med. 2005; 34: 1545-55.
Belmin J, Verny M. La prévention de la maladie d’Alzheimer : espoirs et
déceptions. Presse Med. 2006; 35: 1291-2.
Vogel T, Benetos A, Verreault R, Kaltenbach G, Kiesmann M, Berthel M.
Les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer : vers une prévention?
Presse Med. 2006; 35: 1309-16.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
en ligne sur / on line on
troubles cognitifs et démences
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Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1431–41
© 2007 Elsevier Masson SAS
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Épidémiologie des démences
Claudine Berr1, Tasnime Nassime Akbaraly1, Fati Nourashemi2, Sandrine Andrieu3
1. Inserm, U888, Université Montpellier 1, Montpellier (34)
2. Inserm, U558, Université Toulouse III, Service de médecine interne
et gérontologie clinique, Hôpital Casselardit, CHU, Toulouse (31)
3. Inserm, U558, Université Toulouse III, Service d’épidémiologie
et de santé publique, CHU, Toulouse (31)
Correspondance :
■ Key points
■ Points essentiels
Epidemiology of dementia
La démence est un problème de santé publique majeur dont le
poids va être grandissant dans les 30 prochaines années.
La prévalence augmente avec l’âge et l’incidence est un peu plus
élevée chez les femmes, surtout après 80 ans.
La durée de survie des patients déments est d’environ 5 ans.
Le mode de vie apparaît comme une pierre angulaire dans le risque
de démence, l’accent étant mis sur les activités physiques, intellectuelles et sociales et sur le rôle de la nutrition.
Il est maintenant nécessaire d’avoir des résultats issus d’études
d’intervention pour savoir si une meilleure prise en charge de
l’hypertension artérielle, du diabète, voire des dyslipidémies peut
diminuer le risque de démence.
Dementia is a major public health problem and its burden will
increase in the 30 years to come.
Prevalence increases with age and incidence is slightly higher in
women than men, especially after the age of 80 years.
Survival after the onset of dementia is approximately 5 years.
Lifestyle and health habits are a keystone for dementia: risk factors
include physical, intellectual and social activity and nutritional habits.
Data from well-conducted intervention studies are necessary to
show whether better care for hypertension, diabetes, and dyslipidemia might decrease the incidence of dementia.
E
n 2006, la population des plus de 60 ans s’élève à
12,5 millions de personnes en France (http://www.insee.fr).
À l’horizon 2050, si la baisse de la mortalité se poursuit au
même rythme qu’aujourd’hui, les plus de 60 ans représenteront, avec 22,4 millions d’individus, 35,1 % de la population
française. Ces chiffres sont à garder en mémoire avant de
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.022
débuter cette mise au point. L’épidémiologie des démences
est un vaste champ de recherches et de connaissances qui a
beaucoup évolué depuis une dizaine d’années avec l’apport
des études longitudinales en population et une meilleure standardisation des procédures diagnostiques. Mais ces travaux
doivent s’appuyer sur des études longues et coûteuses de
1431
Disponible sur internet :
le 08 juin 2007
Claudine Berr, Équipe U888 Inserm, 39 avenue Charles Flahault, BP 34493,
34093 Montpellier Cedex 5.
Tél. : 04 99 61 45 66
[email protected]
Berr C, Akbaraly TN, Nourashemi F, Andrieu S
par la nécessité de faire une recherche active des cas de
démence. En effet, alors que les démences sont fréquentes –
touchant globalement 5 % des plus de 65 ans – le diagnostic
de démence n’est bien souvent pas fait, même à des stades
relativement sévères de la maladie. À partir des cas recherchés
systématiquement en population générale, seule 1 démence
sur 2 est diagnostiquée, tous stades confondus, en France
(données de l’étude Paquid : Personnes âgées Aquitaine ou
QUID des personnes âgées) comme dans d’autres pays [1, 2].
Aux stades légers de la maladie, seul 1 cas sur 3 est connu par
le patient ou son médecin.
Prévalence et incidence des démences
Méthodes d’évaluation
La démence pose des problèmes spécifiques de repérage et de
validation des cas. La plupart des études en population ont
adopté une stratégie en 2 temps, avec une première étape
de “screening” de la population d’étude utilisant des tests permettant de repérer les individus suspects de démence, et une
phase diagnostique où les personnes repérées ont un examen
clinique permettant de faire un éventuel diagnostic de
démence avec les outils paracliniques nécessaires (examen
neuropsychologique, imagerie, biologie, etc.) et un contact
avec un informant. De multiples tests de repérage des cas
peuvent être proposés, la passation du MMSE (Mini Mental
State Examination) étant choisie dans de nombreuses études.
Cette procédure en 2 temps pose toujours le problème majeur
de la sensibilité et de la spécificité des outils ou algorithmes
utilisés pour repérer les cas suspects, mais c’est celle qui est la
plus couramment utilisée pour des raisons de faisabilité,
d’acceptabilité et de coût. Beaucoup moins fréquemment
(par exemple en Grande-Bretagne ou en Italie), les fichiers
des médecins généralistes sont utilisés pour repérer les cas
de démence. Les problèmes diagnostiques majeurs sont la
non-identification des cas de démence et les erreurs de diag-
Glossaire
AIT
AVC
CDR
DSM
HTA
ICD
MCI
MMSE
Paquid
1432
PAD
PAS
accident ischémique transitoire
accident vasculaire cérébral
Clinical Dementia Rating
Diagnostic and Statistical Mental
Disorders
hypertension artérielle
International Classification of Diseases
Mild Cognitive Impairment
Mini Mental State Examination
Personnes âgées Aquitaine ou QUID
des personnes âgées
pression artérielle diastolique
pression artérielle systolique
nostic, ces problèmes s’accentuent pour les cas de sévérité
légère à modérée. Une part de la variabilité des taux obtenus
dans différentes études peut être expliquée par la proportion
plus ou moins importante des démences modérées détectées,
variable d’une étude à l’autre mais rarement bien décrite. Plus
la recherche des cas est active, utilisant des outils très sensibles à la présence de troubles cognitifs encore mineurs, et plus
on repérera de formes légères à modérées. Une étude sans
recherche active des cas, comme celles réalisées à partir de
fichiers médicaux, conduit à ne comptabiliser que les cas pris
en charge par le système de soins, et plus certainement des
cas sévères que des formes modérées.
Résultats des principales études
La source principale de données sur la prévalence des démences en France vient de l’étude Paquid, étude de cohorte
menée en population générale depuis 1989 en Gironde et Dordogne chez des sujets âgés de plus de 65 ans. La prévalence a
été estimée en 1989 [3] et réévaluée en 1999 [4] sur les plus
de 75 ans survivants de la cohorte initiale. Des données d’incidence ont été publiées au terme de 5 ans et 10 ans de suivi.
L’étude Paquid a inclus initialement des personnes âgées
vivant à domicile et un sous-échantillon de personnes âgées
vivant en institution. L’essentiel des données chiffrées que
nous présentons porte sur les démences toutes causes confondues, fréquemment sur la maladie d’Alzheimer [4-7]. Il faut
s’appuyer sur les méta-analyses réalisées dans les années
1990 et réactualisées en 2000 par le consortium Eurodem si
l’on veut s’intéresser aux démences vasculaires et mixtes, les
autres formes de démences étant rarement étudiées [8].
À partir d’analyses de données européennes du groupe Eurodem, le taux de prévalence des démences chez les sujets de
plus de 65 ans est estimé à 6,4 % [5]. La prévalence augmente
avec l’âge, cette augmentation est illustrée sur la figure 1. La
maladie d’Alzheimer représente 70 % des démences prévalentes et les autres démences sont vasculaires (10 %) et mixtes (20 %). Les chiffres obtenus dans l’étude Paquid lors du
recrutement des sujets en 1988-1989 sont aussi représentés
dans la figure 1, la prévalence en 1989 chez les plus de
75 ans étant égale à 7,7 % [9]. Les chiffres de prévalence de
la maladie d’Alzheimer en France viennent d’être revus à la
hausse à l’occasion de la visite à 10 ans de cette cohorte
[10]. Les données présentées portent sur 1 461 sujets d’âge
moyen 82,6 ans avec 63,2 % de femmes et 9,7 % de personnes vivant en institution. À partir des 260 personnes démentes
identifiées, on peut estimer la prévalence à 17,8 % pour ces
sujets de plus de 75 ans, 13,2 % pour les hommes et 20,5 %
pour les femmes. Cette prévalence augmente très nettement
avec l’âge et est beaucoup plus marquée en institution, où
plus de 2/3 des sujets sont déments. Près de 80 % des cas
sont des maladies d’Alzheimer, 10 % sont des démences vasculaires. On peut estimer qu’actuellement plus de 850 000
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Épidémiologie des démences
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Fi gure 1
Prévalence des démences :
données chez les hommes
et chez les femmes.
Sources : données de méta-analyse
Eurodem sur des études des années
1990 [5] ; données initiales de l’étude
Paquid (1988-1989) [9] ; données lors
du suivi à 10 ans de l’étude Paquid
(1998-1999) [4].
personnes de plus de 65 ans sont atteintes de démence en
France (rapport Opeps), avec quasiment 3 fois plus de femmes
que d’hommes chez ces patients, les plus de 90 ans représentant 230 000 cas (tableau I).
Les analyses faites à partir de 8 études européennes menées
dans sept pays (Danemark, Espagne, Finlande, France, GrandeBretagne, Suède, Pays-Bas) permettent de donner des chiffres
pour chaque tranche d’âge, avec un taux d’incidence moyen
qui augmente fortement de 2/1 000 personnes/année entre
65 et 69 ans à 70/1 000 personnes/année après 90 ans [11]
(tableau II).
En pratique, peu d’estimations ont été publiées en Europe
selon la sévérité des cas alors que cette approche est à la
fois indispensable pour comprendre les différences de taux
d’une étude à l’autre mais aussi pour réaliser des études économiques et planifier la prise en charge [12]. Une étude finlandaise (The Kuopio 75+ study) utilise le DSM-III-R (Diagnostic
and Statistical Mental Disorders, 3rd Ed Revised) pour définir
les formes légères (prévalence 8 %), modérées (8,3 %) ou
sévères (8,3 %) dans une population de plus de 75 ans [13].
Dans la même tranche d’âge, les taux décrits dans l’étude
Paquid avec une définition de la sévérité selon le score au
Ta bl e au I
Prévalence (%) de la maladie d’Alzheimer en fonction de l’âge et du sexe selon différentes études en population
Eurodem [5]
Paquid (France) [4]
Faenza et Granarolo (Italie) [6]
CHS (États-Unis) [7]
13,7
Hommes
65-69 ans
1,6
-
0,76
70-74 ans
2,9
-
1,8
75-79 ans
5,6
7,7
5,6
15,4
80-84 ans
11,0
12,5
15,0
33,3
> 85 ans
18,0
23,9
23,8
42,9
10,4
Femmes
65-69 ans
1,0
-
1,2
70-74 ans
3,1
-
3,2
75-79 ans
6,0
5,7
6,0
20,6
80-84 ans
12,6
16,6
13,1
32,6
> 85 ans
25,0
38,4
34,6
50,9
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
1433
Source : rapport Opeps.
Berr C, Akbaraly TN, Nourashemi F, Andrieu S
Ta bl e au I I
Incidence (%) de la maladie d’Alzheimer et des démences
vasculaires en Europe : données du groupe Eurodem
Maladie d’Alzheimer
Âge
Démence vasculaire
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
65-69 ans
0,6
0,7
0,5
0,8
70-74 ans
1,5
2,3
1,9
2,4
75-79 ans
1,8
4,3
2,4
3,6
80-84 ans
6,3
8,4
0,1
0,6
85-89 ans
8,8
14,2
0,9
2,3
> 90 ans
17,6
23,6
3,5
5,8
Source : Fratiglioni et al. Incidence of dementia and major subtypes in Europe:
a collaborative study of population-based cohorts. Neurology.
2000; 54 (11): S10-S15.
MMSE sont un peu plus faibles (respectivement 4,4, 5,6 et
7 %) [4]. Dans le Kungsholmen Project, la définition est fondée sur l’échelle clinique CDR (Clinical Dementia Rating) avec
des taux égaux à 8,4, 8,4 et 8,3 % [14]. Malgré les différences
dans les critères, on peut globalement retenir que chacun de
ces stades représente environ 1/3 des cas présents.
Dans une revue récente, ont été analysées les données d’incidence et de prévalence chez les plus de 85 ans publiées dans
la littérature [15]. Les chiffres de prévalence sont situés dans
une fourchette assez large entre 15 et 40 % alors que les chiffres d’incidence varient de 60 à 100 pour 1 000 personnes/
année. La discussion sur ces chiffres élevés et imprécis reste
ouverte compte tenu du faible nombre de sujets inclus dans
ces études et des difficultés spécifiques de diagnostic dans le
grand âge. Mais cette question va devenir dominante avec
l’évolution démographique et l’arrivée dans le grand âge des
“Baby boomers” à partir de 2030.
Évolution
1434
Peu d’études permettent actuellement de savoir si la fréquence des démences s’est modifiée au cours du temps,
l’évolution des classifications (DSM-III puis III-R et IV, ICD-9 puis
10 : International Classification of Diseases) sur les 20 dernières années et des méthodologies d’enquête différentes rendent les comparaisons difficiles. Plusieurs analyses ont été réalisées à partir des données recueillies de 1960 à 1984 à la
Mayo Clinic (Rochester), elles ne sont pas en faveur de l’hypothèse d’une tendance séculaire d’augmentation globale de
l’incidence mais trouvent une augmentation des taux après
85 ans [16]. Dans l’étude Paquid, à âge égal, la prévalence
est plus élevée 10 ans après le début de l’étude (1998-99)
qu’à la phase d’inclusion (1988-89) [17]. On ne peut exclure
que cette augmentation de prévalence soit en partie expliquée
par une meilleure sensibilisation au diagnostic de démence.
De plus, l’information recueillie au cours des 10 ans de suivi
des performances cognitives permet certainement un diagnostic plus précis qu’à l’inclusion. Ainsi, l’évolution des fonctions
cognitives est intégrée dans les algorithmes de repérage des
cas au cours du suivi. Néanmoins, il est aussi possible que
cette augmentation corresponde à une réelle évolution, liée
soit à un accroissement de la durée de la maladie, lui-même
lié à un accroissement de l’espérance de vie ou à une meilleure prise en charge des patients, soit à une élévation réelle
de l’incidence.
La dernière analyse internationale reposant sur une méthodologie de consensus entre experts (Delphi consensus) nous
donne une estimation au niveau mondial du nombre de cas
de démence, avec 24,3 millions de cas, et près de 4,6 millions
de nouveaux cas chaque année, correspondant à un nouveau
cas toutes les 7 s [18]. Le nombre de cas attendus va doubler
tous les 20 ans, pour atteindre plus de 80 millions de cas en
2040. Environ 60 % des cas vivent dans des pays développés
mais le nombre de cas va aussi augmenter très fortement en
Chine, Inde et autres pays d’Asie et du Pacifique Ouest. Ces
chiffres sont en accord avec ceux proposés à partir de la
méta-analyse de Wimo qui, de 25 millions de cas en 2000,
prévoit 63 millions en 2030 et 114 millions en 2050, dont 84
dans les régions les moins développées [19].
Il est particulièrement intéressant de pouvoir faire des projections telles que celles proposées par Brookmeyer sous différentes hypothèses de réduction des risques, que cette réduction soit “naturelle” ou qu’elle soit le résultat d’une
intervention [20, 21]. Pour réaliser ces calculs, il faut disposer
de données sur l’incidence selon l’âge et sur la survie avec ou
sans la maladie pour pouvoir construire des taux de prévalence
par âge. Ces équations sont ensuite appliquées aux données
démographiques actuelles ou aux projections, elles peuvent
intégrer les effets des interventions qui pourraient changer
l’incidence de la maladie ou sa mortalité. Ainsi avec cette
méthode peut-on moduler les projections brutes qui sont, en
l’état actuel de nos connaissances, très alarmantes.
Devenir et survie des sujets déments
On commence maintenant à mieux connaître la durée d’évolution d’une démence – durée qui correspond au temps de survie des patients – mais les facteurs qui la déterminent ne sont
pas bien compris. Une bonne estimation de cette durée est
pourtant nécessaire car elle est, avec l’incidence, l’autre composante déterminante pour estimer le nombre de cas présents. Les études les plus récentes donnent des chiffres assez
concordants entre 3 et 4,5 ans [22, 23]. Au terme de 8 années
de suivi dans la cohorte Paquid, le temps moyen de survie est
égal à 4,5 ans pour des sujets déments dont l’âge moyen au
début de la démence est égal à 82,3 ans. D’une façon générale, les femmes atteintes par une démence ont une survie
plus longue que les hommes atteints par une démence et
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Épidémiologie des démences
Quels facteurs de risque ou de protection
dans les démences et la maladie
d’Alzheimer ?
La majorité des travaux sur les facteurs associés à la survenue
d’une démence porte sur la maladie d’Alzheimer, les quelques
travaux sur les démences vasculaires sont centrés autour des
facteurs de risque vasculaires. Nous nous limiterons aux travaux sur les démences toutes causes confondues et aux travaux spécifiques de la maladie d’Alzheimer.
La recherche de facteurs de risque modifiables est un des
enjeux majeurs de la recherche épidémiologique étiologique
dans la maladie d’Alzheimer. Elle est actuellement dominée
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par des travaux sur les facteurs de risque vasculaires avec
une montée en puissance des études sur la nutrition, une
bonne part de ces facteurs pouvant se rattacher à des modes
de vie. Mais d’autres voies méritent d’être explorées, comme
la place des antécédents médicaux ou les expositions à certains facteurs environnementaux. La maladie d’Alzheimer est
une maladie du sujet âgé, mais on commence à s’intéresser
non pas aux caractéristiques des sujets dans les années précédant le diagnostic mais plus globalement à la vie entière du
sujet, en particulier la période “midlife”, qui se situe vers 4050 ans [28]. Les facteurs pouvant conduire à des maladies
chroniques à des âges avancés peuvent avoir leur origine à
des périodes précoces de la vie et se cumuler tout au long de
celle-ci [29]. Ces facteurs peuvent aussi avoir des effets différents selon les périodes de la vie comme le suggèrent certains
résultats sur l’hypertension artérielle.
Âge, sexe et caractéristiques sociodémographiques
L’âge est le premier facteur de risque de démence et de maladie d’Alzheimer, comme nous l’avons déjà illustré avec les
données de prévalence et d’incidence. C’est à partir de données de prévalence (cf. figure 1) qu’une plus grande fréquence
de la démence est décrite chez les femmes ; cependant, cette
observation peut à la fois être liée à une durée de la maladie
plus longue chez les femmes ou à la plus forte fréquence de
facteurs de risque chez les femmes (par exemple un bas
niveau d’éducation), facteurs qui sont alors des facteurs de
confusion dans l’association maladie d’Alzheimer-sexe. Cette
différence entre les 2 sexes n’est pas retrouvée de manière
unanime dans les études d’incidence, mais 2 méta-analyses
[30, 31] ont montré une incidence plus élevée chez les femmes. Ce résultat est à moduler selon l’âge des sujets. Ainsi,
dans l’étude Paquid, l’incidence plus élevée chez les femmes
n’est observée qu’après 80 ans [32].
Les premières observations d’une association entre bas niveau
d’éducation et risque de démence ont d’abord été interprétées
comme étant le reflet d’un biais de diagnostic, les sujets avec
un bas niveau d’étude étant ceux qui avaient de moins bons
résultats aux tests neuropsychologiques et étaient plus facilement repérés. Mais les relations entre niveau d’éducation et
maladie d’Alzheimer ne peuvent se limiter à cette interprétation. À l’inverse, les sujets ayant un haut niveau d’étude ont
un risque moindre de démence ou auraient un début plus tardif des troubles, le haut niveau d’éducation correspondant
alors à une plus grande réserve cérébrale permettant au
sujet d’utiliser, par exemple, plus de stratégies dans les fonctions de reconnaissance [33]. Il ne faut pas non plus oublier
que le niveau d’éducation est aussi un indicateur socioéconomique, mais des études tendent à démontrer un effet
de l’éducation indépendant de celui de la catégorie socioprofessionnelle [34] ou des revenus [35], cet effet étant plus
marqué chez les femmes. Des travaux plus récents viennent
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cette différence homme/femme est encore plus marquée
lorsqu’il s’agit de la maladie d’Alzheimer. Les résultats publiés
par Eurodem [24] montraient que le risque de décès est 2 fois
plus important pour les déments prévalents que pour les sujets
non déments et la durée de survie est toujours plus faible chez
les sujets déments, quel que soit l’âge.
Un élément important à considérer dans l’évolution de la
maladie est l’entrée en institution, et la recherche de facteurs
prédictifs de cette étape a fait l’objet de nombreuses études
dont les résultats sont difficilement comparables en raison de
différences méthodologiques importantes, liées notamment
au mode de recrutement des sujets (en population générale
ou hospitalière, via des services d’aide à domicile ou des groupes de soutien aux aidants). Le type de facteur pris en compte
diffère selon ce mode de recrutement : en population représentative, les facteurs liés à la personne aidée sont généralement étudiés, mais les facteurs liés à l’entourage le sont rarement alors qu’ils apparaissent déterminants dès lors qu’ils sont
pris en compte [25]. Ainsi, le lien de parenté ou le fardeau
ressenti par l’aidant sont des facteurs fréquemment retrouvés
dans la littérature. Parmi les facteurs liés à la personne aidée,
on retrouve l’âge, le fait de vivre seul, le statut marital, une
santé perçue diminuée, des incapacités pour les actes de la vie
quotidienne, de moins bonnes performances cognitives, la
présence de pathologies sévères, le recours à des soins médicaux et la prise de traitements [26]. Parmi les facteurs liés à
l’aide, on trouve que le recours à des services professionnels
ou à un système d’hébergement temporaire majore le risque
d’entrée en institution, pouvant témoigner d’un recours trop
tardif à l’aide ou de l’efficacité de ce recours détectant des
situations à risque et conduisant à un placement qui sera fait
dans de bonnes conditions. Les troubles mentaux sont toujours
liés à l’entrée en institution (qu’il s’agisse de troubles cognitifs
ou de troubles du comportement) alors que l’incapacité physique est un facteur plus discuté, surtout dans des populations
de personnes démentes [27]. En revanche, d’autres caractéristiques telles que le sexe, le niveau de revenu et le lieu de vie
(urbain/rural) ne semblent pas systématiquement associées
au placement.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Berr C, Akbaraly TN, Nourashemi F, Andrieu S
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de montrer que le niveau socio-économique en début de vie
affecte le niveau des fonctions cognitives à un âge avancé,
mais pas celui de maladie d’Alzheimer [36]. On ne dispose
pas encore d’analyses “vie entière” permettant de bien appréhender la place dans le vieillissement cérébral des inégalités
sociales avec des marqueurs performants.
Différents facteurs, dont le point commun est qu’ils sont très
liés au mode de vie, apparaissent comme des facteurs protecteurs vis-à-vis de la survenue d’une démence. Ainsi, la diversité et l’intensité des activités intellectuelles au cours de la vie
sont réduites chez les sujets ayant une maladie d’Alzheimer
[37]. Cette “inactivité” peut être présentée comme un facteur
de risque potentiel de maladie d’Alzheimer mais aussi comme
le reflet de signes cliniques très précoces de la maladie, plusieurs décades avant l’installation des symptômes. Une revue
de 15 études longitudinales en Europe et aux États-Unis [28]
nous permet de faire le point sur la place des activités et
contacts sociaux, et il apparaît en fait difficile de conceptualiser
et de quantifier activités sociales et réseau social, la multiplicité des outils rendant difficile la comparaison des résultats.
Globalement, on retiendra un effet favorable pour les activités
intellectuelles ou autres (avec des différences selon le type ou
l’intensité de ces activités), les contacts sociaux et le statut
marital (favorable pour les individus mariés). L’activité physique – appréciée avec des questionnaires évaluant le nombre,
la fréquence ou la durée des activités [38] ou simplement le
temps de marche [39] – représente un domaine important qui
pourrait être traité également avec les facteurs vasculaires.
Tous les travaux récents sur activités physiques, démences et
maladie d’Alzheimer convergent pour montrer un effet bénéfique de l’activité physique investiguée en moyenne 5-6 ans
avant le diagnostic. Un premier essai randomisé d’intervention
dans la maladie d’Alzheimer a montré une amélioration de la
qualité de vie et de la mobilité des patients au terme de
3 mois d’intervention auprès des patients et de leur aidant,
un bénéfice étant retrouvé après 2 ans de suivi [40].
Enfin, parler de mode de vie sans parler des consommations
de tabac et d’alcool serait une vision incomplète. Les données
sur le tabac, facteur de protection reconnu dans la maladie de
Parkinson et présenté comme tel dans la maladie d’Alzheimer
dans quelques études cas-témoins, apparaissent plutôt dans
les études prospectives comme un facteur de risque de maladie d’Alzheimer [41]. Pour l’alcool, c’est à partir des travaux de
Paquid sur le caractère protecteur d’une consommation modérée de vin [42] que se sont développées de multiples études
qui, globalement, montrent un effet plutôt protecteur d’une
consommation modérée d’alcool, et non pas spécifiquement
de vin dans le risque de maladie d’Alzheimer [43]. Une des
explications avancées pour expliquer ces observations est que
cette consommation modérée serait associée à un mode de
vie protecteur, à une diminution du risque cardiovasculaire, à
une action directe de l’alcool sur le métabolisme de l’acétylcholine ou, plus spécifiquement pour le vin, à un rôle protecteur de composés flavonoïdes.
Facteurs de risque vasculaire
et maladies cardiovasculaires
Dans la cohorte Honolulu-Asia Aging Study, une augmentation
de la pression artérielle systolique (PAS > 160 mmHg) en
“midlife” est associée à un plus faible poids cérébral et plus
de plaques séniles dans le néocortex et l’hippocampe, alors
qu’une augmentation de la pression artérielle diastolique
(PAD > 95 mmHg) est associée à un plus grand nombre de
dégénérescences neurofibrillaires dans l’hippocampe [44]. Ces
résultats sont en accord avec la littérature qui montre une
association entre pression artérielle élevée et démence incidente ou déclin des fonctions cognitives [45, 46]. Selon la
période de la vie considérée, les effets ne sont pas les
mêmes. Quasiment toutes les études rapportent une association entre pression artérielle élevée mesurée 20 à 30 ans
avant l’évaluation cognitive et survenue d’une démence,
avec un risque plus élevé chez les sujets non traités. En revanche, pour les études où la pression artérielle est estimée en
“late life”, les résultats sont contradictoires.
Le premier essai randomisé avec un antihypertenseur (nitrendipine), l’étude Syst-Eur, avait montré une diminution de l’incidence des démences chez des sujets âgés avec HTA (hypertension artérielle) systolique isolée [47]. Chez des sujets âgés de
l’étude Progress avec des antécédents d’AVC (accident vasculaire cérébral) ou d’AIT (accident ischémique transitoire), une
réduction significative du risque de déclin cognitif mais pas de
démence est observée chez les sujets traités (périndopril ou
indapamide) [48]. Dans l’étude Scope, qui propose un traitement par candésartan chez des sujets âgés avec une HTA
modérée, on n’observe pas d’effet significatif sur le score
MMSE ou son évolution [49]. Les résultats de ces études randomisées avec des protocoles dont l’objectif principal n’était
pas d’évaluer l’effet sur la survenue d’une démence ou d’un
déclin cognitif sont encore trop limités. Le bénéfice d’un traitement antihypertenseur est indéniable pour les maladies cardiovasculaires et les AVC, mais pour la cognition il pourrait
dépendre de l’âge du sujet et du type de traitement.
Le cholestérol est un composant important du cerveau, et de
nombreux travaux soutiennent l’hypothèse d’un rôle important du cholestérol dans la formation des plaques amyloïdes
[50]. Les études sur niveaux de cholestérol, déclin des fonctions cognitives et démences sont très contradictoires [51].
De nombreux facteurs expliquent cette hétérogénéité : la
période de dosage dans la vie, le nombre de dosages, la nutrition, les traitements et la susceptibilité génétique. Comme
pour l’HTA, ce serait plutôt les niveaux élevés de cholestérol
en “midlife” qui seraient le plus associés à une augmentation
du risque de maladie d’Alzheimer. Les espoirs soulevés par les
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Épidémiologie des démences
en acides gras oméga 3 du poisson, le taux de ces acides gras
étant lui-même associé à un déclin des fonctions cognitives
[80]. L’analyse épidémiologique des relations entre consommation de nutriments et déclin cognitif est complexe et il est
très peu probable qu’un seul composé joue un rôle majeur.
L’intérêt pour le régime méditerranéen vient de travaux
convergents montrant une diminution du risque de maladies
cardiovasculaires et de la mortalité avec une alimentation
favorisant des apports élevés en légumes, fruits, céréales et
graisses insaturées (huile d’olive), modérément élevés en
poisson, des apports modérés en produits laitiers, faibles en
viandes et volailles, associée à une consommation modérée
de vin. Ainsi, une publication dans une population newyorkaise vient de montrer que chez des individus ayant un
régime proche du régime méditerranéen, le risque de maladie
d’Alzheimer est significativement diminué [81]. Cette observation est en accord avec une part des résultats obtenus pour les
micro ou macronutriments et souligne la nécessité de considérer les interactions entre ces différents composés.
Autres facteurs
Nutrition
Expositions professionnelles et environnementales
à des agents physiques et chimiques
Plusieurs études épidémiologiques de cohorte (Paquid [63, 64],
Eva [65, 66], Rotterdam Study [67], Chicago Health and Aging
Study [68]) ont trouvé une relation entre antioxydants et moindre risque de démence ou de déclin cognitifs, avec quelques
discordances. Les résultats sont néanmoins en faveur d’un
rôle potentiellement protecteur de la vitamine E plus que de
la vitamine C, mais aussi des caroténoïdes et du sélénium.
Les études d’observation sur les suppléments en vitamines A,
E ou C ou en oligoéléments (zinc, sélénium) sont beaucoup
plus contradictoires et comportent des biais importants d’indication et de sélection des populations. Les résultats des essais
randomisés chez le sujet âgé sain ou avec une maladie
d’Alzheimer ou un MCI (Mild Cognitive Impairment) ne sont
pas encore suffisamment convaincants pour préconiser la
prise d’antioxydants en prévention du vieillissement cérébral.
Des études épidémiologiques ont montré que les hauts
niveaux d’homocystéine circulants sont associés à l’augmentation du risque de démences vasculaires et de type Alzheimer
[69, 70]. Une association positive a été montrée entre les folates plasmatiques et la vitamine B12 et les fonctions cognitives
[71-73]. Une amélioration des performances cognitives a également été observée après supplémentation de folates et de
vitamines B12 [71], toutefois ce résultat n’est pas retrouvé systématiquement par toutes les études [74] et nous n’avons pas
encore les résultats des études d’intervention qui sont en cours.
L’effet protecteur de la consommation de poisson sur le risque
de démence est décrit chez des sujets âgés dans la Rotterdam
Study [75, 76], dans l’étude Paquid [77] et dans l’étude Chap
[78, 79]. Cet effet protecteur peut être expliqué par les apports
À partir de données de neurotoxicité avec des expositions à
fortes doses, on suspecte des relations entre différents domaines d’activité professionnelle et maladies neurodégénératives
(maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose latérale
amyotrophique). Mais, en pratique, la littérature n’apporte
que relativement peu d’informations sur les relations entre
expositions professionnelles et risque de maladie d’Alzheimer.
Différents facteurs ont été trouvés associés au risque de
démence ou de maladie d’Alzheimer : les expositions aux
champs magnétiques correspondant à certains métiers de
l’électricité, du téléphone, des transports [82-86], les solvants
[87, 88] mais les études négatives sont nombreuses dans ces
2 domaines. Pour les expositions aux pesticides, des effets
modérés sur la cognition ont été décrits en transversal avec
les fonctions cognitives [89] et chez les hommes de l’étude
Paquid avec la maladie d’Alzheimer [90]. Pour les expositions
aux métaux lourds et à l’aluminium, les études sont globalement négatives [91-96]. Les effets sanitaires de l’aluminium
hydrique sur le fonctionnement cognitif ou la présence d’une
démence ont été décrits en population générale ou sur des cas
hospitaliers. Les études dont la méthodologie est la moins critiquable sont en faveur d’une augmentation du risque de
démence ou de maladie d’Alzheimer [97, 98], risque estimé
entre 1,5 et 2,5 pour une concentration hydrique d’aluminium
> 100 ou 110 mg/L. Le problème de fond de ces résultats reste
celui de la plausibilité de l’hypothèse biologique : l’eau ne
représente que 5 à 10 % des apports dans l’organisme humain,
même si la biodisponibilité de l’aluminium apportée par l’eau
de boisson est supérieure à celle de l’aluminium apportée par
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premiers résultats d’études cas-témoins montrant une diminution du risque de maladie d’Alzheimer chez les sujets traités
par statines n’ont pas été confirmés par les résultats de grandes études longitudinales [52-54]. Les résultats de 3 études
randomisées [55-57] se sont avérés négatifs.
L’incidence des démences apparaît plus élevée chez les sujets
ayant un diabète de type II. Cette augmentation de risque avec
des risques relatifs compris entre 1,5 et 2 est trouvée tant pour
la maladie d’Alzheimer que pour les démences vasculaires
[58]. Une étude en IRM vient de montrer une association
entre diabète de type II et atrophie hippocampique indépendamment de la pathologie vasculaire [59]. Un effet bénéfique
du traitement antidiabétique sur l’évolution des fonctions
cognitives a été mis en évidence chez des sujets de plus de
60 ans suivis 2 ans [60]. Aucun résultat d’essai randomisé
n’est disponible pour tester cette hypothèse.
Ce n’est que depuis peu que l’on s’intéresse à la place des
maladies cardiovasculaires dans le risque de démence, avec
la mise en évidence d’une augmentation du risque s’il existe
des antécédents d’insuffisance cardiaque, de maladies coronariennes, de fibrillation auriculaire ou d’AVC [61, 62].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Berr C, Akbaraly TN, Nourashemi F, Andrieu S
les aliments (expertise “Évaluation des risques sanitaires liés à
l’exposition de la population française à l’aluminium” : http://
www.invs.sante.fr/publications/default.htm.).
L’intérêt récent pour le mercure, dont les sources humaines
sont la consommation de poisson, les amalgames dentaires
et les vaccins, ne peut être correctement documenté avec les
données actuelles [99, 100].
Traitements hormonaux de la ménopause
Malgré la forte plausibilité biologique d’un rôle neuroprotecteur
des œstrogènes, la majorité des essais thérapeutiques n’a pas
permis d’établir que le traitement hormonal substitutif de la
ménopause pouvait améliorer de façon significative une maladie d’Alzheimer déjà déclarée [101, 102]. Les études épidémiologiques longitudinales suggèrent une réduction de 29 à 44 %
du risque de développer la maladie d’Alzheimer chez les femmes traitées [103, 104]. Mais, les résultats récents de l’étude
randomisée américaine “Women’s Health Initiative Memory
Study” sur des femmes post-ménopausées [105-107] indiquent
une augmentation du risque de démence ou de déclin des fonctions cognitives chez les femmes traitées par œstrogènes avec
ou sans progestatifs. Tant la population d’étude (femmes à
risque cardiovasculaire, de plus de 65 ans au début du traitement) que le type de traitement hormonal substitutif de la
ménopause (Premarin® + médroxyprogestérone par voie orale)
limitent l’extrapolation de ces résultats. Les prescriptions en
France privilégient d’autres formes d’œstrogènes et de progestatifs. Mais il n’est pas légitime de considérer aujourd’hui que la
prise d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause
puisse avoir un rôle protecteur dans les démences et la maladie
d’Alzheimer. L’analyse de la littérature n’incite pas à proposer la
prescription de traitement hormonal substitutif de la ménopause pour la prévention de la maladie d’Alzheimer.
Conflits d’intérêts : aucun
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Mise au point
troubles cognitifs et démences
Presse Med. 2007; 36: 1442–52
© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.
en ligne sur / on line on
Mise au point
troubles cognitifs et démences
www.masson.fr/revues/pm
Dossier thématique
Syndromes démentiels du sujet âgé :
démarches diagnostiques
Sylvie Pariel-Madjlessi, Cyril Opéron, Renaud Péquignot, Cécile Konrat,
Sabine Léonardelli, Joël Belmin
Service de gériatrie et consultation mémoire, Hôpital Charles Foix
et Faculté de médecine Pierre et Marie Curie (Université Paris VI),
Ivry-sur-Seine (94)
Correspondance :
Disponible sur internet :
le 12 juillet 2007
Sylvie Pariel-Madjlessi, Service de gériatrie et consultation mémoire,
Hôpital Charles Foix et Faculté de médecine Pierre et Marie Curie
(Université Paris VI), 94200 Ivry-sur-Seine.
Tél. : 01 49 59 45 65
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Dementia syndromes in the elderly: diagnostic procedures
Le syndrome démentiel est une altération acquise de plusieurs
fonctions cognitives entraînant un retentissement dans la vie quotidienne et constaté en l’absence de trouble de la vigilance.
Le syndrome démentiel peut être révélé par des symptômes de
perte de mémoire, mais aussi par une perte d’autonomie fonctionnelle, la survenue d’une dépression ou encore par des troubles du
comportement ou reconnu lors d’un examen de dépistage.
L’évaluation des fonctions cognitives est une étape incontournable
de ce diagnostic. Des tests simples réalisables par tout médecin permettent une première approche. Une évaluation cognitive plus
détaillée par un spécialiste ou un neuropsychologue est nécessaire
(hormis dans les formes évoluées).
Devant une démence, il faut conduire l’investigation étiologique,
évaluer sa sévérité et son retentissement pour organiser la prise en
charge.
Du fait de la méconnaissance et du retard au diagnostic des
démences du sujet âgé, la question de leur dépistage et/ou de
leur détection à un stade plus précoce est soulevée.
1442
Dementia is a deterioration in several cognitive functions that
affects daily living and is observed in the absence of impaired vigilance.
Dementia may be revealed by symptoms of memory loss but
also by a loss of functional autonomy, onset of depression or by
behavioral problems; it may also be recognized during a screening
examination.
Evaluation of cognitive functions is an essential stage of this diagnosis. Simple tests that any physician can perform provide a first
approach. A more detailed cognitive evaluation by a specialist or
neuropsychologist is then necessary (except in advanced cases).
Once dementia is diagnosed, a causal investigation is required to
assess its severity and extent, in order to organize management.
Lack of recognition of dementia in the elderly and delay in its
diagnosis raise the question of screening to detect it at an earlier
stage.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.021
Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
L
es démences sont un groupe de maladies qui présentent
des particularités communes, le syndrome démentiel, et qui
sont fréquentes chez les sujets âgés. Les démences constituent
un problème de santé publique préoccupant dans tous les pays
développés, du fait du grand nombre de cas et du retentissement majeur de ces maladies sur la santé des individus et sur
leur entourage social. En France, le taux de prévalence des
démences chez les plus de 65 ans est estimé à 5 % [1-3] et
en 2003, on estimait à 769 000 le nombre de cas chez les personnes âgées de plus de 75 ans [4]. Les démences induisent
une perte d’autonomie qui mobilise l’aide de l’entourage naturel, l’intervention d’aides professionnelles et souvent nécessite
l’entrée en institution. Enfin, les démences sont associées à une
augmentation du risque d’être hospitalisé et en cas d’hospitalisation la durée de séjour est plus longue. Pour toutes ces raisons, le coût de ces maladies est considérable, estimé à 10 milliards d’euros en France chaque année selon le récent rapport
de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé
(Opeps) [5].
La prise en charge des patients atteints de démence est largement insuffisante [5]. Parmi les facteurs responsables de cette
situation, la méconnaissance du diagnostic et/ou sa reconnaissance à un stade déjà avancé de la maladie représentent des
facteurs majeurs [2]. En effet, selon les données de plusieurs
études épidémiologiques, le diagnostic n’a pas été fait chez
environ 1/3 des patients souffrant de démence. De plus, la
démence est diagnostiquée à un stade avancé chez environ
un autre tiers des patients [4]. Enfin, chez les patients pour
lesquels un diagnostic est fait, le délai moyen entre la survenue des premiers symptômes et le diagnostic est de l’ordre de
20 mois [5] et ce délai est encore plus grand chez les patients
les plus âgés et chez ceux ayant un bas niveau socioculturel.
L’insuffisance du diagnostic entraîne indiscutablement une
perte de chance pour les patients et leurs familles, notamment
pour les démences qui relèvent d’un traitement médicamenteux [2, 6]. De plus, la qualité de la prise en charge générale
des patients et l’aide portée à l’entourage des patients ont fait
des progrès considérables au cours des dernières années [5] :
aides professionnelles à l’autonomie, accueils de jour, meilleure organisation de l’information du public, notamment
grâce aux centres locaux d’information et de coordination
(Clic), au soutien des aidants familiaux, attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), remboursement des
soins dans le cadre des affections de longue durée (ALD),
organisation des soins en cas d’hospitalisation, etc. Aussi, il
est très vraisemblable que les patients et leur entourage familial puissent en bénéficier plus facilement et plus précocement
lorsque le diagnostic de démence est fait que lorsque celui-ci
est méconnu.
Le diagnostic positif des démences a fait l’objet de recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), dans le cadre de
ses recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer, la cause la plus fréquente de démence [7]. Le
diagnostic positif du syndrome démentiel est une étape nécessaire avant d’entreprendre le diagnostic étiologique visant à
identifier sa cause. La démarche diagnostique inclut aussi
l’évaluation de la sévérité du syndrome démentiel et de son
retentissement sur l’autonomie du patient et sur l’entourage,
en particulier sur l’aidant principal.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Définition du syndrome démentiel
ADL
ALD
APA
BPSD
CDR
Clic
DSM-IV
GIR
HAS
IADL
MIS
MMSE
MNA
NPI
Opeps
VIH
activité de la vie quotidienne
affection de longue durée
allocation personnalisée d’autonomie
Behavioral and Psychological Symptoms
of Dementia
Clinical Dementia Rating
centre local d’information
et de coordination
Diagnostic and Statistical Manual
of mental disorder, fourth edition
groupe isoressources
Haute autorité de santé
activité instrumentale
de la vie quotidienne
Memory Impairment Screen
Mini Mental Status Examination
Mini Nutritionnal Assessment
Neuro Psychiatry Inventory
Office parlementaire d’évaluation
des politiques de santé
virus de l’immunodéficience humaine
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Le syndrome démentiel est un groupement de symptômes et
de signes, défini par « une atteinte acquise de plusieurs fonctions cognitives (incluant la mémoire), chronique ou progressive, survenant en l’absence de trouble de la vigilance et
entraînant un retentissement dans la vie quotidienne » [8].
Une altération récente des fonctions cognitives et/ou associée
à des troubles de la vigilance doit avant tout faire rechercher
une confusion mentale.
Le syndrome démentiel est lié à une atteinte organique du
cerveau qui est généralement irréversible. Le diagnostic de
démence repose uniquement sur les données cliniques et les
critères définis par le guide DSM-IV (Diagnostic and Statistical
Manual of mental disorder, fourth edition) sont très utilisés
(encadré 1) [8]. Dans la pratique, le point le plus difficile du
diagnostic consiste à mettre en évidence les altérations des
fonctions cognitives, et en particulier une altération du fonctionnement de la mémoire qui est obligatoire pour retenir le
diagnostic. Il faut aussi pour parler de démence constater une
perturbation d’une ou plusieurs fonctions cognitives autres que
1443
Glossaire
Pariel-Madjlessi S, Opéron C, Péquignot R, Konrat C, Léonardelli S, Belmin J
Encad ré 1
Critères de démence selon le DSM-IV
Développement de déficits cognitifs multiples se manifestant
par les 2 propositions :
• Déficit au niveau de la mémoire (capacité altérée pour
apprendre de nouvelles informations ou pour rappeler
l’information précédente)
• Une (ou plus) des perturbations cognitives suivantes :
- aphasie (perturbation du langage)
- apraxie (capacité altérée pour effectuer les activités motrices
en dépit de la fonction motrice intacte)
- agnosie (incapacité à reconnaître ou identifier ce qui est perçu
alors que les fonctions sensorielles sont intactes)
- troubles des fonctions exécutives (planification, organisation,
séquençage, abstraction)
Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 provoquent chacun
un déficit au niveau social, ou professionnel, et représentent
un déclin significatif du précédent niveau de fonctionnement
Les déficits surviennent en dehors de toute confusion mentale
Les déficits ne sont pas dus à une maladie psychiatrique
(dépression majeure, schizophrénie)
la mémoire (apraxie, agnosie, aphasie, troubles des fonctions
exécutives). Les examens d’imagerie cérébrale et les examens
biologiques ne sont d’aucune aide pour faire le diagnostic de
syndrome démentiel. En revanche, ils sont très utiles pour le
diagnostic étiologique d’une démence. Les maladies qui peuvent induire un syndrome démentiel sont nombreuses
(tableau I) et peuvent être regroupées en 3 grandes entités :
• les démences dégénératives ;
• les démences secondaires dont les démences vasculaires ;
• les démences dégénératives avec composante cérébrovasculaire, dites démences mixtes [9].
Circonstances de découverte
Symptômes cognitifs
1444
Les plaintes concernant les fonctions cognitives sont très fréquentes puisque plus de la moitié des sujets de plus de 50 ans
se plaignent de leur mémoire [10]. Si la plainte mnésique est
la plus fréquente, elle ne signifie pas obligatoirement déficit
mnésique c’est-à-dire altération de la performance mnésique
objectivable aux tests neuropsychologiques. Le médecin doit
avant tout distinguer les plaintes mnésiques sans altération
de la performance mnésique et celles associées à un déficit
de la mémoire. Il est difficile au plan clinique de distinguer
les plaintes mnésiques pouvant indiquer une démence. L’oubli
d’événements récents et importants doit orienter fortement
vers un déficit pathologique. Il en est de même pour les troubles de mémoire rapportés par l’entourage et minimisés ou
niés par le patient.
D’autres symptômes cognitifs peuvent conduire à révéler une
démence : une désorientation dans le temps et/ou dans l’espace,
des difficultés attentionnelles, des difficultés de langage (trouver
ses mots, comprendre une phrase complexe) ou une anosognosie
vis-à-vis de symptômes ou de troubles manifestes [11].
Perte d’autonomie fonctionnelle
La perte d’autonomie fonctionnelle, définie par la nécessité
d’une aide pour effectuer les gestes de la vie quotidienne,
est une circonstance fréquente de découverte d’une démence.
Les perturbations des fonctions cognitives ont des conséquences fonctionnelles et peuvent entraîner une incapacité à réaliser des activités instrumentales de la vie quotidienne comme
prendre des transports en commun sans aide, se servir du téléphone, faire des chèques, gérer son budget, etc. [12].
Symptômes psychiatriques
et troubles du comportement
Une démence peut aussi être révélée par la survenue de troubles psychiatriques [13]. Les démences sont parfois associées à
des modifications de la personnalité qui sont remarquées par
l’entourage. Parfois, celui-ci remarque une perte d’intérêt pour
des activités qui passionnaient le patient. Dans d’autres cas, la
démence peut se manifester par la survenue de symptômes
dépressifs, voire par un état dépressif majeur. En particulier,
une première dépression chez un sujet de 65 ans sans antécédent psychiatrique doit conduire à réaliser une évaluation des
fonctions cognitives à la recherche d’une démence sousjacente. Dans d’autres cas, l’existence d’une démence peut
être révélée par une indifférence voire une apathie, des hallucinations, un délire, ou encore des troubles du comportement
comme une agitation motrice, une agressivité envers l’entourage, ou encore des troubles du sommeil ou une inversion du
rythme veille-sommeil.
Si la dépression était parfois considérée comme un diagnostic
différentiel de la démence, elle constitue réellement une circonstance de découverte fréquente et les diagnostics de
dépression et de démence peuvent être associés chez le
même patient.
Dépistage systématique
Le dépistage est une circonstance de découverte de plus en
plus fréquente des syndromes démentiels. Certains centres
de gériatrie (hospitalisation, consultation d’évaluation) et
parfois certains établissements d’hébergement réalisent une
évaluation complète de leurs nouveaux patients. En particulier, l’évaluation gériatrique standardisée est recommandée
comme support d’évaluation globale des patients âgés fragiles, et comprend la réalisation de tests simples d’évaluation
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
Ta bl e au I
Principales causes des démences du sujet âgé
Maladies responsables de démences
Caractéristiques principales
Démences dégénératives
Maladie d’Alzheimer
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Voir tableau III
Démence à corps de Lewy
Voir tableau III
Démence frontotemporale
Voir tableau III
Démence associée à la maladie de Parkinson
Troubles cognitifs survenant dans le cadre d’une maladie de Parkinson
évoluant depuis plusieurs années
Dégénérescence corticobasale
Apraxie unilatérale, syndrome extrapyramidal
Atrophie multisystématisée
Signes cérébelleux, signes pyramidaux, hypotension orthostatique
Paralysie supranucléaire progressive
Paralysie de l’élévation du regard, syndrome extrapyramidal avec rigidité axiale
Démences vasculaires
Infarctus multiples
Cardiopathie emboligène, antécédents d’accidents ischémiques cérébraux,
imagerie cérébrale
État lacunaire
Aspect en IRM
Infarctus en zones stratégiques
Aspect en IRM
Leucoencéphalopathie hypertensive
HTA sévère, mal équilibrée, aspect de leucoaraïose en imagerie
Hématome sous-dural
Antécédents de trauma crâniens, médicaments anticoagulants
Angiopathie amyloïde
Hémorragies cérébrales ; signes en IRM séquence pondérée T2*
Vascularite cérébrale
Contexte clinique et biologique
Démences infectieuses
Neurosyphilis
Sérologie sang et LCR
Leuco-encéphalopathie à VIH
Terrain exposé ; sérologie
Maladies à prions
Évolution rapide, myoclonies, aspect EEG, recherche de la protéine 14-3-3 dans le LCR
Séquelles d’encéphalite
Antécédents
Causes métaboliques
Déficit en vitamine B12
(Discuté) dosage vitamine B12 plasmatique
Syndrome de Korsakoff
Alcoolisme, fabulations, antécédent d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke
Hypothyroïdie
Signes cliniques, TSH
Autres
Tumeur cérébrale
Céphalées, aspect en imagerie cérébrale
Hydrocéphalie chronique à pression normale
Troubles de la marche, incontinence urinaire, aspect en imagerie cérébrale
Séquelle d’intoxication au CO
Antécédents
Séquelle d’anoxie cérébrale
Antécédents
IRM : imagerie par résonance magnétique ; HTA : hypertension artérielle ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; LCR : liquide céphalorachidien ;
EEG : électroencéphalogramme ; TSH : Thyroid Stimulating Hormone.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Diagnostic positif des démences du sujet
âgé en pratique
En présence d’une ou plusieurs des circonstances de découverte mentionnées plus haut, le médecin doit s’interroger
sur l’existence d’un syndrome démentiel et le rechercher. En
plus de l’examen clinique complet, notamment au plan
neurologique et cardiovasculaire, cette démarche implique
une évaluation des fonctions cognitives et une évaluation de
l’autonomie. Généralement cette première étape est conduite
par le médecin traitant ou encore, dans le cadre du soin hospitalier, par un médecin non spécialisé dans l’évaluation des
troubles cognitifs. À ce stade, il est important d’effectuer un
1445
cognitive [14]. Des anomalies de ces tests peuvent conduire à
évaluer de façon plus approfondie les fonctions cognitives et
à découvrir un syndrome démentiel.
La réalisation d’un test systématique d’évaluation rapide des
fonctions cognitives peut conduire à diagnostiquer des formes
précoces des démences, en particulier pour la maladie
d’Alzheimer et la démence à corps de Lewy dont le mode
d’installation est très progressif. Toutefois, l’évaluation systématique conduit surtout à faire le diagnostic de formes installées de démence de niveau modéré ou parfois même sévère,
notamment lorsque les symptômes liés aux troubles cognitifs
n’étaient pas apparents ou avaient été négligés par l’entourage du patient et/ou par les médecins consultés.
Pariel-Madjlessi S, Opéron C, Péquignot R, Konrat C, Léonardelli S, Belmin J
test rapide des fonctions cognitives pour rechercher des
signes objectifs de dysfonctionnement cognitif.
Quels tests pour évaluer les fonctions cognitives
en contexte non spécialisé ?
Mini Mental Status Examination
Le test le plus communément utilisé pour cela est le Mini
Mental Status Examination (MMSE) qui comporte la cotation
de 18 items et fournit un score compris entre 0 et 30 [15].
C’est celui conseillé dans les recommandations pratiques de
la HAS pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer publiées
en 2000 [7]. Un score < 24 est presque toujours le témoin
d’une dysfonction cognitive pathologique et un score > 27
l’est rarement. Toutefois, les valeurs seuils pour interpréter
ce test varient avec l’âge et le niveau d’éducation, ce qui
rend son utilisation complexe pour des médecins non spécialisés dans l’évaluation cognitive. Par ailleurs, un score
abaissé ne permet pas à lui seul de faire le diagnostic de
démence. En effet, pour un score MMSE < 24, les sensibilité
et spécificité pour le diagnostic de démence sont de 63 et
89 % respectivement [16]. De plus, son temps de passation
(environ 15 min chez les sujets âgés) est considéré comme
long pour des consultations de médecine générale.
Tests rapides d’évaluation cognitive
Plusieurs tests plus rapides et plus simples que le MMSE ont
été proposés pour évaluer les fonctions cognitives en milieu
non spécialisé (tableau II). Le test du cadran de l’horloge ou
test de l’horloge consiste à demander au patient de dessiner
sans modèle le cadran d’une montre, en représentant les chiffres, et de dessiner les aiguilles pour figurer une heure donnée
par l’examinateur (par exemple 2 h 20). Il existe plusieurs versions de ce test avec différents systèmes de cotation, et certaines présentent au patient un cercle imprimé à compléter et
d’autres non. Les anomalies peuvent concerner les nombres et
leur placement, les aiguilles et leurs directions. Ce test est
rapide (environ 2 min) et son interprétation ne dépend pas
du niveau d’éducation. Un exemple de test anormal est présenté dans la figure 1. Les sensibilité et spécificité de ce test
sont de 84 et 72 % respectivement [17].
D’autres tests ont été conçus pour dépister les troubles de
mémoire en demandant au patient de mémoriser une liste
de mots en facilitant leur rappel par l’indiçage : le test
Memory Impairment Screen (MIS) mis au point par Bushke
aux États-Unis [18] et le test des 5 mots mis au point en
France par Dubois [19-21]. L’indiçage consiste à indiquer au
patient les catégories sémantiques des mots à mémoriser
Ta bl e au I I
Principaux tests d’évaluation des fonctions cognitives utilisables en contexte non spécialisé
Test [réf]
Principe, remarques
Durée
(min)
Se
(%)
Spé
(%)
MMSE [15]
18 items à coter ; score de 0 à 30 ; interprétation tenant compte du niveau d’éducation
et de l’âge.
15
63
89
Test de l’horloge [17]
Dessiner sans modèle le cadran d’une horloge avec les nombres bien placés,
et les aiguilles pour figurer une heure spécifiée ; pour la cotation et l’interprétation,
plusieurs versions existent.
2
84
72
Memory impairment
screen [18]
Apprentissage de 4 mots avec indiçage sur leur catégorie sémantique.
Après une épreuve interférente, évaluation du rappel des mots sans indice,
puis avec indice pour les mots non rappelés. Score de 0 à 8 ; anormal si < 4.
8-10*
80
97
Test des 5 mots [19]
Apprentissage de 5 mots avec indiçage. Rappel des mots (sans indice puis avec indice
si mot non rappelé) avant, puis après une épreuve interférente. Cotation de 0
à 10 = mots rappelés avant l’interférence + ceux rappelés après (qu’il y ait eu ou non
besoin d’indices). Test anormal si < 10.
8-10*
80
90
MiniCog [22]
Apprentissage de 3 mots. Test de l’horloge.
3
76
89
GPCog [23]
a) Cinq épreuves variées pour le patient (cotation de 0 à 9) et
b) Six questions posées à l’aidant familial (cotation de 0 à 6).
Test anormal si a < 4 ou (a > 4 et b < 3).
10**
96
62
Codex [25]
Apprentissage de 3 mots. Test de l’horloge avec cotation simplifiée (normal/anormal).
Rappel des mots, coté normal si 3 mots rappelés ou anormal sinon. Arbre de décision
et test d’orientation spatiale pour certains patients (voir figure 1).
3
92
85
1446
* incluant l’épreuve d’interférence ; ** si aidant familial disponible. Se : sensibilité ; Spé : spécificité.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Fi gure 1
Arbre décisionnel du test
Codex, un test rapide pour
le repérage des troubles
cognitifs chez les sujets âgés
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Récemment, notre équipe a mis au point un test rapide pour la
détection des démences du sujet âgé. Ce test baptisé Codex
peut être réalisé en moins de 3 min et semble bien adapté à
la pratique en médecine de ville [25]. Il s’agit d’un algorithme
décisionnel (figure 1) construit à partir des sous-items les plus
pertinents au plan statistique du test MMSE et du test de
l’horloge avec une cotation très simplifiée (encadré 2). Codex
évalué en consultation mémoire a montré une sensibilité et
une spécificité de 92 et 85 % respectivement pour le diagnostic de démence et, de façon intéressante, ces résultats étaient
meilleurs que ceux du MMSE, même en tenant compte du
niveau d’éducation des patients.
Comment évaluer la perte d’autonomie fonctionnelle
en contexte non spécialisé ?
Si la perte d’autonomie est classiquement une conséquence des
démences, elle peut être utile à leur repérage. En effet, l’étude
Paquid a montré que le besoin d’aide pour au moins une activité
instrumentale de la vie quotidienne (IADL) parmi les 4 (utilisation
1447
(par exemple “animal” pour “éléphant”). Lors des épreuves
de rappel des mots appris, on utilise l’indice pour les mots
non rappelés spontanément par le patient. Le MIS évalue le
rappel de 4 mots après une épreuve interférente et tient
compte dans la réponse du nombre de recours aux indices
pour rappeler les mots. Le test des 5 mots évalue le rappel
de 5 mots avant et après une épreuve interférente, et sa
cotation ne tient pas compte du recours aux indices. Ils sont
réalisables en 10 min environ incluant l’épreuve interférente
qui à elle seule dure 3 à 5 min. Un test très court, le MiniCog,
a été mis au point aux États-Unis par Borson [22]. Il fait intervenir plusieurs types de tâches, en particulier l’apprentissage
de mots et le test de l’horloge. Malgré sa brièveté (environ
3 min), ses sensibilité et spécificité sont comparables à celles
de tests plus longs. Le test GPCog est un autre test très rapide
qui a été mis au point par Brodaty en Australie [23] et traduit
en français par Thomas [24]. Il comporte plusieurs tâches du
même type pour le patient mais aussi des questions pour un
membre de l’entourage du patient et il dure environ 10 min.
Pariel-Madjlessi S, Opéron C, Péquignot R, Konrat C, Léonardelli S, Belmin J
Encad ré 2
Description de Codex, un test rapide pour le repérage
des troubles cognitifs chez les sujets âgés
Limites
Il faut que le sujet puisse comprendre les consignes et
que ses capacités motrices et sensorielles soient suffisantes
pour le réaliser.
Consignes et cotation
Codex comporte une 1re étape pour tous les sujets,
et une 2e étape pour certains sujets en fonction du score obtenu
à la 1re étape (voir figure 1).
Première étape
• On demande au sujet de répéter et de mémoriser 3 mots
simples énoncés oralement par l’examinateur : clé, ballon, citron
(ou en cas de retest : fleur, cigare, porte).
• On donne au sujet une feuille de papier sur laquelle est imprimé
un cercle de grande taille ; on lui demande de figurer les
nombres des heures de façon à représenter un cadran de
montre ; une fois cela fait, on lui demande de dessiner les
aiguilles de façon à représenter 14h25.
Cette épreuve est cotée comme normale si ces 4 conditions sont
vérifiées : tous les chiffres sont représentés ; leur positionnement
est correct ; on peut identifier une petite et une grande aiguille ;
les aiguilles indiquent l’heure demandée (à quelques degrés près).
Elle est considérée comme anormale si une ou plusieurs conditions
ne sont pas vérifiées.
• On demande au sujet de rappeler les 3 mots mémorisés.
Cette épreuve est cotée comme normale si les 3 mots sont
rappelés. Elle est anormale si un ou plusieurs mots ne sont
pas rappelés.
Seconde étape
On pose au sujet les 5 questions suivante : quel est le nom
de l’hôpital où nous nous trouvons (ou bien dans quelle rue
se situe le cabinet médical où nous nous trouvons) ? Dans quelle
ville se trouve-t-il ? Dans quel département ? Dans quelle région ?
À quel étage sommes nous ?
Chaque question est cotée 1 point si la réponse et correcte
et 0 sinon. Le score est la somme des 5 cotations.
Interprétation
Voir l’arbre décisionnel de Codex (figure 1).
1448
du téléphone, utilisation des transports, prise des médicaments,
gestion des finances) avait une sensibilité et une spécificité de 94
et 71 % respectivement pour le diagnostic de démence [3]. Le
besoin d’aide pour au moins 2 de ces mêmes IADL avait une
sensibilité et spécificité de 86 et 88 % respectivement pour ce
même diagnostic. Toutefois, l’utilisation de cet outil dans le but
de détecter les démences connaît probablement quelques limites
chez les sujets très âgés, car les causes de pertes d’autonomie
autres que la démence sont plus fréquentes.
Diagnostic des démences en contexte
de soin spécialisé : les “consultations mémoire”
Les consultations mémoire réunissent dans une même unité
de lieu et de temps des médecins spécialisés dans le diagnostic et la prise en charge de troubles cognitifs – en général
gériatres, neurologues et/ou psychiatres – et des neuropsychologues. Ces derniers sont capables d’évaluer de façon
détaillée des fonctions cognitives au moyen de tests neuropsychologiques. Parmi les tests de la mémoire, celui de Grober et
Buschke est très utilisé [26]. Il consiste à faire apprendre au
sujet une liste de mots avec un facteur d’indiçage en s’assurant que les indices ont bien été captés et compris par le
patient. L’évaluation du rappel différé est faite en demandant
au patient de dire les mots appris après une autre épreuve
visant à réaliser une interférence. On étudie dans un premier
temps le nombre de mots restitués. Si certains mots ne sont
pas restitués, on aide le rappel en indiquant au patient l’indice
correspondant aux mots non restitués. Dans les troubles de
mémoire liés à une démence, le rappel différé est altéré et
n’est pas amélioré par l’indiçage, et on observe fréquemment
des réponses de mots qui n’étaient pas présents dans la liste
(intrusions).
Dans la mesure où le diagnostic de démence repose aussi sur
l’existence de troubles d’une ou plusieurs fonctions cognitives
autres que la mémoire, les neuropsychologues effectuent souvent des batteries de tests réalisant une évaluation complète.
Les batteries de tests varient en fonction des équipes, mais
leur principe commun est d’évaluer le langage, les praxies,
l’attention, les fonctions abstraites. L’interprétation de ces
résultats est complexe et doit tenir compte du niveau d’éducation du patient et de son degré d’attention. La confrontation
des données médicales et des données neuropsychologiques
est une étape essentielle du diagnostic de démence.
Quand faire appel aux consultations mémoire
pour le diagnostic de troubles cognitifs ?
Devant l’existence de symptômes ou troubles cognitifs, le
recours à un centre spécialisé pour rechercher l’existence
d’une démence dépend de plusieurs facteurs y compris l’expérience de médecin non spécialisé. Par exemple, il est possible
de poser le diagnostic de démence dans des formes déjà avancées sans recourir à un centre spécialisé, et chez les patients
ayant un score MMSE < 18, il est peu probable que l’évaluation
par un neuropsychologue soit indispensable pour poser le
diagnostic de démence. Inversement un score MMSE > 27
rend peu probable le diagnostic de démence. Toutefois dans
cette dernière situation en cas de symptômes persistants et
gênants, une évaluation spécialisée est souhaitable dans le
but de détecter une démence débutante ou un déclin cognitif
léger. Enfin, l’intérêt de ces consultations spécialisées ne se
limite pas au seul diagnostic de démence et bien sûr contribue
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
Démarches diagnostiques
Affirmer le diagnostic de démence et diagnostic
différentiel
Après cette démarche d’évaluation clinique et neuropsychologique, il faut analyser l’ensemble des données obtenues, et
voir si le patient remplit les critères diagnostiques de démence
selon le DSM-IV [8] (encadré 1).
Le premier diagnostic différentiel à discuter est la confusion
mentale. Le caractère brutal et récent de l’installation des troubles, l’existence de troubles de la vigilance, d’un onirisme ou
d’un contexte médical étiologique orientent vers le diagnostic
de confusion mentale.
D’autres diagnostics différentiels de la démence doivent être
ensuite considérés. On distingue en premier les situations où
le patient a des plaintes cognitives sans altération objective
des performances cognitives malgré un bilan soigneux. Le plus
souvent, les symptômes s’expliquent par des troubles attentionnels et il faut rechercher l’existence de troubles anxieux et/ou
dépressifs, d’un syndrome d’apnée du sommeil ou encore la
prise de médicaments sédatifs et/ou anticholinergiques.
D’autres patients présentent un dysfonctionnement léger de la
mémoire objectivé par le bilan neuropsychologique, mais sans
remplir les critères de démence. C’est notamment le cas des
troubles de mémoire isolés liés à l’âge encore appelés déclin
cognitif léger ou mild cognitive impairment [27]. Il faut aussi
rechercher chez ces patients des maladies ou la prise de médicaments délétères pour les fonctions cognitives. Il est important de suivre ces patients de façon rapprochée car l’évolution
vers un syndrome démentiel avéré est fréquente.
Parfois, malgré une démarche complète, il peut persister des
doutes diagnostiques quant à l’existence ou non d’une
démence. Il est important dans ces cas de proposer au patient
et à son entourage un nouveau bilan après 3 à 6 mois, ce qui
peut permettre de poser un diagnostic plus net si les troubles
se sont amplifiés.
Diagnostic étiologique des démences
Lorsque le diagnostic de démence est posé, il faut en rechercher l’étiologie. De nombreuses maladies peuvent être responsables de syndrome démentiel (tableau I) [28]. L’enquête
étiologique repose sur le mode d’installation des troubles et
sur l’évolution depuis le début des signes, sur les données de
l’examen clinique, sur le profil des troubles neuropsychologiques, et sur les examens d’imagerie cérébrale. On classe les
démences en 2 catégories : les démences dégénératives au
sein desquelles la maladie d’Alzheimer est la maladie la plus
fréquente, et les démences secondaires (non dégénératives)
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
avec la démence vasculaire au premier plan. Les démences
neurodégénératives sont les plus courantes chez les sujets
âgés et correspondent à environ 70-80 % des cas. Les démences vasculaires et les démences mixtes représentent environ
20-25 % des cas. Les démences secondaires non vasculaires
sont peu fréquentes chez les sujets âgés et représentent
moins de 5 % des cas de démence. Du point de vue clinique,
il est utile de distinguer les démences qui peuvent relever d’un
traitement spécifique. Quelques auteurs ont autrefois insisté
sur certaines étiologies de démences réversibles. Une récente
méta-analyse sur 39 études publiées après 1987 groupant plus
de 7 000 patients a montré que les démences potentiellement
réversibles représenteraient 9 % des cas de démences, mais
que seulement 0,3 % sont réellement réversibles [29].
En pratique, le diagnostic étiologique des démences passe par
une démarche systématique : étude du mode d’installation
des troubles et de leur évolution, recherche des signes associés (syndrome extrapyramidal, hallucinations, troubles du
comportement) (tableaux I et III) [28].
Certains examens complémentaires sont utiles au diagnostic
étiologique des démences (tableau I). La réalisation d’un examen d’imagerie cérébrale est nécessaire pour le diagnostic
étiologique du syndrome démentiel, en particulier pour reconnaître les lésions cérébrovasculaires, mais aussi les hydrocéphalies à pression normale et les processus expansifs intracrâniens. L’IRM est l’examen le plus adapté, notamment pour
reconnaître les atteintes cérébrovasculaires de type lacunaire
et analyser les anomalies de la substance, mais la réalisation
d’un scanner de première intention est logique lorsque l’accès
à l’IRM est difficile. Les examens isotopiques cérébraux doivent
être réservés à certaines situations cliniques de diagnostic difficile. Un bilan biologique simple est utile : dosage de la TSH,
ionogramme sanguin, calcémie et créatinine et pour certains,
dosage de la vitamine B12. Ce bilan peut être complété par
d’autres examens biologiques en fonction du contexte clinique
(sérologie de la syphilis, sérologie VIH : virus de l’immunodéficience humaine). L’électroencéphalogramme doit être pratiqué dans les syndromes démentiels d’évolution rapide, ceux
associés à des myoclonies, ou en cas de suspicion de crises
épileptiques associées.
L’utilisation d’outils diagnostiques facilite l’analyse clinique des
divers éléments du diagnostic étiologique des démences, et
aide à poser le diagnostic (critères de maladie d’Alzheimer du
DSM-IV, score ischémique de Hachinski, critères de McKeith,
critères de Lund et Manchester, score de dysfonctionnement
frontal) [30].
Il faut se rappeler que malgré une démarche clinique rigoureuse, la notion de certitude diagnostique n’est jamais obtenue avant l’étude neuropathologique du cerveau. Dans des
centres experts, le diagnostic posé par les cliniciens s’avère
infirmé par l’étude neuropathologique post mortem dans 15 à
20 % des cas [31]. En particulier le diagnostic clinique des
1449
au diagnostic étiologique de la démence et permet de formuler les orientations thérapeutiques et d’organiser la prise en
charge des patients.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Pariel-Madjlessi S, Opéron C, Péquignot R, Konrat C, Léonardelli S, Belmin J
Ta bl e au I II
Principales caractéristiques cliniques et paracliniques des 4 maladies les plus fréquentes à l’origine des syndromes démentiels
chez les sujets âgés
Maladie d’Alzheimer
Démence à corps de Lewy
Démence frontotemporale
Démences vasculaires
Mode de début
Troubles cognitifs insidieux
Troubles cognitifs insidieux
Troubles psychiatriques
Troubles du comportement
Début brutal, par une confusion
ou un déficit neurologique focal
ou un AVC documenté
Évolution
Progressive
Progressive
Progressive
Aggravation en marches
d’escalier
Signes extrapyramidaux,
hallucinations visuelles,
signes fluctuants,
hypersensibilité
aux neuroleptiques
Signes frontaux
Terrain cardiovasculaire
Antécédents cérébrovasculaires
Déficit neurologique focal
Signes associés
Profil neuropsychologique
(formes débutantes)
Altération marquée
de la mémoire
Altération des fonctions
exécutives ; troubles
attentionnels
Altération des fonctions
exécutives ; troubles
attentionnels
Variable
Aspect en IRM
Pas d’anomalie ou atrophie
de l’hippocampe
Pas d’anomalie
Pas d’anomalie ou atrophie
localisée frontale ou
temporale uni ou bilatérale
Lésions cérébrovasculaires
ischémiques et/ou
hémorragiques
Imagerie isotopique
Pas d’anomalie
ou diminution symétrique
de perfusion/métabolisme
au niveau hippocampique
Diminution bilatérale de
fixation des récepteurs
transporteurs de la
dopamine (imagerie
DatScan®)
Diminution de perfusion/
métabolisme au niveau
frontal et/ou temporal
(symétrique ou
asymétrique)
Diminution de perfusion/
métabolisme dans les zones
ischémiques et/ou
hémorragiques
AVC : accident vasculaire cérébral ; IRM : imagerie par résonance magnétique.
Sources :
• Medjahed S, Belmin J. Examen clinique et évaluation multidimensionnelle du sujet âgé. In: Belmin J et al., editors. Gérontologie pour le praticien. Paris : Masson ; 2003.
p. 21-6.
• Derouesné et al. Le Mini-Mental State Examination (MMSE) : un outil pratique pour l’évaluation de l’état cognitive par le clinicien. Presse Med. 1999; 28: 1141-8.
démences mixtes est extrêmement difficile. Parfois, plusieurs
diagnostics chez le même patient peuvent être retenus successivement au cours de leur évolution notamment avec l’apparition de nouveaux signes.
Retentissement de la démence
et complications
1450
Une première approche de la sévérité de la démence est
basée sur l’importance des troubles cognitifs. Par exemple, le
score au test MMSE peut fournir une indication de la sévérité
de la démence. La démence retentit aussi sur l’autonomie et
le comportement. L’intégration de ces dimensions au retentissement cognitif permet de mieux évaluer la sévérité globale
de la démence. Certaines échelles ont été développées pour
évaluer la sévérité des démences comme l’échelle de détérioration globale (global deterioration scale) de Reisberg [32] ou
encore l’échelle d’évaluation clinique de la démence ou CDR
(Clinical Dementia Rating) [33].
L’évaluation de la perte d’autonomie est une étape indispensable pour évaluer le retentissement. Les outils validés pour
évaluer les activités de la vie quotidienne (ADL) et les IADL
sont les plus utilisés. En France, il est important d’évaluer le
besoin d’aide par la grille Aggir, et ainsi déterminer le groupe
GIR (isoressources) du patient (GIR : dépendance la plus forte,
GIR 6 : autonomie complète), en sachant qu’une prestation
particulière, l’APA, peut être accordée en cas de groupe
GIR 1, 2, 3 ou 4.
Les troubles du comportement sont fréquents, et la plupart des
patients atteints de démence sont concernés à un moment ou
un autre de leur maladie [34, 35]. Les troubles du comportement
sont très fréquents dans les démences frontotemporales, notamment au stade débutant et aussi dans certaines formes de
démences vasculaires [36], mais ils peuvent survenir dans toutes
les formes de démences. Ces troubles sont regroupés sous le
terme de symptômes psychologiques et comportementaux de
la démence ou BPSD pour Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia [37]. Ces troubles du comportement sont particulièrement évalués par des outils tels que le Neuro Psychiatry
Inventory (NPI) [38], qui évalue la fréquence, la gravité et le
retentissement sur l’entourage de 12 troubles du comportement
différents. Les troubles du comportement sont souvent en relation avec des difficultés d’adaptation à l’environnement, et
dépendent étroitement de l’entourage proche [39].
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Syndromes démentiels du sujet âgé : démarches diagnostiques
L’épilepsie est une complication relativement méconnue des
démences. Elle est beaucoup plus fréquente chez les sujets
atteints de démence que chez les sujets du même âge non
déments [40]. Par exemple, dans l’étude de cohorte de Rochester, la maladie d’Alzheimer mais aussi les autres démences augmentent d’un facteur 6 à 10 le risque de développer une épilepsie, qu’il s’agisse de crises généralisées ou de crises partielles
[41]. La fréquence de l’épilepsie dans les formes de démence
augmente avec la sévérité de la maladie, mais des cas sont
décrits dans les démences débutantes. Le diagnostic de l’épilepsie est plus difficile chez les patients atteints de démence,
notamment lorsque les patients présentent une incapacité à
décrire leurs symptômes [42]. Le rôle de l’entourage est capital,
notamment pour identifier les crises partielles simples ou complexes. Il faut penser à l’épilepsie devant des épisodes de confusion mentale récurrents. Cela est d’autant plus complexe que
l’identification d’une confusion mentale survenant chez un sujet
dément est souvent difficile. Une forme particulière est un état
de mal épileptique de crises partielles, ce qui peut entraîner à
des degrés variables une confusion mentale, des troubles de la
vigilance, des troubles du comportement [43]. Dans toutes ces
situations, la réalisation d’un électroencéphalogramme peut
aider au diagnostic.
La dénutrition protéino-énergétique est une complication fréquente de la maladie d’Alzheimer et aussi des autres démences, sans que l’on en connaisse exactement les mécanismes
[44]. C’est dans le cadre de la maladie d’Alzheimer que la
dénutrition a été le mieux étudiée. Une perte de poids peut
même être observée avant l’apparition de la maladie d’Alzheimer. L’installation d’une dénutrition aggrave le pronostic de la
maladie d’Alzheimer et expose le patient aux complications de
la dénutrition. Un récent consensus d’experts (J Nutr Health
Aging) a proposé une démarche simple vis-à-vis de ce
risque : évaluer l’état nutritionnel du patient au diagnostic
par le test Mini Nutritionnal Assessment (MNA) [45], et suivre
régulièrement le poids du patient. Une perte de poids de 2 kg
ou plus par rapport au poids de référence doit faire réaliser
une évaluation précise de l’état nutritionnel.
Les chutes et les troubles de la marche sont fréquents chez les
patients atteints de démence, et notamment dans les formes
évoluées. En particulier, les démences à corps de Lewy et certaines démences vasculaires sont plus souvent associées à des chutes et à des troubles de la marche. Les mécanismes sont
complexes : atteinte du contrôle moteur, troubles attentionnels,
modification du système nerveux autonome. Les anomalies de
la substance blanche semblent plus fréquentes et plus marquées
chez les sujets atteints de démence et victimes de chutes.
La souffrance des aidants naturels est très fréquente, souvent
en rapport avec les modifications de personnalité, la perte
d’autonomie, et les troubles du comportement du parent
atteint de démence [46]. Les aidants familiaux répondent le
plus souvent aux besoins d’aide et de soins des patients. Ils
sont une aide majeure en cas de perte d’autonomie du
patient. Ils permettent de préserver la qualité de vie du
patient et sa sécurité, tout en retardant son entrée en institution. Les aidants familiaux sont de véritables partenaires du
soin médical. On les considère comme la première ressource
d’aide pour les personnes âgées démentes et dépendantes,
par rapport à l’aide professionnelle. Il est reconnu que ces
aidants de patients déments sont soumis à un stress chronique, et on observe chez eux de nombreuses conséquences
du stress chronique : réponse altérée des anticorps à la vaccination [47], cicatrisation cutanée moins rapide [48], dépression. Des outils spécifiques ont été élaborés pour aider les
médecins à identifier la souffrance des aidants et pour
l’étudier de façon plus précise. En particulier, l’inventaire du
fardeau ou encore appelé échelle de Zarit est l’outil le plus
utilisé. Il est donc nécessaire pour une prise en charge
moderne de détecter la souffrance des aidants pour tenter de
la réduire, et ainsi éviter des complications pour le parent âgé
et dément, mais aussi pour l’aidant lui-même [49].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Conclusion
L’approche clinique des troubles de la mémoire du sujet âgé doit
répondre aujourd’hui à une stratégie médicale rigoureuse permettant d’analyser de façon fine les troubles en cause et de
retrouver leurs origines. Les démences sont des maladies fréquentes et très invalidantes chez les sujets âgés, et leur diagnostic doit être porté sur des données précises et l’enquête étiologique. Le dépistage est maintenant facilité par l’émergence de
tests simples, sensibles et spécifiques. L’étape diagnostique
nécessaire permet de mieux organiser la prise en charge, de
mettre en œuvre les traitements spécifiques qui existent pour
plusieurs maladies responsables de démence, et d’accompagner
le patient âgé et sa famille dans cette épreuve.
Conflits d’intérêts : aucun
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en ligne sur / on line on
troubles cognitifs et démences
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Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1453–63
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
Neuro-imagerie des démences
Stéphane Lehéricy1, Christine Delmaire2, Damien Galanaud3, Didier Dormont3,4
1. Inserm U610, Service de neuroradiologie et Centre de NeuroImagerie de Recherche CENIR, Centre hospitalo-universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris (75)
2. Service de neuroradiologie, Centre hospitalo-universitaire, Lille (57)
3. Service de neuroradiologie, Centre hospitalo-universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris (75)
4. CNRS UPR 640, Paris (75)
Correspondance :
■ Key points
■ Points essentiels
Neuroimaging in dementia
L’imagerie fait partie du bilan de tout syndrome démentiel.
La tomodensitométrie à rayons X est l’examen de première
intention. Elle élimine les causes de démences chirurgicales.
L’IRM (imagerie par résonance magnétique) est préférée dans
le bilan des démences. Dans les démences neurodégénératives,
elle montre une atrophie dont la topographie oriente vers l’étiologie
de la démence : une atrophie temporale médiale prédominante
dans la maladie d’Alzheimer ; une atrophie frontale et temporale
antérieure marquée et une atrophie temporale médiale moindre
que celle décrite dans la maladie d’Alzheimer dans la démence
frontotemporale ; des infarctus, des lacunes, des anomalies de
signal de la substance blanche et parfois des microsaignements
dans les démences vasculaires.
La tomographie à émission de simples photons (TEMP) et la
tomographie à émission positrons (TEP) sont utilisées dans les formes cliniquement atypiques. L’étude du transporteur de la dopamine
(DATscan®) est utilisée pour distinguer la démence à corps de Lewy
de la maladie d’Alzheimer.
De nombreux efforts sont déployés pour trouver des biomarqueurs
d’imagerie dans les démences, incluant la volumétrie cérébrale,
l’imagerie de diffusion, la spectroscopie, l’imagerie des plaques séniles en IRM à très haut champ et les marqueurs des plaques séniles
en TEP.
Imaging is a part of the work-up for all types of dementia.
X-ray computed tomography (CT) is a first-line examination to
rule out causes of surgical, and thus reversible, dementia (for example, subdural hematoma or normal pressure hydrocephalus).
MRI (magnetic resonance imaging) is preferred for work-ups of
dementia. In the neurodegenerative dementias, the topography of
the atrophy provides information about the specific type: atrophy of
the medial temporal lobe is predominant in Alzheimer disease, while
atrophy of the frontal and anterior temporal lobes is seen in frontotemporal dementia, with less medial temporal atrophy than in Alzheimer disease for frontotemporal dementia; vascular dementia is
marked by infarction, lacuna, and signal abnormalities in the white
matter and sometimes microbleeding.
Single photon emission computed tomography (SPECT) and positron emission tomography (PET) are used in clinically atypical forms.
Study of the dopamine transporter (DATscan®) is used to distinguish
Lewy body dementia from Alzheimer disease.
Numerous studies are underway to identifying specific imaging
markers for different types of dementia, including cerebral volumetric measurements, diffusion imaging, spectroscopy, very-high-field
MRI scans of senile plaques, and PET markers of senile plaques.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.029
1453
Disponible sur internet :
le 03 juillet 2007
Stéphane Lehéricy, Inserm U610, Service de neuroradiologie et CENIR,
Centre hospitalo-universitaire Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tél. : 01 42 16 00 00
Fax : 01 42 17 60 06
[email protected]
Lehéricy S, Delmaire C, Galanaud D, Dormont D
L
a tomodensitométrie à rayons X (TDM) et l’IRM conventionnelle sont les techniques couramment utilisées dans l’exploration d’une démence. Les techniques utilisant des traceurs
radioactifs sont réservées aux formes cliniquement atypiques.
Différentes techniques d’imagerie
Les recommandations de l’Anaes (maintenant remplacée par
la Haute autorité de santé : HAS) sont les suivantes : « Une
imagerie cérébrale systématique est recommandée pour
toute démence d’installation récente. Le but de cet examen
est de ne pas méconnaître l’existence d’une autre cause de
démence (processus expansif intracrânien, hydrocéphalie à
pression normale, lésions d’origine vasculaire, etc.). Il n’est
pas recommandé d’effectuer une injection de produit de
contraste en l’absence d’élément pouvant le justifier […]. Cet
examen sera au mieux une imagerie par résonance magnétique nucléaire, à défaut une tomodensitométrie cérébrale, en
fonction de l’accessibilité à ces techniques. »
Tomodensitométrie à rayons X
La TDM reste l’examen de première intention. Elle est utile
pour chercher les causes de démences chirurgicales, des
lésions vasculaires ou une atrophie. La TDM permet d’éliminer la plupart des causes de démences chirurgicales : les
Glossaire
Cadasil
Cho
Cr
DFT
DVIS
FDG
HAS
IRM
MCI
mI
MID
MMS
MSA
NAA
PIB
PSP
SRM
TDM
TEMP
1454
TEP
Cerebral autosomal dominant
arteriopathy with subcortical infarcts
and leukoencephalopathy
choline
créatine
démence frontotemporale
démence vasculaire ischémique
sous-corticale
18
F-2-fluoro-2-déoxy-D-glucose
Haute autorité de santé
imagerie par résonance magnétique
Mild Cognitive Impairment
myo-inositol
Multi-Infarct Dementia
Mini-Mental State
atrophie multisystème
N-acétylaspartate
traceur marqué au 11C
paralysie supranucléaire progressive
spectroscopie par résonance magnétique
tomodensitométrie
tomographie à émission
de simples photons
tomographie à émission positrons
hématomes sous-duraux (d’autant plus qu’ils sont bilatéraux), certaines tumeurs (comme le classique méningiome
fronto-orbitaire), l’hydrocéphalie à pression normale.
L’examen TDM sans injection est en règle générale suffisant
pour éliminer la plupart des causes de démences chirurgicales.
Il est le plus souvent réalisé en coupes axiales dans le plan
orbitoméatal qui passe par l’angle externe de l’orbite et le
conduit auditif externe. Les meilleurs résultats pour l’exploration d’une maladie d’Alzheimer sont obtenus dans le plan
axial parallèle au grand axe des hippocampes. Les acquisitions
hélicoïdales des appareils récents permettent de reconstruire
les images dans le plan coronal perpendiculaire à l’axe des
lobes temporaux (figure 1).
Dans la maladie d’Alzheimer, la TDM montre une atrophie
cérébrale qui est surtout visible au niveau de la corne antérieure du ventricule latéral au stade précoce de la maladie
(figure 2). Dans les démences vasculaires, le scanner montre
des infarctus, des lacunes et/ou des hypodensités importantes
de la substance blanche.
Imagerie par résonance magnétique
L’HAS précise également que l’IRM sera préférée à la TDM
quand cela est possible. L’IRM permet une analyse dans tous
les plans de l’espace et offre un excellent contraste entre substance grise et substance blanche. C’est un meilleur outil
d’analyse de l’atrophie temporale que la TDM. L’IRM va donc
permettre de rechercher des signes positifs de démence dégénérative, une meilleure détection des anomalies vasculaires et
l’utilisation de plusieurs types de séquences comme la spectroscopie ou la diffusion. Actuellement, l’IRM est le plus souvent demandée lorsque le diagnostic reste incertain ou avant
l’inclusion dans un essai thérapeutique.
L’examen IRM comprend des images anatomiques pondérées
en T1, des images coronales ou axiales pondérées en Flair et
des images axiales pondérées en écho de gradient T2 (T2*)
(encadré 1). Les images anatomiques permettent de détecter
une atrophie temporale médiale (hippocampe, amygdale,
région parahippocampique). Elles sont au mieux réalisées à
l’aide de coupes 3D pondérées en T1 dans le plan coronal perpendiculaire à l’axe des lobes temporaux. Des images en
haute résolution T2 peuvent également être utilisées. Les images pondérées en Flair permettent d’évaluer la présence d’une
atteinte vasculaire Les images pondérées en T2* sont réalisées
à la recherche d’éventuels microsaignements dans le cadre
d’une démence vasculaire. Des images axiales pondérées en
diffusion peuvent être réalisées pour préciser le caractère
récent ou ancien d’anomalies vasculaires.
Tomographie à émission de simples photons
La tomographie à émission monophotonique (TEMP ou SPECT
en anglais) de perfusion est utilisée dans les formes cliniquement atypiques. Dans la maladie d’Alzheimer, elle montre une
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Neuro-imagerie des démences
Mise au point
troubles cognitifs et démences
F ig u r e 1
Plans de coupes du lobe temporal
A) Coupe parasagittale passant par l’hippocampe (flèche). B) Coupe axiale passant par le grand axe de l’hippocampe (plan de coupe 1 sur l’image A).
Les régions hippocampiques sont indiquées par les flèches. C) Coupe coronale oblique perpendiculaire au grand axe de l’hippocampe passant
par le corps de l’hippocampe (plan de coupe 2 sur l’image A). L’hippocampe est indiqué par la flèche.
F ig u r e 2
Maladie d’Alzheimer
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
1455
Coupes axiales TDM dans le plan parallèle au grand axe de l’hippocampe chez un sujet sain (A) et un patient atteint de maladie d’Alzheimer (B). Il existe une atrophie
des reliefs hippocampiques (tête de flèche) et amygdaliens (étoile) et un élargissement de la corne temporale du ventricule latéral (flèche).
Lehéricy S, Delmaire C, Galanaud D, Dormont D
Encad ré 1
Protocole IRM pour une démence dégénérative
• Coupes coronales en haute résolution T1 ou T2, perpendiculaires
au grand axe des lobes temporaux afin de chercher l’atrophie
temporale médiale
• Coupes coronales ou axiales pondérées en T2 ou Flair
pour rechercher des lésions vasculaires
• Coupes axiales pondérées en écho de gradient T2 (T2*), utiles
si l’on souhaite éliminer la présence de microsaignements parfois
observés dans le cadre des démences vasculaires
• Coupes en diffusion et acquisition spectroscopique pouvant
compléter l’examen
hypoperfusion temporopariétale [1]. Ces anomalies s’étendent
avec l’évolution de la maladie. La TEMP est donc un marqueur
topographique et la localisation des anomalies de perfusion
contribue à distinguer les démences dégénératives. L’étude
du transporteur de la dopamine avec le [123I]-FP-CIT
(DATscan®) est aussi utile pour distinguer la démence à corps
de Lewy de la maladie d’Alzheimer [2, 3] (figure 3).
Tomographie à émission positrons
La tomographie à émission de positrons (TEP) au
18
F-2-fluoro-2-déoxy-D-glucose (FDG) permet une mesure de
la consommation régionale de glucose. La consommation de
glucose est un reflet du métabolisme neuronal. Comme la
TEMP, la TEP est utilisée dans les formes cliniquement atypiques [1, 4]. Dans la maladie d’Alzheimer, une réduction du
métabolisme est détectée tôt. Elle touche les aires associatives
néocorticales (cortex cingulaire postérieur, cortex temporo-
pariétal et frontal multimodal), alors que les régions visuelles
et sensorimotrices, les ganglions de la base et le cervelet sont
relativement préservés [5]. Les anomalies sont décelables
chez les patients à haut risque génétique et encore asymptomatiques [6]. La TEP au FDG est un examen facile à réaliser et
bien toléré chez les patients.
Imagerie des principaux types de démences
Démences neurodégénératives
Maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est la cause de démence dégénérative
la plus fréquente. Au stade précoce de la maladie d’Alzheimer,
l’imagerie va rechercher une atrophie localisée aux régions
temporales médiales [7] (figure 4). À ce stade, l’atrophie temporale médiale est difficile à mettre en évidence visuellement
et l’examen peut paraître normal. Un examen en apparence
normal ne permet donc pas d’éliminer le diagnostic de maladie d’Alzheimer. L’expérience de l’examinateur est alors un
facteur important. En cas de doute, il est possible de répéter
l’examen. Une atrophie temporale médiale d’évolution rapide
sur 2 examens successifs est très évocatrice de maladie
d’Alzheimer [7-9] (figure 5). Au stade avancé de la maladie,
l’imagerie standard qualitative (TDM ou IRM) montre une atrophie cérébrale globale ou à prédominance temporale et parfois des anomalies de signal non spécifiques de la substance
blanche sus-tentorielle (hypodensités TDM ou hypersignaux
sur les séquences IRM pondérées en T2).
Démence à corps de Lewy
La démence à corps de Lewy constituerait la cause de démences neurodégénératives la plus fréquente après la maladie
d’Alzheimer, avec une fréquence comprise entre 15 à 25 %
F ig u r e 3
Démence à corps de Lewy
1456
Chez le patient atteint de démence
à corps de Lewy (B) il existe une baisse
du marquage TEMP au [123I]-FP-CIT
comparativement à un patient atteint
de maladie d’Alzheimer (A)
(clichés Dr Marie-Odile Habert, Service
de médecine nucléaire, groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Neuro-imagerie des démences
Mise au point
troubles cognitifs et démences
F ig u r e 4
Maladie d’Alzheimer
Coupes coronales pondérées en T1 perpendiculaires au grand axe du lobe temporal. A) Hippocampe normal (flèches). B) Atrophie hippocampique débutante
chez un patient Alzheimer (stade précoce) et C) atrophie plus marquée (forme modérée).
F ig u r e 5
Maladie d’Alzheimer
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
1457
Coupes coronales pondérées en T1 perpendiculaires au grand axe du lobe temporal chez un patient atteint de maladie d’Alzheimer. Les images A à D sont obtenues tous les ans
chez le même patient. Il existe une atrophie hippocampique débutante (A) (flèches) qui s’accentue au cours du temps (B-D). Le volume de l’hippocampe diminue d’un examen à l’autre
et la corne temporale du ventricule latéral s’élargit. L’atrophie hippocampique s’accompagne d’un élargissement des ventricules et des sillons corticaux sur les examens plus tardifs.
Lehéricy S, Delmaire C, Galanaud D, Dormont D
[3]. L’atrophie est trouvée dans les régions limbiques, le néocortex et les structures sous-corticales avec une relative préservation des structures temporales médiales par rapport à la
maladie d’Alzheimer [10]. Dans la démence à corps de Lewy,
il existe une atrophie hippocampique, mais celle-ci reste inférieure à celle observée dans la maladie d’Alzheimer [11].
L’atrophie hippocampique n’est pas discriminante entre les 2
pathologies, mais son absence va à l’encontre du diagnostic de
maladie d’Alzheimer. Le DATscan® est utile pour distinguer la
démence à corps de Lewy de la maladie d’Alzheimer [2, 3]. Il
montre une baisse bilatérale du marquage du transporteur de
la dopamine dans le striatum de ces patients (figure 3).
Démence frontotemporale
La démence frontotemporale (DFT) constituerait la troisième
cause de démence neurodégénérative [12]. L’histologie trouve
2 causes principales : le plus souvent des signes de dégénérescence non spécifique, et moins fréquemment une maladie de
Pick [13]. Dans la DFT, les lésions prédominent dans les régions
antérieures du lobe frontal et du lobe temporal, épargnant
relativement les régions temporales médiales (figure 6). Il
existe une atrophie bilatérale des hippocampes et du cortex
entorhinal qui prédomine sur la partie antérieure. Un hypersignal Flair des régions antérieures est fréquent. Comparativement à la maladie d’Alzheimer, la DFT se caractérise par une
atrophie frontale et temporale antérieure plus marquée et une
atrophie temporale médiale moins sévère. L’imagerie TEMP
montre une hypoperfusion frontale et temporale antérieure
qui peut être présente alors que l’atrophie est peu marquée.
Démences avec syndromes parkinsoniens
La démence dans la maladie de parkinson survient tardivement au cours du suivi évolutif chez environ 40 % des
patients. Dans la maladie de Parkinson avec démence, 3 groupes de lésions histologiques sont retrouvés : sous-corticales
(monoaminergiques et cholinergiques), de type Alzheimer, et
de type corps de Lewy [14]. Les lésions prédominantes
seraient plutôt proches de celles de la démence à corps de
Lewy. En IRM, l’aspect se rapprocherait de celui observé dans
la démence à corps de Lewy [15]. Les syndromes parkinsoniens atypiques regroupent la paralysie supranucléaire progressive (PSP) et les atrophies multisystèmes (MSA) [14, 16].
Comme la démence n’est pas considérée comme un critère
diagnostique des MSA [17], celles-ci ne seront pas discutées
ici. Dans la PSP, l’atrophie prédomine au niveau du mésencéphale avec un aspect caractéristique sur les vues sagittales
[18] (figure 7). Une atrophie corticale est aussi présente [19].
Démences vasculaires
Les démences vasculaires représentent la seconde cause de
démence aux États-Unis et en Europe, après la maladie
d’Alzheimer, soit environ 10-30 % des cas [20].
Les démences vasculaires sont maintenant considérées comme
un ensemble hétérogène incluant des lésions cérébrovasculaires
variées : ischémique, hypoperfusive et hémorragique.
Démence multi-infarctus
La démence multi-infarctus (Multi-Infarct Dementia [MID])
reflète la conception classique de la démence vasculaire typiquement caractérisée par la présence d’infarctus corticaux et
sous-corticaux multiples de grande taille dans des territoires
artériels ou de jonction [21] (figure 8). Ce n’est pas la forme
la plus fréquente [20].
Démence par infarctus stratégiques
F ig u r e 6
Démence frontotemporale
1458
A) Coupe axiale pondérée en T1 montrant l’atrophie antérieure marquée
chez un patient atteint de démence frontotemporale. B) Reconstruction
tridimensionnelle de la surface du cerveau montrant l’élargissement très net
des sillons frontaux et temporaux antérieurs du même patient. C) Hypoperfusion
bilatérale et symétrique de l’ensemble du cortex frontal et des pôles temporaux
en TEMP au 99mTc-ECD (clichés Dr Marie-Odile Habert, Service de médecine
nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
La démence par infarctus stratégiques est caractérisée par la
présence de lésions ischémiques focales de petite taille
situées dans des régions spécifiques du cerveau dont le rôle
est critique pour les fonctions cognitives supérieures [22]. Les
régions corticales concernées sont le lobe temporal médial, les
gyri angulaire et cingulaire. Les régions sous-corticales incluent
certains territoires du thalamus, la base de l’encéphale, le
noyau caudé, le globus pallidus, le genou et le bras antérieur
de la capsule interne.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Neuro-imagerie des démences
Mise au point
troubles cognitifs et démences
F ig u r e 7
Paralysie supranucléaire progressive
Coupes sagittale (A) et axiale (B) montrant les reliefs du mésencéphale d’un sujet sain. Coupes sagittale (C) et axiale (D) montrant les reliefs du mésencéphale
d’un patient atteint de paralysie supranucléaire progressive. Chez le patient, il existe un amincissement caractéristique du mésencéphale sur la vue sagittale qui présente
un aspect concave vers le haut de sa partie supérieure (ligne discontinue en C) et un élargissement de la citerne interpédonculaire (flèche en D).
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
lacune dont la répétition aboutit à l’état lacunaire, et l’hypoperfusion chronique par sténose des petites artères responsable d’infarctus incomplets de la substance blanche profonde.
La DVIS comporte des lacunes et des lésions focales ou diffuses
de la substance blanche [23]. Les lésions de la substance blan-
1459
Démence vasculaire ischémique sous-corticale
Dans la démence vasculaire ischémique sous-corticale (DVIS)
(ou Subcortical Ischaemic Vascular Dementia [SIVD]), deux
types de lésions sont rencontrés : l’occlusion d’une petite
artère par athérosclérose conduisant à la formation d’une
Lehéricy S, Delmaire C, Galanaud D, Dormont D
F ig u r e 8
Démence par infarctus multiples
Coupes axiales pondérées en T1 (image de gauche), Flair (images du milieu et de droite) montrant la présence d’infarctus corticaux multiples.
1460
che sont visibles sous forme d’hypodensités (TDM) ou d’hypersignaux T2 et Flair (IRM) bilatéraux et symétriques de la substance blanche périventriculaire ou sous-corticale (figure 9). Les
lésions de la substance blanche sont volontiers décrites sous le
terme radiologique de “leucoaraïose” (leuco = blanc et
araïose = raréfaction), terme proposé par Hachinski [24]. Il
s’agit d’un terme non spécifique qui décrit les anomalies focales ou diffuses de la substance blanche. La leucoaraïose ne
traduit pas une lésion histopathologique définie. Elle regroupe
des lésions histologiques multiples, comme les lacunes, les
lésions ischémiques incomplètes, la gliose.
Selon les critères internationaux dans la DVIS [23], la TDM doit
montrer des lésions extensives de la substance blanche périventriculaire et profonde, visibles sous la forme d’hypodensités focales ou diffuses à contours mal définis étendues au centre ovale et au moins une lacune sous-corticale.
L’IRM doit montrer :
• des hyperintensités de la substance blanche périventriculaire
et profonde, en couronne autour des ventricules (>10 mm) ou
en halo irrégulier (>10 mm avec des bords larges et irréguliers
et étendues dans la substance blanche profonde) et des hyperintensités confluentes (>25 mm, irrégulières) ou des anomalies diffuses sans lésions focales et une ou des lacunes
sous-corticales ;
• ou des lacunes multiples (> 5 mm) des noyaux gris et au
moins des lésions modérées de la substance blanche ;
• l’absence d’autre cause (hémorragie, véritables infarctus,
lésions inflammatoires, etc.).
F ig u r e 9
Démence vasculaire ischémique sous-corticale
Coupe axiale pondérée en Flair montrant la présence d’hypersignaux diffus
de la substance blanche sus-tentorielle.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Neuro-imagerie des démences
Certaines démences vasculaires, comme le Cadasil (Cerebral
autosomal dominant Arteriopathy with subcortical infarcts and
leukoencephalopathy), l’angiopathie amyloïde ou la sidérose
superficielle présentent des hématomes intracérébraux multiples
[23]. En IRM, les lésions hémorragiques chroniques sont caractérisées par la présence de dépôts d’hémosidérine très hypointense sur les séquences pondérées en écho de gradient T2.
Démence mixte vasculaire et Alzheimer
La distinction clinique entre maladie d’Alzheimer avec lésions
cérébrovasculaires associées et démence vasculaire peut être difficile [23]. De nombreux facteurs de risque vasculaires sont communs et le mode de début des troubles des 2 types de démences n’est parfois pas typique. Plus de 60 % des patients avec
maladie d’Alzheimer présentent des lésions de la substance
blanche sous-corticale ou profonde [25]. Ces lésions sont cependant moins marquées que dans les démences vasculaires.
L’atrophie temporale médiale qui est une des caractéristiques
de la maladie d’Alzheimer a été décrite dans les démences
vasculaires [26]. En règle générale, elle est moins marquée
que dans la maladie d’Alzheimer. La progression de l’atrophie
au cours du temps est également plus marquée dans la
démence vasculaire que chez les sujets âgés normaux [20].
Voies de recherche
De nombreux efforts sont déployés pour trouver des biomarqueurs d’imagerie dans les démences. Ces biomarqueurs serviraient à prédire l’évolution vers la démence au stade prédémentiel ou chez les sujets à risque, évaluer l’efficacité de
thérapeutiques potentielles et comprendre la physiopathologie
de cette maladie (localisation et progression des lésions cérébrales, corrélations clinico-anatomiques et fonctionnelles). Plusieurs pistes sont explorées [8, 9, 27-29].
Volumétrie IRM
Certains centres spécialisés ont recours à des techniques de
quantification de l’atrophie, notamment temporale médiale
[27, 28]. Les mesures volumétriques permettent de quantifier
l’atrophie temporale médiale, qui est une caractéristique précoce de la maladie d’Alzheimer. Les mesures de volume ont permis de montrer que l’hippocampe était réduit d’environ 40 %
dans les formes modérées de la maladie d’Alzheimer, 25 %
dans les formes légères (MMS = Mini-Mental State > 20) et
10-15 % dans le MCI (Mild Cognitive Impairment) [30, 31]. Le
taux annuel d’atrophie a été évalué entre 2 et 6 % chez les
patients Alzheimer pour moins de 1 % chez les sujets sains
âgés [31, 32]. La sensibilité des mesures est en général > 90 %
pour distinguer patients et sujets âgés sains et baisse à 70-80 %
dans le MCI. La spécificité par rapport aux autres démences
dégénératives est nettement plus faible. Ces techniques ne
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
sont pas encore répandues car elles sont longues et pas encore
automatisées. L’atrophie hippocampique est spécifiquement corrélée avec les scores des épreuves de mémoire.
Spectroscopie par résonance magnétique
La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) procure des
informations sur le métabolisme cérébral. Les deux principaux
métabolites utiles dans la maladie d’Alzheimer sont le Nacétylaspartate (NAA) et le myo-inositol (mI). Le NAA est
considéré comme un marqueur des neurones. Il baisse en cas
de mort ou de souffrance neuronale. Le mI est présent dans
les cellules gliales. Il est considéré comme un marqueur du
stress osmotique et de la gliose. La SRM peut être réalisée
dans le cadre d’un examen IRM conventionnel. Elle vient en
complément de l’imagerie morphologique et apporte des renseignements sur le métabolisme cérébral.
Dans la maladie d’Alzheimer, il existe une diminution du NAA
et une augmentation du mI [9, 33]. Le rapport NAA/mI diminue en particulier dans les régions temporales médiales
(figure 10). La baisse du NAA s’accroît avec l’évolution de la
maladie. Les modifications sont précoces. Elles seraient corrélées à la baisse des fonctions cognitives.
Les patterns d’altérations métaboliques de la maladie d’Alzheimer pourraient différer de celui des démences vasculaires
(rapport myoinositol/créatine (mI/Cr) supérieur dans la maladie d’Alzheimer) [34] mais cela n’est pas constant.
Dans la PSP, une baisse du rapport NAA/Cr ou NAA/Cho (choline) a été rapportée dans le noyau lenticulaire [35].
Imagerie de diffusion
L’imagerie de diffusion est sensible aux mouvements thermiques aléatoires des molécules d’eau dans les tissus [36]. Une
augmentation de la diffusivité pourrait traduire des modifications de l’organisation ultrastructurelle du cerveau ou bien être
secondaire à l’atrophie neuronale. La diffusion de l’eau peut
aussi présenter un certain degré d’orientation, variable selon
les tissus et surtout présente dans la substance blanche. Cette
propriété est appelée anisotropie. Une baisse de l’anisotropie
refléterait une altération des faisceaux de fibres de substance
blanche qui connectent des régions du cerveau touchées par la
maladie.
Dans la maladie d’Alzheimer et chez les patients MCI, la diffusivité est augmentée dans le lobe temporal et la substance blanche des régions postérieures du cerveau [37, 38]. L’anisotropie
est en revanche diminuée dans plusieurs régions cérébrales
comme le corps calleux, le cingulum, le faisceau longitudinal
supérieur ou le faisceau perforant [39].
Une diffusivité élevée dans l’hippocampe chez un patient MCI
est associée à un risque de conversion plus élevé vers la maladie d’Alzheimer [37] Ces mesures pourraient donc avoir un
intérêt diagnostique dans la maladie d’Alzheimer.
1461
Démences hémorragiques
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Lehéricy S, Delmaire C, Galanaud D, Dormont D
Fi gure 1 0
Spectroscopie
et maladie d’Alzheimer
Spectres obtenus à l’aide
d’une acquisition monovoxel à temps
d’écho court dans l’hippocampe
d’un sujet témoin âgé et d’un patient
atteint de maladie d’Alzheimer.
Chez le patient avec maladie
d’Alzheimer, il existe une baisse
des rapports NAA/Cr et une NAA/mI
par rapport au sujet sain âgé.
Microscopie IRM
L’IRM à très haut champ (> 7 T) permet d’obtenir des images
dont la résolution spatiale est suffisante pour voir les plaques
séniles. On parle alors de microscopie IRM. Chez l’animal, les
plaques apparaissent comme des taches sombres arrondies sur
les séquences pondérées en T2, probablement parce qu’elles
contiennent des métaux comme le fer [40]. Ces méthodes ne
sont pas encore applicables à l’homme car les temps d’acquisition des images sont à l’heure actuelle trop longs, bien que
les temps d’acquisition des études récentes s’approchent des
limites raisonnables chez l’homme. Elles restent en outre limitées à la disponibilité de ce type d’appareils IRM car peu
d’exemplaires sont installés dans le monde.
Tomographie à émission de positrons
L’élaboration récente de nouveaux traceurs radioactifs spécifiques de la protéine amyloïde (dont le PIB, un dérivé de la
thioflavine) permet maintenant d’obtenir des informations
quantitatives sur la présence des dépôts amyloïdes dans le cerveau. Le PIB est un traceur marqué au 11C élaboré par l’université de Pittsburgh, également connu sous le nom de Pittsburgh
Compound-B. Ce traceur marque les plaques chez la souris
transgénique et plus récemment chez l’homme [41]. Plusieurs
cas de patients remplissant les critères de maladie d’Alzheimer
mais sans marquage PIB et inversement de sujets sains présentant un marquage au PIB ont été rapportés sans qu’on en
connaisse à l’heure actuelle la raison [42, 43]. La progression
de l’atrophie corticale globale annuelle est corrélée au taux de
fixation du PIB. Il n’y a pas de corrélation franche entre l’évolution du score au MMS et la fixation du PIB en TEP. La technique
est donc en cours d’évaluation et son intérêt diagnostique est
élevé [29].
Conflits d’intérêts : aucun
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© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.
en ligne sur / on line on
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troubles cognitifs et démences
www.masson.fr/revues/pm
Dossier thématique
Mild Cognitive Impairment
Jacques Touchon, Florence Portet
Service de neurologie, CM2R du Languedoc-Roussillon, Inserm E 361,
CHU, Montpellier (34)
Correspondance :
Disponible sur internet :
le 12 septembre 2007
Jacques Touchon, CHU de Montpellier, 80 rue Auguste Fliche,
34295 Montpellier Cedex 05.
Tél. : 04 67 33 60 29
Fax : 04 67 33 60 36
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Mild Cognitive Impairment
Le concept de Mild Cognitive Impairment (MCI), développé par
Petersen (1997, 1999), fait référence à des sujets âgés ayant des
troubles cognitifs modérés, n’entraînant pas de démence. Ce concept
s’inscrivait dans un continuum cognitif allant de la normalité vers la
démence.
Une modification des critères de Petersen s’est avérée nécessaire
car ce cadre est rapidement apparu hétérogène : hétérogénéité des
facteurs étiologiques (type de lésions dégénératives, facteurs vasculaires, pathologies psychiatriques, maladies associées non neurologiques), hétérogénéité dans sa présentation clinique, hétérogénéité du
profil évolutif (déclin, stabilité cognitive, retour à la normale).
Les nouveaux critères cliniques de MCI pourraient désormais être
les suivants : 1) plainte cognitive émanant du patient et/ou de
l’entourage, 2) sujet et/ou informant signalant un déclin des performances cognitives et/ou fonctionnelles par rapport aux capacités
antérieures, 3) troubles cognitif objectivé par l’évaluation clinique :
altération de la mémoire et/ou d’une autre sphère cognitive, 4) altération cognitive n’ayant pas de retentissement sur la vie quotidienne.
Le sujet peut signaler des difficultés concernant les activités complexes de la vie quotidienne, 5) absence de démence.
Ces nouveaux critères, essentiellement cliniques, pourraient être
plus adaptés à la recherche clinique comme à la pratique médicale
courante. Les marqueurs biologiques et radiologiques appuieront très
certainement dans l’avenir la démarche diagnostique de façon plus
systématique, afin de mieux repérer en particulier le sous-type étiopathogénique correspondant aux maladies d’Alzheimer.
1464
The concept of mild cognitive impairment (MCI) was proposed by
Petersen et al. (1997, 1999) as a nosologic entity referring to elderly
persons with mild cognitive deficit and without dementia. MCI is
widely used in studies as an intermediate stage between cognitive
normalcy and dementia.
MCI now appears, however, to be a heterogeneous clinical entity.
The many sources of heterogeneity that have been pointed out
include: heterogeneity in etiological factors (various types of degenerative lesions, vascular risk factors, psychiatric features, concomitant
non-neurological diseases), in clinical symptoms, and in clinical course
(with decline, stable, or reversible cognitive impairment).
New clinical criteria have thus been proposed for use in research
and in clinical practice: 1) cognitive complaint from the patient,
family, or both, 2) report by the subject or reporter of a decline in
cognitive or functional performance, relative to previous abilities, 3)
cognitive disorders evidenced by clinical evaluation: impairment in
memory or another cognitive domain, 4) cognitive impairment
without any repercussions on daily life, even if the subject reports
difficulties concerning complex daily activities, and 5) no dementia.
Those new criteria, essentially clinical, may be better adapted to both
clinical research and daily clinical practice. Biological and radiological markers will provide greater and more systematic support for diagnosis in
the near future, particularly for early detection of Alzheimer’s disease.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.019
Mild Cognitive Impairment
Historique du concept
De nombreuses tentatives nosologiques visant à caractériser
cette frontière entre vieillissement normal et pathologique ont
marqué ces dernières années [1]. Kral élaborait le concept
d’oubli bénin lié à l’âge dès 1962 [2] ; depuis d’autres cadres
ont été créés pour couvrir cet espace du vieillissement cognitif
normal ou pathologique. Malgré les controverses actuelles, le
cadre de Mild Cognitive Impairment (MCI) de Petersen et al.
[3] (1997) est la référence. Le MCI définit un groupe de sujets
à haut risque d’évolution démentielle [4]. De façon explicite ou
implicite, le MCI s’inscrivait dans un continuum allant de la normalité vers la maladie d’Alzheimer. Il était considéré dans la
plupart des travaux comme une maladie d’Alzheimer prédémentielle. Néanmoins, ce cadre est rapidement apparu à la
fois hétérogène et instable sur le plan évolutif [5]. Si la majorité
des sujets répondant aux “critères MCI” évoluent vers une
démence de type Alzheimer, d’autres modalités démentielles
sont possibles : démence vasculaire, démences mixtes,
démence à corps de Lewy, etc. Le MCI tel qu’il est défini par
Petersen peut aussi représenter un état cognitif stable ou réversible [5]. Les données cliniques peuvent être insuffisantes pour
caractériser les différents sous-types de MCI et en particulier
celui correspondant à une maladie d’Alzheimer prédémentielle.
Ainsi, la démarche diagnostique précoce peut être renforcée par
les données neuropsychologiques ou les investigations paracliniques, en particulier l’imagerie cérébrale.
Les critères de MCI, tels qu’ils ont été initialement définis par
Petersen et al. en 1997 [3], associent :
• une plainte de mémoire ;
• un trouble objectif de mémoire ;
• l’absence d’autre trouble cognitif ou de retentissement sur la
vie quotidienne ;
• un fonctionnement cognitif général normal ;
• une absence de démence.
Dès 1997, l’accent a été mis sur la présence obligatoire d’une
plainte mnésique et d’un trouble de mémoire [3]. En 1999, ces
critères ont été précisés. La définition du MCI était uniquement
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Nouveaux critères de MCI
De nombreuses études ont permis de souligner les limites du
concept de MCI. Ces critères ont en effet été appliqués dans le
cadre d’études épidémiologiques ou dans celui de consultations mémoire. La plupart des études permettent essentiellement de souligner la grande variabilité de la prévalence (nombre de cas observés) des troubles cognitifs modérés en
fonction du type de population évaluée. Elles permettent également de retenir l’hétérogénéité évolutive du MCI, qui peut
être réversible, stable ou évoluer vers une démence. La
démence est alors le plus souvent de type Alzheimer. Enfin,
elles permettent d’observer une hétérogénéité des facteurs
associés. Les facteurs vasculaires cérébraux ou les pathologies
psychiatriques sont particulièrement fréquemment observés.
Il est pourtant primordial de pouvoir, avant tout, repérer les
patients à haut risque d’évolution démentielle [8]. Différentes
réunions de consensus ont permis de proposer une modification des critères initiaux de Petersen [9, 10]. Ainsi, le MCI pourrait désormais correspondre à :
1465
L
a problématique du repérage d’un vieillissement cognitif
pathologique et de son stade évolutif ultime, la démence,
relève désormais d’un problème de santé publique. Un diagnostic précoce de démence s’impose désormais. Toutefois, la
frontière entre vieillissement cognitif normal et pathologique
est particulièrement difficile à préciser en pratique médicale
courante. Des troubles cognitifs modérés sont fréquents au
cours du vieillissement “normal”. Néanmoins, savoir reconnaître un sujet présentant des troubles cognitifs modérés, c’est
repérer des sujets à risque de développer une démence. La
caractérisation des troubles cognitifs aux stades précoces, prédémentiels, devient donc une nécessité.
fondée sur la clinique [6]. L’absence d’altération du fonctionnement cognitif dans un autre domaine que celui de la
mémoire était aussi exigée [6]. La nature des tests à utiliser
n’était pas précisée. Les performances de sujets présentant un
MCI se situaient en moyenne à 1,5 déviation standard en dessous de la norme. Ces valeurs concernaient le groupe de sujets
pris dans son ensemble. Ainsi, aucune limite précise n’était à
appliquer, de manière stricte, à titre individuel. Le concept de
MCI permettait ainsi de définir un groupe de patients à fort
risque de développer une démence et en particulier une
démence de type Alzheimer.
Néanmoins, cette définition est rapidement apparue tautologique. La restriction du concept au trouble mnésique, l’utilisation pour le définir de tests habituellement utilisés pour le
diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer, conduit à repérer
des populations à haut risque d’évolution vers la maladie
d’Alzheimer.
La diversité des situations rencontrées en clinique quotidienne
a conduit à proposer un élargissement du concept. Petersen a
repris le démembrement du MCI [7]. La classification syndromique, basée sur l’évaluation clinique, est désormais associée
à des catégories évolutives. Le profil clinique permet de distinguer 3 sous-types de MCI :
• le MCI amnésique qui évoluerait préférentiellement vers la
maladie d’Alzheimer ;
• le MCI caractérisé par l’altération légère de domaines cognitifs multiples qui peut évoluer vers la maladie d’Alzheimer
mais aussi vers une démence vasculaire ou encore représenter
une modalité de vieillissement cognitif qualifié de normal ;
• le MCI correspondant à l’altération isolée d’un domaine cognitif autre que la mémoire, dont l’évolution pourrait de faire vers
une démence non Alzheimer.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Touchon J, Portet F
• une plainte cognitive émanant du patient et/ou de l’entourage ;
• un déclin des performances cognitives et/ou fonctionnelles
par rapport aux capacités antérieures, signalé par le sujet
et/ou l’informant ;
• des troubles cognitifs objectivés par l’évaluation clinique :
altération de la mémoire et/ou d’une autre sphère cognitive ;
• une altération cognitive n’ayant pas de retentissement sur la
vie quotidienne. Le sujet peut signaler des difficultés concernant les activités complexes de la vie quotidienne ;
• une absence de démence.
Un diagnostic de MCI désormais
essentiellement fondé sur l’“impression
clinique”
1466
Les nouveaux critères de MCI mettent l’accent sur l’importance de
l’évaluation clinique. Le diagnostic repose sur l’analyse de la
cognition, du comportement et du fonctionnement global. Il
associe entretien avec le patient et l’entourage et évaluation
neuropsychologique. Il n’est plus centré sur la sphère mnésique.
L’interrogatoire du patient et de son entourage constitue une
étape importante. Il permet en particulier de caractériser la
plainte. La plainte cognitive tient en effet, à elle seule, une
place importante, tant sur quantitativement que qualitativement. Cet entretien permet également de repérer la notion
de déclin du fonctionnement cognitif.
Les différents aspects du fonctionnement cognitif sont ensuite
évalués : fonctionnement cognitif global (exemple : MiniMental State de Folstein), l’orientation dans le temps et dans
l’espace, la mémoire à long terme (en particulier la mémoire
épisodique surtout, avec des tests de rappel de mots comme
l’épreuve des 5 mots ou de Grober et Buschke) et à court
terme (empans direct et indirect), langage (épreuves de
fluence verbale), praxies (visuoconstructives et visuospatiales),
gnosies, fonctionnement exécutif (raisonnement, jugement,
calcul, etc.), capacités attentionnelles. Cette approche d’abord
purement clinique sera ensuite complétée par la passation de
tests dont la complexité dépend du type de consultation
(médecine générale, consultation spécialisée libérale, consultation mémoire de proximité, centre mémoire de ressource et
de recherche).
Les troubles cognitifs peuvent par ailleurs avoir un retentissement discret sur les activités complexes de la vie quotidienne.
Ce retentissement doit rester modéré et ne pas altérer l’autonomie en vie quotidienne ou le fonctionnement global. Il
n’existe pas actuellement d’outils adéquats pour l’évaluer.
Cette absence d’outils d’évaluation est encore plus marquée
dans 2 types de circonstances : pour les personnes vivant en
institution, pour lesquelles le fonctionnement très routinier et
plus encadré masque bien souvent les difficultés, et pour les
sujets très âgés ou présentant des polypathologies, pour lesquels le handicap est alors plus lié à des facteurs non cognitifs.
Le grand âge, les facteurs vasculaires, les polypathologies et la
polymédicamentation peuvent donc limiter l’évaluation cognitive et fonctionnelle et ainsi rendre l’interprétation des résultats difficile. Ils ne doivent pas conduire à minimiser la plainte
ou les troubles cognitifs objectivés. Toute anomalie impose la
prudence et la mise en place d’un suivi, d’un bilan complémentaire ou d’un avis spécialisé. C’est bien souvent le profil
évolutif qui est l’une des clés du diagnostic.
Les nouveaux critères permettent ainsi de détecter une altération cognitive discrète le plus précocement possible. Ils mettent désormais l’accent sur l’importance de la plainte et du
déclin du fonctionnement cognitif.
Ils paraissent mieux adaptés pour individualiser, en pratique
médicale courante, un groupe à risque de développer une
démence. Il est en effet primordial de repérer le “syndrome
MCI”. C’est à ce niveau diagnostique que le médecin praticien
doit intervenir.
Une réflexion en 2 étapes peut ensuite être menée. Elle est
plutôt l’apanage des centres spécialisés :
• de quel sous-type syndromique de MCI s’agit-il ?
• le sous-type étiopathogénique sous-jacent est-il identifiable ?
Le sous-type syndromique peut être reconnu dès l’évaluation
initiale. Une évaluation neuropsychologique plus complète
peut s’avérer nécessaire afin de mieux préciser les domaines
cognitifs atteints. Il est important de noter que, comme lors de
la description princeps du concept, aucun test n’est imposé ;
de même, la notion de “valeur seuil” est définitivement écartée. Cette décision est d’autant plus valide que peu de normes
sont à notre disposition en ce qui concerne les sujets très âgés.
Le MCI peut être classé “MCI amnésique”, caractérisé par
l’atteinte prédominante de la sphère mnésique ou “MCI non
amnésique”, caractérisé par l’atteinte discrète de domaines
cognitifs multiples (multiple-domain-MCI) ou correspondre à
l’atteinte prédominante d’une sphère cognitive non mnésique
(single-domain-MCI). Des critères diagnostiques plus spécifiques permettant de repérer le MCI amnésique prémaladie
d’Alzheimer ont récemment été proposés par Dubois et Albert
[11] ; ces critères pourraient faire l’objet d’une publication
internationale consensuelle. Ils précisent les caractéristiques
d’une maladie d’Alzheimer prédémentielle :
• critères MCI ;
• mise en évidence de troubles mnésiques objectifs en
s’appuyant sur un test de mémoire permettant de mettre en
évidence la spécificité du syndrome amnésique de la maladie
d’Alzheimer, à savoir le syndrome amnésique hippocampique
caractérisé par un rappel libre effondré, bénéficiant peu ou pas
de l’indice ;
• persistance de troubles mnésiques lors d’évaluations
successives ;
• absence de démence ;
• exclusion d’autres facteurs pouvant entraîner un MCI.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Mild Cognitive Impairment
Quelle place pour les investigations
paracliniques ?
Les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle (tomoscintigraphie) et morphologique (tomodensitométrie ou imagerie
par résonance magnétique) comme les marqueurs biologiques
(sang ou liquide céphalorachidien) pourraient permettre, à
l’avenir, de préciser les différents facteurs étiopathogéniques.
C’est pour le MCI “prémaladie d’Alzheimer” qu’ils sont actuellement le plus opérants (cf. supra) [12]. Des régions différentes pourraient être prises pour cible selon le type d’imagerie
réalisé. L’IRM cérébrale permet d’effectuer des analyses volumétriques. Ce sont essentiellement les régions entorhinale et
hippocampo-amygdalienne qui sont les plus intéressantes à
mesurer. L’IRM permet par ailleurs de quantifier et de localiser
les lésions vasculaires associées. En imagerie fonctionnelle,
c’est au niveau des régions corticales temporopariétales et cingulaire postérieure qu’apparaissent les anomalies les plus précoces [13]. Cette dissociation entre l’impact morphologique et
métabolique des lésions pourrait être expliquée par l’existence
de mécanismes compensatoires particulièrement actifs au
niveau hippocampique ; ils permettraient de compenser la
perte neuronale et de maintenir un métabolisme relatif dans
cette région. Les modifications précoces observées au niveau
du cortex associatif postérieur seraient alors liées à un mécanisme de désafférentation [14].
Il est certain que ces examens radiologiques sont encore difficiles à interpréter à titre individuel. Des anomalies précoces
peuvent toutefois orienter le pronostic. Elles sont en faveur
d’un risque plus marqué de conversion vers la démence.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Les avancées diagnostiques en matière de biomarqueurs
concernent principalement le LCR. Trois marqueurs des
“lésions Alzheimer” (la protéine tau totale, la protéine tau
hyperphosphorylée et la protéine amyloïde b42) permettent
avec une bonne sensibilité de distinguer les patients porteurs
d’une maladie d’Alzheimer incipiens ou symptomatique à un
stade de début des patients présentant un vieillissement normal, une dépression ou une maladie de Parkinson [15]. La
réalisation d’une ponction lombaire dans le cadre de sujets
présentant un MCI reste discutée, mais pourrait devenir une
technique courante si les autres marqueurs biologiques, en
particulier plasmatiques, n’apportent pas une meilleure sensibilité et spécificité diagnostique.
Conclusion
Quelle que soit la définition utilisée, l’application du concept
de MCI conduit avant tout à individualiser un groupe à risque
de développer un syndrome démentiel. Tenter de mieux préciser, au sein d’une cohorte de patients MCI, les sujets présentant une maladie d’Alzheimer prédémentielle, relève d’une
démarche diagnostique commune : celle du diagnostic précoce
de l’un des sous-types étiopathogéniques de MCI. Ces démarches ne sont pas exclusives. Il est en effet actuellement particulièrement important de repérer le plus précocement possible
les sujets présentant une maladie d’Alzheimer. Les outils diagnostiques proposés (cliniques, paracliniques) ne font pas
encore l’objet d’un consensus. En pratique quotidienne, il
semble actuellement important de s’appuyer sur les tests et
les outils à notre disposition, pour lesquels nous possédons
une expertise clinique. S’intéresser à ces patients, en particulier porteurs de lésions dégénératives de maladie d’Alzheimer
ou de facteurs de risque vasculaires, c’est pouvoir éventuellement développer des stratégies préventives ou des stratégies
d’intervention précoce. Cet enjeu de santé publique explique
l’engouement généré par ce concept et son application étendue, dans le champ épidémiologique, clinique, paraclinique et
thérapeutique. Des grandes études de prévention, primaire ou
secondaire, basées sur des thérapeutiques médicamenteuses
mais aussi non médicamenteuses, sont très certainement
l’avenir en matière de troubles cognitifs. Les résultats des études de cohortes actuellement en cours permettront sûrement
d’orienter les choix méthodologiques.
Conflits d’intérêts : aucun
1467
L’approche étiopathogénique fait suite à cette étape syndromique. Une classification simple, correspondant aux soustypes habituellement rencontrés en consultation, pourrait être
proposée : maladie neurodégénérative (MCI prémaladie
d’Alzheimer, démence à corps de Lewy ou plus rarement
démence frontotemporale, atrophie focale), troubles cognitifs
en relation avec des lésions vasculaires (MCI prédémence vasculaire, démence mixte), troubles dysphoriques ou dysthymiques (syndrome anxieux ou dépressif). Dans le cadre de la
maladie d’Alzheimer prédémentielle, Dubois et al. (données
non publiées) proposent de s’appuyer de plus sur les données
paracliniques radiologiques (mesures sur volume hippocampique en imagerie par résonance magnétique ; une nouvelle
technique de segmentation automatique est proposée) et biologiques (recherche des marqueurs spécifiques de maladie
d’Alzheimer : protéine bêta-amyloïde [forme longue A bêta42] et protéine tau [totale et hyperphosphorylée]) [12].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Touchon J, Portet F
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tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
en ligne sur / on line on
troubles cognitifs et démences
www.masson.fr/revues/pm
Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1469–76
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
Démences vasculaires
et démences mixtes
Dina Zekry1,2, Charles Duyckaerts1, Jean-Jacques Hauw1
1. Laboratoire de neuropathologie Raymond Escourolle, Hôpital de la Salpêtrière,
Paris (75)
2. Département de réhabilitation et gériatrie, Hôpital de Trois-Chêne,
3 Chemin du Pont-Bochet, 1226, Thônex, Suisse
Correspondance :
Dina Zekry, Département de réhabilitation et gériatrie, Hôpital de Trois-Chêne,
26 Chemin du Pont-Bochet, 1226, Thônex, Suisse.
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Vascular dementia and mixed dementia
Le diagnostic des démences vasculaires, clinique comme neuropathologique, présente des difficultés, surtout chez les personnes
âgées. Les problèmes sont nombreux et sont dus à une physiopathologie mal connue, à des critères cliniques discutables et à l’absence
de critères formels anatomopathologiques.
La plupart des études épidémiologiques ont défini les démences
mixtes comme la coexistence de la maladie d’Alzheimer et de la
démence vasculaire. Les études neuropathologiques ont montré
que les lésions dégénératives de type Alzheimer et les lésions vasculaires sont fréquemment associées, particulièrement chez les personnes âgées. Ces études ont validé le concept des démences mixtes et ont montré qu’elles sont fréquentes et méconnues chez les
personnes très âgées.
Le diagnostic des démences vasculaires et mixtes demeure un
défi clinique et ne pourra être amélioré qu’au prix de nouvelles études portant sur les corrélations clinicopathologiques et l’imagerie
fonctionnelle.
Une meilleure connaissance des facteurs de risque a permis
d’entrevoir des possibilités thérapeutiques préventives importantes,
spécialement le traitement de l’hypertension artérielle.
The concept of vascular dementia has evolved over the past century to include multiple underlying pathophysiological mechanisms.
Neuroimaging techniques offer new and better ways to identify the
presence of cerebrovascular pathology, although they do not
improve our ability to link these changes to the onset of clinical
cognitive impairment. Clinical criteria for vascular dementia have
also evolved but they remain imperfect.
Most epidemiological studies define mixed dementia as the coexistence of Alzheimer’s disease and vascular dementia. Clinicopathologic
correlations show a clear association between the concomitant presence of vascular and Alzheimer lesions and the severity of cognitive
impairment in mixed dementia and provide strong support for the validity of the mixed dementia concept. Mixed dementia is a very frequent disease that remains underdiagnosed, especially in the elderly.
The diagnosis of vascular and mixed dementia remains a clinical
challenge and cannot be improved without further studies of clinicopathological correlations and functional neuroimaging.
Preventive therapeutic interventions include control of vascular
risk factors and especially treatment of hypertension.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.020
1469
Disponible sur internet :
le 05 juin 2007
Zekry D, Duyckaerts C, Hauw JJ
Démences vasculaires
Après la maladie d’Alzheimer, le groupe des démences vasculaires représenterait la plus fréquente des causes de démence
[1, 2]. Le terme de démence vasculaire fait référence à un état
clinique de détérioration intellectuelle imputable à des lésions
cérébrales d’origine vasculaire (lacunes, infarctus et hémorragies). Si cette définition est claire conceptuellement, il est souvent difficile, en pratique, d’établir une relation causale entre
telle ou telle lésion d’origine vasculaire et la survenue d’une
démence. Le diagnostic de démence vasculaire, clinique
comme neuropathologique, présente des difficultés, surtout
chez les personnes âgées. Les problèmes sont nombreux et
sont dus à une physiopathologie mal connue, à des critères
cliniques discutables et à l’absence de critères formels anatomopathologiques. Ce diagnostic n’est pourtant pas académique. Son importance épidémiologique, préventive et thérapeutique est loin d’être négligeable. Actuellement, les progrès
de la recherche ont permis de mieux préciser les mécanismes
physiopathologiques sous-jacents à la diminution des capacités
cognitives et la démarche diagnostique se précise. Les performances des nombreuses échelles cliniques disponibles sont
maintenant mieux appréciées. Une meilleure connaissance
des facteurs de risque a permis d’entrevoir des possibilités
thérapeutiques préventives importantes. Néanmoins, de nombreuses difficultés persistent.
Concept
La démence par infarctus multiples a été décrite par DurandFardel dès 1854 et oubliée pendant plusieurs dizaines
d’années. Le concept de démence associée à un athérome
des artères cérébrales a été repris à la fin du XIXe siècle par
Glossaire
AA
ADDTC
ADL
AVC
Cadasil
DSM-IV
HIS
HTA
IAch
ICD-10
1470
IRM
MMSE
Optima
angiopathie amyloïde
Alzheimer’s Disease Diagnostic
and Treatment Centers
activités de la vie quotidienne
accident vasculaire cérébral
Cerebral autosomal dominant
angiopathy with subcortical infarcts
and leukoencephalopathy
Diagnostic and Statistical Mental
Disorders, 4th Ed
score d’ischémie d’Hachinski
hypertension artérielle
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
International Classification of Diseases,
10th Ed
imagerie par résonance magnétique
Mini Mental State Examination
Oxford project to investigate memory
and ageing
Klippel, Binswanger et Alzheimer. Pendant longtemps, le
mécanisme retenu a été celui d’une ischémie chronique due
à une artériosclérose des vaisseaux cérébraux. À la fin des
années 1960, les travaux de Tomlinson et al. donnaient une
importance plus grande aux infarctus entraînant une perte de
tissu cérébral [3]. Selon eux, la démence apparaissait à partir
d’un certain seuil de volume cérébral lésé. Pour Hachinski,
c’est surtout le nombre de lésions qui est important. En
1974, il propose le terme de “démence par infarctus multiples” pour décrire une démence résultant de multiples accidents vasculaires cérébraux d’origine thromboembolique [4].
Des études plus récentes ont pu montrer que la survenue
d’une démence, en présence d’une pathologie vasculaire cérébrale, est complexe et d’origine multifactorielle. Elle est liée au
nombre, à la taille et à la localisation des infarctus, mais peut
aussi survenir à la suite d’une pathologie microvasculaire ou
d’une hypoxie cérébrale [5]. Le terme plus général de
“démence vasculaire” est actuellement préféré, permettant
d’inclure de nombreux mécanismes physiopathologiques tels
que la démence par infarctus multiples, l’exceptionnelle
démence par infarctus unique, les états lacunaires, la maladie
de Binswanger, l’hypoperfusion cérébrale et l’hémorragie
cérébrale.
Physiopathologie
Les causes des démences vasculaires sont schématiquement
celles des accidents vasculaires cérébraux (AVC). L’athérosclérose constitue la cause dominante. Par conséquence, le terrain
de prédilection de la démence vasculaire est la personne âgée,
athéromateuse et ayant des facteurs de risque tels que le diabète, les dyslipidémies, le tabagisme, les cardiopathies emboligènes et l’hypertension artérielle (HTA) [6].
Les difficultés rencontrées pour définir les démences vasculaires tiennent au fait que nous connaissons mal les facteurs qui,
chez un patient ayant des lésions cérébrales d’origine vasculaire, conduisent au déclin cognitif. Les facteurs vasculaires qui
interviennent le plus clairement dans la genèse des troubles
cognitifs sont au nombre de 3 : la topographie et le volume
des infarctus cérébraux ; l’atteinte de la substance blanche et
l’angiopathie amyloïde.
Topographie et volume des infarctus cérébraux
Plusieurs études ont tenté de préciser, par l’examen neuropathologique ou l’imagerie cérébrale, les caractéristiques volumétriques ou topographiques des infarctus cérébraux associés
à une démence.
Du point de vue neuropathologique, les facteurs qui expliquent
la survenue d’une démence à la suite d’un AVC sont nombreux. On peut citer la bilatéralité ou le caractère diffus des
lésions, le volume important des lésions, la topographie du
tissu détruit. Il peut ainsi s’agir de l’atteinte très focale des
systèmes qui règlent la mémoire, l’attention, le raisonnement
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences vasculaires et démences mixtes
Anomalies de la substance blanche (leucoaraïose)
La neuropathologie des anomalies de la substance blanche
cérébrale révélées par l’IRM ou imagerie par résonance magnétique (hypersignaux dans les séquences pondérées en T2) chez
de nombreux patients ayant des facteurs de risque vasculaire
(et aussi chez d’autres qui en sont dépourvus) n’est pas encore
parfaitement connue. On s’accorde à distinguer 2 groupes
d’anomalies : celles qui sont habituellement physiologiques,
surtout chez les personnes âgées (notamment les signaux
immédiatement périventriculaires) et celles qui, en règle générale, ne le sont pas (c’est le cas des “signaux brillants non identifiés” situés au cœur de la substance blanche). Des lacunes, un
état criblé surtout, des zones de raréfaction focale de la substance blanche ont été trouvés dans les régions anormales [8].
Ces lésions de la substance blanche ont été incriminées pendant longtemps dans le mécanisme des déficits cognitifs. Il
est vrai que certains cas de sclérose en plaques, où elles sont
très largement prédominantes, se manifestent cliniquement
par une démence, en particulier lorsque le corps calleux est
atteint. Les lésions diffuses de la substance blanche, observées
dans les leucoencéphalopathies peuvent provoquer une
démence, notamment dans la maladie de Binswanger associée
à l’HTA. C’est aussi un des symptômes du Cadasil (Cerebral
autosomal dominant angiopathy with subcortical infarcts and
leukoencephalopathy) où le déficit cognitif a été considéré
comme purement d’origine sous-corticale [9].
Deux études récentes ont étudié le rôle des lésions ischémiques microscopiques corticales et sous-corticales chez des personnes âgées. La première a montré que la démyélinisation
périventriculaire expliquait 10 % de la variance du fonctionnement cognitif, la démyélinisation diffuse 4,6 % et les microinfarcts corticaux 36 % [10]. La deuxième a trouvé que les lacunes thalamiques et des noyaux gris centraux avaient un impact
significatif sur la cognition. Au contraire, les lacunes de la substance blanche dans les régions frontales, temporales et pariétales ne semblaient pas avoir d’effet important tant qu’elles
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
étaient en nombre relativement faible [11]. Pourtant, il faut
signaler qu’il est rare qu’un trouble mnésique soit absolument
pur, qu’une démence soit seulement corticale ou souscorticale. De nombreuses structures, souvent associées, sont
ainsi impliquées dans les processus divers menant à la
démence. Il est bien plus fréquent que l’on ne puisse dissocier,
ni même privilégier, l’un ou l’autre de ces mécanismes.
Angiopathie amyloïde et rôle des vaisseaux
(“angiopathie congophile”)
L’angiopathie amyloïde Ab (AA) [12, 13] est caractérisée par des
dépôts de peptide Ab sous forme amyloïde dans la paroi des
vaisseaux de la microcirculation du cortex et des leptoméninges.
Elle entraîne de petites hémorragies cortico-sous-corticales et
surtout des hémorragies lobaires, parfois d’âges différents,
volontiers associées à de petits infarctus corticaux. L’AA est
observée dans des circonstances variées : dans de rares familles,
où la maladie se transmet selon un mode autosomal dominant,
elle apparaît parfois isolée. Plus souvent, l’AA est associée à des
plaques séniles et à des dégénérescences neurofibrillaires chez
des personnes âgées. L’AA est l’une des lésions souvent commune à la maladie d’Alzheimer et aux démences vasculaires.
Cette altération de la paroi vasculaire a été récemment impliquée dans la fréquence des facteurs de risque vasculaire trouvés
chez des patients déments étiquetés maladie d’Alzheimer. Les
rapports entre l’AA et la sévérité du déficit cognitif sont en
grande partie inconnus. Les conséquences des dépôts de peptide
Ab dans la paroi des vaisseaux cérébraux susceptibles, de provoquer des variations dans leurs dimensions et de retentir sur
l’hémodynamique, restent aussi controversées. Une étude
semi-quantitative et morphométrique s’est intéressée à la densité des dépôts d’Ab (et par conséquent la sévérité de l’AA) dans
la paroi des vaisseaux (artères et capillaires) de la microcirculation du cortex cérébral et des leptoméninges [14]. L’AA cérébrale
paraît entraîner tout d’abord l’épaississement de la paroi et la
réduction de la lumière vasculaire puis, aux stades avancés de
la maladie, l’amincissement de la paroi et l’élargissement de la
lumière vasculaire. On ne connaît pas la succession d’événements qui déclenchent le dépôt du peptide Ab dans le système
microvasculaire. Les résultats obtenus sont compatibles avec
l’hypothèse selon laquelle le peptide Ab est produit par les cellules musculaires de la média vasculaire. Celles-ci ayant disparu
aux stades avancés de la maladie, sans que le dépôt d’Ab se
poursuive, l’épaisseur de la média musculaire se réduit. En
effet, dans l’hypothèse selon laquelle le peptide Ab est produit
par les cellules endothéliales, ou celle qui voudrait que le
peptide Ab soit apporté aux vaisseaux cérébraux par le sang ou
provienne du tissu cérébral, on s’attendrait, au contraire, à une
augmentation de la densité des dépôts d’Ab dans la paroi des
vaisseaux au cours de l’évolution de la maladie. Ces hypothèses
paraissent moins compatibles avec les résultats ci dessus. Ceux-ci
ont, en outre, suggéré que l’AA cérébrale contribuait, à elle
1471
(circuits limbique ou amygdalothalamofrontal, afférences frontales d’origine sous-corticale), la lésion directe du lobe frontal
qui contrôle la programmation et la surveillance des activités
mentales, et/ou la lésion des aires associatives. Des lésions de
faible volume situées dans des sites stratégiques sont donc
susceptibles de créer un affaiblissement intellectuel ou d’y
contribuer. Dresser une liste exhaustive de ces sites stratégiques est difficile. Une piste possible est l’analyse des régions
lésées au cours des autres démences, en particulier la maladie
d’Alzheimer. À ce titre, les lésions du cortex entorhinal, du système limbique et des aires associatives sont des candidats
pour figurer dans cette liste [7]. Une autre piste est de chercher les territoires dont le dysfonctionnement conduit aux
symptômes démentiels. Cette démarche donne des résultats
voisins de ceux précédemment obtenus.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Zekry D, Duyckaerts C, Hauw JJ
seule, à la sévérité du déficit cognitif chez les personnes âgées.
La sévérité de l’angiopathie amyloïde expliquait en effet 10 %
de la variabilité du déficit cognitif mesuré par le MMSE (Mini
Mental State Examination). Les dépôts de peptide Ab dans la
paroi des vaisseaux de la microcirculation cérébrale semblent
donc intervenir, au même titre que les lésions de type Alzheimer
et les lésions ischémiques de grande taille, dans le mécanisme
de la démence. Les effets de ces différentes lésions sont
cumulatifs.
Particularités cliniques
La triade classique est la suivante :
• présence de facteurs de risque vasculaires (âge, HTA, signes
d’athérome, insuffisance cardiaque) ;
• antécédents d’AVC avec présence de symptômes et de signes
focaux ;
• évolution de la détérioration intellectuelle par à coups
(“paliers”) avec des périodes de stabilisation, voire d’amélioration (s’opposant à l’évolution lentement progressive de la
maladie d’Alzheimer).
Chacun de ces éléments peut manquer dans environ 15 % des
cas, de sorte qu’une authentique démence vasculaire pourrait,
exceptionnellement pour les auteurs classiques, évoluer progressivement et sans signes focaux, simulant alors une
démence dégénérative. Il est d’autre part important de distinguer les démences vasculaires survenant chez des personnes
jeunes ou d’âge moyen (“présénile”), qui répondent plus souvent à ces critères classiques, des démences survenant chez
des personnes âgées, dont le mécanisme n’est souvent pas
identique (fréquence plus grande des microangiopathies et
des pertes neuronales hippocampiques ; association aux lésions
de la maladie d’Alzheimer) et dont les symptômes et les signes
se rapprochent plus de ceux de la maladie d’Alzheimer.
D’autres traits sémiologiques, comme une dépression ou une
grande labilité émotionnelle, sont signalés plus fréquemment
dans les démences vasculaires que dans la maladie d’Alzheimer. Les signes associés qui aident au mieux à éliminer une
maladie d’Alzheimer sont les troubles urinaires (50 % des cas)
et les troubles de la marche (27 % des cas), beaucoup plus
précoces dans les démences vasculaires ; et aussi la dysphagie,
les signes pyramidaux, la dysarthrie et, d’une manière générale, toutes les altérations mécaniques de la parole (timbre,
mélodie, articulation, vitesse) très fréquentes dans les démences vasculaires, tandis que les altérations linguistiques prédominent dans la maladie d’Alzheimer.
Critères cliniques
1472
Il existe au moins 8 groupes différents de critères diagnostiques
dont la validation neuropathologique est souvent très incomplète. Le score d’ischémie d’Hachinski (HIS) a été et reste le
plus utilisé pour établir le diagnostic clinique des démences
vasculaires [15]. De multiples publications en ont évalué la
validité. Une revue de la littérature analysant les résultats de
5 études clinicopathologiques portant sur le HIS (174 cas au
total) a conclu que sa sensibilité n’était que de 42 % alors
que sa spécificité était de 84 % dans la détection de la
démence vasculaire par rapport à la maladie d’Alzheimer [16].
Une série de 113 cas de démences autopsiés a donné des
résultats similaires : sensibilité 43 % et spécificité 88 % [17].
Ces données de la littérature montrent donc que la sensibilité
du HIS est insuffisante pour justifier son utilisation comme test
de détection de la démence vasculaire, bien qu’il puisse permettre d’exclure raisonnablement les autres causes de
démence. Mais il reste encore des controverses. Une métaanalyse a montré que le HIS est très sensible et qu’il est performant dans la distinction entre la maladie d’Alzheimer et la
démence vasculaire [18, 19]. Depuis sa première description, le
HIS a fait l’objet d’un certain nombre de critiques et de modifications. Rosen a mis en doute l’utilité diagnostique des plaintes somatiques et de la labilité émotionnelle. Pour lui, les facteurs primordiaux sont le début brutal, la détérioration par
paliers, l’anamnèse d’AVC et la présence de signes cliniques
et de symptômes évoquant une pathologie neurologique focale
alors que l’HTA est plutôt considérée comme un facteur secondaire [20]. Loeb et Gandolfo proposent une échelle plus courte
comprenant 4 des items originaux du HIS : le début brutal, la
symptomatologie neurologique, les signes neurologiques
focaux et l’anamnèse d’AVC, mais ils y ajoutent les résultats
de la tomodensitométrie cérébrale [21]. Ce type d’approche
diagnostique est fondé sur la présence à la fois d’une démence
et d’une affection vasculaire cérébrale ; toutefois, dans ces critères, il n’est pas nécessaire de démontrer un lien entre les 2
pour poser le diagnostic de démence vasculaire.
Les critères de l’ICD-10 (International Classification of Diseases, 10th Ed) [22] et du DSM-IV (Diagnostic and Statistical
Mental Disorders, 4th Ed) [23] se distinguent par le fait que
les troubles cognitifs mis en évidence doivent pouvoir être raisonnablement rapportés étiologiquement à la maladie vasculaire cérébrale. Toutefois la nature de ce lien “raisonnable”
n’est pas précisée. En l’absence de validation neuropathologique, il est difficile de préciser les performances de ces derniers critères. Une étude clinique a pu cependant montrer que
seuls 25 % des patients ayant les critères de démence et des
lésions vasculaires cérébrales à la tomodensitométrie cérébrale remplissaient effectivement les critères de l’ICD-10 de
démence vasculaire. Ceci suggère que la sensibilité de ces critères est faible.
Deux groupes de critères sont actuellement très utilisés :
l’ADDTC (Alzheimer’s Disease Diagnostic and Treatment Centers) et le NINDS-AIREN [24, 25]. Ces critères distinguent les
démences vasculaires possibles et probables. La catégorie probable, contrairement à la catégorie possible, requiert la présence d’un lien temporel entre l’apparition des troubles cognitifs et l’affection vasculaire cérébrale mise en évidence à
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences vasculaires et démences mixtes
Démences mixtes
Les études neuropathologiques ont montré que les lésions
dégénératives (de type Alzheimer) et les lésions vasculaires
sont fréquemment associées, particulièrement chez les personnes âgées. Bien que la maladie d’Alzheimer et les démences vasculaires soient reconnues comme des entités distinctes,
il existe peu de données sur leur interaction dans le développement de la démence.
L’atteinte vasculaire est-elle indépendante de la maladie
d’Alzheimer ? Dans quelle mesure les lésions vasculaires et
dégénératives contribuent-elles au développement de la
démence ? S’agit-il d’une simple addition ou d’une véritable
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
synergie ? La connaissance du rôle respectif des 2 types de
maladie est importante pour mettre sur pied les stratégies thérapeutiques, en particulier préventives. Jusqu’ici, les études
pharmacologiques ont concerné principalement les maladies
pures (de type Alzheimer ou vasculaire) et ont le plus souvent
exclu les cas mixtes, pourtant très fréquents.
Concept
Delay et Brion (1962) ont donné pour la première fois toute
son importance à l’association des 2 types de lésions (vasculaire et dégénérative), à l’origine de la “démence sénile
mixte” [28]. Depuis lors, cette entité a fait l’objet de conceptions très diverses, liées non seulement aux modalités du
diagnostic étiologique, et notamment à son caractère seulement clinique, clinicoradiologique ou clinicopathologique,
mais aussi à des questions de conception. Le NINDS-AIREN
plaide cependant contre l’utilisation du terme de démence
mixte en faveur de celui de “maladie d’Alzheimer avec maladie cérébrovasculaire” [25].
La plupart des études épidémiologiques ont défini la démence
mixte comme la coexistence de la maladie d’Alzheimer et de la
démence vasculaire. Plusieurs auteurs ont mis en question la
validité du concept de démence mixte, mais des études récentes soutiennent l’hypothèse selon laquelle les lésions ischémiques sont des modulateurs importants de la qualité de la fonction cognitive, même au cours de la maladie d’Alzheimer. La
Nun Study a montré que parmi 61 cas de maladie d’Alzheimer
diagnostiqués sur des critères neuropathologiques, la détérioration cognitive était plus importante lorsqu’il existait des infarctus cérébraux qu’en leur absence [29]. Grâce au projet Optima
(Oxford Project to Investigate Memory and Ageing), Esiri et al.
ont trouvé que l’existence d’une maladie cérébrovasculaire
associée diminuait significativement les performances cognitives des patients atteints de maladie d’Alzheimer, au moins aux
stades les plus précoces [30]. Notre groupe, dans une étude
prospective clinicopathologique, a montré que les patients
ayant une maladie d’Alzheimer et des lésions vasculaires
avaient moins de plaques neuritiques et de dégénérescences
neurofibrillaires que les patients atteints d’une maladie
d’Alzheimer pure, à niveau égal de sévérité de la démence.
Corrélativement, le volume des infarctus cérébraux était plus
faible dans le groupe des démences mixtes que dans celui
des démences vasculaires. Ces données permettent de valider
le concept de démence mixte et démontrent que les processus
pathologiques impliqués dans la maladie d’Alzheimer et dans
la démence par infarctus multiples sont au moins cumulatifs,
sinon synergiques [31].
Difficulté du diagnostic clinique de démence mixte
Le diagnostic de démence mixte demeure difficile à affirmer
du vivant du patient : les critères cliniques de la maladie
d’Alzheimer tendent à éliminer les malades comportant des fac-
1473
l’examen clinique ou à l’imagerie cérébrale. Une étude neuropathologique rétrospective a démontré la faible sensibilité des
critères ADDTC (63 %) et NINDS-AIREN (58 %) pour la démence
vasculaire possible [17]. Des données plus récentes du même
groupe ont confirmé que les critères cliniques pour la démence
vasculaire n’ont pas la même signification. Les critères de
l’ADDTC pour la démence vasculaire possible étaient les plus
sensibles pour sa détection. En revanche, les critères du DSMIV pour la démence vasculaire et ceux du NINDS-AIREN pour la
démence vasculaire possible pourraient être plus performants
une fois les démences mixtes exclues [26].
Ces critères et scores cliniques ont des limites. Notamment, ils
sont moins bien adaptés aux personnes âgées qu’ils ne le sont
aux patients plus jeunes, car ils prennent fortement en compte
les facteurs de risque d’athérosclérose et d’HTA alors qu’une
partie non négligeable des AVC survenant après 75 ans est
liée à l’amyloïdose vasculaire cérébrale [27]. D’autre part, les
critères diagnostiques et scores cliniques dont nous disposons
ont été créés à partir de groupes contrastés, comparant des
patients très atteints à des cas de contrôle parfaitement normaux. Assez grossiers, souvent plus spécifiques que sensibles,
ils ont été conçus principalement pour sélectionner une population permettant l’évaluation d’un médicament. Ils sont de
moindre valeur pour le diagnostic de populations non sélectionnées (“non contrastées”) de malades. Enfin, ces critères
diagnostiques et scores cliniques s’adressent surtout à certains
types de démence vasculaire (démence par infarctus multiples), les autres démences vasculaires (notamment les maladies de Binswanger et certains états lacunaires) n’étant pas
prises en compte.
Enfin, l’ensemble de ces critères introduit des facteurs de
risque dans les arguments permettant de distinguer, au sein
des démences, celles qui relèvent d’une pathologie dégénérative, notamment de la maladie d’Alzheimer, et celles qui relèvent d’un mécanisme vasculaire. Ces critères opératoires, et
donc importants pour sélectionner des groupes de patients
soumis à des essais thérapeutiques, ne peuvent être utilisés
sans précaution compte tenu du risque de raisonnement
circulaire.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Zekry D, Duyckaerts C, Hauw JJ
teurs de risque vasculaires ou atteints d’affections vasculaires
cérébrales. Inversement, les critères cliniques de démence vasculaire conduisent à éliminer les patients chez lesquels l’évolution est progressive. C’est, selon toute probabilité, les raisons
pour lesquelles les études épidémiologiques réalisées en communauté rapportent une prévalence de cas de démence mixte
inférieure à celle suggérée par les études neuropathologiques.
Aucune place n’est donc faite aux démences mixtes, dont le
diagnostic devrait être évoqué dans 2 circonstances :
• lorsqu’un malade, chez lequel le diagnostic de maladie
d’Alzheimer a été fait, a un AVC qui aggrave son état
intellectuel ;
• lors de l’aggravation progressive de la démence survenue
après un AVC.
Particularités cliniques
Très peu d’études ont analysé les particularités cliniques des
démences mixtes. Corey-Bloom et al. ont montré que les
patients atteints d’une démence mixte avaient une dysthymie,
une dépression, des signes focaux moteurs ou sensoriels et
une instabilité de la marche beaucoup plus importants que
ceux de la maladie d’Alzheimer, mais aucune de ces particularités ne permettait de prédire la rapidité de progression de la
démence [32]. Rockwood et al., dans une cohorte prospective
de 1 008 patients, ont comparé les caractéristiques cliniques
de patients atteints d’une démence mixte à ceux atteints
d’une maladie d’Alzheimer ou d’une démence vasculaire. Des
signes focaux étaient présents dans respectivement 20, 4 et
38 % des cas. Dans cette étude, la démence mixte était le
diagnostic le moins stable entre l’impression initiale clinique
et le diagnostic final (après avoir pris en compte les données
de la neuro-imagerie et du bilan neuropsychologique). La présence de lésions ischémiques constatées sur l’imagerie cérébrale a conduit à un changement de diagnostic de la part du
clinicien (de la maladie d’Alzheimer à la démence mixte) dans
20 % des cas. Cela confirme que la neuro-imagerie est un outil
diagnostique clef dans un bilan étiologique des démences
[33]. Par ailleurs, Bowler a montré que les caractéristiques
neuropsychologiques des démences mixtes sont plus proches
de celles de la démence vasculaire que celles de la maladie
d’Alzheimer, ce qui souligne le rôle de la composante ischémique dans les démences mixtes [34].
Critères cliniques
1474
Dans l’étude publiée par Gold et al., les auteurs ont comparé
les diagnostics cliniques au diagnostic neuropathologique, qui a
été considéré comme l’étalon d’or, chez 113 patients âgés
déments [17]. Les patients ont été classifiés comme démence
mixte s’ils répondaient à la fois aux critères de la maladie
d’Alzheimer et à ceux de la démence vasculaire après l’examen
neuropathologique. La classification de ces patients s’est révélée différente selon les divers critères cliniques étudiés. Les cas
chez lesquels le diagnostic de démence mixte avait été fait
pouvaient être rétrospectivement classés comme démence
vasculaire dans 54 % des cas lorsque l’on utilisait les critères
de l’ADDTC, dans 29 % des cas en employant le NINDS-AIREN
et dans 18 % des cas selon le HIS. Ce dernier a permis l’exclusion de la plupart des cas de démence mixte, mais a échoué
dans l’identification des cas de démence vasculaire. Les critères
de l’ADDTC et du NINDS-AIREN étaient plus sensibles pour la
détection de démence vasculaire, mais moins efficaces pour
différencier la démence vasculaire des démences mixtes. Les
cas de démence mixte étaient mieux reconnus par les critères
du NINDS-AIREN que par ceux de l’ADDTC. Les auteurs ont rapporté que les démences mixtes ont un impact significatif sur
l’exactitude des critères cliniques. Des données récentes du
même groupe ont confirmé que les critères cliniques pour la
démence vasculaire se comportent très différemment pour la
détection des démences mixtes [26]. En outre, les critères restrictifs comme ceux de l’ICD-10 ou la catégorie “probable” des
critères de l’ADDTC et du NINDS-AIREN n’ont pas montré une
corrélation significative avec le diagnostic neuropathologique.
Dans une méta-analyse, Moroney et al. ont, d’autre part, montré que le HIS différencie bien la maladie d’Alzheimer de la
démence vasculaire, mais que le diagnostic clinique des
démences mixtes reste difficile [18]. Dans notre cohorte, la précision du diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer et de la
démence vasculaire a été perdue lorsque les cas de démence
mixte ont été inclus dans l’analyse [35]. Cette sous-estimation
clinique de la fréquence des démences mixtes doit être considérée pour interpréter les données épidémiologiques, comme
le souligne M. Breteler : « Ce qui est considéré comme maladie
d’Alzheimer sur la foi de critères cliniques peut, en réalité, être
un mélange de démences de causes variées relevant d’une
pathologie cérébrovasculaire, d’une pathologie dégénérative
ou des deux » [36].
Traitement des démences vasculaires
et mixtes
Préventif
Le traitement préventif est fondé sur la prise en charge des
facteurs de risque cardiovasculaire. L’étude Syst-Eur a démontré la réduction du risque de démence aussi bien vasculaire
qu’Alzheimer chez des patients hypertendus traités principalement par des inhibiteurs calciques [37]. Dans l’étude Progress,
les auteurs ont montré la réduction du risque de démence
chez des patients traités par des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion associés ou non à un diurétique ayant des AVC
récurrents [38]. De plus, le contrôle de l’HTA était lié à une
réduction dans la progression des hyperdensités dans la substance blanche visualisée à l’IRM. L’étude Scope a montré la
réduction du risque de démence chez des patients ayant déjà
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences vasculaires et démences mixtes
un déclin cognitif léger traités par des antagonistes du récepteur de l’angiotensine [39]. Le contrôle strict de l’HTA est
maintenant incontournable.
Concernant les hypolipémiants, les 2 essais thérapeutiques
publiés ne confirment pas l’effet préventif des statines sur le
risque de déclin cognitif suggéré initialement par les études
épidémiologiques [40].
“Curatif”
Une fois la démence vasculaire constatée, les traitements proposés visent à améliorer la perfusion cérébrale et à limiter les
symptômes. Plusieurs molécules ont été testées dans ce but :
l’aspirine, la nicergoline, la nimodipine, la pentoxifylline et la
propentofylline. Les bénéfices constatés par rapport aux
patients traités par placebo sont faibles, souvent les études
ne sont pas randomisées et portent sur de petits effectifs.
Le déficit en neurotransmetteurs observés dans la maladie
d’Alzheimer a été aussi objectivé chez les patients atteints
d’une démence vasculaire. Par analogie, les inhibiteurs de
l’acétylcholinestérase (IAch) ont été aussi étudiés chez des
patients atteints d’une démence vasculaire pure ou d’une
démence mixte. Les résultats d’un essai clinique multicentrique
avec la galantamine (Remynil®), chez les patients atteints
d’une démence vasculaire et d’une démence mixte ont montré
un effet positif non seulement sur la cognition mais également
sur les activités de la vie quotidienne (ADL) [41]. Les études
avec le donépézil (Aricept®) ont montré les mêmes résultats
positifs sur la cognition et les ADL sur une cohorte de démence
vasculaire pure, les patients avec un diagnostic de démence
mixte ayant été exclus de l’étude [42]. Une étude comportant
un petit nombre de patients atteints d’une démence vasculaire
pure a montré une amélioration du comportement chez les
patients traités par la rivastigmine (Exelon®) comparée à l’aspirine seule [43]. Concernant les antagonistes des récepteurs du
glutamate, la mémantine (Ebixa®), chez des patients atteints
d’une démence vasculaire pure, les résultats sont moins encourageants que pour la classe thérapeutique précédente [44]. En
conclusion, pour les IAch le bénéfice chez les patients atteints
de démence vasculaire ou démence mixte concernant les fonctions cognitives est superposable à celui observé chez ceux
souffrant d’une maladie d’Alzheimer pure. D’autres essais cliniques multicentriques sont en cours et sont nécessaires pour
confirmer ces résultats.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Conclusion
Le concept de démence vasculaire a beaucoup évolué au cours
des dernières décennies et la démarche diagnostique s’est
modifiée en conséquence. Les critères cliniques récents tiennent compte des facteurs chronologiques et des apports de la
neuro-imagerie mais restent malheureusement imparfaits.
L’imagerie cérébrale est utile pour détecter les AVC qui ne se
seraient pas exprimés par des signes neurologiques focaux
mais ne peut être interprétée qu’en fonction du contexte clinique. En l’absence de critères et d’échelles fiables, le clinicien
reste très démuni vis-à-vis du diagnostic de démence vasculaire qu’il doit évoquer devant la présence de signes d’athérosclérose et de signes neurologiques focaux.
Les démences mixtes existent, elles sont fréquentes et
méconnues chez les personnes très âgées. Le diagnostic des
démences vasculaires et des démences mixtes demeure un
défi clinique et ne pourra être amélioré qu’au prix de nouvelles études portant sur les corrélations clinicopathologiques et
l’imagerie fonctionnelle.
Si l’efficacité des traitements “curatifs” reste à démontrer, une
meilleure connaissance des facteurs de risque permet néanmoins d’entrevoir un potentiel thérapeutique préventif important, spécialement le traitement de l’HTA.
Le diagnostic, au stade initial des démences vasculaires et des
démences mixtes, permettra au patient de bénéficier de futures thérapeutiques spécifiques précoces.
Conflits d’intérêts : aucun
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tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
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troubles cognitifs et démences
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Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1477–84
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
Démences frontotemporales
Isabelle Le Ber1,2, Bruno Dubois2,3,4
1. Inserm U679, Neurology and Experimental Therapeutics, Paris (75)
2. Fédération des maladies du système nerveux, Centre de neuropsychologie
et du langage, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris (75)
3. Inserm U610, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris (75)
4. Université Pierre et Marie Curie, Faculté de médecine, Paris (75)
Correspondance :
Isabelle Le Ber, Inserm Unit 679, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
47 boulevard de l’hôpital, 75651 Paris Cedex 13.
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Frontotemporal dementia
Les démences frontotemporales débutent habituellement avant
l’âge de 65 ans. Elles se manifestent par des troubles comportementaux et du langage.
L’atteinte lésionnelle observée dans les démences frontotemporales touche les lobes frontaux et temporaux de façon bilatérale.
Un tiers des patients ont un diagnostic psychiatrique en début de
maladie.
La composante génétique est importante : 30-50 % des patients
ont des antécédents familiaux de la maladie.
Il n’y a pas d’atteinte cholinergique associée à la démence
frontotemporale. Les traitements anticholinestérasiques ne sont
donc pas indiqués dans cette maladie.
Frontotemporal dementia usually begins before the age of 65 years.
It is manifested by behavioral and language disorders.
The lesions observed in frontotemporal dementia affect the frontal and temporal lobes bilaterally.
One third of patients have a psychiatric diagnosis at the onset of
disease.
The genetic component is important: 30-50% of patients have a
family history of this disease.
Cholinergic effects are not associated with frontotemporal dementia and therefore anticholinesterase treatment is not indicated.
D
urant les 20 dernières années, les neurologues et psychiatres ont pris conscience que la proportion des démences dites
“non Alzheimer” était non négligeable parmi les démences
neurodégénératives. Les démences frontotemporales pourraient
représenter de 10 à 20 % des cas de démences “non Alzheimer”. Même si la description neuro-anatomique d’une forme
particulière de démence frontotemporale par Arnold Pick fut
contemporaine de celle de la maladie d’Alzheimer par Aloïs
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.023
Alzheimer (début du XXe siècle), les premiers cas de patients
atteints de démence frontotemporale n’ont été vraiment répertoriés que depuis 1987 par l’équipe de Gustafson à Lund en
Suède [1], et en 1988 par l’équipe de Neary à Manchester en
Grande-Bretagne [2]. En 1987, Brun décrivit la démence frontotemporale comme une démence présénile, d’évolution progressive, prédominant au niveau des lobes frontaux, mais aussi des
aires corticales antérieures des lobes temporaux [3]. Cependant
1477
Disponible sur internet :
le 06 juin 2007
Le Ber I, Dubois B
il faut attendre 1994, pour que la nosologie clinique et pathologique soit clarifiée et le terme de “démence frontotemporale”
adopté comme terme définitif lors d’une conférence de consensus réunissant les équipes de Lund et de Manchester [4]. Les
critères diagnostiques établis lors de cette conférence ont été
révisés en 1998 [5] puis en 2001 [6]. Récemment, le concept
de “complexe de Pick” a été proposé, regroupant les différentes
formes des démences frontotemporales, ainsi que des affections proches telles que la dégénérescence corticobasale et la
paralysie supranucléaire progressive. Il est important de faire
le diagnostic de démence frontotemporale car cela conditionne
l’information donnée au patient et à la famille, la prise en
charge du patient et évite la prescription de traitements inappropriés, voire potentiellement aggravants.
Épidémiologie
La démence frontotemporale survient le plus souvent avant
l’âge de 65 ans [5]. Cependant, les études clinicopathologiques récentes montrent que près de 20 % des patients débutent la maladie après l’âge de 65 ans [7-10]. Sa prévalence est
variable selon l’âge. Elle varie de 3,6 pour 100 000 dans la
classe d’âge 50-59 ans, à 9,4 pour 100 000 entre 60-69 ans
[8]. Le sex ratio est égal à 1. Des antécédents familiaux de
démence frontotemporale sont notés chez 33 à 56 % des
patients [11, 12]. En dehors des causes génétiques et de
rares causes toxiques (complexe démence-SLA [sclérose latérale amyotrophique]-Parkinson de l’île de Guam), les facteurs
étiopathogéniques restent mal connus.
Diagnostic clinique
Les éléments du diagnostic clinique de la démence frontotemporale sont présentés dans l’encadré 1.
Glossaire
aide personnalisée à l’autonomie
autorisation temporaire d’utilisation
Free and cued recall test
démence frontotemporale liée
au chromosome 17
FTDU-17 démence frontotemporale liée
au chromosome 17 avec inclusions
ubiquitine-positives
IRSS
inhibiteur de la recapture
de la sérotonine
MAPT
Microtubule Associated Protein Tau
MDRS
Mattis dementia rating scale
MMSE
Mini Mental State Examination
NIFID
inclusion neurofilamentaire
SLA
sclérose latérale amyotrophique
Tau
Tubulin associated unit
TEMP
tomographie par émission
de simple photon
VCP
Valosin-Containing Protein
1478
APA
ATU
FRCT
FTD-17
Il s’agit d’une démence débutant par des troubles comportementaux et du langage. Les conduites sociales et le contrôle
émotionnel sont altérés. La mémoire et les fonctions instrumentales sont relativement préservées, à l’inverse de la maladie d’Alzheimer. Le début est le plus souvent insidieux. La
conférence de consensus de Lund et Manchester a retenu
pour définir l’entité démence frontotemporale les signes cliniques suivants [4] :
• des troubles du comportement, inauguraux, avec 2 pôles cliniques opposés :
- un pôle inerte comprenant comme signes cliniques une apathie, une perte des initiatives, une absence de projets, une
aspontanéité, une amimie, une indifférence aux autres et un
repli social,
- un pôle désinhibé comprenant un relâchement du sens
moral pouvant conduire à des délits (vols, etc.), une jovialité
inappropriée, une familiarité excessive, une négligence corporelle et une incurie, une rigidité mentale, une hyperoralité
(avec boulimie, lubies alimentaires, exploration orale des
objets), un comportement d’imitation, des stéréotypies et persévérations (collectionnisme, rites et manies, etc.) ;
• des symptômes affectifs à type de dépression, d’émoussement
affectif, d’anxiété, d’hypochondrie, de plaintes somatiques bizarres, d’idées fixes, etc. Ces signes font souvent évoquer à tort une
pathologie psychiatrique, d’autant plus qu’ils peuvent être inauguraux de la symptomatologie ;
• des troubles du langage avec une réduction progressive du
langage conduisant au mutisme, des stéréotypies verbales,
une écholalie, etc.
La mémoire est relativement bien préservée, notamment au
début de la maladie. Les praxies sont conservées et il n’y a
pas, ou de façon modérée, de désorientation spatiale, contrairement à la maladie d’Alzheimer. En revanche, l’orientation
temporelle peut être perturbée.
Signes physiques
Les signes physiques sont peu nombreux : réapparition précoce
des réflexes primaires (grasping, réflexe palmomentonnier),
comportements pathologiques de préhension, d’imitation,
d’utilisation. Un comportement d’urination ou une incontinence
peuvent être présents.
Formes cliniques de la maladie
La conférence de consensus individualise 3 formes cliniques de
démence frontotemporale bien différenciées au début du fait
d’une dégénérescence topographiquement focalisée [5]. La
forme frontale (ou comportementale) est dominée par les
troubles comportementaux, alors que les troubles du langage
prédominent dans les 2 autres formes (aphasie progressive
non fluente, démence sémantique). À terme, ces 3 formes
évoluent vers une atteinte plus diffuse.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences frontotemporales
Encad ré 1
Critères diagnostiques de démence frontotemporale
Investigations
• Neuropsychologie : diminution significative des performances
aux tests frontaux en l’absence d’amnésie, d’aphasie ou
de désordre de perception sévères
• Électroencéphalographie : normal avec un EEG conventionnel
malgré la présence clinique évidente d’une démence
• Imagerie cérébrale (morphologique et/ou fonctionnelle) :
anomalies prédominant en frontal et/ou temporal antérieur
Principaux arguments diagnostiques
Arguments supplémentaires
Apparition insidieuse et progression graduelle
Apparition avant l’âge de 65 ans ; histoire familiale de trouble
similaire chez un apparenté du premier degré
Déclin précoce des conduites sociales
Diminution précoce de la régulation des conduites sociales
Émoussement émotionnel précoce
Perte précoce de la perspicacité
Arguments diagnostiques supplémentaires
Troubles du comportement
• Négligence physique et vestimentaire
• Rigidité mentale
• Distractivité
• Hyperoralité et modifications des comportements alimentaires
• Persévération et comportement stéréotypé
• Comportement d’utilisation
Discours et langage
Altération du discours
aspontanéité
réduction du langage
Stéréotypie verbale
Écholalie
Persévérations
Mutisme
•
•
•
•
•
Signes physiques
• Réflexes primaires
• Incontinence
• Akinésie, rigidité, et tremblement
• Pression artérielle basse et labile
Variant frontal ou comportemental
La forme frontale ou comportementale est la plus fréquente.
Elle débute par des troubles comportementaux. L’atteinte prédomine au niveau le cortex orbitoventral au début, puis
s’étend aux régions dorsolatérales et aux régions antérieures
des lobes temporaux.
Aphasie progressive non fluente
L’aphasie progressive non fluente se manifeste par une aphasie de production. Le discours est réduit, avec un manque du
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Paralysie bulbaire, faiblesse musculaire, fasciculations
(maladie du motoneurone associée présente chez une
minorité de patients)
Arguments diagnostiques d’exclusion
Historique et clinique
• Apparition brutale des premiers symptômes
• Traumatisme crânien associé à l’apparition des symptômes
• Amnésie précoce et sévère
• Désorientation spatiale
• Discours de type logoclonique avec fuite des idées
• Myoclonie
• Faiblesse corticospinale
• Ataxie cérébelleuse
• Chorée-athétose
Investigations
• Imagerie cérébrale : anomalie morphologique ou fonctionnelle
prédominant en postérocentral ; lésions multifocales au scanner
ou à l’IRM
• Tests de laboratoire indiquant une participation cérébrale dans
un trouble métabolique ou inflammatoire comme la sclérose
multiple, la syphilis, le sida et l’encéphalite herpétique
Arguments diagnostiques d’exclusion relatifs
Histoire typique d’alcoolisme chronique
Hypertension chronique
Antécédent de pathologie vasculaire (e. g. angor, claudication)
mot et des paraphasies phonémiques. La programmation syntaxique est perturbée et il existe des erreurs grammaticales.
Dans cette forme, les lésions prédominent au niveau de
l’hémisphère gauche dans les régions operculaires, de Broca
et insulaire profonde.
Démence sémantique
La démence sémantique débute par un trouble sémantique se
manifestant par la perte de la signification des mots, des
images et des objets. Le discours est fluent, souvent même
1479
Arguments cliniques diagnostiques de la démence
frontotemporale : les modifications du caractère et
les perturbations des conduites sociales sont les signes
prédominants dès le début de la symptomatologie et tout au long
de la maladie. Les fonctions instrumentales de perception,
des capacités spatiales, des praxies, et de la mémoire sont intactes
ou relativement bien préservées.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Le Ber I, Dubois B
logorrhéique, peu informatif et ponctué de paraphasies
sémantiques. L’atteinte prédomine dans les régions temporales antérieures, latérales et inférieures.
Formes cliniques particulières
Association démence frontotemporale
et syndrome parkinsonien
Examens paracliniques
Un syndrome parkinsonien d’apparition tardive est observé
dans 20 à 30 % des cas. Il apparaît souvent après 3 ou
4 ans d’évolution de la maladie. Il s’agit le plus souvent
d’un syndrome akinéto-hypertonique. Un tremblement de
repos est plus rarement associé. L’association d’un syndrome
parkinsonien à la démence frontotemporale a été initialement rapportée dans les familles ayant une mutation du
gène de la protéine Tau (chromosome 17). Cette association
semble n’être en fait pas spécifique de cette forme particulière et est aussi fréquente dans les autres formes de
démence frontotemporale.
Evaluation neuropsychologique
Association démence frontotemporale
et sclérose latérale amyotrophique
La SLA est due à une dégénérescence progressive des motoneurones de la moelle épinière, du bulbe et du cortex cérébral. Elle est caractérisée cliniquement par l’association de
signes et de symptômes témoignant d’une atteinte du
motoneurone périphérique (atteinte spinale : paralysies, fasciculations, hypotonie et abolition des réflexes) et du motoneurone central (atteinte bulbaire, hypertonie, exagération
des réflexes). Quel que soit le mode de début (bulbaire ou
spinal), la maladie se propage peu à peu aux autres territoires. Elle conduit de façon lente et inexorable vers le décès en
5 ans en moyenne. Le décès survient classiquement par
atteinte des muscles respiratoires.
La coexistence entre une atteinte du motoneurone et un syndrome démentiel a été signalée depuis longtemps dans la
littérature. On estime que 15 % des patients atteints de
démence frontotemporale ont aussi une atteinte de la corne
antérieure. La démence survient dans la majorité des cas
avant les premiers signes cliniques de SLA, qui apparaissent
environ 1 à 2 ans après le début du syndrome démentiel
[13]. La maladie associe alors les symptômes classiques de
chacune des 2 maladies. L’association d’une SLA à la
démence frontotemporale modifie considérablement le pronostic vital du patient. En effet, si la démence frontotemporale a une durée moyenne de 7 ans, l’association démence
frontotemporale et SLA chez un même patient est rapidement progressive et mortelle, dans la majorité des cas par
pneumopathie, 2 à 3 ans seulement après l’apparition des
premiers symptômes de SLA. L’observation de familles avec
des patients atteints de démence frontotemporale « pure »,
de SLA « pure » et de l’association démence frontotemporale
1480
et SLA au sein d’une même famille permet de faire l’hypothèse que la démence frontotemporale et la SLA partagent,
au moins partiellement, un même mécanisme pathogénique.
Aucun gène n’est connu dans les formes familiales de
démence frontotemporale-SLA.
L’évaluation neuropsychologique peut être normale ou discrètement perturbée au début de la maladie. Cependant le syndrome frontal cognitif devient de plus en plus apparent au
cours de l’évolution de la maladie et l’examen neuropsychologique peut alors être une aide importante au diagnostic.
Le Mini Mental Test (MMSE) de Folstein est normal ou peu perturbé, du moins au début de la symptomatologie. L’échelle de
démence MDRS (Mattis dementia rating scale) est souvent plus
altérée que le MMSE (Mini Mental State Examination), de
même que les tests évaluant les fonctions frontales (batterie
rapide d’efficience frontale), l’élaboration, le maintien et le
changement de règles (épreuve de classement de cartes de
Wisconsin), la flexibilité mentale (Trail Making Test) et la sensibilité aux interférences (test de Stroop). Les troubles mnésiques
atteignent essentiellement les processus de récupération (perturbation du rappel libre) alors que le patient bénéficie de l’indiçage lors du rappel différé (peu de perturbation du stockage)
(FRCT, Free and cued recall test). Les troubles du langage sont
précoces, voire inauguraux. Ils consistent le plus souvent en une
diminution des productions verbales et des fluences, avec des
paraphasies sémantiques ou phonémiques, une écholalie.
Imagerie cérébrale
La tomodensitométrie cérébrale et l’imagerie par résonance
magnétique peuvent être normales au début de la maladie.
Avec l’évolution apparaît une atrophie du lobe frontal bilatérale prédominant dans les régions frontales médianes et orbitaires, parfois asymétrique, et de la partie antérieure des lobes
temporaux. Un élargissement des cornes frontales des ventricules latéraux est associé (figure 1).
La tomographie par émission de simple photon (TEMP) est un
outil diagnostique important de par sa sensibilité et sa spécificité. Elle montre une hypoperfusion des lobes frontaux et de la
partie antérieure des lobes temporaux (figure 2), et ceci de
façon souvent précoce, parfois avant même que l’atrophie ne
soit visible par les techniques d’imagerie habituelles [14].
Dans l’aphasie progressive non fluente, les anomalies anatomiques et de perfusion prédominent au niveau de l’hémisphère gauche dans la région frontale latérale et inférieure
(opercule rolandique, pied de F3, région insulaire). Dans la
démence sémantique, elles prédominent dans les régions
antérolatérales et inférieures des lobes temporaux.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences frontotemporales
Mise au point
troubles cognitifs et démences
F ig u r e 1
TDM cérébrale chez un patient atteint de démence frontotemporale
Atrophie prédominant dans les régions frontales et temporales avec respect
des régions postérieures.
F ig u r e 2
L’électroencéphalogramme est normal, ce qui constitue un critère de diagnostic positif de la démence frontotemporale, de
même que le bilan biologique.
Difficultés diagnostiques
Troubles psychiatriques
Certains symptômes peuvent être communs avec les maladies
psychiatriques : inertie, apathie, plaintes hypocondriaques,
comportements obsessionnels, etc. Le diagnostic différentiel
est donc parfois difficile avec certaines maladies psychiatriques, notamment la dépression, et certains patients sont suivis
plusieurs années en psychiatrie avant que le diagnostic de
démence frontotemporale ne soit établi.
Maladie d’Alzheimer
Excepté pour les rares formes frontales de maladie d’Alzheimer,
le diagnostic différentiel avec cette affection ne pose habituellement pas de problème. Les démences frontotemporales débutent plus précocement par des troubles comportementaux, alors
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
TEMP chez un patient atteint de démence frontotemporale
Hypoperfusion corticale sévère, très marquée au niveau du cortex frontal
(A : sections sagittales ; B : sections axiales).
que les troubles mnésiques sont au premier plan dans la maladie d’Alzheimer. Le profil neuropsychologique est différent :
profil dysexécutif dans la démence frontotemporale, syndrome
amnésique hippocampique dans la maladie d’Alzheimer. La
topographie des lésions, qui prédominent dans les régions frontales et temporales, est très différente de celle observée dans la
maladie d’Alzheimer où l’atrophie prédomine dans les régions
hippocampiques et pariétotemporales. La TEMP peut ainsi
apporter une aide au diagnostic différentiel entre ces 2 maladies. Enfin, l’évolution de la maladie est plus rapide dans la
démence frontotemporale, où le délai moyen est de 7 ans,
que dans la maladie d’Alzheimer (10 ans).
Formes génétiques
La composante génétique est importante dans cette maladie :
30 à 50 % des patients atteints de démence frontotemporale
ont des antécédents familiaux de la maladie. Dans la majorité
1481
Autres investigations
Le Ber I, Dubois B
des cas la transmission est autosomique dominante avec une
pénétrance élevée. Dans les années 1990, un locus a été identifié sur le chromosome 17 (17q21-22) dans plusieurs grandes
familles atteintes de démence frontotemporale autosomique
dominante (FTD-17) [15, 16]. Des mutations du gène MAPT
codant pour la protéine Tau et localisé dans cette région ont
été identifiées en 1998 dans quelques-unes de ces familles
[17]. Cependant aucune mutation de ce gène n’a été retrouvée dans d’autres familles FTD-17 qui avaient par ailleurs des
caractéristiques neuropathologiques particulières : présence
d’inclusions neuronales Tau-négative et ubiquitine-positive
(FTDU-17). Récemment 2 équipes viennent d’identifier le
gène responsable dans ces familles. Il s’agit du gène PGRN,
localisé dans la région 17q21 à proximité du gène MAPT et
qui code pour la progranuline. On sait donc maintenant que
2 gènes localisés dans la même région sur le chromosome
17 sont responsables des “FTD-17” : MAPT et PGRN. Ce sont
les 2 principaux gènes actuellement connus dans les formes
familiales de démence frontotemporale. Ils ne rendent compte
cependant que de 20-30 % environ des formes familiales
autosomiques dominantes.
Gène MAPT (Microtubule Associated Protein Tau)
1482
Le gène MAPT est le premier gène identifié dans les démences
frontotemporales [17-19]. Ce gène code pour la protéine Tau
(tubulin associated unit) qui possède 4 domaines de liaison
au microtubule et est fortement exprimée dans le cerveau
humain adulte. Dans le cerveau humain adulte, 6 isoformes
sont présentes résultant de l’épissage alternatif des exons 2,
3 et 10. Dans les neurones, elle est majoritairement retrouvée
dans les axones où elle joue un rôle important dans l’assemblage et la stabilisation des microtubules. La protéine Tau est
un composant majeur des dégénérescences neurofibrillaires
observées dans la maladie d’Alzheimer.
Plus de 40 mutations de ce gène ont été identifiées dans plus
d’une centaine de familles dans le monde [20]. La plupart des
mutations sont localisées dans les exons 9 à 13 codant pour
les domaines de liaison aux microtubules. Les mutations de ce
gène sont associées à une grande hétérogénéité phénotypique et neuropathologique. Elles peuvent être variablement
associées à un phénotype de démence frontotemporale classique, de dégénérescence pallidopontonigrique (N279K), de
paralysie supranucléaire progressive (R5L, N279K, S305S,
DN296, E10+16) ou de dégénérescence corticobasale (N296N,
P301S), et à des caractéristiques neuropathologiques
variables : taupathie, maladie de Pick (K257T, S320F, Q336R,
K369I, G389R) ou gliose sous-corticale progressive (E10+16).
La fréquence des mutations du gène MAPT dans les formes
familiales de démence frontotemporale varie beaucoup (10 à
50 %) selon les études, les critères établis et les populations
[11, 21, 22]. En France, la fréquence des mutations de ce gène
est approximativement de 3 % chez les patients atteints de
démence frontotemporale et proche de 10 % dans les formes
familiales de la maladie.
Gène PGRN
Des mutations du gène PGRN ont été identifiées très récemment dans plusieurs familles atteintes de démence frontotemporale d’origine belge, hollandaise et nord-américaine [23,
24]. Ce gène code pour la progranuline, une protéine ubiquitaire précurseur des granulines/épithélines. C’est un facteur de
croissance qui a des fonctions multiples et intervient dans les
mécanismes de cicatrisation, immunitaires et dans la tumorigenèse. La fonction de la progranuline au niveau cérébrale
n’est pas connue.
Dans les familles avec mutation, l’âge de début est très
variable, et des âges extrêmes de 45 à 86 ans ont été rapportés. Le phénotype est également variable et peut être celui
d’une démence frontotemporale classique, associée ou non à
un syndrome parkinsonien, ou d’une dégénérescence corticobasale [25]. Un mode de début marqué par la prédominance
de troubles du langage (aphasie primaire progressive) n’est
pas rare [26, 27]. La fréquence des mutations de ce gène est
proche de 5 % dans les démences frontotemporales et atteint
15 % dans les formes familiales de la maladie. Du point de
vue neuropathologique, ces mutations sont caractérisées par
la présence d’inclusions neuronales cytoplasmiques et nucléaires marquées par les anticorps anti-ubiquitine et Tau-négative.
Les inclusions nucléaires ont parfois une forme ovalaire très
évocatrice (“cat-eye”).
Deux autres gènes connus : VCP et CHMP2B
Des mutations du gène VCP (Valosin-Containing Protein), localisé sur le chromosome 9, ont été identifiées en 2004 [28].
Elles sont responsables d’un phénotype complexe associant
une démence frontotemporale, une myopathie à inclusions et
une maladie de Paget des os [28]. Le phénotype peut cependant être incomplet chez un patient ou variable au sein d’une
famille. L’implication de ce gène semble cependant relativement rare. À ce jour, une quinzaine de familles seulement
ont été rapportées dans le monde. Des mutations du gène
CHMP2B localisé sur le chromosome 3 ont été identifiées
dans 3 familles de démence frontotemporale ou de SLA [29].
Les mutations de ce gène semblent encore plus rares que
celles du gène VCP. Les autres gènes responsables de formes
familiales de démence frontotemporale restent à identifier.
Caractéristiques neuropathologiques
Le diagnostic de certitude repose sur l’examen neuropathologique. Macroscopiquement, on observe une atrophie des lobes
frontaux et temporaux, ainsi qu’une dilatation ventriculaire.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démences frontotemporales
Microscopiquement, une perte neuronale, une spongiose diffuse des couches superficielles du cortex et une gliose sont
présentes. Les démences frontotemporales sont hétérogènes
sur le plan neuropathologique. Les techniques immunohistochimiques récentes ont grandement facilité le diagnostic des
différents sous-types. On distingue, en fonction de ces différentes caractéristiques :
• les tauopaties, caractérisées par l’accumulation de protéine
Tau dans les neurones sous formes d’inclusions neuronales
Tau-positives (dont les formes avec mutations du gène
MAPT) ou de corps de Pick (maladie de Pick) ;
• les inclusions ubiquitine-positives, Tau-négatives : elles
constituent le marqueur histopathologique de certaines formes
de démence frontotemporale “pures” comme les FTDU17
(mutations PGRN) et des démences frontotemporales-SLA ;
• la gliose sous-corticale progressive ;
• les démences avec inclusions neurofilamentaires (NIFID) ;
• la démence sans signe histologique spécifique.
Les 2 premiers sous-types sont les plus fréquents.
Approches thérapeutiques
Il n’y a actuellement aucun traitement spécifique de cette
affection. Les approches thérapeutiques actuelles visent à restaurer les déficits en neurotransmetteurs observés chez les
patients atteints de démence frontotemporale. Le système
cholinergique n’est pas atteint, expliquant l’absence d’efficacité et d’indication des anticholinestérasiques dans cette maladie. Ils peuvent même être délétères et aggraver les troubles
comportementaux de la démence frontotemporale.
Sérotoninergiques
Une diminution des récepteurs sérotoninergiques a été montrée dans les cortex frontaux et temporaux des patients atteints
de démence frontotemporale, ainsi qu’une diminution de la
sérotonine dans le liquide céphalorachidien. Reposant sur ces
observations, plusieurs études ont évalué les traitements sérotoninergiques dans cette maladie et montré leur efficacité sur
les troubles comportementaux et du contrôle émotionnel. Les
sérotoninergiques sont actuellement prescrits en traitement de
première intention dans la démence frontotemporale. Les inhi-
biteurs de la recapture de la sérotonine (IRSS) comme la sertraline, la fluoxétine ou la paroxétine ont montré leur efficacité
sur la désinhibition, l’hyperoralité et les comportements
compulsifs [30]. La trazodone (Trazolan®, 200-300 mg/j) est
un sérotoninergique atypique, antagoniste post-synaptique
5-HTa2c et agoniste 5-HT1a, qui peut être prescrit sous forme
d’ATU (autorisation temporaire d’utilisation). Cette molécule
permet de réduire notablement les troubles comportementaux,
en particulier l’irritabilité, l’agitation motrice, les troubles du
comportement alimentaire, la désinhibition, les thématiques
délirantes et la dépression [31].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Autres possibilités thérapeutiques
La prescription de neuroleptiques atypiques à faible dose (rispéridone, olanzapine) ou d’antiépileptiques (valproate de sodium
ou carbamazépine) peut être nécessaire en seconde intention.
Prise en charge globale
Un soutient psychologique doit être apporté aux patients et à
leur famille. Les services sociaux peuvent informer sur les
aides sociales et financières (APA : aide personnalisée à l’autonomie, aides à domiciles, etc.) et les structures d’accueil temporaires ou définitives. Des mesures de sauvegarde de justice
(tutelle, curatelle) doivent être adoptées dès que nécessaires.
Enfin les associations de malades (France Alzheimer) peuvent
représenter une aide utile pour informer et aider les familles
dans leurs démarches.
Conclusion
Les démences frontotemporales constituent des pathologies
hétérogènes dont les bases physiopathologiques demeurent
mal connues pour le moment. Cependant, les progrès récents
concernant la génétique et les techniques d’imagerie
devraient permettre des avancées importantes dans ce
domaine et laissent espérer la mise au point dans les années
à venir de thérapeutiques spécifiques.
Conflits d’intérêts : aucun
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tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
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troubles cognitifs et démences
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Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1485–90
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
Démence à corps de Lewy et démence
associée à la maladie de Parkinson
Claire Meyniel, Philippe Damier
CHU Nantes, Clinique neurologique, Nantes (44) ;
Inserm, Centre d’investigation clinique, Nantes (44)
Correspondance :
Philippe Damier, CHU Nantes, Clinique neurologique, Hôpital Laennec,
44093 Nantes.
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Lewy body dementia and Parkinson disease dementia
La démence à corps de Lewy et la démence associée à la maladie
de Parkinson représentent deux causes fréquentes de démences
dégénératives : 20 % des démences chez les patients de plus de
65 ans pour la première et près de 80 % des patients atteints de
maladie de Parkinson évoluée pour la seconde.
La démence à corps de Lewy a une sémiologie caractérisée par des
fluctuations des performances cognitives, une atteinte cognitive
sous-cortico-frontale et visuospatiale, des hallucinations visuelles et
une symptomatologie parkinsonienne.
La démence associée à la maladie de Parkinson a 2 formes
sémiologiques : une forme “sous-corticale”, caractérisée par un syndrome frontal où prédominent apathie, apragmatisme ; une forme
“corticale”, avec des symptômes proches de ceux de la démence à
corps de Lewy.
La parfaite gestion des facteurs iatrogéniques potentiels est
importante, avec des psychotropes au strict minimum indispensable, une monothérapie par L-dopa à la posologie minimale acceptable pour corriger la symptomatologie motrice parkinsonienne.
Les inhibiteurs d’acétylcholinestérase présentent un intérêt dans
ces 2 démences (AMM pour la rivastigmine dans la démence associée à la maladie de Parkinson) et de la clozapine pour contrôler les
hallucinations.
Lewy body dementia and Parkinson disease dementia are frequent causes of degenerative dementia: 20% of the dementias
in patients older than 65 years are caused by the former and nearly
80% of patients with advanced Parkinson disease develop the latter.
Symptoms of Lewy body dementia include fluctuations of cognitive performance, frontal and visuospatial impairment, visual hallucinations, and parkinsonism.
Parkinson disease dementia could be differenciated in two subtypes: a “subcortical” subtype, characterized by frontal impairment
with apathy and dullness and a “cortical” subtype with symptoms
similar to those of Lewy body dementia.
Mastery of potential iatrogenic factors is important: psychotropic
drugs must be prescribed at the strict minimum, and L-dopa monotherapy at the minimal dose acceptable for correcting Parkinsonian
motor symptoms should be the rule.
Acetylcholinesterase inhibitors may be useful in both these
types of dementia: rivastigmine is approved for treating Parkinson
disease dementia and clozapine for reducing hallucinations.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.025
1485
Disponible sur internet :
le 14 juin 2007
Meyniel C, Damier P
M
oins connues que la maladie d’Alzheimer, la démence à
corps de Lewy et la démence associée à la maladie de Parkinson sont pourtant 2 causes fréquentes d’altération cognitive
neurodégénérative. Le spectre sémiologique de ces affections
est large et leurs limites nosologiques encore discutées, mais
des avancées thérapeutiques récentes permettent de dégager
quelques stratégies de prise en charge pragmatiques. Parmi
les démences dégénératives, ce sont probablement celles pour
lesquelles une stratégie thérapeutique bien dirigée conduit à
des résultats souvent probants et parfois même spectaculaires.
Démence à corps de Lewy : un spectre clinique
mieux identifiable, des traitements utiles
Deuxième cause de démence chez le sujet
de plus de 65 ans
La démence à corps de Lewy est en fréquence la deuxième
cause des démences chez les patients âgés de plus de
65 ans. Elle est à l’origine d’environ 20 % des démences
dans cette classe d’âge. La dénomination “démence à corps
de Lewy” aujourd’hui admise impose quelques explications
nosologiques préliminaires [1]. Basée sur un terme neuropathologique, elle a une connotation pathogénique trop forte
que la clinique seule ne peut affirmer. Du point de vue clinique, il faut en fait entendre sous le terme “démence à
corps de Lewy” un tableau sémiologique particulier auquel
est associée avec une probabilité élevée une dégénérescence
cérébrale caractérisée par la présence d’inclusions neuronales
et extraneuronales particulières, les corps de Lewy [2]1.
Un spectre d’aspects cliniques large
mais différenciable de celui de la maladie d’Alzheimer
L’aspect clinique le plus connu de la démence à corps de Lewy
est, comme son nom l’indique, une démence. Les troubles cognitifs débutent comme cela est classique dans les maladies neuro-
Glossaire
BREF
COMT
CT-scan
IMAO
IRM
batterie rapide d’évaluation
des fonctions frontales
catéchol-O-méthyl transférase
Computerized Tomography scan
inhibiteur de la monoamine-oxydase
imagerie par résonance magnétique
1486
1. À noter que la problématique est identique dans la maladie d’Alzheimer : à
partir d’une présentation clinique particulière, le diagnostic est supposé par le clinicien et il dénomme une entité nosologique reposant sur une neuropathologie
dont la preuve n’est que rarement obtenue ; le développement de biomarqueurs
pourrait dans les années à venir aider à un cadrage nosologique plus précis.
dégénératives souvent de façon insidieuse. Contrairement à la
maladie d’Alzheimer, les troubles mnésiques ne sont généralement pas au premier plan au stade précoce [3]. La présentation
est plutôt celle d’épisodes confusionnels récurrents, volontiers
favorisés par des facteurs iatrogènes ou une affection médicale
intercurrente, dans un contexte d’altération progressive des fonctions cognitives (troubles attentionnels, perte du sens critique,
apragmatisme). Parfois, la symptomatologie initiale est celle
d’une maladie de Parkinson, mais qui rapidement (par définition
en moins d’un an) se complique d’une altération cognitive telle
qu’observée dans la présentation classique de la démence à
corps de Lewy [1]. Plus rarement, la maladie se révèle par des
troubles du sommeil ou des troubles végétatifs.
Avec l’évolution les troubles cognitifs se précisent. Les troubles
mnésiques deviennent plus nets. Ils portent essentiellement
sur la mémoire épisodique. Le test des 5 mots peut être utilisé
pour évaluer les capacités mnésiques (encadré 1). Par rapport
aux troubles mnésiques de la maladie d’Alzheimer, les performances sont souvent améliorées par l’indiçage (le fait d’indiquer la catégorie à laquelle appartient l’item à retrouver aide
le patient ; par exemple : « quel nom de fruit vous ai-je
demandé de mémoriser ? ») et les intrusions (le sujet donne
de façon erronée un nom de la même catégorie : “orange”
alors que l’item fruit à retenir était “abricot”) sont moins nombreuses. Des troubles visuospatiaux sont fréquemment pré-
Encad ré 1
Une évaluation rapide et instructive des capacités mnésiques :
le test des 5 mots
Une liste de 5 mots est donnée à apprendre au patient. Chaque
mot appartient à une catégorie particulière (animal, fruit,
instrument de musique, etc.) et ne doit pas être un mot “évident”
de la catégorie (“myosotis” pour une fleur plutôt que “rose”). Il
faut s’assurer que la liste est correctement apprise (en vérifiant
que le patient est capable de les répéter). À quelques minutes de
distance de l’apprentissage (une autre tâche cognitive est faite
dans l’intervalle), le patient doit restituer les 5 mots. Pour le ou les
mots qu’il ne retrouve pas spontanément, lui sont fournis des
indices : « quelle était la fleur ? », « quel était le fruit ? », etc. Puis
pour le (ou les) mot(s) encore non retrouvé(s), est proposé de le
(les) reconnaître au sein d’une liste de 5 mots de la catégorie du
mot recherché : « parmi les 5 fleurs suivantes […] quelle était
celle que je vous avais demandé de mémoriser ? ». Si le patient a
des difficultés d’encodage (ce qui est typiquement observé dans la
maladie d’Alzheimer), indiçage et reconnaissance ne sont que peu
d’aide ; il y a même souvent des “intrusions” c’est-à-dire l’énoncé
de mots de la catégorie autre que celui qui était à apprendre (par
exemple, “tulipe” alors que le mot demandé était “myosotis”). Au
contraire, si le patient n’a pas de problème d’encodage mais des
problèmes de rappel mnésique, indiçage ou reconnaissance
l’aident à retrouver les mots appris.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démence à corps de Lewy et démence associée à la maladie de Parkinson
Des explorations complémentaires dont
la contribution reste à démontrer
L’électroencéphalogramme est très souvent altéré, mais avec
des modifications sans grande spécificité (tracé ralenti,
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
vagues d’ondes lentes). L’imagerie cérébrale morphologique
(CT-Scan : Computerized Tomography scan, IRM : imagerie par
résonance magnétique) met en évidence une atrophie
cortico-sous-corticale plus ou moins marquée, sans spécificité
et a pour principal intérêt l’élimination de certains diagnostics différentiels d’une altération cognitive. L’imagerie fonctionnelle, en particulier la scintigraphie cérébrale, semble
intéressante : les mesures de débit sanguin cérébral montrent une réduction d’activité au niveau frontal et pariétooccipital [7] ; les marqueurs du système dopaminergique
(DATscan®) peuvent révéler la dénervation dopaminergique
[8]. La sensibilité de ces examens par rapport aux données
cliniques reste cependant à démontrer.
Une évolution péjorative classiquement plus rapide
que dans la maladie d’Alzheimer
L’absence d’études épidémiologiques large avec authentification neuropathologique du diagnostic ne permet pas d’avoir de
données très précises sur ce sujet. L’évolution se fait vers une
accentuation des troubles cognitifs avec un progressif retrait de
toute vie communicative et une accentuation de la symptomatologie parkinsonienne. Par les chutes, les troubles de déglutition et la plus rapide exposition aux complications de l’immobilité que cette composante entraîne, le pronostic vital serait
moins bon que dans la maladie d’Alzheimer. Les traitements
actuellement disponibles sont peut-être en train de modifier
cette vision classique.
Des options thérapeutiques utiles
Même si, faute d’études conduites sur un très grand nombre
de patients, le niveau de preuve des essais thérapeutiques
dans cette maladie reste moyen, plusieurs traitements ont
démontré une certaine efficacité et se révèlent en pratique
clinique souvent très utiles.
Une fois le diagnostic évoqué, un “ménage thérapeutique” est
le premier acte à entreprendre. Les patients atteints de
démence à corps de Lewy sont comme vu précédemment
extrêmement sensibles aux facteurs iatrogènes. Les traitements psychotropes (anxiolytiques, antidépresseurs) sont souvent utilisés face à des troubles cognitivocomportementaux
débutants. Leur pertinence est à évaluer soigneusement et le
traitement à simplifier progressivement. Une vigilance particulière est à apporter aux médicaments ayant des propriétés
anticholinergiques (antidépresseurs tricycliques, certains sédatifs, mais aussi des médicaments à visée urinaire). Les performances cognitives des patients y sont très sensibles. Le traitement dopaminergique parfois nécessaire pour corriger les
symptômes parkinsoniens (cf. infra) doit se résumer aux
doses minimales de L-dopa pour réduire les effets indésirables
psychiques de ce traitement.
1487
sents. Le patient a du mal à gérer son environnement visuel,
comme en témoignent ses difficultés à reproduire un dessin
complexe, à positionner les heures sur un cadran d’horloge.
Les fonctions instrumentales (langage, praxie) sont en revanche longtemps préservées. Un dysfonctionnement frontal est
pratiquement toujours présent avec en particulier des troubles
attentionnels, une réduction de la fluence verbale, un apragmatisme, une altération des capacités de jugement. Le caractère fluctuant des troubles cognitifs et des capacités attentionnelles est typique de cette affection avec un niveau de
performance variable d’un jour à l’autre, voire d’une heure à
l’autre. Des troubles de vigilance avec somnolence diurne sont
souvent présents [4].
Des hallucinations sont fréquemment présentes. Elles peuvent
être inaugurales, survenir de façon spontanée ou être favorisées par un facteur iatrogénique. Il s’agit essentiellement
d’hallucinations visuelles, colorées à type de personnes ou
d’animaux. Le patient n’y est pas le plus souvent totalement
adhérent et peut les critiquer.
Un syndrome parkinsonien est observé chez 25 à 50 % des
patients. Le tableau moteur peut être assez proche de celui
observé dans une maladie de Parkinson. Le tremblement de
repos est néanmoins peu fréquent et la symptomatologie prédomine volontiers en axial : troubles de la marche, amimie,
rigidité nucale. La symptomatologie motrice est partiellement
réversible par le traitement dopaminergique [5]. Néanmoins,
l’efficacité de ce traitement est surtout nette sur le syndrome
parkinsonien périphérique (touchant les membres) qui est ici
moins souvent au premier plan que dans la maladie de Parkinson et surtout le renforcement posologique se heurte à une
mauvaise tolérance psychique (hallucinations, confusion). Le
syndrome parkinsonien peut parfois être inaugural, ne se différenciant pas les premiers temps d’une maladie de Parkinson
classique. Il est parfois révélé en cours d’évolution à l’occasion
d’une prise de neuroleptique. Les patients sont en effet particulièrement sensibles à ce type de médicament et le tableau
moteur peut être alors parfois sévère.
Des troubles du comportement du sommeil paradoxal sont
possibles et assez caractéristiques. Ils sont le fait de la moindre
efficacité de la “paralysie physiologique” qui accompagne normalement cette phase de sommeil où se déroulent les rêves.
Les patients ont donc tendance à “vivre” leurs rêves [6].
Le système neurovégétatif étant volontiers atteint par le processus pathogénique, des troubles tensionnels avec des hypotensions en particulier orthostatiques sont fréquents. Ils peuvent être à l’origine de syncopes. Des troubles sphinctériens
sont parfois présents.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Meyniel C, Damier P
Ce “ménage” thérapeutique a souvent un effet favorable sur
les hallucinations. Si malgré tout ces dernières persistent et
ont des conséquences comportementales importantes, un traitement neuroleptique s’impose. L’hypersensibilité des patients
atteints de démence à corps de Lewy aux neuroleptiques
impose de les utiliser à des doses minimes et, sauf altération
cognitive déjà sévère, à privilégier l’utilisation de la clozapine.
Même si le risque d’agranulocytose rend son utilisation compliquée (nécessité d’une surveillance hématologique étroite),
c’est le seul neuroleptique à être vraiment dépourvu d’effets
indésirables moteurs parkinsoniens. Ce médicament est à utiliser à des doses plus faibles que celles classiquement requises
en psychiatrie : 12,5 mg/j peuvent suffire, il est rare d’aller
au-delà de 75 mg/j [9].
Les anticholinestérasiques ont montré leur intérêt dans le traitement des troubles cognitifs de la démence à corps de Lewy
[10]. D’expérience l’effet est même souvent plus net que dans
la maladie d’Alzheimer. Ces médicaments semblent en outre
avoir des effets favorables sur les hallucinations. Outre les
troubles digestifs qui peuvent perturber l’initiation de ces
médicaments, le principal effet secondaire peut être la majoration du syndrome parkinsonien.
La gestion du syndrome parkinsonien lorsqu’il est marqué et
invalidant repose exclusivement sur la L-dopa. Les agonistes
dopaminergiques, les IMAO-B (inhibiteurs de la monoamineoxydase B) et bien sûr les anticholinergiques ne sont pas
tolérés sur le plan psychique par ces patients. La posologie
de la L-dopa est à utiliser au minimum nécessaire pour le
patient. Ce n’est pas une parfaite correction de la symptomatologie motrice qui est recherchée mais le meilleur compromis entre l’effet bénéfique moteur et les effets indésirables
psychiques.
Enfin, à côté des médicaments, une prise en charge régulière
en kinésithérapie pour les troubles moteurs, un soutien psychologique et le maintien d’une stimulation cognitive sont
souvent d’un apport intéressant, même si dans ce domaine
les preuves d’efficacité, difficiles à obtenir, sont inexistantes.
Démence associée à la maladie de Parkinson
Fréquente mais sous-diagnostiquée
1488
La maladie de Parkinson est considérée avant tout comme une
maladie motrice avec la classique triade akinésie, rigidité,
tremblement. Le développement ces dernières années de traitements médicaux, voire chirurgicaux dans certains cas, efficaces sur ces symptômes a progressivement révélé la dimension
cognitive de cette maladie. L’altération des fonctions supérieures s’avère en effet un problème évolutif fréquent mais encore
sous-diagnostiqué. Par définition, le terme de démence associée à la maladie de Parkinson désigne toute altération cognitive survenant au-delà de la première année d’évolution clinique de maladie motrice (à savoir syndrome parkinsonien
amélioré ou ayant été amélioré de façon claire par un traitement dopaminergique) [11]. La différenciation nosologique
avec la forme “parkinsonienne” de démence à corps de Lewy
(où par définition la détérioration cognitive précède ou
s’installe dans l’année suivant les premiers troubles moteurs)
apparaît donc un peu artificielle.
Classiquement, un syndrome démentiel affecte 30 % des
patients atteints de maladie de Parkinson. Des suivis de
cohorte et la recherche systématique des troubles cognitifs
ont en fait récemment montré que cette fréquence était largement sous-évaluée, avec après plus de 10 ans de suivi une
fréquence de troubles cognitifs conséquents chez près de
80 % des patients [12]. Outre la durée évolutive, l’âge est un
facteur de risque indépendant important de développement
d’une démence. La prévalence de la démence est presque
nulle chez les patients parkinsoniens âgés de moins de
50 ans alors qu’elle s’élève à 70 % chez les plus de 80 ans.
Certaines formes de maladie comme les formes dites axiales
(rigidité axiale, dysarthrie, troubles de la marche et de l’équilibre) seraient à plus haut risque d’altération cognitive. Ces formes sont volontiers rencontrées lors des débuts à âge tardif de
la maladie [11].
Une sémiologie faite de deux formes cliniques
De façon schématique, 2 grands aspects sémiologiques peuvent être distingués, une forme “sous-corticale” et une forme
“corticale”, même si chez de nombreux patients existe une
combinaison de ces 2 formes [13]. Bien que cette subdivision
ne soit pas toujours reconnue dans la littérature, elle pourrait
avoir un impact thérapeutique.
La forme “sous-corticale” est la plus fréquemment observée,
elle concerne environ 2/3 des patients avec démence. Dans
cette forme prédomine un dysfonctionnement frontal d’où la
présence au premier plan de troubles du comportement. Initialement, ils consistent en un repli progressif et un certain
degré d’apathie avec réduction de la motivation, indifférence
affective. Ils peuvent aussi se traduire par une moindre capacité à appréhender les tâches complexes, comme la gestion du
traitement médicamenteux (probablement un bon indicateur
dans cette maladie où ce traitement est souvent complexe et
exigeant sur les horaires), la comptabilité personnelle, le bricolage, etc. Ces troubles peuvent évoluer jusqu’à un apragmatisme majeur. Cette symptomatologie est en fait généralement
insidieuse et assez peu spécifique, d’où un fréquent retard
diagnostique voire une absence de diagnostic. Elle est en
effet difficile à apprécier chez un patient ralenti sur le plan
moteur, qui en raison de difficultés de parole a tendance à
moins s’exprimer. Elle peut aussi être faussement prise pour
une symptomatologie dépressive dont souffrent souvent ces
patients. Une évaluation cognitive est donc à faire face à ce
type de troubles du comportement et même en fait de façon
régulière (annuelle) au cours du suivi d’un patient atteint de
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Démence à corps de Lewy et démence associée à la maladie de Parkinson
Une stratégie thérapeutique qui se précise
La stratégie thérapeutique est assez similaire à celle de la
démence à corps de Lewy. La principale différence vient de
la présence systématique d’un traitement dopaminergique
pour corriger les troubles moteurs. Devant l’apparition de
troubles cognitifs, la première étape vise à la simplification
pour réduire autant que faire se peut les facteurs iatrogéniques. Les traitements psychotropes (benzodiazépines,
antidépresseurs), fréquemment reçus par les patients parkinsoniens sont à diminuer et si possible à stopper. Le traitement antiparkinsonien doit progressivement se simplifier
pour tendre vers la L-dopa en monothérapie : arrêt des anticholinergiques bien sûr, puis dans l’ordre des IMAO-B, des
agonistes dopaminergiques. La L-dopa est à utiliser à la
dose minimale indispensable sur le plan moteur ; elle peut
être optimisée par l’utilisation d’inhibiteurs de la COMT
(catéchol-O-méthyl transférase) si des fluctuations d’efficacité sont présentes. De façon un peu surprenante, lorsque
l’évolution s’est compliquée d’une détérioration cognitive,
les patients ont en fait souvent besoin de doses de traitement dopaminergique moindre pour contrôler la symptomatologie motrice que celles antérieurement nécessaires.
Plusieurs études ont suggéré l’intérêt des d’inhibiteurs de
l’acétylcholinestérase dans la démence parkinsonienne. La
démonstration de cette efficacité dans une étude contrôlée
sur plus de 300 patients [16] a conduit à l’enregistrement
récent de la rivsatigmine comme traitement de la démence
parkinsonienne. Les principaux effets secondaires signalés
sont les nausées et vomissements à la mise en route du traitome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
tement (intérêt d’une progression posologique lente) et plus
rarement d’une majoration des symptômes parkinsoniens, en
particulier du tremblement. Des études complémentaires ont
montré que ces médicaments seraient plus particulièrement
efficaces dans les formes où existent des hallucinations ou
des troubles attentionnels, c’est-à-dire dans les formes “corticales” de la démence parkinsonienne [17]. Cette efficacité est
souvent assez notable voire spectaculaire chez certains
patients. L’effet de ces médicaments sur les formes “souscorticales” d’atteinte cognitive est par contre souvent moins
net. En pratique, une fois la posologie maximale tolérée
atteinte, il faut savoir, après une durée d’utilisation de l’ordre
de 3 mois, arrêter ce type de traitement s’il n’a pas clairement
apporté de bénéfice au patient.
Comme dans la démence à corps de Lewy, la clozapine le plus
souvent à faible dose (12,5 à 75 mg/j) a une place importante
dans le traitement des hallucinations associées aux démences
parkinsoniennes, si elles persistent une fois les actions thérapeutiques décrites ci-dessus appliquées [18].
Démence à corps de Lewy et démence
associée à la maladie de Parkinson :
une même maladie ?
La description du tableau clinique et de leur problématique
thérapeutique fait apparaître des similitudes entre ces 2 affections et les limites du spectre de l’une à l’autre sont parfois un
peu artificielles. S’agit-il donc d’une même maladie ? La
réponse à cette question est en fait directement liée à la définition appliquée au terme maladie. Si cette dernière est définie par un ensemble de symptômes dans un contexte temporel, il s’agit tel que présenté dans les chapitres précédents de
maladies différentes. Avec les 2 formes de démence associée
à la maladie de Parkinson, c’est même 3 affections qui peuvent être différenciées. Ces différences sont la traduction de
distributions lésionnelles cérébrales différentes en termes de
topographie (forme “sous-corticale” versus forme “corticale”
de démence associée à la maladie de Parkinson) ou en termes de décours temporel (forme “corticale” de démence parkinsonienne et démence à corps de Lewy). Si la définition
d’une maladie s’adresse au mécanisme pathogénique sousjacent, ces maladies s’avèrent en fait assez proches. Le stigmate neuropathologique qu’est le corps de Lewy leur est en
effet commun [19]. Ce dernier dénote d’une dégénérescence
neuronale associée à des anomalies du catabolisme protéique
cellulaire, en particulier du système ubiquitine-protéasome.
Des progrès importants ont été faits ces dernières années
sur les différentes étapes impliquées dans ce type de processus dégénératif. Les affections dégénératives dans lesquels les
corps de Lewy sont observés sont regroupées sous le terme
de synucléopathies (il existe en effet des dépôts anormaux de
synucléine dans le cerveau entre autres sous forme de corps
1489
maladie de Parkinson. Elle met alors en évidence un syndrome
frontal marqué avec une réduction de la fluence verbale, une
altération dans la gestion des concepts, des difficultés à découvrir une nouvelle règle logique, des troubles de la planification
et du maintien ainsi que du changement de consignes. Ces
altérations peuvent être mises en évidence par la batterie
rapide d’évaluation des fonctions frontales (la BREF) [14]. Les
troubles mnésiques sont aussi présents mais rarement au premier plan. Contrairement à la maladie d’Alzheimer, ils atteignent essentiellement le rappel, l’encodage restant longtemps
préservé. En cas de doute diagnostique, un bilan neuropsychologique peut préciser et confirmer ces anomalies.
La forme “corticale” est un peu moins fréquente. Le tableau
cognitif est celui observé dans la démence à corps de Lewy.
Il consiste comme vu dans le chapitre précédent en des troubles cognitifs fluctuants avec variation de vigilance et hallucinations visuelles [15]. L’examen des fonctions cognitives
révèle un dysfonctionnement frontal mais aussi une atteinte
des fonctions visuospatiales. Comme dans la démence à
corps de Lewy, des facteurs iatrogènes ou des affections médicales intercurrentes peuvent avoir un rôle révélateur ou aggravant de ces troubles.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Meyniel C, Damier P
de Lewy) [20]. Dans ce groupe, se retrouvent à côté de ces
2 formes de démences, la maladie de Parkinson et une autre
affection neurodégénérative motrice, l’atrophie multisystématisée. Reste la question de savoir pourquoi à un mécanisme
pathogénique proche sont associées des distributions lésionnelles différentes. Des causes différentes ou l’existence de
cofacteurs étiologiques pourraient en constituer l’explication.
L’identification récente de la duplication du gène codant pour
la synucléine comme facteur de risque de maladie de Parkinson et/ou de la triplication de ce même gène comme celui de
démence à corps de Lewy [21] en est une illustration. Cette
observation suggère un probable lien entre l’extension de la
dégénérescence neuronale (restreinte à la substance noire
dans la maladie de Parkinson, diffuse dans le cas de la
démence à corps de Lewy) et la quantité de synucléine produite au niveau cellulaire.
Conclusion
Quelques règles simples, en particulier une parfaite gestion
des facteurs iatrogènes potentiels, et des médicaments utiles
comme les inhibiteurs d’acetylcholinestérase et la clozapine
ont clairement changé le pronostic de ces causes fréquentes
de détérioration cognitive dégénératives que sont démence à
corps de Lewy et démence associée à la maladie de Parkinson.
Il est donc important de savoir les connaître et d’en poser le
diagnostic. L’efficacité de ces différentes approches thérapeutiques reste néanmoins limitée à court ou au mieux à moyen
terme car le processus dégénératif se poursuit. La compréhension des mécanismes pathogéniques de ces affections a
cependant beaucoup progressé ces dernières années et laisse
espérer le développement de traitements capables de contrôler le processus dégénératif.
Conflits d’intérêts : aucun
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tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
en ligne sur / on line on
troubles cognitifs et démences
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Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2007; 36: 1491–9
© 2007 Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
Aspects cliniques de la maladie
d’Alzheimer
Maria Soto1, Emma Reynish1,2, Fati Nourhashémi1,2, Bruno Vellas1,2
1. Service de médecine interne et de gérontologie clinique,
CHU Purpan-Casselardit, Toulouse (31)
2. Unité Inserm 558, Faculté de médecine, Toulouse (31)
Correspondance :
■ Key points
■ Points essentiels
Clinical aspects of Alzheimer disease
La maladie d’Alzheimer n’est diagnostiquée en France que chez
50 % des patients atteints.
Dans sa forme typique, elle est caractérisée au début par des troubles de la mémoire des faits récents, les oublis répétés inhabituels et
des difficultés d’apprentissage d’informations nouvelles.
Les démences sont responsables de plus de 50 % de la dépendance du sujet âgé.
L’évolution de la maladie s’accompagne de complications non
cognitives parmi lesquelles 3 fréquentes : les symptômes psychologiques et comportementaux, la perte de poids et les troubles de
l’équilibre et de la marche.
L’évolutivité et les complications potentielles de la maladie
soulignent la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire du
patient et de son entourage avec instauration d’un suivi médical
régulier.
Alzheimer disease is diagnosed in only half of the patients with this
disease in France.
In its typical form, it is characterized at the onset by short-term
memory problems, repetitive and unusual oversights and forgetfulness, and difficulties in learning new information.
Dementia is responsible for more than 50% of the need for care in
the elderly.
Disease progression is accompanied by noncognitive complications.
The 3 most frequent are psychological and behavioral symptoms,
weight loss, and impaired balance and walking.
Its progressive nature and potential complications underline the
need for multidisciplinary management for patients and their families, with regular medical follow-up.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.024
1491
Disponible sur internet :
le 08 juin 2007
Fati Nourhashémi, Service de médecine interne et de gérontologie clinique,
CHU Purpan-Casselardit, place Baylac, 31000 Toulouse.
Tél. : 05 61 77 76 49
Fax : 05 61 77 25 93
[email protected]
Soto M, Reynish E, Nourhashémi F, Vellas B
L
a maladie d’Alzheimer ne représente pas une maladie nouvelle, mais les changements récents de la pyramide des âges,
en particulier dans les pays industrialisés, en fait une des premières préoccupations de santé des sociétés dites modernes.
C’est une des raisons pour lesquelles elle a fait l’objet d’un programme national d’action gouvernemental, présenté en octobre 2001 et comportant 6 objectifs principaux : l’identification
des symptômes et l’orientation du diagnostic, la structuration
d’accès à un diagnostic de qualité, l’amélioration de la prise
en charge, la préservation de la dignité des personnes, le soutien et l’aide aux malades et à leur famille et enfin le développement de la recherche.
La prise en charge du patient atteint de maladie d’Alzheimer
est complexe et évolutive dans le temps. La maladie ne se
résume pas à un trouble de la mémoire, elle retentit sur
l’état somatique et l’autonomie du patient, mais aussi sur
l’état de santé de l’aidant informel.
Il a fallu près d’un siècle entre la première description de la
maladie d’Alzheimer et la mise sur le marché de médicaments
spécifiques. La recherche a fait des avancées considérables ces
15 dernières années et a permis de mieux connaître les
lésions physiopathologiques responsables de l’affection.
L’objectif de cet article est, après un bref rappel physiopathologique, d’évoquer les modalités de diagnostic, les possibilités
évolutives de la maladie et ses complications les plus fréquentes. Nous aborderons enfin les aspects thérapeutiques.
Physiopathologie
L’étude du processus pathologique de la maladie d’Alzheimer
montre qu’elle relève de mécanismes complexes. L’affection
est caractérisée par la présence de 2 lésions élémentaires principales dans le cerveau : les dégénérescences neurofibrillaires
neuronales contenant une protéine Tau anormalement phosphorylée et les plaques amyloïdes extracellulaires comprenant
des agrégats de peptide bêta amyloïde. Ces anomalies s’associent à une baisse de la densité synaptique et à une perte
neuronale aboutissant à des déficits biochimiques divers, au
premier rang desquels l’acétylcholine.
La substance amyloïde résulte de l’agrégation d’un polypeptide de 39 à 43 acides aminés nommé Ab. Le peptide Ab est
un produit catabolique normal dérivant d’une protéine de
grande taille nommée Amyloïde Protein Precursor (APP). La
conformation particulière de la protéine Ab lui confère son
caractère insoluble qui explique en partie sa toxicité. Dans la
maladie d’Alzheimer, ces plaques amyloïdes sont entourées
par une couronne de neurites en dégénérescence neurofibrillaire [1, 2]. On retrouve en général une réaction inflammatoire
au contact de ces plaques. L’activation des cellules microgliales, macrophages résidents du tissu cérébral, en est la principale expression [3].
La dégénérescence neurofibrillaire correspond à une accumulation intraneuronale de fibrilles formées de filaments très
caractéristiques, appelés les “paires de filaments appariés en
hélice”. Ces filaments pathologiques sont constitués par
l’assemblage de protéines microtubulaires Tau. Une hyperphosphorylation de cette protéine l’empêche d’exercer son
rôle de polymérisation et de stabilisation des microtubules du
cytosquelette neuronal. Il s’ensuit une perturbation du réseau
microtubullaire et donc du transport axonal [4].
La perte neuronale dans la maladie d’Alzheimer est surtout
importante dans le cortex entorhinal. L’implication de la mort
neuronale dans les troubles neurologiques reste discutée ; son
mécanisme est incertain, mais certains auteurs impliquent
l’apoptose.
Circonstances et modalités de diagnostic
Glossaire
Activities of Daily Living
Agence nationale d’accréditation
et d’évaluation en santé (actuelle HAS)
APP
Amyloïde Protein Precursor
DSM-IV Diagnostic and Statistical Manual
of mental disorder, fourth edition
IADL
Instrumental Activities of Daily Living
IChE
inhibiteur de l’acétycholinestérase
IRM
imagerie par résonance magnétique
MMS
Mini Mental State Examination
MNA
Mini Nutritional Assessment
NINCDS- National Institute of Neurologic and
ADRDA Communicative Disorders and StrokeAlzheimer’s Disease and Related
Disorders Association
NPI
inventaire neuropsychiatrique
TSH
thyréostimuline hypophysaire
VIH
virus de l’immunodéficience humaine
1492
ADL
Anaes
Les désordres cliniques observés sont très variables d’un sujet à
l’autre. L’installation des troubles est en général insidieuse et
mal repérable dans le temps. La phase de début est généralement marquée par des troubles mnésiques pouvant rester
longtemps inaperçus de l’entourage, mis sur le compte du
vieillissement normal ou dissimulés par les patients. La majorité des travaux montre en effet un délai non négligeable entre
l’apparition des premiers symptômes et le moment du diagnostic, estimé en moyenne à 3 ans [5-7]. Les données épidémiologiques montrent que la maladie d’Alzheimer n’est diagnostiquée en France que chez 50 % des patients atteints [8].
Dans la forme typique, la maladie est caractérisée par des
troubles de la mémoire des faits récents, les oublis répétés
inhabituels et des difficultés d’apprentissage d’informations
nouvelles. Les troubles de l’orientation temporelle précèdent
habituellement ceux de l’orientation spatiale. Le déficit de
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
Évaluation de la mémoire
Encad ré 1
Critères de définitions de la maladie d’Alzheimer
selon le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994)
A. Apparition de déficits cognitifs multiples,
comme en témoignent à la fois :
• une altération de la mémoire (altération de la capacité
à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler
les informations apprises antérieurement) ;
• une ou plusieurs des perturbations cognitives suivantes :
aphasie, apraxie, agnosie, perturbation des fonctions exécutives.
B. Les déficits cognitifs de critères A1 et A2 sont tous les 2
à l’origine d’une altération significative du fonctionnement
social ou professionnel et représentent un déclin significatif
par rapport au niveau de fonctionnement antérieur.
C. L’évolution est caractérisée par un début progressif
et un déclin cognitif continu.
D. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus :
• à d’autres affections du système nerveux central qui peuvent
entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du
fonctionnement cognitif (maladie cérébrovasculaire, maladie de
Parkinson, hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression
normale, tumeur cérébrale) ;
• à des affections générales pouvant entraîner une démence
(par exemple hypothyroïdie, carence en vitamine B12 ou en
folates, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection
par le VIH) ;
• à des affections induites par une substance.
Les déficits ne surviennent pas de façon exclusive
au cours de l’évolution d’un delirium.
L’évaluation de la mémoire est une étape indispensable au
diagnostic. Les désordres mnésiques affectent en priorité la
mémoire des faits récents ou la mémoire à court terme. La
récupération des souvenirs anciens est longtemps préservée.
La composante épisodique de la mémoire est plus spécifiquement touchée, avec des difficultés de fixation d’informations
nouvelles liées à un contexte spatiotemporel précis. Cela se traduit par une capacité d’apprentissage de plus en plus réduite et
une diminution des capacités de rappel des informations apprises antérieurement. Cette présentation clinique est l’expression
de l’installation des lésions dans les formations hippocampiques
et sous-hippocampiques et elle est connue sous le nom de syndrome amnésique de type hippocampique [12].
sentation d’indices (rappel indicé) et la reconnaissance d’un
matériel encodé antérieurement. Dans l’évaluation clinique
des démences, il est important de pouvoir distinguer les troubles liés aux différentes étapes de la mémorisation : encodage, consolidation, récupération. En effet, le déficit de la
mémoire observé dans la maladie d’Alzheimer est principalement dû à un trouble de la consolidation de l’information.
Mini-Mental State Examination
Épreuve de Grober et Buschke
Le Mini Mental State Examination (MMS), qui évalue l’efficience cognitive globale, permet d’apprécier le niveau de
l’atteinte et de repérer les désordres cognitifs impliqués.
Comme tous les tests cognitifs, il est influencé par le niveau
socioculturel. Il s’agit d’un test facile et rapide à réaliser qui est
coté sur un maximum de 30 points [13]. D’autres tests peuvent être utiles pour une première évaluation cognitive.
La plupart des épreuves utilisées pour évaluer la mémoire épisodique repose sur le rappel libre, le rappel facilité par la pré-
L’épreuve de Grober et Buschke permet d’analyser les performances en rappel libre et en rappel indicé en contrôlant la
situation d’encodage [14]. Cette épreuve comprend 16 mots
appartenant à 16 catégories sémantiques différentes.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Les troubles ne sont pas expliqués par une affection psychiatrique
(dépression majeure, schizophrénie).
VIH : virus de l’immunodéficience humaine
Test des 5 mots
Le test des 5 mots, élaboré selon le même principe que
l’épreuve de Grober et Buschke, est de passation plus rapide
et aisément réalisable en consultation ou au lit du malade. Il
1493
mémoire est souvent mésestimé par le patient en raison d’une
anosognosie associée. L’interrogatoire de l’entourage pour
évaluer le retentissement de ce déficit mnésique au quotidien
est donc une étape cruciale du diagnostic.
L’évolution de la maladie s’accompagne de l’atteinte d’autres
domaines cognitifs : langage (aphasie), perception (agnosie)
et habilité gestuelle (apraxie). L’aphasie, lorsqu’elle n’est pas
apparente à l’entretien, peut être recherchée par les épreuves
de dénomination d’objets ou d’images. Les troubles de la compréhension sont plus tardifs. L’agnosie est souvent définie
comme un déficit de reconnaissance en l’absence de troubles
perceptifs élémentaires. L’apraxie est définie comme un
trouble de l’exécution des mouvements ne pouvant s’expliquer par une faiblesse musculaire, une atteinte sensorielle,
un trouble de la coordination, des troubles attentionnels ou
de compréhension [9]. C’est surtout l’apraxie idéatoire (utilisation des objets) qui est handicapante au quotidien. En revanche, l’apraxie constructive est d’installation plus précoce.
Les critères diagnostiques de démence font référence au
DSM-IV : Diagnostic and Statistical Manual of mental disorder,
fourth edition (encadré 1) [10]. Ces critères ne présupposent
pas de mécanisme causal. Le diagnostic de la maladie
d’Alzheimer est basé sur d’autres critères développés par la
NINCDS-ADRDA : National Institute of Neurologic and Communicative Disorders and Stroke-Alzheimer’s Disease and Related
Disorders Association (encadré 2) [11].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Soto M, Reynish E, Nourhashémi F, Vellas B
Encad ré 2
Critères NINCDS-ADRDA de la Maladie d’Alzheimer
Diagnostic clinique de maladie d’Alzheimer probable
• Démence établie par l’examen clinique (MMSE ou échelle
de Blessed par exemple)
• Déficit dans au moins 2 domaines de fonctions cognitives
• Aggravation progressive de la mémoire et d’autres fonctions
cognitives
• Pas d’altération de la conscience
• Début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans ; absence
de cause systémique ou d’autres affections cérébrales pouvant
être rendues responsables des troubles
Éléments en faveur du diagnostic de maladie d’Alzheimer
probable
• Détérioration progressive de fonctions spécifiques : langage
(aphasie), habilités motrices (apraxie), perception (agnosie),
perturbation des activités quotidiennes et du comportement
• Notion familiale de troubles similaires ; normalité des examens
cliniques ; atrophie cérébrale au scanner ; absence d’anomalies à
l’EEG ou à l’examen du LCR
Autres aspects cliniques compatibles avec le diagnostic
de maladie d’Alzheimer probable
• Phase de stabilisation de la maladie
• Association de symptômes de dépression, d’insomnie, d’accès
d’agitation verbale ou comportementale, de troubles sexuels,
d’incontinence, de perte de poids
• Autres symptômes neurologiques chez certains patients :
troubles de la marche, myoclonies
• Crises comitiales tardives
• Scanner cérébral normal
Aspects rendant improbable le diagnostic de maladie
d’Alzheimer
• Début soudain
• Signes neurologiques focaux : hémiplégie, déficit sensitif,
diminution du champ visuel, déficit de la coordination
• Crises comitiales et troubles de la marche survenant très tôt dans
l’évolution de la maladie
Diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer possible
• Sur la base d’un syndrome démentiel et en l’absence d’autres
troubles neurologiques, psychiatriques ou systémiques suffisants
pour causer la démence lorsque le mode de début, la
présentation et l’aspect évolutif sont atypiques
• En présence d’une autre affection systémique ou neurologique,
suffisante pour causer la démence mais considérée comme
n’étant pas la cause de la démence
• Lorsqu’un déficit cognitif isolé et sévère s’aggrave
progressivement en l’absence d’autre cause identifiable
Critères diagnostiques de maladie d’Alzheimer certaine
• Critères de maladie d’Alzheimer probable et
• Preuve histopathologique obtenue par biopsie ou autopsie
MMSE : Mini Mental State Examination ;
EEG : électroencéphalogramme ; LCR : liquide céphalorachidien
1494
Source : McKahnn et al., 1984.
permet par conséquent de tester les capacités de mémorisation
et de repérer la présence d’une amnésie de type hippocampique caractéristique de la maladie d’Alzheimer [15]. Le test
des 5 mots comprend une première étape qui vérifie l’encodage initial avec une mesure de rappel libre et indicé (l’indice
étant présenté lors de l’étape d’encodage) qui correspond au
score d’apprentissage (maximum = 5), suivi d’une tâche interférente non verbale de 3 à 5 min. La dernière étape mesure le
rappel différé libre et indicé (score de mémoire maximum à 5).
Le score global (somme des 2 étapes) est normalement à 10.
Dans la maladie d’Alzheimer on observe un effondrement des
performances en rappel libre, un indiçage sémantique inefficace
et une performance en rappel total affaiblie. On peut également
constater des intrusions, autrement dit des réponses fournies
qui n’appartiennent pas à la liste apprise.
Test de l’horloge
Le test de l’horloge évalue en moins de 5 min les capacités
visuoperceptives et visuoconstructives ainsi que les fonctions exécutives et est peu influencé par le niveaux socioculturel [16].
L’atteinte des autres domaines cognitifs peut être recherchée
par des outils spécifiques. L’examen clinique doit comporter en
outre un examen général, notamment cardiovasculaire, neurologique et neurosensoriel.
Diagnostic positif
Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer a fait l’objet de
recommandations par l’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) en février 2000 [17]. L’interrogatoire est une étape importante du diagnostic. La présence
d’un proche est une aide précieuse pour le diagnostic et permet d’établir l’histoire de l’évolution des troubles qui, dans le
cadre de la maladie d’Alzheimer, est en général d’installation
insidieuse et d’évolution progressive.
Outre l’évaluation cognitive, la répercussion des symptômes
sur les activités de la vie quotidienne doit être recherchée.
Certains outils évaluant l’autonomie fonctionnelle, tels que
l’IADL (Instrumental Activities of Daily Living) et l’ADL (Activities of Daily Living) permettent de préciser objectivement
cette répercussion [18, 19] (annexe).
Le but des explorations complémentaires est de rechercher
une éventuelle cause au déficit cognitif et d’évaluer l’existence
de maladies concomitantes. Il est donc recommandé de réaliser un dosage de la TSH (thyréostimuline hypophysaire), une
numération formule sanguine, un bilan hydroélectrolytique
sanguin incluant la calcémie et la glycémie. En fonction du
contexte, il est possible de compléter l’examen par un dosage
de la vitamine B12 et des folates sériques ainsi que les sérologies de la syphilis et du VIH (virus de l’immunodéficience
humaine). Dans les démences neurodégénératives, le bilan
biologique est en général normal.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
Évolution et complications de la maladie
d’Alzheimer
La caractérisation précise des handicaps, l’évaluation cognitive
et la recherche des complications, en particulier non cognitives
dès l’étape du diagnostic et tout au long de l’évolution longitudinale de la maladie d’Alzheimer ont une importance significative pour le clinicien car elles permettent d’orienter la prise
en charge. En effet, la maladie évolue et affecte progressivement les différents domaines cognitifs (langage, attention, calcul, orientation) ainsi que les fonctions plus complexes comme
les fonctions exécutives qui permettent l’initiative, la planification et la réalisation de tâches successives et organisées.
L’évolution de la maladie est également marquée par des troubles majeurs du jugement et du raisonnement à l’origine parfois des troubles du comportement. Une interaction du statut
nutritionnel, des troubles de l’équilibre et de la marche et des
troubles sphinctériens peuvent accélérer le processus de
dépendance. Pour de nombreux sujets, la survenue de la
dépendance pour les activités de la vie quotidienne est le
début de la grande spirale de la fragilité à l’origine d’une plus
grande utilisation des aides formelles et informelles et d’une
grande fréquence des hospitalisations et des transferts en institution. Rappelons que la pathologie démentielle est une des
premières causes de dépendance des sujets âgés [20].
L’histoire naturelle de la maladie d’Alzheimer est actuellement
mieux connue. En France, la cohorte REAL.FR (Réseaux Alzheimer français), financée par le programme hospitalier de
recherche clinique, apporte des informations très importantes
sur l’évolution de la maladie et les filières de soin dans notre
pays. Cette étude permet de suivre près de 700 patients à travers 16 centres hospitaliers universitaires [21].
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Symptômes psychocomportementaux
L’humeur exprimée peut être perturbée, avec des symptômes
dépressifs ou anxieux ou une labilité thymique excessive faisant fréquemment alterner des périodes d’apathie et des états
d’agitation. L’association à des hallucinations ou des idées
délirantes souvent mal systématisées n’est pas rare. Même si
les progrès ont été faits dans le diagnostic de la maladie
d’Alzheimer, de nombreux patients sont encore vus à un
stade tardif, quand les symptômes neuropsychologiques
deviennent bruyants. Ces troubles sont observés chez la majorité des patients atteints de démence et en particulier dans la
maladie d’Alzheimer. Si les raisons qui conduisent une famille
à placer son parent en établissement sont diverses et individuelles (aggravation des troubles cognitifs, dépendance physique, réseau social et familial insuffisant) le “motif de placement” le plus fréquemment invoqué par l’entourage est
l’épuisement consécutif aux troubles du comportement de
leur parent [22, 23]. La prévalence des troubles est extrêmement variable selon les études. Cela est dû en partie à la multiplicité des outils d’évaluation. Par ailleurs, dans la majorité
des travaux, l’enregistrement de ces troubles fait appel à
l’aidant informel qui peut parfois sous ou surévaluer leur
existence.
Les symptômes psychologiques et comportementaux peuvent
être la conséquence des troubles cognitifs comme les troubles
du jugement et de la compréhension. Mais ces symptômes
peuvent aussi apparaître dès les étapes débutantes de la
maladie [24].
L’inventaire neuropsychiatrique (NPI) élaboré par l’équipe de
Cummings a contribué à affiner la définition sémiologique de
ces troubles [25]. Il permet de préciser le type des troubles
mais aussi la fréquence, la sévérité et le retentissement
émotionnel sur l’entourage. L’encadré 3 résume le champ
des symptômes neuropsychiatriques le plus fréquemment
rencontrés.
L’analyse rationnelle et objective de ces symptômes est la première étape d’une prise en charge adéquate. Il faut d’abord
viser à contrôler les facteurs favorisants comme d’éventuelles
maladies intercurrentes, des causes iatrogènes ou le traitement des déficits sensoriels. Les approches non pharmacologiques doivent être toujours utilisées en première intention [26].
Ces symptômes peuvent être exacerbés par la détresse de
l’entourage face à la maladie. Les programmes de formation
et d’information sur la maladie qui visent à développer le
savoir-faire et le savoir-être avec le patient ont auparavant
démontré leur efficacité dans le contrôle des symptômes psychocomportementaux [27]. Cette information doit être répétée
et modulée en fonction de l’évolution et du stade de la maladie. L’environnement peut aussi être une des raisons de
l’apparition ou de l’aggravation des symptômes psychologiques et comportementaux. Il faut dans la mesure du possible
1495
L’IRM (imagerie par résonance magnétique) cérébrale est
l’examen de choix pour le diagnostic étiologique des démences. Elle montre dans la maladie d’Alzheimer une atrophie des
structures hippocampiques même à un stade débutant. Il est
évident que la recommandation de sa pratique est en l’état
actuel difficile à mettre en œuvre pour tous les patients. En
cas d’impossibilité, un scanner cérébral doit être demandé.
L’imagerie cérébrale permet d’éliminer les autres causes de
démence. L’atrophie corticale n’a de valeur d’orientation diagnostique que si elle touche une région circonscrite du cortex
cérébral ou si elle est évolutive sur des examens successifs.
Les autres examens paracliniques (ponction lombaire, électroencéphalogramme, scintigraphie cérébrale, etc.) ne sont
pas systématiques et ne sont réalisés que si le contexte clinique évoque d’autres pathologies que la maladie d’Alzheimer.
Le développement des structures de diagnostic et des consultations spécialisées (centre mémoire de ressources et de
recherche, centre mémoire de proximité) commencé dès
2002 dans le cadre du premier plan Alzheimer peut aider à
la démarche diagnostique et thérapeutique.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Soto M, Reynish E, Nourhashémi F, Vellas B
Encad ré 3
L’inventaire neuropsychiatrique
L’inventaire neuropsychiatrique (NPI) identifie 12 items.
L’importance de chaque item est précisée selon sa fréquence
(1 à 4) et sa gravité (1 à 3).
1. Idées délirantes
2. Hallucinations
3. Agitation et/ou agressivité
4. Dépression et/ou dysphorie
5. Anxiété
6. Exaltation de l’humeur et/ou euphorie
7. Apathie/indifférence
8. Désinhibition
9. Irritabilité/instabilité
10. Comportement moteur aberrant
11. Troubles du sommeil
12. Troubles de l’appétit
Source : Cummings et al. The Neuropsychiatric Inventory: comprehensive
assessment of psychopathology in dementia. Neurology. 1994; 44: 2308-14.
1496
essayer de respecter les rythmes de vie du patient, et de renforcer les indicateurs normaux du temps et de l’espace vers
des stimulations appropriées.
Les traitements psychotropes peuvent être utilisés en synergie
avec les traitements non pharmacologiques quand la sévérité
des symptômes est importante et menace l’équilibre du
patient ou de son entourage. Il convient de souligner que les
inhibiteurs des acétylcholinestérases ont auparavant montré
leur efficacité sur certains des troubles comportementaux. Il
en est de même pour la mémantine [28, 29].
De façon tout à fait surprenante, il n’y a que très peu d’études
contrôlées dans ce domaine concernant les psychotropes. En
cas de dépression concomitante, les antidépresseurs ont leur
indication mais il faut privilégier les molécules ayant le
moins d’effets indésirables possibles. C’est le cas des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine qui provoquent moins d’effets indésirables que les antidépresseurs tricycliques et qui n’ont pas d’effet délétère significatif sur les
fonctions cognitives.
Les antipsychotiques n’ont qu’une place limitée. Ils sont actifs
sur les signes psychotiques (délire, hallucination) et sur l’agitation et l’agressivité en cas de processus délirant sous-jacent. Ils
sont en général mal tolérés avec de nombreux effets indésirables. En cas d’indication de prescription d’anxiolytiques, il faut
privilégier les molécules à demi-vie courte et sans métabolites
actifs. Les hypnotiques peuvent être prescrits en cas d’insomnie sur de courtes durées et après avoir tenté préalablement
les mesures comportementales et d’hygiène de vie.
Quel que soit le médicament utilisé, il faut réévaluer
fréquemment la sémiologie comportementale et le rapport
bénéfice/risque du médicament prescrit. La monothérapie
doit être privilégiée. Il convient de démarrer avec de faibles
doses, et d’augmenter lentement par paliers successifs afin
d’obtenir la dose minimale efficace et la mieux tolérée.
La durée du traitement doit être limitée et fonction du
symptôme cible.
Perte de poids
L’amaigrissement peut être significatif. Environ 30 % des
patients perdent du poids durant l’évolution de la maladie
[30]. La pratique clinique montre que la perte de poids
s’accompagne d’un ensemble de complications (altération du
système immunitaire, atrophie musculaire, chute, fracture,
dépendance) responsable d’une aggravation de l’état de
santé et d’une augmentation du risque d’institutionnalisation
et de mortalité [31, 32].
Les mécanismes physiopathologiques de la perte de poids sont
complexes et ne sont que partiellement élucidés. L’amaigrissement peut être expliqué par une diminution des apports alimentaires du fait de l’apparition des incapacités, par des troubles du comportement comme le refus alimentaire ou encore
être secondaire à des symptômes psychologiques comme la
dépression. Dans certains cas, l’amaigrissement paraît inexpliqué par les mécanismes précédents. Diverses hypothèses
ont été évoquées, comme la possibilité d’une élévation des
dépenses énergétiques ou l’existence de perturbations biologiques mais aucune n’a fait réellement sa preuve [33].
La mesure régulière du poids doit donc être un des paramètres
de suivi des patients atteints de maladie d’Alzheimer. Parmi
les échelles évaluant le statut nutritionnel, le Mini Nutritional
Assesment (MNA) est un outil comprenant 18 items de maniement simple et rapide qui permet de classer les sujets en
3 catégories selon leur statut nutritionnel : normal, à risque
de dénutrition ou dénutri [34]. C’est aussi un outil qui peut
guider la mise en place d’une intervention nutritionnelle
ciblée. Dans tous les cas, l’amaigrissement est le témoin
d’une insuffisance des apports caloriques qui doivent être réajustés de façon individuelle.
Troubles de la mobilité et chutes
La pathologie démentielle est un facteur de risque reconnu de
chutes chez la personne âgée [35]. Les études montrent un
risque de chute grave et un taux de fracture 3 fois plus élevé
chez les patients souffrant de maladie d’Alzheimer par rapport
à une population témoin de même âge [36, 37]. Les chutes
sont souvent d’origines multifactorielles. Le maintien de l’équilibre est une fonction complexe qui nécessite la coordination et
l’intégration des informations sensorielles et une réponse
motrice adaptée. La maladie d’Alzheimer s’accompagne de
modifications des fonctions motrices complexes et des réflexes.
Il semble que les délais de réponse aux différentes modificatome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
Autres complications
La maladie d’Alzheimer est une des causes d’épilepsie chez les
sujets âgés. La prévalence de l’épilepsie dans cette population
est mal connue [43] ; les convulsions sont en général de type
tonicoclonique et peuvent apparaître à un stade quelconque
de la maladie. Elles sont généralement bien contrôlées par le
traitement médical.
Les symptômes extrapyramidaux ne sont pas rares et se voient
surtout dans les formes avancées de la maladie [44]. Les tremblements de repos sont moins fréquents que dans la maladie
de Parkinson idiopathique ou dans les syndromes striés induits
par les médicaments. La rigidité est en général bilatérale.
L’apparition d’un syndrome extrapyramidal semble pour certains auteurs un facteur de mauvais pronostic.
L’existence d’une pathologie cérébrale sous-jacente, en l’occurrence une maladie d’Alzheimer, est un facteur de risque de
confusion chez l’âgé. Parmi les facteurs précipitants les plus fréquents, on trouve toutes les affections somatiques générales et
les causes iatrogènes, avec une place toute particulière des
molécules anticholinergiques. Les désordres confusionnels peuvent aussi révéler une pathologie démentielle jusqu’à alors non
décelable cliniquement ou aggraver une démence préexistante.
Thérapeutiques spécifiques de la maladie
d’Alzheimer
De façon schématique, le traitement de la maladie d’Alzheimer repose sur 2 types de stratégies : l’une, largement
démontrée, met en œuvre les traitements symptomatiques
dominés par les inhibiteurs de l’acétycholinestérase (IChE) et
plus récemment par les antiglutamatergiques ; l’autre, beautome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
coup plus prometteuse, est étiopathogénique. Les possibilités
thérapeutiques actuelles de la maladie d’Alzheimer sont avant
tout symptomatiques. La prescription de ces traitements doit
s’inscrire dans un plan de soins et d’aide cohérents. Une
grande étude d’intervention est actuellement en cours en
France. Elle permettra d’évaluer l’efficacité et l’impact d’un
plan de soin standardisé sur la vitesse d’évolution de la maladie (étude Plasa). Près de 1 200 patients atteints de maladie
d’Alzheimer participent à cette étude, financée par le programme hospitalier de recherche clinique.
La prise en charge actuelle de la maladie d’Alzheimer est
détaillée dans un autre article de ce dossier [45].
L’avenir concernant le traitement étiopathogénique est très
prometteur. De nombreuses molécules sont à l’étude. Les stratégies visant à stopper la progression de la maladie concernent
les 2 principales lésions neurologiques qui caractérisent le processus dégénératif de la maladie d’Alzheimer : les plaques
amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires.
Le clivage de la protéine précurseur de l’amyloïde et la production d’un peptide de 42 acides aminés (Ab) est une des hypothèses avancées pour expliquer l’apparition et l’évolution de la
maladie d’Alzheimer. Le vaccin expérimental contre la protéine
Ab 42, testé dans un large essai multicentrique, avait pour but
de créer une réaction intracérébrale contre les dépôts amyloïdes puisque cela s’était révélé efficace chez des souris. Malheureusement, l’essai a été interrompu en raison d’effets
indésirables graves [46]. Cette voie n’est toutefois pas abandonnée et d’autres protocoles devraient être proposés prochainement. Parmi les nouvelles pistes thérapeutiques, les inhibiteurs des bêta et des gamma-sécrétases, censés réduire la
formation des protéines Ab, semblent très intéressants [47].
C’est en effet la protéolyse de l’APP par la bêta et la
gamma-sécrétase qui aboutit à la formation de la protéine
Ab, composante majeure des plaques amyloïdes. Une autre
stratégie thérapeutique serait d’augmenter le catabolisme et
la clairance de cette protéine. Enfin, l’inhibition de l’agrégation
de la protéine Ab est rendue possible par une nouvelle molécule de type glycosaminoglycane, actuellement évaluée par un
essai multicentrique de phase III [48].
La deuxième spécificité des lésions anatomopathologiques
dans la maladie d’Alzheimer est la présence de dégénérescences neurofibrillaires composées de protéines tau hyperphosphorylées. Cette hyperposphorylation est à l’origine d’un dysfonctionnement et d’une baisse de la viabilité cellulaire. Les
études, avec les nouvelles molécules inhibant l’hyperphosphorylation de la protéine tau, sont encore au stade préclinique.
D’autres travaux avec les facteurs de croissance neuronaux
sont à leur début. Des arguments épidémiologiques, mais
aussi fondamentaux, suggèrent que les antioxydants pourraient inhiber la production de radicaux libres et par conséquent diminuer les phénomènes de dégénérescence neuronale dans la maladie d’Alzheimer. Les résultats des différents
1497
tions posturales soient plus longs chez les patients souffrant de
maladie d’Alzheimer. Les symptômes extrapyramidaux et
l’apraxie contribuent aux troubles de l’équilibre [38].
Outre les facteurs classiques de chutes, de nombreux éléments
contribuent à aggraver les troubles de la marche chez le
patient : syndrome extrapyramidal, trouble du comportement,
malnutrition et sarcopénie, causes iatrogènes. Les contentions
physiques utilisées la plupart du temps pour limiter les troubles du comportement ou les chutes n’ont jamais montré leur
efficacité dans ces indications. Au contraire, elles aggravent
significativement le risque de chutes graves et cela même
après la prise en compte des différents facteurs confondants
[39]. La “peur de tomber”, phénomène survenant souvent
après une chute chez le sujet âgé, est considérée comme un
facteur favorisant de chutes ultérieures [40].
Il existe de nombreux outils pour évaluer les troubles de
l’équilibre et de la marche en gériatrie. L’échelle de Tinetti
est sans doute l’outil le plus utilisé [41]. Le test de la station
unipodale (maintien d’au moins 5 s sur une jambe, sans aide),
s’il est anormal, prédit un risque significativement plus élevé
de chutes graves [42].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Soto M, Reynish E, Nourhashémi F, Vellas B
essais ne sont, à l’heure actuelle, pas assez concluants pour
recommander une attitude thérapeutique spécifique. En revanche, il existe de plus en plus d’arguments témoignant de
l’intrication des facteurs de risque vasculaire et du diabète
avec l’apparition et l’évolution de la maladie d’Alzheimer
[49, 50]. Cela souligne l’intérêt du dépistage et de la prise en
charge de ces facteurs dans la maladie d’Alzheimer.
Conclusion
La maladie d’Alzheimer a été longtemps considérée comme
une exagération du vieillissement cérébral normal, un phénomène irrémédiable de fin de vie sur lequel aucune action
n’était possible. L’hétérogénéité du tableau explique les difficultés de diagnostic qui est donc, de ce fait, parfois tardif. La
variété et la fréquence des complications sont des facteurs qui
augmentent le risque des hospitalisations et des placements
en institution. L’évolutivité et les complications potentielles
de la maladie soulignent la nécessité d’une prise en charge
multidisciplinaire du patient et de son entourage avec instauration d’un suivi médical régulier. L’information, le soutien des
aidants formels et informels sont aussi des aspects importants
à prendre en compte et à privilégier.
Conflits d’intérêts : aucun
Annexe
Outils d’évaluation des activités de la vie quotidienne
Activités
Indépendant
Nécessité d’une aide ou dépendance totale
Activités de base de la vie quotidienne (ADL)
Soins corporels
Habillement
Aller aux toilettes
Continence
Transfert
Alimentation
Activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL)
Utiliser le téléphone
Faire les courses
Préparer les repas
Faire le ménage
Nettoyer le linge
Utiliser les transports
Prendre des médicaments
Gérer l’argent
1498
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Références
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Aspects cliniques de la maladie d’Alzheimer
Presse Med. 2007; 36: 1500–10
© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.
en ligne sur / on line on
Mise au point
troubles cognitifs et démences
www.masson.fr/revues/pm
Dossier thématique
Prise en charge
de la maladie d’Alzheimer
Joël Belmin, Renaud Péquignot, Cécile Konrat, Sylvie Pariel-Madjlessi
Service de gériatrie et consultation mémoire, Hôpital Charles Foix
et Université Paris VI, Ivry-sur-Seine (94)
Correspondance :
Disponible sur internet :
le 29 juin 2007
Joël Belmin, Service de gériatrie et consultation mémoire, Hôpital Charles Foix
et Université Paris VI, 7 avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine.
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Management of Alzheimer disease
La prise en charge de la maladie d’Alzheimer repose sur des traitements médicamenteux et non médicamenteux.
Le traitement médicamenteux spécifique comporte les inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase et la mémantine. Ils ont montré une efficacité modérée et supérieure au placebo sur l’état global du patient,
sur les troubles cognitifs, la perte d’autonomie et les troubles du
comportement, mais n’empêchent pas la maladie d’évoluer. Ces traitements restent sous-utilisés.
L’efficacité des médicaments psychotropes (antidépresseurs, neuroleptiques, antipsychotiques) pour traiter les troubles du comportement est mal documentée.
Les actions non médicamenteuses sont mal évaluées au plan
scientifique. Elles consistent à lutter contre les conséquences de la
maladie (perte d’autonomie, dénutrition) et à aider les aidants familiaux des patients. Parmi ces actions, les programmes d’éducation
pour les aidants, d’ergothérapie au domicile, ou d’intervention au
domicile d’infirmiers référents spécialement formés (case managers)
sont les mieux évalués et les plus intéressants.
1500
Management of Alzheimer disease is based on drug and nondrug
treatments.
Specific drug treatment includes acetylcholinesterase inhibitors and
memantine. They show moderate efficacy superior to that of placebo for global condition, cognitive disorders, need for care, and
behavioral problems, but do not prevent further decline. These treatments remain underused.
The efficacy of psychotropic drugs (antidepressants, neuroleptics,
and antipsychotic agents) in treating behavioral problems is not well
documented.
Nondrug activities and interventions have not been sufficiently
evaluated scientifically. These involve interventions against the
consequences of the disease (loss of autonomy, malnutrition) and
helping patients’ family caregivers. Among these activities, the best
evaluated and most interesting are: educational programs for caregivers, occupational therapy at home, and interventions at home by
nurses specially trained as case managers.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.04.028
Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Glossaire
ADAS-Cog
APA
Clic
GIR
HAS
IACE
MCI
NICE
NMDA
NPI
Alzheimer’s Disease Assessment
Scale-Cognitive
Allocation personnalisée d’autonomie
Comité de liaison et de coordination
groupe isoressources
Haute autorité de santé
inhibiteur de l’acétylcholinestérase
Mild Cognitive Impairment
National Institute for Health
and Clinical Excellence
N-méthyl-D-aspartate
inventaire neuropsychiatrique
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Méthodes
Une interrogation systématique de la base de données Medline par le site internet PubMed a été conduite à l’aide des
requêtes suivantes avec les limites “Randomised controlled
trial”, “Meta-analysis”: “Alzheimer AND donepezil”, “Alzheimer AND galantamine”, “Alzheimer AND rivastigmine”, “Alzheimer AND donepezil”, “Alzheimer AND depress*[Title]”,
“Alzheimer AND antipsychotics”, “Alzheimer AND nonpharmacological”. La sélection des articles a été réalisée par l’analyse
du titre et du résumé. Lorsqu’une ou plusieurs méta-analyses
étaient répertoriées, seule l’analyse des essais randomisés
postérieurs à la méta-analyse la plus récente a été réalisée.
Par ailleurs, les données concernant l’utilisation des médicaments spécifiquement indiqués dans la maladie d’Alzheimer
ont été obtenues par l’analyse des résumés des caractéristiques du produit, des fiches de transparence et des articles de
type trouvés par une interrogation de Medline par les requêtes
avec pour limites “Clinical guidelines: donepezil OR rivastigmine OR galantamine OR memantine”.
Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
La maladie d’Alzheimer est associée à un déficit en acétylcholine dans plusieurs régions cérébrales, et les médicaments
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (IACE) ont pour effet
d’augmenter la concentration cérébrale de ce neuromédiateur
en inhibant l’enzyme qui le dégrade dans les fentes synaptiques. La première molécule commercialisée de cette classe, la
tacrine, a été le premier agent pharmacologique à montrer un
effet supérieur à celui d’un placebo sur les fonctions cognitives
dans la maladie d’Alzheimer, mais elle n’est plus utilisée
aujourd’hui en raison d’effets indésirables hépatiques graves.
D’autres molécules ayant un mécanisme d’action analogue et
bien tolérées sur le plan hépatique ont été développées et
commercialisées : le donépézil (Aricept®), la rivastigmine
(Exelon®) et la galantamine (Reminyl®) [3]. Les formes pharmaceutiques, la posologie et les principaux effets indésirables
de ces médicaments sont présentés dans le tableau II. Les
essais cliniques qui ont évalué l’efficacité et la tolérance de
ces médicaments ont récemment fait l’objet de plusieurs
méta-analyses de la Cochrane Library [4]. Leurs conclusions
sont résumées dans le tableau III. Brièvement, comparés à
l’effet d’un placebo, ces médicaments permettent d’obtenir
chez les patients traités un score cognitif significativement
meilleur. Notamment, les études à 6 mois et un an montrent
que la diminution des scores cognitifs par rapport à l’état initial
est moindre avec un traitement qu’avec le placebo. De plus,
1501
L
a maladie d’Alzheimer et les autres maladies responsables
de démence représentent un problème considérable de santé
publique. Ces maladies sont très fréquentes chez les personnes
âgées et l’évolution de la démographie laisse attendre une
très forte augmentation du nombre de cas. Les démences évoluent pendant plusieurs années et leurs conséquences sur
l’autonomie et la qualité de vie des patients sont sévères.
Ces maladies sont responsables d’hospitalisations répétées et
d’entrées en institution, notamment lorsqu’elles sont évoluées. Elles ont aussi un retentissement important sur la
santé et la qualité de vie de l’entourage des patients, en particulier lorsqu’il existe des troubles du comportement. Le coût
de la maladie d’Alzheimer, la principale cause de démence, est
considérable et a été estimé à 10 milliards d’euros chaque
année en France [1].
Face à ce constat, la prise en charge des patients représente un
défi pour les médecins et le système de santé. Au cours des
20 dernières années, les progrès de la recherche fondamentale,
de la pharmacologie et de la recherche clinique ont permis de
mieux comprendre la physiopathologie de ces maladies, en particulier celle de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui 4 médicaments appartenant à 2 classes pharmacologiques sont commercialisés et indiqués dans la maladie d’Alzheimer, et plusieurs
autres agents pharmacologiques avec des mécanismes d’action
très différents ont montré des résultats prometteurs chez
l’animal et font l’objet d’essais cliniques [2]. La prise en charge
de la maladie d’Alzheimer ne se limite pas à l’utilisation de
médicaments actifs sur la maladie, mais comprend aussi la gestion des troubles du comportement de la perte d’autonomie.
Les principaux objectifs sont présentés dans le tableau I. L’aide
aux aidants naturels des patients fait aussi partie des objectifs
de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit de
préserver l’autonomie et la qualité de vie des patients.
Cette mise au point a pour but de répertorier les approches
thérapeutiques ayant montré une efficacité dans la maladie
d’Alzheimer. En ce concerne les approches médicamenteuses,
la recherche concernant les médicaments déjà commercialisés
a été plus approfondie du fait de l’objectif pratique de la mise
au point.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Belmin J, Péquignot R, Konrat C, Pariel-Madjlessi S
Ta bl e au I
Objectifs de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Objectif
Moyens
Atténuer les symptômes cognitifs et retarder leur aggravation
Inhibiteur de l’acétylcholinestérase, mémantine
Préserver l’autonomie et retarder la perte d’autonomie
Inhibiteur de l’acétylcholinestérase, mémantine
En cas de perte d’autonomie, aide pour les gestes de la vie quotidienne
Aide par l’entourage familial, aide professionnelle (service de soin infirmier
à domicile, auxiliaire de vie)
Aide financière par l’Allocation personnalisée d’autonomie
Atténuer les troubles du comportement
Environnement adapté ; inhibiteur de l’acétylcholinestérase, mémantine ;
(médicaments psychotropes si insuffisant)
Prévenir, reconnaître et traiter la perte de poids et la dénutrition
Alimentation riche et équilibrée, surveillance du poids,
en cas de dénutrition : supplémentation protéinocalorique
Éviter les hospitalisations inutiles
Case management (non disponible actuellement)
Ralentir l’évolution de la maladie
- (recherches en cours)
Retarder l’entrée en institution
Programmes de soutien et d’éducation pour les aidants
(disponibles dans quelques centres seulement)
Préserver la dignité du patient
Respect du patient et des règles éthiques
Soutenir l’entourage du patient
Soutien psychologique, aides sociales, éducation thérapeutique
Ta bl e au I I
Caractéristiques des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et de la mémantine et leurs indications validées par l’AMM
Formes
Nb de prises/jour
Donépézil
Rivastigmine
Galantamine
Mémantine
Cp 5 et 10 mg
Gel : 1,5, 3, 4,5 et 6 mg
Solution buvable 2 mg/mL
Cp : 4, 8 et 12 mg
Gel LP : 8, 16, 24 mg
Solution buvable 4 mg/mL
Cp 10 mg
Solution buvable 10 mg/mL
1
2
2 (1 pour la forme LP)
2
Dose initiale (mg)
5
3
8
5
Dose d’entretien (mg)
10
12
16 (24 si non répondeur)
20
Nb des paliers
1
3
1 (2)
3
Durée pour atteindre
la dose d’entretien (semaines)
4
6
4 (8)
4
MA : formes légères
à modérément sévères
MA : formes légères
à modérément sévères
MA : formes légères
à modérément sévères
MA : formes modérées
à sévères
Indications
Démence légère
à modérément sévère
associée à la maladie
de Parkinson
MA : maladie d’Alzheimer ; MMSE : Mini Mental State Examination.
1502
ces médicaments retardent aussi la perte d’autonomie fonctionnelle et ont un effet positif sur les troubles du comportement, en particulier sur l’apathie. Les effets indésirables sont
principalement d’ordre digestif (nausées, vomissements, anorexie) et peuvent être atténués par la prise pendant les repas
et une titration très progressive des doses au début du traitement. Un excès de décès cardiovasculaires a été observé dans
un essai sur la galantamine dans le déclin cognitif léger (Mild
Cognitive Impairment [MCI]) [5], mais la méta-analyse portant
sur les essais de la galantamine dans la maladie d’Alzheimer
n’a pas montré de surmortalité liée au traitement [6].
Si dans les essais cliniques contre placebo, ces différents effets
sont objectivés par des échelles appropriées de façon significative statistiquement, la question de la pertinence clinique de
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Ta bl e au I II
Principales données d’efficacité et de tolérance à 6 mois issues des 2 méta-analyses récentes (2006) de la Cochrane Library
portant respectivement sur les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et la mémantine dans la maladie d’Alzheimer
Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
Mémantine
13/7298
6/2763
Essais/patients (n)
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Stade
Léger à modéré
3/1766
Modéré à sévère
3/997
0,1 [0,01 à 0,25]
0,3 [0,1 à 0,4]
Effet global (impression globale de l’aidant)
Odd ratio amélioré ou stable/aggravé
1,6 [1,3 à 1,8]
Odd ratio amélioré/stable ou aggravé
1,8 [1,5 à 2,3]
Différence du score CIBIC
Effets cognitifs
Différence du score ADAS-Cog
-2,7 [-3,0 à -2,3]
1,0 [0,2 à 1,8]
Autonomie significativement meilleure
dans le groupe traité
Pas de différence
significative
d’autonomie entre
les groupes
Autonomie
significativement
meilleure dans le
groupe traité
Différence de score SIB
Effets sur l’autonomie (diverses échelles
en fonction des études)
3,0 [1,7 à 4,3]
Effets sur le score global de comportement
Différence de score NPI
Effets indésirables (fréquence sign. augmentée
avec le traitement actif)
Interruption du traitement (odd ratio : taux
d’interruption du traitement actif/placebo)
-2,4 [-4,1 à -0,8]
-0,25 [-1,5 à 0,7]
-2,8 [-4,6 à -0,9]
Nausées, vomissements, diarrhée, asthénie,
anorexie, perte de poids, hallucinations,
tremblements, œdème périphérique, douleurs
abdominales, crampes musculaires, insomnie,
cauchemars, céphalées, malaises, syncope
Aucun
Aucun (agitation
sign. plus fréquente
dans le groupe
placebo)
1,8 [1,5 à 2,0]
1,2 [0,8 à 1,8]
0,7 [0,5 à 0,9]
ADAS-Cog : Alzheimer’s Disease Assessment Scale-Cognitive, donnant un score de 0 (meilleur état cognitif) à 70 ; CIBIC : Clinical Interview-Based Impression of Change,
donnant un score de 1 (aggravation la plus marquée) à 7 ; NPI : Neuropsychiatric Inventory donnant un score de 0 (meilleur état comportemental) à 144 ;
SIB : Severe Impairment Battery, donnant un score de 0 (état cognitif le plus altéré) à 100.
Les résultats sont donnés en différence moyenne entre groupes (traitement actif et placebo) ou odd ratios avec intervalle de confiance à 95 %. Les résultats concernant
la mémantine sont présentés séparément pour le stade léger à modéré et pour le stade modéré à sévère (défini par un score au Mini Mental Status Examination
ou MMSE < 15).
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
intéressante sur l’entourage des patients. Ces différentes
notions, ainsi que le fait qu’il n’existe pas d’autre alternative
thérapeutique médicamenteuse pour ces patients font que les
IACE sont toujours prescrits chez les patients atteints de la
maladie d’Alzheimer au stade débutant ou modéré. En 2006,
le NICE est revenu sur sa position de demande de déremboursement des IACE et a reconnu qu’ils pouvaient être utilisés
dans le traitement de la maladie d’Alzheimer au stade modérément sévère (score MMSE ou Mini Mental State Examination
compris en 10 et 20) [7].
Si l’efficacité des IACE au stage léger ou modéré de la maladie
d’Alzheimer a été bien établie [8], leur efficacité au stade
sévère de la maladie est moins bien documentée. La métaanalyse de la Cochrane Library concluait que si leur efficacité
au stade sévère était mal établie, il n’y avait pas non plus
d’indication montrant que les IACE étaient moins efficaces à ce
stade [9]. Récemment un essai randomisé en double aveugle a
comparé l’efficacité du donépézil au placebo chez 248 patients
1503
leurs effets a été soulevée. En effet, l’amplitude des différences entre les scores des groupes placebo et des groupes traités
est relativement faible et l’implication de ces différences pour
la vie quotidienne des patients a été discutée. Par exemple, la
différence entre groupes traitement actif et placebo est de
l’ordre de 3-4 points sur l’échelle ADAS-Cog (Alzheimer’s
Disease Assessment Scale-Cognitive), une échelle cognitive
qui va de 0 à 70 points. Le National Institute for Health and
Clinical Excellence (NICE) au Royaume-Uni a même proposé
aux autorités de santé anglaises de dérembourser ces médicaments en raison du caractère modeste de leur efficacité. Pourtant, dans les études d’efficacité contre placebo en double
aveugle, l’utilisation d’échelles subjectives d’impression clinique globale a permis de montrer qu’aussi bien l’aidant familial principal que le médecin percevaient que l’état global des
patients était meilleur dans les groupes traités que dans les
groupes placebo. De plus, les effets même modestes sur la
perte d’autonomie semblent avoir une répercussion positive
Belmin J, Péquignot R, Konrat C, Pariel-Madjlessi S
1504
ayant une maladie d’Alzheimer au stade sévère, définie par un
score au MMSE de 0 à 10 [10]. Comparé au placebo, le traitement actif a montré un meilleur résultat sur les scores cognitifs
et l’autonomie. Avant la publication de cet essai et compte tenu
de la relative incertitude concernant l’efficacité des IACE au
stade sévère de la maladie, certains auteurs conseillaient d’arrêter les IACE chez les patients qui atteignaient le stade sévère de
la maladie au cours de l’évolution. Toutefois, plusieurs études
ont documenté une aggravation des patients lors de l’interruption des IACE. Ces données, ainsi que la publication d’un
essai randomisé documentant l’efficacité de donépézil au
stade sévère, incitent à poursuivre ces traitements chez les
malades qui atteignent le stade sévère.
Parmi les 3 IACE disponibles, y a-t-il des différences cliniquement importantes ? Au plan pharmacologique, si les 3 IACE inhibent l’acétylcholinestérase, la rivastigmine inhibe aussi la
butiryl-cholinestérase, une autre enzyme cérébrale qui dégrade
aussi l’acétylcholine. La galantamine exerce une modulation
allostérique sur les récepteurs nicotiniques présynaptiques. Le
donépézil et la galantamine font l’objet d’un métabolisme
hépatique impliquant les enzymes CYP2D6 et CYP3A4 du cytochrome P450, et peuvent interagir avec les médicaments qui
inhibent ces enzymes. Du fait de différences de pharmacocinétique, le nombre de prises quotidiennes varie aussi entre les
IACE (tableau II). Nous n’avons trouvé que 2 études randomisées comparant l’efficacité et la tolérance de 2 IACE. Celle
de Wilcock [11] a comparé le donépézil à la galantamine chez
182 patients [11]. À un an, il n’y avait pas de différence entre
les 2 traitements concernant l’effet sur les fonctions cognitives
et l’autonomie, ni le nombre d’interruption de traitement. Une
autre étude randomisée en double aveugle a comparé le donépézil à la rivastigmine chez 994 patients suivis pendant 2 ans
[12]. L’efficacité sur les fonctions cognitives était similaire dans
les 2 groupes, mais l’efficacité sur l’autonomie fonctionnelle
était meilleure dans le groupe rivastigmine. Toutefois, les effets
indésirables et les interruptions de traitement ont été significativement plus fréquents dans le groupe rivastigmine au début
du traitement (phase de titration). Globalement, ces essais
montrent que la galantamine et la rivastigmine ont une efficacité semblable à celle du donépézil.
Concernant la conduite pratique du traitement, il est important
de souligner que les IACE font partie en France des médicaments
à prescription restreinte. Le traitement doit être débuté par un
médecin expérimenté dans le diagnostic et le traitement de la
maladie d’Alzheimer (spécialistes neurologues, gériatres ou psychiatres, ou généralistes titulaires de la capacité de gérontologie), le renouvellement pouvant être fait par tout médecin. Il
semble complètement illogique d’associer aux IACE des médicaments ayant des effets anticholinergiques, tels que les antidépresseurs tricycliques ou des neuroleptiques classiques, qui atténuent ou annulent leurs effets pharmacologiques.
Mémantine
La mémantine (Ebixa®) est un antagoniste non compétitif du
récepteur NMDA (N-méthyl-D-aspartate) au glutamate. Ce
neuromédiateur excitateur et son récepteur NMDA ont un
rôle important dans les processus d’apprentissage et de
mémorisation. Dans la maladie d’Alzheimer, il a été mis en
évidence une augmentation d’activité du système glutamatergique et une stimulation soutenue des récepteurs NMDA pouvant jouer un rôle délétère sur les fonctions neuronales. La
mémantine agirait en s’opposant aux effets de la surstimulation glutamatergique [13]. Une méta-analyse récente de la
Cochrane Library a fait le point sur les essais randomisés en
double aveugle de la mémantine dans la maladie d’Alzheimer.
Elle a conclu à une efficacité modérée de la mémantine dans
la maladie d’Alzheimer au stade modérément sévère et au
stade sévère et a trouvé des éléments indiquant que la
mémantine serait efficace au stade léger à modéré [14]. Plus
récemment, un essai en double aveugle a montré aussi son
efficacité dans la maladie d’Alzheimer au stade léger à
modéré [15]. Les effets du traitement se manifestent sur le
plan cognitif, mais aussi sur le plan de l’autonomie et du comportement, en particulier sur l’agitation et l’agressivité. De
façon intéressante, une étude en double aveugle a montré
que la bithérapie mémantine-donépézil avait un effet supérieur à la monothérapie placebo-donépézil [16]. La mémantine
est un médicament bien toléré, et la seule limite à son utilisation concerne l’insuffisance rénale (pour une clairance de créatinine entre 40 et 60 mL/min : réduction de moitié de la
posologie ; < 40 mL/min : pas de données disponibles).
La mémantine fait partie en France des médicaments à prescription restreinte et la prescription initiale répond aux mêmes
impératifs que celle des IACE.
Médicaments psychotropes
Si les médicaments psychotropes n’ont pas d’effet direct sur la
maladie d’Alzheimer, ils sont souvent très utilisés à titre symptomatique en cas de dépression, de délire ou d’hallucination
et/ou de troubles du comportement. Ces troubles sont très
fréquents au cours de la maladie d’Alzheimer et on estime
qu’environ 70 à 100 % des patients en font l’expérience à
moment ou un autre de leur maladie. Ces manifestations
sont très gênantes pour l’entourage familial et professionnel
que le patient soit à domicile ou en institution et la pression
exercée sur le médecin pour qu’il les contrôle est importante.
Pourtant, il n’y a pas de données scientifiques bien établies
qui encouragent l’utilisation de psychotropes chez les patients
atteints de la maladie d’Alzheimer.
Médicaments antidépresseurs
Seulement 5 études randomisées en double aveugle ont évalué le traitement de la dépression chez des patients ayant une
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Médicaments neuroleptiques
et antipsychotiques atypiques
La question de la prescription des neuroleptiques et des antipsychotiques atypiques est souvent discutée au cours de la
maladie d’Alzheimer en raison de la fréquence des troubles
du comportement. Pourtant aucun des médicaments de ces
classes thérapeutiques n’a obtenu d’indication dans ce cadre
qui soit validée par les autorités de santé. Les effets recherchés par les médecins qui les prescrivent sont fondés sur
leurs propriétés antipsychotiques et sédatives pour lesquels
ils sont utilisés en psychiatrie dans les psychoses, délires et
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
hallucinations. La tolérance de ces médicaments est médiocre
chez les sujets âgés. En particulier, les neuroleptiques classiques ont des effets anticholinergiques qui peuvent aggraver
le déficit cérébral de ce neuromédiateur lié à la maladie
d’Alzheimer et qui tendent à atténuer l’effet des IACE. De
plus, ils sont pourvoyeurs de syndromes extrapyramidaux,
d’hypotension orthostatique, de chutes, de constipation, de
rétention urinaire et de sécheresse de la bouche. Les neuroleptiques classiques et les antipsychotiques atypiques peuvent
entraîner une sédation souvent dose-dépendante. Les antipsychotiques atypiques entraînent moins fréquemment que les
neuroleptiques classiques des syndromes extrapyramidaux et
des effets anticholinergiques, mais n’en sont pas totalement
dénués. Aussi, leur utilisation a progressivement supplanté
celle des neuroleptiques classiques. Toutefois, des travaux de
pharmacovigilance ont alerté la communauté médicale sur
une augmentation de mécanisme inexpliqué de l’incidence
des accidents vasculaires cérébraux chez les patients recevant
de l’olanzapine (Zyprexa®) [24] ou de la rispéridone
(Risperdal®) [25], 2 antipsychotiques atypiques. Plusieurs études ont examiné le risque d’accident vasculaire cérébral et la
mortalité liée à l’utilisation des neuroleptiques atypiques.
Schneider a publié en 2005 une méta-analyse des effets des
antipsychotiques sur la mortalité des patients atteints de
démence [26, 27]. Sur les 15 essais retenus ayant 10 à
12 semaines de suivi, une augmentation significative de la
mortalité a été enregistrée avec le traitement actif par rapport
au placebo (3,5 versus 2,3 %, OR = 1,54 IC95 % : 1,06-2,23).
Une autre étude de cohorte portant sur plus de 20 000 sujets
de plus de 65 ans qui ont débuté un traitement par neuroleptique ou antipsychotique atypique montrait que le risque relatif de mortalité dans les 6 mois suivant le début du traitement
était significativement plus élevé chez les utilisateurs de neuroleptique classique par rapport aux utilisateurs d’antipsychotique atypique (RR = 1,37, IC95 % : 1,29-1,49) [28].
Deux méta-analyses de la Cochrane Library ont évalué l’efficacité et la tolérance de l’halopéridol (Haldol®) [29], un neuroleptique classique, et des antipsychotiques atypiques [30, 31]
dans les troubles du comportement associés à la démence. La
méta-analyse concernant l’halopéridol a porté sur 5 essais randomisés en double aveugle contre placebo chez des patients
déments ayant une agitation. Si une faible efficacité sur le
symptôme agressivité a été mise en évidence, aucune efficacité n’est ressortie sur l’agitation. Par ailleurs, les effets secondaires des neuroleptiques classiques sont bien mis en évidence. La méta-analyse concernant les antipsychotiques
atypiques a porté sur 5 essais pour la rispéridone, 4 essais
pour l’olanzapine et 2 essais pour 2 autres antipsychotiques
(quetiapine [non commercialisé en France], aripiprazole
[Abilify®]). La rispéridone (1 et 2 mg) est plus efficace que le
placebo pour améliorer le comportement global, réduire
l’agitation et l’agressivité. Parmi ses effets indésirables, il
1505
maladie d’Alzheimer. Lyketsos a publié en 2003 un essai sur
44 patients montrant que la sertraline (Zoloft® et génériques),
un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, avait un effet
supérieur au placebo sur les symptômes dépressifs et était
bien toléré. Aucun effet n’était enregistré au plan cognitif
[17]. Mais un autre essai randomisé conduit chez 31 patients
ayant une maladie d’Alzheimer au stade sévère n’a montré
aucun effet de la sertraline sur les symptômes dépressifs
[18]. Une autre étude a évalué l’effet de la fluoxétine
(Prozac® et génériques) chez 41 patients ayant une maladie
d’Alzheimer et n’a pas objectivé de supériorité par rapport au
placebo [19]. Deux autres études ont évalué l’effet d’antidépresseurs tricycliques : l’imipramine (Tofranil®) [20] et la clomipramine (Anafranil® et génériques) [21]. Dans les 2 études,
les médicaments se sont montrés plus efficaces que le placebo
sur les symptômes dépressifs, mais avec des effets négatifs sur
l’état cognitif. Enfin une dernière étude a comparé la fluoxétine à l’amitriptyline (Laroxyl®) et n’a pas montré de différence d’efficacité entre ces 2 traitements, mais une moins
bonne tolérance de l’amitriptiline [22].
En conclusion, les résultats de ces études ne sont pas homogènes. Les antidépresseurs tricycliques semblent efficaces sur
la dépression associée à la maladie d’Alzheimer mais ont des
effets négatifs au plan cognitif, ce qui s’explique par leurs propriétés anticholinergiques. Les résultats concernant l’efficacité
des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont contradictoires. Si un inhibiteur de la recapture de la sérotonine est utilisé, il faut noter que la fluoxétine, la fluvoxamine ou la paroxétine ont des effets inhibiteurs du cytochrome P450 et que
leur utilisation comporte un risque d’interaction avec le donépézil et la galantamine. Enfin la paroxétine a des effets anticholinergiques modérés, si bien que son association avec les
IACE n’est pas logique.
Les antidépresseurs ont aussi été proposés pour améliorer les
troubles du comportement chez les patients ayant une
démence. Les quelques essais randomisés examinant leur efficacité n’ont pas été très concluants. Toutefois, dans un essai
contrôle portant sur 85 patients, le citalopram (Seropram® et
génériques) s’est montré plus efficace que le placebo pour améliorer le comportement des patients déments hospitalisés [23].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Belmin J, Péquignot R, Konrat C, Pariel-Madjlessi S
faut noter une augmentation du risque d’accident vasculaire
cérébral (OR : 3,7 [1,7 à 7,8]). La fréquence des effets extrapyramidaux est liée à la dose (OR 1,8 à 1 mg/j, 3,4 à 2 mg/j), et
certains effets indésirables sont observés à 2 mg/j et non à
1 mg/j : chutes, troubles de la marche, infections respiratoires.
En ce qui concerne l’olanzapine, elle a amélioré plus que le
placebo les items agressivité, anxiété et euphorie de l’échelle
de l’inventaire neuropsychiatrique (NPI). Les effets indésirables plus fréquents qu’avec le placebo sont les troubles de la
marche, l’hostilité, somnolence et fièvre.
Depuis cette méta-analyse, un important essai en double
aveugle (Catie-AD) a comparé chez 421 patients ayant une
maladie d’Alzheimer et une agitation, une agressivité ou des
symptômes psychotiques l’olanzapine, la rispéridone et la
quetiapine (à doses ajustées) au placebo [32]. À 12 semaines,
sur une échelle d’impression globale (Caregiver global
impression of change), une amélioration était notée chez
32 % des patients traités par olanzapine, 26 % de ceux traités
par quetiapine, 29 % de ceux traités par rispéridone, et 21 %
de ceux prenant le placebo (p = 0,22). Dans le groupe placebo, 5 % des patients ont arrêté le traitement pour effet
indésirable contre 18 à 24 % dans les groupes recevant un
traitement actif. De plus, Tariot [33] a comparé la quetiapine
à l’halopéridol et au placebo chez 284 patients ayant une
maladie d’Alzheimer avec symptômes psychotiques. Il n’y a
pas eu de différence d’efficacité entre les traitements au vu
d’une échelle portant sur les symptômes psychotiques évalués par une échelle d’impression clinique globale. L’halopéridol était moins bien toléré que la quetiapine.
En conclusion, l’évaluation du rapport bénéfice/risque des
neuroleptiques et des antipsychotiques atypiques pour traiter
l’agitation, l’agressivité ou les symptômes psychotiques de la
maladie d’Alzheimer est largement défavorable à leur utilisation. L’efficacité est modeste et se manifeste principalement
sur l’agressivité, alors que des effets indésirables sérieux sont
observés (surmortalité pour les neuroleptiques classiques et
les antipsychotiques, et accidents vasculaires cérébraux pour
les antipsychotiques).
Autres psychotropes
1506
D’autres psychotropes sont parfois essayés pour contrôler les
troubles du comportement des patients déments. Les thymorégulateurs et en particulier l’acide valproïque ont fait l’objet de
plusieurs essais et en 2004, Lonergan [34] a tenté d’en faire
une méta-analyse. Sur les 3 essais randomisés et contrôlés
identifiés, la méta-analyse n’a pas pu être conduite du fait de
la méthodologie des études. L’analyse individuelle des études
suggère que le traitement n’est pas efficace à faible dose, et
qu’à dose plus forte il est mal toléré. Depuis, Tariot a publié
un essai en double aveugle comparant le divalproex au placebo
chez 153 patients institutionnalisés ayant une maladie d’Alzheimer avec agitation qui n’a montré aucune efficacité [35].
Nous n’avons pas trouvé d’essais randomisés contrôlés évaluant
les benzodiazépines ou apparentés (carbamates notamment)
pour améliorer l’agitation, l’anxiété ou les troubles du sommeil
dans la maladie d’Alzheimer, ni d’essais évaluant l’effet du zolpidem (Stilnox® et génériques) ou de la zopiclone (Imovane®
et génériques) pour les troubles du sommeil dans ce contexte.
L’utilisation des benzodiazépines et des médicaments apparentés n’est pas logique chez ces patients en raison des troubles de
la mémoire et de l’attention qu’ils peuvent induire.
Prises en charge non médicamenteuses
D’une façon générale, la prise en charge non médicamenteuse
de la maladie d’Alzheimer contribue à atteindre les objectifs
thérapeutiques. Elle vise principalement à fournir au patient et
à son entourage des moyens pour aider à gérer les conséquences de la démence sur la vie quotidienne. Il existe divers types
d’actions non médicamenteuses pour cette maladie. De nombreuses actions non médicamenteuses trouvent leur justification
sur des bases logiques, pour répondre à des besoins identifiés
chez les patients et les aidants. Certaines actions ont fait l’objet
d’évaluation, mais il est difficile de connaître avec précision leur
efficacité, car l’analyse de la littérature dans ce domaine est très
complexe. Les études réalisées sont souvent des essais de
petite taille, avec des interventions diverses et souvent des
défauts méthodologiques comme l’absence de randomisation
ou encore l’absence de groupe contrôle. En 2003, la Haute autorité de santé (HAS) a édité un rapport d’évaluation technologique sur l’analyse de la littérature sur ce sujet et a classé ces
interventions en 6 catégories : stimulation cognitive et psychocognitive, stimulation du comportement, stimulation sensorielle, stimulation de l’activité motrice, aménagement de l’environnement, et enfin surveillance médicale [36]. La conclusion
de cette revue de littérature est explicite : « Aucune conclusion
valide ne peut donc être tirée sur ces études en nombre insuffisant et de qualité méthodologique très médiocre. Toutes ces
techniques restent insuffisamment évaluées, de nombreuses
questions restent posées ». Ce jugement lapidaire est toutefois
tempéré par un autre constat : certaines « revues [de la littérature] semblent plutôt favorables à l’ensemble des approches
évaluées, en particulier sur l’amélioration des interactions
sociales, de la communication, et la réduction des troubles du
comportement. Ces bénéfices restent néanmoins très modestes
et aucune amélioration sur le déclin cognitif n’a été observée ».
D’autres interventions de santé non analysées dans la revue
de la HAS, car publiées ultérieurement ou entrant dans un
champ différent de celui étudié (interventions envers les
aidants ou effets de la luxthérapie), ont montré des effets
intéressants.
Case management
Une étude récemment publiée dans le JAMA a étudié l’effet
d’une organisation structurée de la prise en charge coordontome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Un programme d’ergothérapie à domicile
Un essai randomisé contrôlé a été conduit chez 135 sujets de
plus de 65 ans ayant une démence légère à modérée vivant à
domicile et a évalué l’effet d’un programme d’ergothérapie
sur l’autonomie des patients et le fardeau des aidants familiaux [39]. Le programme consistait en une série de 10 séances
d’une heure pendant 5 semaines, séances destinées à la fois
au patient et à son aidant, et réalisées par un ergothérapeute
formé. L’évaluation réalisée à 6 et 12 semaines a montré une
amélioration significative de l’autonomie des patients et une
réduction significative du fardeau des aidants dans le groupe
ayant bénéficié de l’intervention.
Effets de la lumière vive
Plusieurs auteurs ont essayé d’exposer les patients atteints de
la maladie d’Alzheimer à une lumière vive (luxthérapie ou
luminothérapie) avec des protocoles divers selon l’intensité,
la durée ou encore l’horaire d’administration. Cette technique
dont l’utilisation est répandue en psychiatrie a des effets biologiques qui ont conduit à l’évaluer dans la maladie d’Alzheimer. Forbes a conduit une méta-analyse sur ces essais pour
contrôler les troubles du sommeil et du comportement dans
la maladie d’Alzheimer [40]. Sur les 5 essais randomisés identifiés, 3 ont été retenus et la conclusion était négative quant à
l’effet de la lumière vive. Toutefois, l’hétérogénéité des études
et la faible puissance statistique n’ont pas permis de conclure
définitivement quant à l’intérêt potentiel de cette approche
pour gérer ces complications, notamment en institution.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Prise en charge de répit
On peut aussi proposer au patient et à sa famille la prise en
charge en accueil de jour. Ces structures permettent l’accueil
du patient pendant une partie de la journée et proposent des
activités occupationnelles et une aide pour réaliser les gestes
de la vie quotidienne durant la présence dans la structure
[41]. Les prestations et tarifs de ces accueils de jour sont très
disparates ; ces structures le plus souvent de type associatif
sont encore peu nombreuses et leur répartition sur le territoire n’est pas homogène. Les accueils de jour sont considérés comme faisant partie des prises en charge de répit, dont
on attend principalement une aide pour l’entourage du
patient plus que pour le patient lui-même. Les prises en
charge de répit peuvent aussi être envisagées sous la forme
de séjours de durée limitée dans une maison de retraite, ce
qui peut permettre à l’aidant principal de réaliser un projet
comme un voyage ou une intervention chirurgicale. Toutefois, le nombre d’établissements qui proposent ces prestations est encore limité. Si ces prises en charge de répit peuvent être utiles à certains aidants, les études qui ont cherché
à évaluer leurs effets sur le fardeau de l’aidant se sont montrées décevantes [42].
Programmes éducatifs et psycho-éducatifs envers
les aidants familiaux
Plusieurs équipes ont évalué d’intérêt d’actions éducatives ou
psycho-éducatives envers les aidants familiaux des patients.
Ces démarches ont plusieurs objectifs :
• améliorer les connaissances de l’aidant et lui apprendre à
utiliser les ressources du système de santé ;
• l’aider à mieux comprendre le patient et son comportement,
et apprendre à contrôler ses émotions face au patient ;
• exercer un renforcement positif de l’aidant en valorisant son
action et en l’encourageant à maintenir/développer ses liens
sociaux ;
• encourager l’aidant à préserver sa santé physique et mentale.
Ces actions ont pour buts d’atténuer le fardeau de ces aidants
et de retarder l’entrée en institution. L’évaluation de ces
actions à travers la littérature médicale est complexe pour de
nombreuses raisons : études menées sur des effectifs relativement faibles, interventions de natures diverses, délai d’évaluation, variabilité des critères de jugement. Malgré ces écueils, il
se dégage une impression globalement positive vis-à-vis de
ces actions. En particulier, les méta-analyses conduites sur ce
sujet par Sorensen en 2002 [42] et par Brodaty en 2003 [43]
ont conclu que les interventions étaient efficaces pour améliorer les connaissances des aidants, diminuer leurs symptômes
dépressifs. Certaines études montrent aussi une diminution
des troubles du comportement du patient ainsi qu’une tendance à un retard à l’entrée en institution. Une des études
les mieux conçues a montré qu’un programme éducatif asso-
1507
née par une infirmière appelée par leurs auteurs “collaborative care” [37]. Dans ce travail, 153 patients atteints de la
maladie d’Alzheimer ont été répartis par tirage au sort en
2 groupes : un recevant les soins habituels, et l’autre des
soins selon une stratégie structurée dite collaborative. Elle
consistait en un suivi direct du patient et de son aidant par
une infirmière spécialement formée se rendant à leur domicile, travaillant avec l’aidant et avec le médecin traitant. Elle
disposait de protocoles de soin permettant de conseiller
l’aidant et le médecin pour la prise en charge, mais aussi de
se mettre en lien avec l’équipe spécialisée en cas de nécessité.
Cette intervention a duré un an. L’évaluation à la fin de l’intervention et 6 mois plus tard a montré que dans le groupe intervention, il y avait significativement moins de troubles du comportement que dans le groupe soin usuel, et que le
retentissement sur l’aidant et ses symptômes dépressifs
étaient significativement moindres. Toutefois, l’intervention
n’a pas eu d’effet significatif sur l’incidence des hospitalisations ou de l’entrée en institution des patients. Une autre
étude randomisée comparant le case management au soin
usuel avait montré que le taux d’hospitalisation des aidants
familiaux était significativement diminué par ce type de prise
en charge [38].
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Belmin J, Péquignot R, Konrat C, Pariel-Madjlessi S
cié à des actions de soutien (aide téléphonique par le centre
de référence) était capable de retarder de façon significative
l’entrée en institution en moyenne d’un an [44, 45].
Interventions combinées envers les patients
et les aidants
Teri et al. ont mené une étude intéressante [46] qui a combiné
une intervention de santé comportant un programme d’activité physique pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et un programme d’éducation pour les aidants familiaux :
153 couples aidants-patients ont été randomisés et ont reçu
soit l’intervention soit les soins usuels pendant 3 mois. Dans
le groupe intervention, il était constaté chez les patients une
amélioration significative du fonctionnement physique et un
meilleur niveau d’activité motrice et une diminution significative des scores de symptômes dépressifs par rapport aux
patients ayant reçu les soins usuels.
Santé globale des patients atteints de la maladie
d’Alzheimer
Gérer mes comorbidités est un aspect important de la prise en
charge de ces patients. En effet, les comorbidités sont fréquentes en raison du grand âge des patients et peuvent interagir
avec leurs fonctions cognitives, leur autonomie ou leur comportement. Il est important de bien contrôler l’hypertension
artérielle, ce qui semble avoir un effet positif sur l’évolution
des fonctions cognitives. La correction de troubles sensoriels
(presbyacousie, cataracte) peut aider les patients à bien communiquer avec leur entourage. La survenue chez un patient
atteint de la maladie d’Alzheimer de maladies graves imposant des traitements lourds peut soulever des questions éthiques si le patient n’est pas en mesure d’exprimer ses choix
vis-à-vis des traitements proposés. Parmi de nombreux exemples on peut citer la survenue d’une insuffisance rénale requérant une hémodialyse ou bien d’un cancer nécessitant des traitements anticancéreux agressifs. Dans ces situations, le rôle de
la personne de confiance et plus généralement de l’entourage
familial du patient est crucial. Le recueil des directives anticipées du patient exprimées à un stade précoce de sa maladie
est aussi une approche intéressante, mais très peu répandue
dans la pratique aujourd’hui.
de coordination (CLIC) de son bassin de vie. Ces CLIC disposent
de personnels pouvant les aider et les informer sur les prestations sociales dont ils peuvent bénéficier et sur les ressources
du système de santé qui peuvent les soutenir. On peut facilement obtenir les coordonnées des CLIC de son département en
s’adressant à sa mairie ou sur le site internet du ministère de
la Santé. En cas de perte d’autonomie, il faut proposer diverses
aides : interventions de services de soins infirmiers à domicile
ou d’une infirmière à domicile, emploi d’une auxiliaire de vie,
recours à une aide ménagère. Il faut aussi conseiller au patient
et à l’aidant de demander une prestation sociale l’Allocation
personnalisée d’autonomie (APA) spécifiquement destinée
aux personnes de plus de 60 ans ayant une perte d’autonomie
définie par un groupe GIR (groupe isoressources) de 1 à 4
déterminé au moyen de la grille Aggir. Il faut conseiller aux
aidants de se mettre en contact avec des associations de familles de patients atteints de démence, qui souvent mettent en
œuvre des systèmes d’entraide et de solidarité.
L’entrée en institution gériatrique concerne un nombre important de patients âgés atteints de démence. Aujourd’hui, ces
maladies et leurs conséquences représentent une cause majeure
Organisation de la prise en charge médicosociale
1508
La mise en œuvre des actions non médicamenteuses dépend
très largement du système de santé et de son organisation, et
aussi des ressources du patient et de la société [1]. En France,
la maladie d’Alzheimer fait partie de la liste des affections de
longue durée, et il faut faire une demande auprès de
l’assurance-maladie pour faire bénéficier le patient d’un meilleur remboursement des soins et ainsi faciliter en faciliter le
déroulement [1]. D’une façon générale, il est utile de mettre
en contact le patient et son aidant avec le Comité de liaison et
F ig u r e 1
Différents types possibles d’effets des interventions thérapeutiques
La courbe rouge représente le déclin cognitif observé au cours de l’évolution naturelle
de la maladie d’Alzheimer sans traitement. Les médicaments dits “symptomatiques”
améliorent les symptômes mais ne ralentissent pas la dégradation cognitive (traitement 1),
ce qui se traduit par une pente identique à celle de l’évolution naturelle. La recherche de
traitements capables de ralentir la dégradation cognitive (traitement 2) ou de la stopper
(traitement 3) est très active. L’objectif de la recherche est d’obtenir l’effet représenté par
le traitement 4, avec récupération fonctionnelle des altérations cognitives.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Prise en charge de la maladie d’Alzheimer
d’entrée en institution. Parmi les facteurs augmentant le risque
d’entrée en institution figurent l’âge avancé (> 80 ans), le stade
plus évolué de la maladie, l’existence de troubles du comportement, le sexe féminin, et l’isolement.
Perspectives
La recherche d’agents capables de ralentir ou même d’arrêter
l’évolution de la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui une réalité. Différents scenarios d’actions sur la maladie et son retentissement cognitif peuvent être imaginés (figure 1). Chez des
souris transgéniques modèles de la maladie, une immunothérapie dirigée contre le peptide bêta-amyloïde, un des composés principaux des lésions neuropathologiques de la maladie, a
montré des effets spectaculaires : non seulement le développement de la maladie était prévenu par l’immunothérapie
administrée chez les animaux jeunes, mais de plus celle-ci
régressait lorsque l’immunothérapie était administrée chez
les animaux âgés ayant déjà des dépôts cérébraux de peptide
bêta-amyloïde [47]. Malgré ces espoirs, le premier essai chez
l’homme a été interrompu prématurément en raison de
méningoencéphalites chez 6 % de sujets traités. Toutefois,
l’approche n’est pas abandonnée avec le développement de
techniques d’immunisation de seconde génération contre ce
peptide conçues pour être mieux tolérées. D’autres espoirs
sont placés dans la recherche portant sur les agents modulant
le métabolisme du peptide bêta-amyloïde. Ce peptide est
formé par le clivage d’une protéine précurseur appelée APP
par des protéases, les bêta et gamma-sécrétases. La recherche
d’inhibiteurs de ces protéases est une première approche
pharmacologique pour diminuer la production de ce peptide.
Un second type d’approche vise à inhiber son agrégation
dans le tissu cérébral ou à favoriser sa dégradation. D’autres
voies de recherche visent à atténuer les conséquences des
lésions sur le fonctionnement cérébral. Des recherches portent
sur les effets de facteurs de croissance ou encore sur l’action
de substances antioxydantes [48].
Les progrès de la recherche sur la maladie d’Alzheimer ont
largement contribué à faire progresser la prise en charge des
démences liées à d’autres maladies. Certains IACE se sont
montrés efficaces dans la démence à corps de Lewy et dans
la démence associée à la maladie de Parkinson et dans la
maladie d’Alzheimer avec lésions cérébrovasculaires. De
même, des essais intéressants ont été réalisés avec ces médicaments dans la démence vasculaire.
Si les connaissances sur les traitements et la prise en charge
de la maladie d’Alzheimer ont beaucoup progressé au cours
des dernières années, la prise en charge des patients évolue
plus lentement et reste en retard, et à ce jour la majorité des
patients ne reçoivent pas de traitements médicamenteux. Il
est estimé que chez environ la moitié des patients atteints
de la maladie d’Alzheimer, le diagnostic n’a pas été fait, et
donc ils ne reçoivent pas de traitement spécifique [1]. De
plus, dans l’étude des 3 Cités, 38 % des patients chez qui le
diagnostic de maladie d’Alzheimer a été posé ne reçoivent pas
de traitement médicamenteux spécifique. Par ailleurs, le développement des prises en charge non médicamenteuses reste
très insuffisant [49]. Ces points soulignés dans le rapport de
l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé [1]
devraient s’améliorer dans les années à venir grâce aux plans
de santé publique mis en œuvre.
Mise au point
troubles cognitifs et démences
Conflits d’intérêts : aucun
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tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
Presse Med. 2007; 36: 1511-2
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troubles cognitifs et démences
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1.
Pour faire le diagnostic de démence, il est nécessaire d’avoir les éléments suivants :
plainte du patient concernant sa mémoire, déficit objectif de la mémoire, aphasie,
retentissement des troubles cognitifs sur la vie sociale.
Si le déficit objectif de la mémoire et le retentissement des troubles cognitifs
sur la vie sociale font partie des critères obligatoires du syndrome démentiel,
il n’est pas indispensable que le patient se plaigne de sa mémoire,
ni qu’il y ait une aphasie.
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2.
L’imagerie cérébrale montre toujours une atrophie corticale chez les patients âgés atteints
de la maladie d’Alzheimer.
L’atrophie corticale est un terme couramment employé pour décrire l’élargissement
des sillons corticaux et des ventricules cérébraux en imagerie cérébrale.
Elle peut être objectivée chez des sujets âgés indemnes de troubles cognitifs.
Inversement, certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer n’ont pas
de signes radiologiques d’atrophie corticale.
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3.
L’épilepsie, les chutes et les pneumopathies infectieuses sont des complications
de la maladie d’Alzheimer.
L’épilepsie est une complication de la maladie d’Alzheimer, survenant
habituellement sous la forme de crises partielles au stade avancé de la maladie.
Les chutes sont fréquentes à tous les stades de la maladie et s’expliquent
par les troubles de la marche et de l’attention. Enfin, les pneumopathies
infectieuses sont favorisées par les troubles de la déglutition ; elles représentent
une cause importante de mortalité au stade sévère de la maladie.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
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Troubles cognitifs et démences
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Test de lecture
troubles cognitifs et démences
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4.
Chez les patients ayant une démence débutante, les éléments suivants sont en faveur
du diagnostic de démence à corps de Lewy :
• Syndrome extrapyramidal
• Hallucinations visuelles
• Hallucinations auditives
• Maladie de Parkinson
• Paralysie de l’oculomotricité
• Altération marquée des fonctions exécutives
• Caractère fluctuant des symptômes cognitifs
• Crises épileptiques
Chez un patient ayant une démence débutante, les signes en faveur d’une démence
à corps de Lewy sont le syndrome extrapyramidal, des hallucinations visuelles,
une altération marquée de fonctions cognitives et un caractère fluctuant dans
le temps des symptômes cognitifs. Une intolérance sévère à un traitement
neuroleptique est aussi un élément évocateur. Les hallucinations auditives
font plutôt rechercher des causes psychiatriques. En présence d’une maladie
de Parkinson caractérisée, on parle plutôt de démence associée à la maladie
de Parkinson, même si cette entité présente des similarités avec la démence
à corps de Lewy. Une paralysie de l’oculomotricité doit faire rechercher
une paralysie supra nucléaire progressive. Des crises épileptiques sont observées
dans les démences déjà installées ou encore dans la maladie de Creutzfeld-Jacob.
5.
Les inhibiteurs de la cholinestérase sont indiqués dans le Mild cognitive impairment
ou déclin cognitif léger.
À ce jour, ces médicaments, qui sont indiqués dans la maladie d’Alzheimer, n’ont
pas montré d’efficacité dans le Mild cognitive impairment ou déclin cognitif léger.
tome 36 > n° 10 > octobre 2007 > cahier 2
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