La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VI - mai-juin 2003
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DOSSIER THÉMATIQUE
consommation journalière de 100 g d’alcool pur pendant au moins
deux ans, à celui de 100 sujets non alcooliques. Dans cette étude,
les paramètres anthropométriques et l’index de masse corporelle
étaient abaissés de façon significative chez 10% des malades envi-
ron, et la dose cumulée d’alcool depuis le début de la maladie alcoo-
lique constituait un facteur de risque indépendant de dénutrition.
Douleurs
L’origine des douleurs reste mal élucidée, mais la théorie de l’hyper-
pression canalaire en rapport avec la présence de bouchons protéiques
secondairement calcifiés est la mieux comprise. Pour Sarles (2),les
douleurs constituent le mécanisme initial de l’amaigrissement des
malades. Elles sont observées dans 60 à 90% des cas, essentiellement
en période postprandiale, et les malades réduisent leurs ingesta dans
un but antalgique. Dans ces cas, la perte pondérale est importante et
peut atteindre jusqu’à 20% du poids corporel.
Malabsorption
Le pancréas sécrète beaucoup plus d’enzymes qu’il n’en faut pour
assurer l’assimilation des nutriments, et la maldigestion ne survient
que lorsque plus de 90% du parenchyme pancréatique est détruit
par le processus inflammatoire (3). La stéatorrhée domine toujours
largement le tableau clinique, car, contrairement à l’amylase, la syn-
thèse extrapancréatique de la lipase est peu importante. Cette der-
nière est aussi très fragile en milieu acide. En effet, Di Magno et al.
(4) ont montré chez six malades que l’activité enzymatique de la
trypsine persistait dans 22% des cas quand le pH duodénal était
inférieur à 4, contre seulement 7% pour la lipase. En pratique, une
stéatorrhée de 25g/j entraîne une perte énergétique de 225kcal/j
(l’équivalent d’un complément nutritionnel). Même si la malab-
sorption des graisses est souvent au premier plan, la maldigestion
est souvent globale et concerne également les glucides ou les pro-
téines dans les cas les plus sévères. Au cours de la PCA, plusieurs
auteurs ont observé une baisse significative des taux plasmatiques
de vitamines (liposolubles et hydrosolubles), même chez des patients
supplémentés par des extraits pancréatiques. Des observations simi-
laires ont été rapportées chez de jeunes mucoviscidosiques. Les
carences en vitamine D s’expriment souvent (50% des cas) par une
ostéoporose ou une ostéomalacie liée à la fois au déficit en vita-
mineD activée et à une carence d’apport en calcium. En revanche,
une carence en vitamine K et la baisse du taux de prothrombine sont
plus rares. Parmi les mécanismes à l’origine de ces carences vita-
miniques, la malabsorption et des perturbations de leur métabolisme
induites par la consommation d’alcool ont été suggérées.
Diabète
Un diabète existe chez 75% des malades quand les calcifica-
tions sont présentes et complique environ 25% des PCA. Il
s’agit d’un diabète insulinoprive dont la fréquence augmente
avec la durée d’évolution de la pancréatopathie. Contrairement
au diabète essentiel, le diabète de la PCA ne s’accompagne pas
d’une hyperphagie. La survenue d’hypoglycémies sévères serait
expliquée par une libération inapropriée de glucagon. Ce diabè-
te est généralement peu sévère mais, comme l’observance des
malades est mauvaise, les hypoglycémies sont fréquentes et
l’obtention d’une euglycémie est souvent illusoire.
Anorexie
Le temps hormonal du contrôle de l’appétit est perturbé chez les
malades porteurs d’une PCA. En cas de diabète, la baisse du glu-
cagon dans le sang ne serait pas suffisante pour s’opposer aux effets
anorexigènes liés à la carence insulinique. Les taux plasmatiques
de cholecystokinine seraient aussi augmentés. Chez le sujet sain,
il est bien établi que le polypeptide pancréatique (PP) diminue la
prise alimentaire quand ses taux plasmatiques augmentent. Au
cours de la PCA, malgré une diminution de ses taux plasmatiques
(qui devrait augmenter la prise alimentaire), le PP serait satiéto-
gène par un effet paracrine. Ces modifications hormonales sont, en
théorie, responsables d’une anorexie. Pourtant, au stade de pan-
créatite chronique compensée, les conséquences nutritionnelles de
ces perturbations hormonales restent difficiles à établir. En effet,
plusieurs études ont montré que l’alimentation des malades por-
teurs d’une PCA en phase stable ne semblait pas déséquilibrée et
les apports protéiques, glucidiques et lipidiques seraient proches
des apports recommandés. Finalement, les conséquences de l’ano-
rexie paraissent difficiles à isoler parmi les nombreux mécanismes
qui s’intriquent et altèrent l’état nutritionnel des malades.
Hypermétabolisme
Une augmentation de la dépense énergétique de repos (DER) a
été mise en évidence chez des malades porteurs d’une PCA en
phase stable et contribue à négativer la balance énergétique. Cet
hypermétabolisme est d’autant plus important que les malades
sont dénutris (5). L’origine de l’augmentation des besoins éner-
gétiques est mal comprise. Une libération de cytokines pro-
inflammatoires ou d’hormones catabolisantes en réponse à l’in-
flammation locale pourrait intervenir.
Hospitalisations et chirurgie
L’hospitalisation entraîne souvent un amaigrissement qui est d’autant
plus important que les sujets sont âgés et/ou porteurs de pathologies
digestives (6).Au cours de la PCA, la dénutrition hospitalière résulte
le plus souvent du jeûne imposé par une complication de la maladie,
même quand il est de courte durée. Les conséquences nutritionnelles
à long terme des résections pancréatiques pour pancréatite chronique
sévère sont mal connues mais probablement importantes.
RETENTISSEMENT NUTRITIONNEL
DE LA PANCRÉATITE CHRONIQUE
La perte pondérale est le témoin le plus visible de la malnutri-
tion. Initialement, il s’agit d’une perte de masse grasse avec une