Editorial Eloge de la formation continue des enseignants Le 11 novembre 2013 par Sylvie Cordesse Marot, présidente de l’APEG, pour le CA Un maître qui a vraiment conscience des responsabilités qui lui sont confiées doit prendre parti sur les choses de son époque. Il ne doit pas être le magister qui vient dire aux enfants : « j’ignore comment nous vivons, j’ignore ce que vous ferez demain. » Henri Wallon Le monde change, et avec lui les hommes et la France elle-même. Seul l’enseignement français n’a pas encore changé. Cela revient à dire qu’on apprend aux enfants de ce pays à vivre et à penser dans un monde déjà disparu. Albert Camus L Les Journées Nationales du Management se déroulent depuis 3 ans à la mi-octobre à Paris. Ces journées sont inscrites dans les rendezvous scientifiques de la DGESCO et organisées par le groupe économie et gestion de l’igen. Les rectorats doivent proposer une liste de professeurs de LEGT et LP. Les adhérents de l’APEG ont accès à ces journées en passant par l’association. Ils reçoivent une convocation de l’administration pour obtenir une dispense de cours et une couverture en cas d’accident. e management est une discipline au carrefour de nos disciplines d’enseignement.Ce qui me frappe toujours pendant les journées du management est justement la juxtaposition d’intervenants de différents horizons : dirigeants d’entreprises, chercheurs, etc. Par exemple, des chefs d’entreprise de secteurs très différents peuvent apporter des éclairages passionnants sur leurs préoccupations professionnelles. J’ai encore en mémoire Jean-Jacques Salaün, Directeur Général d’Inditex (groupe de Zara, Massimo Dutti, etc) en octobre dernier expliquant sa recherche d’un modèle économique performant et d’un modèle social positif.J’ai gardé un souvenir étonné de l’intervention de Bertrand Collomb, président d’honneur de Lafarge qui nous expliquait en 2012 la prodigieuse évolution des techniques de fabrication du béton. Ces grands témoins permettent de découvrir des cas d’entreprises de façon vivante. Une ouverture à l’esprit critique La façon de raisonner des chercheurs m’intéresse autant que les contenus. Par exemple, passer d’un angle d’analyse à l’autre De plus, ces conférences bousculent souvent des idées reçues. On peut essayer d’en donner quelques exemples bien fragmentaires. Premier exemple, Bernard Colasse (spécialiste de la normalisation comptable et de ses enjeux organisationnels, sociaux et politiques) montre que le développement de la comptabilité « la façon de raisonner des chercheurs m’intéresse autant que les contenus » sans être enfermé dans une discipline unique apparaît comme une nécessité de la recherche. Lorsqu’un expert s’exprime en développant l’objet de ses recherches, ses auditeurs ont l’impression d’être en contact avec la connaissance « en train de se fabriquer ». a toujours accompagné celui du capitalisme. Il explique que les normes comptables en vigueur ont joué un rôle dans la crise des subprimes. Il démonte l’idée que si on conçoit des normes pour les actionnaires, les autres parties prenantes s’y retrouveront. « Il ne faut pas ensei- CAHIERS ÉCONOMIE ET GESTION N°120 - DÉCEMBRE 2013 / JANVIER / FÉVRIER 2014 - PAGE 3 gner ces normes de façon Certains affirment que le soulignant les approches neutre », affirme-t-il. « On pilotage par la valeur ac- interdisciplinaires. doit décortiquer le cadre tionnariale conduit à la déFaire vivre le droit conceptuel sous-jacent ». bâcle. Il insiste sur la nécessité de Ces deux journées de ren- à la formation créer un organisme démo- contre démentent le stéréo- continue cratique rassemblant des type du management dédié Le discours officiel proexperts et des ignorants exclusivement au service clame la nécessité de la pour repenser les normes des dirigeants d’entreprise. formation tout au long de comptables dans la di- Ce champ de savoirs et de la vie. On peut lire sur le versité et la contradiction pratiques affirme une diver- site education.gouv.fr à la sité et montre des contra- rubrique « formation conticonstructive. Comme deuxième exemple, dictions. Ons’y interroge nue » : « La formation je citerai quelques élé- avec exigence et rationa- continue représente pour chaque agent un droit. ments de la conférence de lité. Blanche Segrestin, (juriste, Ce déploiement d’analyses Elle lui permet de déveprofesseure aux Mines Pa- donne une image noble de lopper ses compétences ris Tech et auteure de plu- cette discipline d’enseigne- pour exercer avec plus d’efficacité les missieurs ouvrages sur sions qui lui sont l’entreprise). A tra« la formation continue confiées1 ». vers des démonsPourreprésente pour chaque trations détaillées tant les professeurs et convaincantes, sous utilisent leurs agent un droit » elle explique que droits à formation. Par le droit des sociéexemple, le DIF (détés, comme celui fini par la circulaire n° du travail, de même que ment récente et parfois 2011-202 du 14-11-2011) les règles de gestion ne décriée qu’est le manage- accorde 20 heures de sont ni naturels, ni inva- ment. L’appétit de savoirs, droit à formation par an riants. Ils évoluent selon d’apprendre est stimulé. cumulables sur cinq ans à l’état des connaissances Cette rencontre du « savoir chaque professeur. D’autre et les normes sociales. savant » invite à question- part, il ne faut pas hésiter Pour elle, les doctrines ac- ner nos pratiques pédago- à négocier des journées tuelles de gouvernance ont giques : d’absence pour formation retourné la société ano- - Comment aborder en au sein de son établissenyme en arme de guerre classe des situations com- ment. Les proviseurs comcontre l’entreprise. L’en- plexes sans trop les simpli- prennent et souvent ils soutreprise doit redevenir un fier ? tiennent nos efforts dans ce vecteur d’innovation et de - Comment mettre les domaine. croissance économique élèves en situation de Certains disent que l’enseien même temps qu’un lieu construction critique de sa- gnant qui ne se cultive plus, de construction sociale et voirs et de compétences en doit cesser d’enseigner ! d’épanouissement person- management ? Cette formulation parait nel. Cette expérience que j’ai bien excessive mais nous Au cours de leur confé- la chance d’avoir pu re- sommes convaincus de la rence, de nombreux in- nouveler depuis trois ans nécessité de multiplier les tervenants condamnent me conforte dans mes ouvertures sur la recherche, pédagogiques les rencontres avec les prala vision court termiste de stratégies l’entreprise. De plus, ils dé- en classe : j’essaie d’y in- ticiens et les contacts avec montrent qu’il n’y a pas de tervenir de façon courte, le monde professionnel, projet compatible entre les claire, savante et sur des économique et juridique. actionnaires et les salariés. « nœuds » de savoirs en Pour cela, L’APEG a de- mandé à l’Inspection Générale d’être partenaire des Journées du management. Elle l’est déjà des Journées de l’économie de Lyon. Elle organise ses propres Journées Pédagogiques où on allie réflexion sur la théorie et sur les pratiques en classe. Avec l’AEEE (association européenne de l’enseignement de l’économie), elle met en pratique la même démarche pour préparer « The 20th EuropeanEconomics Education Conference” les 27, 28, 29 août 2014 à Aix-en-Provence. Nos projets sont riches et multiples : nous souhaitons travailler plus largement à l’international, développer des partenariats pour bénéficier de subventions, créer un nouveau site plus interactif avec blogs et forums… Nous envisageons d’ouvrir l’adhésion aux professeurs du LP. Pour cela, nous avons besoin d’adhérents toujours plus nombreux et d’un CA renforcé. Notre conseil d’administration a réalisé un travail formidable cette année, en particulier avec l’organisation des journées d’Evreux (merci infiniment Annie), la rénovation du site grâce aux efforts incessants de Malika. Les journées de l’AEEE se préparent avec Isabelle et Richard. Nous pouvons encore être plus nombreux au CA pour répondre toujours davantage aux besoins. N’hésitez pas à nous y rejoindre. S.C.M. 1. http://www.education.gouv.fr/cid1104/la-formation-continue-pour-les-personnels-du-ministere.html CAHIERS ÉCONOMIE ET GESTION N°120 - DÉCEMBRE 2013 / JANVIER / FÉVRIER 2014 - PAGE 4