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IMMUNOANALYSE EN TOXICOLOGIE : UNE BONNE CONNAISSANCE DES LIMITES
S'IMPOSE.
A. Turcant, A. Le Bouil, A. Cailleux, Y. Mauras, B. Diquet
Service de Pharmacologie-Toxicologie, CHU ANGERS 49933
L'analyse toxicologique repose, souvent dans un premier temps, sur l'immunoanalyse qu'elle soit de type
immunochimie ou immunochromatographie. Ces techniques, faciles à utiliser, quelquefois même au lit du
malade, correspondent à des dépistages par famille chimique de médicaments (antidépresseurs tricycliques,
benzodiazépines) ou de substances stupéfiantes licites ou illicites (opiacés, cannabinoïdes, cocaine,
amphétamines, …). Apparemment simples, elles sont cependant complexes dans leur principe et nécessitent
une très bonne connaissance du réactif proposé pour interpréter correctement le résultat. Celui-ci est obtenu
sous forme qualitative (négatif, positif) ou quelquefois semi-quantitative. En effet, aussi bien pour les tests
sanguins que urinaires, le risque d'interprétation erronée est loin d'être négligeable.
La notion de seuil de positivité correspond soit à une limite technique soit à une limite fixée par le
biologiste soit à une limite académique admise. Classiquement, les seuils dans l'urine pour les opiacés ou la
cocaine sont de 300 µg/L, pour le cannabis de 50 µg/L pour les amphétamines de 1000 µg/L ou encore pour
les benzodiazépines de 100 µg/L. Ces valeurs peuvent être abaissées, pour certains tests, à 200 µg/L (opiacés)
ou 500 µg/L (amphétamines). Pour certaines molécules comme les benzodiazépines faiblement dosées
(alprazolam, flunitrazépam, clonazépam), les concentrations circulantes, thérapeutiques ou toxiques, peuvent
être inférieures à ce seuil. De plus, la réponse au test n'est pas la même en fonction des molécules d'une même
famille en raison d'une réactivité croisée souvent partielle. Ainsi le bromazépam, même à 300 µg/L, est
rarement détecté dans le sang comme dans l'urine. Pour les antidépresseurs tricycliques, la clomipramine et la
miansérine présentent des réactivités respectivement voisines de 50% et 10% par rapport la molécule de
référence (Imipramine, test FPIA). Les ecstasy (MDMA, MDEA, ..) peuvent également présenter des réponses
très partielles au test amphétamines. Un test peut donc se révéler négatif malgré une concentration réelle
supérieure au seuil utilisé qui n'est représentatif que de la molécule de référence et non de la ou des molécules
effectivement présentes. Une réponse négative n'est donc pas absolue ("faux-négatif") et doit être assortie de
précautions.
Certaines molécules, chimiquement voisines mais appartenant à des classes thérapeutiques différentes,
peuvent générer un signal et conduire à un "faux-positif". Des substances comme l'heptaminol, le benfluorex
ou l'ofloxacine peuvent positiver plusieurs tests d'amphétamines. L'acide niflumique constitue une
interférence analytique pour le cannabis avec les tests d'immunochromatographie. Certaines phénothiazines ou
la carbamazépine positivent les tests antidépresseurs tricycliques.
Enfin, le résultat positif, qualitatif ou semi-quantitatif, ne représente nullement un index de gravité en
raison des différences d'une part de réactivité au test, ou d'autre part d'activité pharmacodynamique des
molécules ou encore de la fréquence non négligeable des polyintoxications avec des molécules de même
famille (benzodiazépines). Aucun test n'échappe à ces risques.
Il est donc primordial, pour les biologistes et pour les cliniciens, de connaître les limites de ces
approches rapides, utilisables dans la plupart des centres hospitaliers. Elles doivent être infirmées ou
confirmées par d'autres méthodes telle la chromatographie dans de nombreuses situations, notamment médico-
légales, ou utilisées avec extrême prudence, voire proscrites car insuffisantes, dans les suspicions de
soumission chimique.