Khôlle « Le SMI : un non système monétaire international

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Khôlle « Le SMI : un non système monétaire international ? »
Eléments de correction
Le SMI / définition pour l’intro
Remarque : quand on fait référence à la fin de Bretton Woods, il faut bien associer date et évènement ;
par exemple, 1976, ce sont les accords de la Jamaique, en 1973 c’est la suspension temporaire de la
convertibilité or du dollar puis la dévaluation à 35 dollars l’once et, 1971, c’est le flottement du
deutsch mark ; on peut donc citer au moins trois événements différents pour illustrer la fin du système
de Bretton Woods.
Rappel des caractéristiques des accords de la Jamaique 1976
Possibilité de choisir un régime de change ; il y a néanmoins des écarts entre régime de change de jure
et régime de change de facto (bcp de pays se déclarent en régime de change flottants mais pratiquent
un régime de change +/- contrôlé, ex : la Chine).
Par ailleurs, en comparaison du SMI de l’étalon or ou celui de Bretton Woods, le SMI issu des accords
de la Jamaique n’indique pas les mécanismes de résolution des déséquilibres commerciaux et
financiers internationaux .
Rappel aussi de ce qu’est un SMI : il est possible de détailler davantage (cf le cour) mais il faut au
moins avoir en tête qu’un SMI a une fonction essentielle : il doit permettre la réalisation des échanges
entre pays (commerciaux + capitaux).
Selon l’article 4 du FMI : les objectifs du SMI sont de permettre les échanges, stimuler la croissance et
assurer la stabilité monétaire et financière.
Donc un SMI qui serait considéré comme un non-SMI est un SMI qui rencontre des difficultés pour
assurer ces/ses fonctions.
On se rappelle que le système de l’étalon-or entre en crise après 1918, que celui de Bretton Woods qui
va le remplacer connaît quant à lui des difficultés des le milieu des années 1960, qu’en est-il
aujourd’hui du SMI issu des accords de 1976 ? Allons-nous vers un nouveau SMI ?
Une accroche possible : fin 2014, début 2015, la BCE a mis en place son premier QE, qui a provoqué
une sortie des capitaux et une chute de l’euro (par rapport au dollar), ce qui a fait dire à certains
économistes que l’euro était rentré dans la guerre des monnaies.
1. Le SMI contemporain : des fonctions globalement assurées dans un nouveau contexte de
mondialisation
1. Les accords de la Jamaique accompagnent l’entrée dans une nouvelle phase de la
mondialisation
Si le SMI ne fonctionnait pas, il aurait été peu probable d’assister à l’essor d’une nouvelle
mondialisation, qui par son degré d’intensité est la plus importante du 20ième siècle. Cette
mondialisation est à la fois commerciale mais surtout financière.
Les accords de BW permettent aux Etats de choisir un régime de change, ce qui va se traduire par des
régimes de change flottants plutôt chez les PDEM et des régimes de change fixe plutôt chez les PVD
et émergents. On notera cependant le cas des pays européens qui développent une intégration
économique de plus en plus poussée. Cette intégration économique européenne a conduit les Etats
membres à réfléchir à une monnaie commune ou unique. La volatilité des taux de change étant
considérée comme un handicap pour les échanges et le calcul des subventions de la PAC, il est très tôt
(rapports Barre puis Werner en 1971) question de mettre en place une coordination des politiques de
change. C’est le serpent monétaire (durant la période de disparition de BW), puis le SME (1979), puis
enfin le projet de monnaie unique. Cet ancrage monétaire conduit donc à l’adoption d’un régime de
change fixe puis au transfert au niveau de la zone euro de la politique monétaire et la politique de
change. L’euro flottant par rapport aux autres monnaies.
Concernant les PVD et les émergents : c’est plutôt « la peur du flottement » qui prévaut (Calvo) (à
développer).
Le choix d’un régime de change peut s’analyser à partir du triangle des incompatibilités (citez
Mundell) : les Etats qui décident de faire circuler librement les capitaux et d’avoir une politique
monétaire autonome sont obligés d’utiliser un régime de change flottant (USA ou zone euro) ou bien
de réaliser une intégration monétaire (les pays européens avant l’entrée dans la zone euro) ; les Etats
qui contrôlent les capitaux et veulent avoir une politique monétaire autonome peuvent choisir un
régime de change fixe.
Finalement comme le rappel Frenkel, il n’existe pas un régime de change qui satisfasse tous les pays
en même temps, et l’avantage du régime post-BW est d’avoir permis à chaque pays d’adopter un
régime de change utile pour atteindre des objectifs de politique économique :
- Change flottant pour ne pas à avoir à se préoccuper de la volatilité des cours sur le marché (EtatsUnis)
- Change fixe avec caisse d’émission pour lutter contre l’inflation (Argentine)
- Ancrage monétaire pour faciliter la désinflation (France)
- Contrôle du taux de change pour stimuler les exportations (Chine)
Par ailleurs, si durant les années 1970/2000, le SMI a connu des crises de change, il a toujours su
mettre en œuvre une coopération internationale au cas par cas efficace (hausse du dollar : accords du
Louvre et effondrement du dollar : accord du Plaza ; lutte contre l’effondrement de l’euro en 20012003).
1.2 Le SMI s’appuie sur une monnaie internationale : le dollar
Qu’est-ce qu’une monnaie internationale ?
Pour des agents privés, elle assure les fonctions d’intermédiaires, d’unité de compte et de réserve de
valeurs ;
Pour des agents publics (les banques centrales par exemple), elle assure aussi ces fonctions en étant
une monnaie d’ancrage, une monnaie de transaction des échanges internationaux et une monnaie de
réserve de changes.
Illustrer le poids du dollar comme monnaie internationale
Le dollar utilisé dans 87% des transactions ; 81 % des monnaies ancrées ; 61% des réserves officielles
et 57% des prêts bancaires internationaux.
Comment expliquer ce poids prépondérant alors même que nous ne sommes plus dans le système de
Bretton Woods et qu’il n’y a pas de définition officielle du rôle du dollar (dans le système de BW, à
partir du moment où le dollar était la seule monnaie susceptible d’être changée en or, elle devenait de
fait la monnaie internationale) ?
- L’effet de réseau renforce le rôle du dollar comme monnaie de transaction et unité de
paiement car fait baisser les coûts de transaction ; comme le dollar concentre les transactions, il
n’existe que 150 marchés des changes dans le monde ; si toutes les monnaies devaient s’échangeaient
de manière bilatérale (ie sans monnaie internationale), il y aurait plus de 11 000 marchés des changes !
cela permet bien d’illustrer les gains de transaction qu’apporte une monnaie internationale. même si il
n’y a pas d’accord international sur le fait d’utiliser le dollar, les AE ont tous intérêt à utiliser la même
monnaie.
- L’importance du marché des titres publics (Treasury bills) profond et sûr, ce qui renforce le
rôle du dollar comme monnaie de réserve ;
On constate ici un effet d’hystérèse important : bien que le dollar ne soit officiellement plus la
monnaie internationale, elle le reste de facto, car le coût d’utilisation d’une devise alternative sont plus
élevé. C’est notamment une des raisons qui freine le développement de l’euro ou du yuan.
Le fait que le dollar soit demandé pour lui-même permet aux Etats-Unis de bénéficier d’un droit de
seigneuriage (avantage de l’émetteur de la monnaie) que Rueff avait résumé sous l’expression du
« privilège exorbitant »: puisque les Etats-Unis émettent la monnaie internationale, les agents nonrésidents cherchent toujours à détenir les titrés émis dans cette devise. Chaque émission de titres
trouvera donc preneur. Cela permet notamment à l’Etat fédéral de financer ses déficits publics sans
hausse du taux d’intérêt, ce que Rueff appellera le « déficit sans pleur ».
Problématique / liaison : Cependant, les difficultés que rencontre le SMI depuis la fin des années 1990
semblent être de plus en plus importantes et capables de conduire à sa réforme.
2. Des dysfonctionnements du SMI à d’éventuelles transformations
2.1 Déséquilibres financiers internationaux cumulatifs et problèmes de change
Pour Jacques Mistral (« Guerres et paix entre les monnaies » 2014), depuis l’entrée de la Chine
comme puissance économique mondiale, la co-existence entre changes flottants et changes fixes fait
du SMI un « non-système » monétaire international car elle s’accompagne de déséquilibres des BP de
plus en plus problématique pour la stabilité du système.
Premier inconvénient du système hybride actuel : les pays en régime de change fixe comme la Chine
adoptent = stratégie de mésalignement des monnaies = cette stratégie nécessite pour la Chine
d’acquérir des réserves de change dans la monnaie internationale, le dollar. comme le marché des
actifs en dollar est développé et profond, la Chine achète ces titres libellés en dollars aux Etats. Les
flux de capitaux se dirige donc du S vers le N. ce qui peut paraître paradoxe au regard des besoins
d’investissement des pays en développement, mais ne l’est pas lorsque l’on connaît la stratégie
chinoise de développement par les exportations et les besoins de financement de l’économie
américaine. C’est la situation de ce que l’on a appelé le Grand Arrangement (Bourguinat). Mais ces
transferts conduisent à des grandes déséquilibres financiers internationaux à partir du début des années
2000 qui vont alimenter en liquidité les marchés de capitaux nord américain jusqu’à la crise des
subprimes. La combinaison du SMI et du SFI a donc été un élément favorisant la surabondance de
liquidité aux Etats-Unis et le développement d’un cycle financier qui a abouti à une crise majeure. Le
SMI n’assure donc pas une des fonctions qui lui est assigné par le FMI, permettre la croissance
économique.
Un autre inconvénient du SMI/SFI contemporain provient des conséquences de l’ouverture des
échanges de capitaux. On assiste ainsi depuis les années 1990 à des sudden stop récurrents qui ont des
conséquences négatives sur l’économie réelle car ils entraînent bien souvent une crise du système
bancaire (Crise asiatique de 1997).
On peut signaler d’autres types de perturbations associées au fonctionnement du SMI, qui sont
davantage reliées au taux de change.
Nous avons déjà parlé du mésalignement du taux de change chinois, qui peut être interprété comme un
outil néomercantiliste. Cela rappelle les politiques de dévaluation compétitive des années 1930. Ces
manipulations du taux de change sont classées par André Cartapanis dans les guerres des monnaies
explicites. Mais il existe également des guerres des monnaies implicites. Par exemple, les QE aux
Etats-Unis ont poussé le dollar à la baisse, et donc les autres monnaies à la hausse. Le Brésil a ainsi
accusé les Etats-Unis de manipuler son taux de change pour stimuler leurs exportations (au détriment
de leurs partenaires commerciaux).
Dernier argument pour souligner les limites du SMI, les crises de change qui entrainent une volatilité
importante des devises. Une des vertus attendues du SMI post-BW est la possibilité d’utiliser un
régime de change flottant. Pour des auteurs comme M.Friedman, ce type de régime de change doit
apporter de la stabilité et mettre fin à la spéculation sur les devises. Or, force est de constater que la
volatilité n’a pas disparu et qu’elle entraîne des interventions concertées des autorités monétaires pour
pouvoir l’endiguer (dollar après 1981 ou euro après 2001).
Ces difficultés que rencontre le SMI à assurer des échanges internationaux stables et à éviter les crises
conduisent à s’interroger sur les voies de sortie de crise possibles.
2.2 Les transformations possibles du SMI
La première possibilité consiste à imaginer qu’une nation joue un rôle hégémonique. Si le SMI
contemporain fonctionne mal c’est que les Etats-unis ont perdu leur statut de puissance hégémonique
mais qu’aucun autre pays ne les remplace encore (cf la situation de l’entre deux-guerres). Auteurs :
C.Kindleberger, Arvind Subramanian. Dans ce cas de figure, il faudrait imaginer que, par exemple, la
Chine s’impose à la fois économiquement et politiquement sur la scène mondiale.
La seconde possibilité s’appuie cette fois sur une amélioration de la surveillance multilatérale et sur un
accès la liquidité plus facile en temps de crises ; C’est l’approche privilégiée par les organisations
internationales (FMI), les Etats-Unis et l’Europe . Elle nécessite de faire évoluer le FMI ; aujourd’hui
les Etats-Unis sont toujours le seul pays avec une capacité à bloquer les décisions du FMI ; les pays
émergents ne sont quasi pas représentés (la Chine a le même poids que la Belgique). cette évolution du
FMI est d’autant plus une nécessité que l’on constate la mise en place d’initiatives asiatiques qui
consistant à développer régionalement des FMI bis sous influence chinoise.
La troisième possibilité a pour point de départ le paradoxe de Triffin adapté à la période
contemporaine : la capacité des Etats-Unis à fournir la liquidité mondiale va se heurter
progressivement aux besoins de l’économie mondiale (croissance des émergents) = on va donc
naturellement assister à une pénurie de dollars. En effet, pour que du dollar circule dans le monde et
assure son rôle de monnaie internationale, il faut que les Etats-Unis émettent des titres libellés en
dollar ; conséquence : l’émission de dette américaine (dette publique ou privée) détenue par des nonrésidents doit augmenter. Or, on peut penser que la capacité d’émission de dette américaine va peu à
peu être insuffisante par rapport aux besoins de l’économie mondiale, pour réaliser des échanges
commerciaux et de capitaux. Les AE vont donc chercher des solutions alternatives à cette situation de
« pénurie » mondiale de dollars. On parle de dilemme de Triffin parce que, finalement, soit les USA
sont capables d’émettre beaucoup de dollars, mais cela se fait au prix d’un endettement extérieur
croissant qui risque de devenir insoutenable ; soit les USA limitent l’émission de dette et donc de
dollar, mais à ce moment là la pénurie de dollar conduit ceux qui en ont besoin à trouver des solutions
alternatives.
Cette « pénurie » de dollar peut par ailleurs advenir à un moment de régionalisation des échanges. Or,
c’est bien ce que l’on observe depuis 2008/2010 : l’intégration mondiale a tendance à reculer au profit
d’une intégration régionale plus forte (Amérique du nord, Europe, Asie).
On assisterait donc dans un futur proche à un double mouvement : régionalisation + pénurie de dollars.
La conséquence de l’émergence de ce monde multipolaire est le développement de monnaies
concurrentes : en l’occurrence, l’euro et le yuan. Comme l’économie se régionalise, chaque région va
posséder sa devise clé.
Mais la question que l’on peut se poser est de savoir si un monde multipolaire avec 3 devises clés est
plus stable que le SMI actuel ? On peut facilement répondre négativement à cette question, car on
trouvera dans cette nouvelle configuration des problèmes tels que les guerres des monnaies, les sudden
stop, les déséquilibres financiers durables … bef, tout ce qui pose déjà problème au SMI aujourd’hui.
C’est pourquoi, un SMI fonctionnel ne peut faire l’économie d’une réforme.
La solution « optimale » préconisée par certains économistes (Aglietta, Mistral, rapport du Cepii et du
CAE) consiste à adopter une monnaie internationale qui ne soit pas une devise nationale. Cette idée
défendue en 1944 par Keynes (le bancor), dans un contexte de contrôle des mouvements de capitaux,
pourrait être relancée aujourd’hui dans un contexte de globalisation financière à partir de l’utilisation
des DTS (reprendre les éléments de cous que j’ai donné à ce sujet) émis par le FMI et qui permettrait
à ce dernier de jouer le rôle de PDR aux Etats touchés par des crises des BP.
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