Espaces de fonctions. Exemples et applications. Par Nicolas Lanchier 1 1. L’espace L(E, F ) des applications linéaires. Proposition 1.1 Soit f ∈ L(E, F ). Alors les conditions suivantes sont équivalentes : 1. f est continue sur E. 2. f est continue en 0. 3. Il existe une constante M > 0 telle que ||f (x)||F ≤ M || x ||E pour tout x ∈ E. 4. f est lipschitzienne. [3], Sect. 1.5 Preuve. Supposons 2. Il existe η > 0 tel que ||f (x)||F = ||f (x) − f (0)||F ≤ 1 ∀ x ∈ BE (0, η). Comme η x/ 2 || x ||E ∈ BE (0, η) pour tout x 6= 0, le point 3 est vérifié pour M = 2/η. Le point 4 résulte alors de la linéarité de f . Les implications 4 ⇒ 1 et 1 ⇒ 2 sont triviales. Proposition 1.2 Si F est un espace de Banach alors l’espace L(E, F ) des applications linéaires continues de E dans F est un espace de Banach. [3], Sect. 1.5 Théorème 1.3 (Banach-Steinhaüs) Soient E un espace de Banach, F un espace vectoriel normé et (Ti )i∈I une famille d’applications linéaires continues de E dans F . Alors on a l’alternative suivante : 1. Soit supi∈I || Ti || < +∞. 2. Soit supi∈I || Ti (x)|| = +∞ pour tout x dans un Gδ dense dans E. [4], Sect. 5.2 Théorème 1.4 (théorème de l’application ouverte) Soient E et F deux espaces de Banach, et soit T ∈ L(E, F ) surjective. Alors il existe C > 0 tel que BF (0, C) ⊂ T (BE (0, 1)). En particulier, l’application linéaire T est une application ouverte. [1], Sect. 2.3 Théorème 1.5 (Banach) Soient E et F deux espaces de Banach et T : E −→ F une application linéaire continue et bijective. Alors T est un homéomorphisme. [1], Sect. 2.3 Théorème 1.6 (théorème du graphe fermé) Soient E et F deux espaces de Banach. Une application T ∈ L(E, F ) est continue si et seulement si son graphe est fermé dans E × F . 2. L’espace C(X, Y ) des fonctions continues. Proposition 2.1 Si X est un espace compact alors l’espace vectoriel C(X, R) des fonctions continues sur X à valeurs réelles est un espace de Banach. Proposition 2.2 L’ensemble des fonctions continues sur [0, 1] nulle part dérivables est dense dans l’espace des fonctions continues. [3], annexe A Théorème 2.3 (Weierstrass) L’espace des polynômes est dense dans l’espace des fonctions continues définies sur [0, 1] à valeurs dans C. [3], Sect. 4.6 1 Tout usage commercial, en partie ou en totalité, de ce document est soumis à l’autorisation explicite de l’auteur. Théorème 2.4 Pour tout a > 1, notons fa la fonction fa : [0, 1] −→ R fa (x) = 1 x−a x ∈ [0, 1]. Soit (an )n∈N une suite de réels strictement supérieurs à 1 et de limite +∞. Alors le sous-espace vectoriel V engendré par les fonctions fan , n ≥ 0, est dense dans C([0, 1], R). [2], Sect. 2.1 Preuve. Notons tout d’abord qu’un sous-espace F est dense dans C([0, 1], R) si et seulement si toute forme linéaire µ définie sur C([0, 1], R) nulle sur F est l’application nulle. La condition nécessaire est triviale, la condition suffisante étant une conséquence de la version géométrique du théorème de Hahn-Banach. L’idée est de montrer que si µ est nulle sur V alors µ est nulle sur le sous-espace dense des polynômes. Considérons pour cela la fonction X φ(z) = hµ, θk i z k avec θk (x) = xk , x ∈ [0, 1]. k≥0 Puisque (hµ, θk i)k∈N est borné par la norme de µ, la fonction φ est holomorphe sur le disque unité ouvert. Par ailleurs, en utilisant la continuité de µ et le fait que an > 1, on obtient E D X X 1 −k hµ, fan i = 0, = − hµ, θk i a−k = µ, a θ k n n an k≥0 k≥0 de sorte que φ(1/an ) = 0. En particulier, 0 est un point d’accumulation de l’ensemble des zéros de φ. D’après le principe des zéros isolés, φ ≡ 0 donc hµ, θk i = 0 pour tout k ≥ 0. Il est facile d’en déduire que µ est nulle sur le sous-espace des fonctions polynômiales. Définition 2.5 Soient (X, dX ) et (Y, dY ) deux espaces métriques. Une partie F ⊂ C(X, Y ) est dite équicontinue si pour tout ε > 0, il existe η > 0 tel que ∀ f ∈ F, ∀ x, y ∈ X, dX (x, y) < η =⇒ dY (f (x), f (y)) < ε. Théorème 2.6 (Ascoli) Soient X et Y deux espaces métriques compacts. Une partie F de l’espace vectoriel C(X, Y ) est équicontinue si et seulement si F est relativement compacte pour la topologie de la convergence uniforme. [5], Sect. 5.3 Théorème 2.7 Soit V un sous-espace fermé de C([0, 1], R), espace vectoriel des fonctions continues de [0, 1] dans R. 1. Si toute application f ∈ V est de classe C 1 alors V est de dimension finie. 2. Si tout f ∈ V est höldérienne, i.e. il existe α > 0 et C > 0 tels que |f (x) − f (y)| ≤ C |x − y|α ∀ x, y ∈ [0, 1], alors V est de dimension finie. [2], Sect. 2.4 Preuve. Il s’agit, dans les deux cas, d’une application du théorème de Riesz. En particulier, il suffit de montrer que la boule unité de V , que l’on notera B, est compacte. 1. L’idée est de démontrer que l’opérateur de dérivation D : V −→ C([0, 1], R) est continu. Tout d’abord, étant donnée une suite (fn )n∈N ⊂ V convergeant (uniformément) vers 0 et telle que D(fn ) converge, une simple application du théorème de dérivation des suites de fonctions implique que la suite D(fn ) = fn′ converge vers la fonction nulle. Ceci prouve que le graphe de D est fermé. Comme par ailleurs D est une application linéaire et que, munis de la norme uniforme, les espaces vectoriels V et C([0, 1], R) sont des espaces de Banach, il résulte du théorème du graphe fermé que D est continu. En particulier, il existe une constante C > 0 telle que ||D(f )||∞ ≤ C ||f ||∞ pour tout f ∈ V. D’après le théorème des accroissements finis, pour tout f ∈ B et tous x, y ∈ [0, 1], |f (x) − f (y)| ≤ sup |f ′ (z)| · |x − y| ≤ C |x − y| z∈[0,1] donc les éléments de B forment une famille équicontinue. Enfin, le théorème d’Ascoli permet d’en déduire que B est compacte. 2. Pour étendre le résultat au cas des fonctions höldériennes, l’astuce est maintenant d’appliquer le théorème de Baire à la suite o n Fn = f ∈ V : ∀ x, y ∈ [0, 1], |f (x) − f (y)| ≤ n |x − y|1/n , le but étant de montrer que, pour n assez grand, Fn est d’intérieur non vide. Soit f ∈ V vérifiant la condition de Hölder de l’énoncé. Pour n ≥ max(α−1 , C), on a f ∈ Fn de sorte que V = ∞ [ Fn . n=1 Par ailleurs, Fn est fermé dans V pour tout n ≥ 1. En particulier, le théorème de Baire implique que Fn0 est d’intérieur non vide pour un n0 suffisamment grand. Il existe donc un réel ε > 0 et une fonction f0 ∈ V tels que B̄(f0 , ε) ⊂ Fn0 . Soit f ∈ B. En utilisant le fait que f0 + εf ∈ Fn0 , il est facile de montrer que |f (x) − f (y)| ≤ n0 |x − y|1/n0 + ε−1 |f0 (x) − f0 (y)| ≤ (1 + 1/ε) n0 |x − y|1/n0 . L’inégalité étant valable pour tout f ∈ B, il en résulte que B est équicontinue donc compacte d’après le théorème d’Ascoli. 3. L’espace Lp (Ω), 1 ≤ p ≤ ∞. Théorème 3.1 (Riesz-Fischer) Pour tout espace mesuré (Ω, F, µ) et tout 1 ≤ p ≤ ∞, Lp (Ω) est un espace de Banach. [1], Sect. 4.2 Théorème 3.2 (théorème de représentation de Riesz) Soit H un espace de Hilbert. Pour tout a ∈ H, notons fa la forme linéaire fa (x) = ha, xi, x ∈ H. Alors l’application ϕ : H −→ H ′ ϕ(a) = fa est un isomorphisme. [3], Sect. B.1 Théorème 3.3 Soit Ω un ouvert de RN . Alors l’espace Cc∞ (Ω) des fonctions C ∞ à support compact est dense dans Lp (Ω) pour 1 ≤ p < ∞. [1], Sect. 4.4 Théorème 3.4 (Riesz-Frechet-Kolmogorov) Soit Ω un ouvert de Rn , ω ⊂ Ω une partie compacte de Ω et F un sous-ensemble borné de Lp (Ω), 1 ≤ p < ∞. Si ∀ ε > 0, ∃η>0: ||τh f − f ||Lp (Ω) < ε ∀ |h| < η et f ∈ F alors F est relativement compact dans Lp (ω). [1], Sect. 4.5 Références [1] Haı̈m Brézis. Analyse fonctionnelle. Théorie et applications. Dunod, 1999. [2] Stéphane Gonnord, Nicolas Tosel. Thèmes d’analyse pour l’agrégation. Topologie et analyse fonctionnelle. Ellipses, 1996. [3] Xavier Gourdon. Les maths en tête. Analyse. Ellipses, 1994. [4] Walter Rudin. Analyse réelle et complexe. Masson, 1995. [5] Claude Zuily, Hervé Queffélec. Eléments d’analyse pour l’agrégation. Masson, 1995.