Le 22 mai 2013
Lettre ouverte
à Vincent Peillon, ministre de l’Education Nationale,
aux présidents de l’APSES
aux chercheurs et universitaires signataires de l’appel de
l’APSES
Objet :
La demande de la suppression de PFEG en seconde par les
présidents de l’APSES fait outrage aux formations technologiques.
L’APEG s’associe pleinement à la demande de l’APSES d’enseigner l’économie deux heures par
semaine en seconde avec des moyens de dédoublement pour tous les lycées parce qu’il est
essentiel que la culture économique des Français progresse.
Actuellement, deux approches se partagent l’enseignement de l’économie en seconde : SES (sciences
économiques et sociales enseignée par les professeurs du même nom et alliant économie et
sociologie) et PFEG (principes fondamentaux d’économie et gestion alliant une approche des
organisations dans un cadre économique plus général). Ces enseignements ont un caractère
exploratoire ce qui donne une grande liberté aux enseignants et aux élèves pour organiser des
travaux de recherche, des visites à l’extérieur des établissements, des rencontres avec des
personnalités, etc. D’ailleurs dans de nombreux lycées, les professeurs de SES et d’économie et
gestion travaillent ensemble sereinement en initiant tous les lycéens aux deux approches ce qui leur
donne une vision plus riche de l’économie et permet une orientation plus éclairée en fin d’année.
Or dans une lettre ouverte au Ministre publiée dans Le Monde du 17 mai 2013 et soutenue par près
de trente experts, les présidents de l’APSES demandent que PFEG soit purement et simplement et
définitivement rayé de la carte de l’enseignement en seconde de façon à ce que SES ait le
monopole de l’enseignement de l’économie dans cette classe. Ils voudraient aussi que cette
discipline perde son caractère exploratoire, qu’on y introduise des notes ce qui lui donnerait un « vrai
statut » et éviterait « que les élèves zappent la matière ». Les professeurs de SES seraient ainsi en
situation de contrôler davantage la sélection vers leur filière.
L’APEG s’étonne que les présidents d’une association de collègues se permettent de nier le
caractère formateur de l’enseignement de PFEG et la qualité du travail qui y est réalisé. Est-il
tolérable qu’ils jouent la carte de la mise en concurrence des enseignements et des professeurs en
s’appuyant sur leur domination numérique au niveau seconde ? Pensent-ils être dans une situation
de marché ?
Plus surprenant encore : près de trente personnalités, chercheurs en sciences de l’Education
engagés dans la voie de la démocratisation du système scolaire, sociologues qui mettent en évidence
les dérives des sélections sociales dans le système éducatif, économistes, professeurs d’Université,
anthropologues, chercheurs au CNRS semblent soutenir cette démarche. L’APEG ne comprend pas
comment des experts, engagés par ailleurs sur des positions pour une société moins ségrégative
cautionnent la mise à l’index d’une discipline technologique et donc des élèves qui ont choisi cet
enseignement et des professeurs d’économie et gestion qui le font vivre. PFEG est tout aussi
intéressant que SES : il offre une approche complémentaire et il utilise beaucoup la pédagogie du
projet porteuse de sens pour les élèves. Ces personnalités prennent ainsi le risque de dévaloriser une
filière qui joue un rôle essentiel dans la démocratisation de l’enseignement en scolarisant plus que
les autres les élèves des classes populaires. Comment tolérer et soutenir ainsi la proposition
d’évacuer complétement l’économie et gestion des formations générales ?
Pourquoi approuver un texte qui affirme que les jeunes choisissent une matière « par goût » alors
que dans leurs propres écrits certains montrent que les lycéens cherchent à optimiser leurs parcours
scolaire en allant (parfois contre leur goût justement) vers les orientations les plus générales ?
D’ailleurs pourquoi faudrait-il des notes en SES si les élèves sont tellement enthousiastes pour ces
cours ? Les professeurs enseignant en PFEG n’ont pas cette demande ! Alors qui faut-il soutenir ?
Celui qui a besoin de mettre les jeunes sous la pression des notes et de la menace de l’orientation
pour les mettre au travail, se place en concurrence avec une autre discipline en demandant au
ministre de l’éliminer ou celui qui travaille en projets, organise ateliers, conférences, visites, et met
les lycéens en situation de recherche !
L’APEG affirme que toutes les disciplines ont la même dignité et qu’elles présentent un intérêt
équivalent pour les lycéens. L’enseignement technologique est aussi formateur que l’enseignement
général. Il faut en finir avec la vision stéréotypée d’une discipline générale (les SES) qui ouvrirait à des
vérités critiques et d’une discipline technologique (PFEG ou plus généralement économie gestion) qui
fermerait les consciences et dociliserait les esprits.
De plus, il est clair pour la société que les jeunes n’ont pas assez accès à la découverte des
organisations. Or, en 2nde PFEG comme en première et terminale STMG, on analyse avec une
approche scientifique et un esprit critique les rouages de toutes les organisations : celles de
l’économie sociale et solidaire, des associations, des administrations et aussi des firmes privées
petites ou grandes. Le management comme les sciences de gestion sont mis en perspective par
l’étude de l’économie et du droit qui donnent du recul aux enseignements technologiques. Il ne faut
pas croire qu’on y chante les louanges de l’entreprise capitaliste. Il est clair que les professeurs
d’économie et gestion cherchent à progresser pour enseigner de façon plus créative et plus critique.
Les programmes scolaires peuvent être plus ouverts et plus formateurs. Mais c’est bien le cas de tous
les enseignants et de toutes les disciplines, et les SES ne font pas exception !
L’APEG refuse de rentrer dans ces pratiques malsaines de compétition entre enseignants. Elle
considère que l’initiation à l’économie doit évidemment aborder les questions sociologiques mais
aussi apporter des notions de gestion, de management, de droit du travail. En fusionnant PFEG et
SES en classe de seconde on montrerait à tous qu’il n’y a pas un enseignement noble de l’économie
et un plus vulgaire. D’ailleurs, tous deux abordent aussi bien des notions de base comme la « dette
publique ou le déficit commercial ». L’APEG cherche à sensibiliser l’opinion à la stupidité de la
hiérarchie des filières et à son injustice pour la faire reculer. Un seul enseignement en économie en
seconde, largement interdisciplinaire ouvrirait la voie à une orientation éclairée en première et
plus seulement une orientation par l’échec. C’est ce que souhaite la plupart des professeurs
enseignant l’économie dans les lycées que ce soit en SES ou en économie et gestion.
Sylvie Cordesse Marot
Présidente APEG
Pour le CA
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