3.3 La Troisième République (1870-1940)
3.3.1 Contexte politique
3.3.1.1 La fin du Second Empire
La IIIe République succède au Second Empire après la défaite française de Sedan. La
Troisième République marque le début d’une période de stabilité constitutionnelle après
l’alternance politique qui a succédé à l’Ancien Régime. Avant 1870, aucun régime ne dure
plus de quinze ou dix-huit ans : après 1870, un seul régime va se maintenir pendant soixante-
dix ans. (Maurice Duverger p74) L’effondrement du Second Empire à la suite de la défaite
militaire française contre la Prusse marque l’aboutissement de la politique extérieure de
l’empereur. Cette politique est caractérisée par une ambition messianique et nationaliste : un
remaniement de l’Europe selon le principe des nationalités qui effacerait l’Europe des traités
de 1815 (Serge Berstein, Pierre Milza). La politique de Napoléon III consiste à venir en aide
à tout gouvernement qui au nom du principe des nationalités cherche à s’affranchir des
dominations étrangères. Le projet européen de l’empereur est d’être l’instigateur et chef de
file d’une Europe des nationalités. La guerre conduite en Italie contre l’Autriche (1859-1860)
en est un exemple. Cette politique extérieure parfois empreinte de naïveté amène Napoléon
III à soutenir la Prusse de Bismarck contre l’Autriche. Or, la Prusse achèvera son unité par la
victoire contre la France. La déclaration de guerre de 1870 se soldera par la capitulation et
l’abdication de Napoléon III.
Après avoir prononcé la déchéance de la dynastie, Le 4 septembre 1870 à Paris, les députés
républicains constituent un gouvernement provisoire de Défense nationale. Selon l’une des
clauses de la convention d’armistice signée entre Bismarck et le gouvernement provisoire, des
élections sont organisées pour doter le pays d’une Assemblée représentative de l’opinion
publique car Bismarck se refuse à signer la paix avec un gouvernement sans assise légale.
3.3.1.2 L’élection de l’Assemblée nationale (8 février 1871)
Les élections de 1871 amène la victoires des monarchistes qui on en commun le souci de
rétablir la paix et l’ordre tandis que les républicains sont divisés entre modérés (qui prônent
la paix) et intransigeants (qui veulent continuer la guerre et instaurer une dictature jacobine).
Cette Assemblée à majorité monarchiste élit Adolf Thiers (orléaniste) chef de l’exécutif qui
s’engage à respecter le « Pacte de Bordeaux » qui lui impose de ne pas prendre position sur le
régime futur de la France pour préserver une unité nationale indispensable au rétablissement
de la France après la défaite. Cette unité va néanmoins être compromise par la Commune.
3.3.1.3 La Commune
L’insurrection de la Commune est liée au siège de Paris par l’armée prussienne. Les
négociations avec Bismarck aboutissent à l’annexion de l’Alsace et du nord de la Lorraine.
Belfort reste français contre l’entrée temporaire des Prussiens en à Paris. La signature de
l’armistice (28 janvier 1871) et l’entrée des Prussiens à Paris sont perçues par bon nombre de
Parisiens comme une trahison due à la nouvelle Assemblée à majorité monarchiste et au chef
de l’État. A ce désaccord profond quant à l’attitude à adopter face à l’envahisseur prussien,
s’ajoute un certain nombre de causes qui vont mener à la Commune et au soulèvement des
communeux.
3.3.1.3.1 Les causes de la Commune
Elles sont nombreuses et complexes. Parmi les facteurs qui expliquent le soulèvement de la
commune, on peut avancer :
La situation de Paris.
Paris capitale politique est de ce fait aussi la ville révolutionnaire par excellence.
Sociologiquement et politiquement, on constate au moment de la Commune un
changement : Une partie des Parisiens aisés a quitté la ville avant le siège ou après
l’armistice La population est donc à majorité constituée par les couches plus modestes
(petite bourgeoisie, artisans, ouvriers, etc.). De plus les parisiens sont politisés : une
profusion de clubs, de journaux, de brochures a entretenu un esprit révolutionnaire (la
conduite de la guerre, la capitulation sont jugées sévèrement) et on constate une
polarisation vers la gauche et l’extrême gauche. Les Parisiens avaient envoyé, à
l’Assemblée nationale élue en 1871, 37 députés d’extrême gauche sur 43
représentants. De plus Paris a particulièrement souffert des rigueurs de siège de la
capitale tout en faisant preuve d’un esprit de résistance nourri par l’illusion d’une
victoire possible contre la patrie en danger (Cf. la Révolution). Frustrés et se sentant
trahis, les parisiens dispose d’un important arsenal d’armes (armes enlevés au
Allemands).
L’attitude de l’Assemblée Nationale
Entre Paris et l’assemblée Nationale, on constate un clivage politique entre
provinciaux pacifistes et conservateurs et citadins révolutionnaires. Obligée de se
réunir à Bordeaux du fait du siège de Paris, elle décide de siéger dorénavant à
Versailles. Paris se sent « décapitalisé ». Elle prend des mesures économiques qui
obèrent un peu plus les classes modestes (suppression de la solde pour les militaires,
fin du moratoire sur les loyers).
L’attitude de Thiers (chef de l’exécutif)
Il tente de désarmer les parisiens (tentative de reprendre les canons acquis par
souscription populaire et situés sur la butte Montmartre). Cette tentative suscite le
début de l’insurrection. Malgl’avis de ses ministres et celui des maires de Paris qui
voudraient s’entremettre, il isole Paris laisse l’émeute se développer pour mieux
l’écraser. Le gouvernement et les troupes attendent à Versailles le moment propice
pour reprendre Paris.
3.3.1.3.2 L’œuvre politique de la Commune
Les parisiens élisent le 26 mars un Conseil général mais ce Conseil n’est qu’en partie
représentatif car la moitié seulement des électeurs votent. Sur 86 députés, les modérés
n’obtiennent que 15 sièges et ne viendront du reste pas siéger. C’est la victoire des socialistes
d’extrême-gauche, toutes tendances confondues.
Les mesures prises par la Commune sont peu nombreuses et de courte durée. Elles reflètent la
lutte révolutionnaire des communeux au-delà de toutes les nombreuses divergences politiques
contre la bourgeoisie et l’Église (conflit des deux France) :
séparation de l’église et de l’état
laïcisation des écoles publiques
projet d’enseignement primaire gratuit et obligatoire
Contrairement à la Révolution de 1789, l’insurrection restera cantonnée à Paris (quelques
révoltes à Marseille, Saint Etienne, Le Creusot, Limoges, Lyon seront rapidement réprimées)
Thiers confie le commandement d’une expédition punitive à Mac-Mahon.
3.3.1.3.3 La fin de la commune
La commune sera écrasée par les « Versaillais ». La répression sera impitoyable. Pour
Maurice Duverger (Les Constitutions de la France p75) il s’agit du « plus grand massacre
civil du XIX » (20 000 à 30 000 Parisiens seront exécutés sommairement par les Versaillais).
Après l’écrasement de la Commune, le mouvement ouvrier ainsi qu’une fraction de la gauche
seront affaiblis pour des années. L’écrasement de la commune et la condamnation du
mouvement par des républicains comme Gambetta marque une rupture entre républicains et
communeux. Le mouvement socialiste retrouvera néanmoins son essor avec la poussé
républicaine de 1879. La Commune sera interprétée de diverses façons suivant le
positionnement idéologique de ses commentateurs. Pour Marx, elle est le premier exemple
d’un gouvernement du prolétariat (Adresse à la Commune 31 mai 1871). Cette interprétation
est contestée par certains historiens.
3.3.2 Les débuts de la IIIe République (1871-1879)
3.3.2.1 Le gouvernement de Thiers (1871-1873)
Le gouvernement de Thiers, après l’écrasement de la commune et d’une partie de la gauche,
se concentre sur le relèvement de la France après la défaite. Thiers se considère Comme
président de la République. La loi Rivet (31 août 1871) lui en reconnaît les pouvoirs, mais ses
pouvoirs sont placés sous l’autorité de l’Assemblée qui se pérennnise malgré les Républicains
qui demandent sa dissolution. Les députés royalistes voient en effet dans la République un
régime transitoire et misent sur le temps pour rétablir la monarchie. Thiers a donc le soutien
des différents partis qui lui sont reconnaissants d’avoir réglé le problème de la Commune et
de gouverner dans l’esprit du pacte de Bordeaux. Son ministère reflète l’esprit de ce pacte
avec trois républicains, deux orléanistes et trois légitimistes. Le Gouvernement de Thiers va
procéder à la reconstruction nationale par :
La libération du territoire
Paiement de la dette de guerre (5 milliards) par des paiements anticipés. Le 18 septembre
1875, le territoire est libéré m
ais l’Alsace et la Lorraine sont cédées à l’Allemagne.
La réorganisation financière
Thiers a recours à l’emprunt puis aux impôts indirects (droits sur le tabac, les allumettes,
le sucre et l’alcool, augmentation du prix des timbres postes) ainsi qu’à l’augmentation
des droits de douane pour gler les dettes de guerre. Il mène une politique conservatrice
et s’oppose aux propositions novatrices qui émanent tant des républicains que de certains
monarchistes. Il se refuse donc à effectuer des réformes fiscales en profondeur (impôt sur
le revenu) en vue d’une répartition plus juste des charges. Thiers refuse toute réforme
susceptible d’inquiéter les possédants. Il est, comme le montre du reste son œuvre de
réorganisation administrative, le représentant de la classe moyenne possédante.
La réorganisation administrative
aussi Thiers applique une politique conservatrice. Il s’oppose à la décentralisation
souhaitée par l’Assemblée. Il défend le droit du gouvernement à nommer les maires des
chefs lieux d’arrondissements et des villes de plus de 20 000 habitants. L’élection des
maires par le conseil municipal élu au suffrage universel ne peut se faire que dans les
villages. L’autorité des préfets contre les conseils généraux est maintenue. Toutefois, les
conseils généraux élus au suffrage universel obtiennent le droit de désigner leur président
et de former une commission permanente (Loi du 29 août 1871).
La réorganisation militaire
La politique de Thiers est aussi conservatrice. Il refuse l’armée nationale, le service
militaire universel court au profit de l’armée de métier et du remplacement par tirage au
sort. (1 an de service pour les bons numéros, 5ans pour les mauvais) ; les fonctionnaires,
les ecclésiastiques en sont dispensés; les bacheliers qui paient leur équipement ne font
qu’un an. Les intérêts de la bourgeoisie sont sauvegardés. Thiers se rapproche de plus en
plus des républicains modérés qui condamnent la Commune. Il voit dans l’alliance avec
les républicains la possibilité d’instaurer une République conservatrice. Ce
positionnement politique est cependant interprété comme une trahison par les royalistes
qui vont désormais œuvrer contre Thiers.
Une Bataille s’engage entre l’Assemblée et Thiers. Elle s’articule en plusieurs étapes :
la limitation des pouvoirs de Thiers (il ne pourra communiquer avec l’Assemblée
que s’il en a fait la demande et que par des messages)
un ordre du jour voté à la majorité des voix blâme le ministère de Thiers.
Thiers donne sa démission.
Le maréchal de Mac-Mahon est élu, le soir même président de la République.
3.3.2.2 L’ « ordre moral » et l’échec de la restauration
Mac-Mahon confie le gouvernement à l’orléaniste de Broglie qui impose « l’ordre moral ».
L’ « ordre moral », c’est une politique restauratrice qui s’appuie sur l’armée, les notables et
surtout l’Église catholique. Ce gouvernement va prendre de nombreuses mesures
conservatrices et antirépublicaines qui ont pour but de préparer la restauration de la
monarchie :
la liberté de la presse est réduite
les fonctionnaires (préfets, instituteurs etc.) suspectés d’être républicains sont remplacés
par des monarchistes
le catholicisme et une intense activité religieuse sont encouragés par le gouvernement
construction du Sacré-Cœur de Montmartre, pèlerinages (Lourdes), presse catholique
militante etc.
augmentation du budget des cultes
progrès de l’enseignement libre qui obtient en 1875 la liberté de l’enseignement supérieur.
Néanmoins en dépit des moyens mis en œuvre pour restaurer la monarchie et en dépit d’une
union entre légitimistes et orléanistes, la restauration échoue en raison du refus du Comte de
Chambord (prétendant au trône) d’accepter le drapeau tricolore et la monarchie
constitutionnelle. Le mandat présidentiel (loi du septennat) est fixé à sept ans. Mac-Mahon
doit porter le titre de Président de la République pendant sept ans. Les monarchistes espèrent
ainsi gagner du temps.
3.3.2.3 La poussée républicaine et les lois constitutionnelles
La poussée républicaine va se manifester par le vote de lois constitutionnelles de 1875 et par
la crise du 16 mai 1877.
La poussée républicaine est d’abord favorisée par la chute du gouvernement
monarchiste qui avait remplacé Thiers à travers l’alliance des légitimistes et de
l’extrême-gauche. Ce jeu des alliances amène un rapprochement entre le centre droit,
orléaniste, et le centre gauche qui conduit à la République. Les républicains gagnent
du terrain et peu à peu la République s’organise. Une Commission de trente membres
est nommée pour organiser les institutions du régime. Un député, Wallon, fait voter en
janvier 1875 à une voix de majorité un amendement qui qualifie le régime de
République.
Après l’amendement Wallon, les lois constitutionnelles des 24 et 25 février 1875 sont
votées. Une nouvelle Commission des Trente, en majorité républicaine est nommée
pour préparer une loi complémentaire sur les rapports des services publics. Le projet
devient la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875. Il n’y a pas donc une Constitution de
1875 au sens strict du mot car les trois lois précédentes n’ont jamais fait l’objet d’un
texte d’ensemble. La République, fruit de compromis et d’alliances politiques
diverses, entre en jeu sans tambour ni trompette.
La Constitution de 1875 est caractérisée tout d’abord par le bicamérisme :
Le pouvoir législatif est exercé par deux Chambres : la Chambre des députés et le
Sénat.
§ Les députés sont élus pour quatre ans, au suffrage universel.
§ Les sénateurs (75 d’entre eux sont inamovibles et 225 sont élus pour neuf ans par
un collège électoral à majorité rurale et donc conservateur).
Les deux chambres ont les mêmes pouvoirs « initiative et confection des lois ». (Duverger
p79)
Le pouvoir exécutif appartient à un président de la République élu pour sept ans et
rééligible indéfiniment, doté de larges pouvoirs (nomination des ministres et des
fonctionnaires, chef de la force armée, initiative des lois etc. et surtout droit de
dissoudre la Chambre des députés après avis conforme du Sénat). Mais ce pouvoir est
néanmoins restreint, car il est élu par les deux chambres réunies en Assemblée
nationale (ce qui le met en position d’infériorité par rapport au deux assemblées) et de
plus, il est irresponsable devant le parlement. Ce qui signifie que chaque décision du
président doit être contresignée par un ministre. Même la dissolution est soumise au
contreseing d’un ministre (Duverger p79-80).
Après l’élection du Sénat le 30 janvier 1876 et celles de la Chambre des Députés le 20 février,
le nouveau régime est en place dès le 8 mars 1876. Il va cependant débuter par une crise qui
aboutira à la victoire des républicains.
La crise du 16 mai 1877 résulte d’un conflit politique entre la Chambre des députés à majorité
républicaine et le président partisan de l’ « ordre moral ». Les républicains à la Chambre font
pression sur le gouvernement et condamne la politique cléricale de l’Assemblée Nationale. Ils
obtiennent le départ du chef du gouvernement et pousse son successeur à mener une politique
de confrontation anticléricale. La réaction du parti de l’ « ordre » ne se fait pas attendre. Le
chef du gouvernement, démissionne à la suite des critiques de Mac Mahon (lettre de blâme)
puis un « ministère de combat » (l’époque contemporaine Hatier p352) procède à
l’ajournement puis à la dissolution de la Chambre des putés. Après une âpre campagne
électorale, les républicains l’emportent (avec 120 voix de majorité) et Mac Mahon devra se
« soumettre » avant de se « démettre » un an plus tard avec la victoire des républicains aux
élections partielles du Sénat en janvier 1879.
La Crise du 16 mai 1877 entraîne un changement sociopolitique et institutionnel notable :
la crise met en lumière l’opposition entre deux groupes: d’un côté, l’Église et les
monarchistes ; de l’autre les républicains démocrates et anticléricaux (« Le
cléricalisme, voilà l’ennemi » Gambetta).
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