La Chine à l`aube du XXIe siècle: Le retour d`une puissance?

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La Chine
à l'aube du XXIe siècle:
Le retour d'une puissance?
Points sur l'Asie
Collection dirigée par Philippe Delalande
La collection a pour objet de publier des oùvrages brefs, (200 à 500
pages), sur l'actualité politique, économique, sociale, culturelle en
Asie. Ils traitent soit d'un pays d'Asie, soit d'un problème régional,
soit des relations de ces pays avec le reste du monde. Ces ouvrages
s'apparentent à des essais aisément accessibles, mais sur des bases
documentaires précises et vérifiées. Ils s'efforcent, au-delà de
l'analyse de l'actualité de prolonger la réflexion sur l'avenir. La
collection voudrait, autant que faire se peut, pressentir les questions
émergentes en Asie. Elle est ouverte à des témoignages, des
expériences vécues, des études systématiques. Les auteurs ont tous
une connaissance pratique de l'Asie.
Les lecteurs visés sont des personnes soucieuses de s'informer de
l'actualité en Asie: investisseurs, négociants, journalistes, étudiants,
universitaires, responsables d'ONG, cadres de la fonction publique en
relation avec cette Asie en rapide mutation; où vit la majeure partie
de la population du monde.
Déjà parus
Nathalène REYNOLDS, L'enjeu du Cahemire dans le conflit indopaldstanais,
2005.
N. SJMON-CORTES et A. TEISSONNIERE (Textes réunis par), Viet
Nam, une coopération exemplaire, 2004.
Hua LIN, Tribulations d'un Chinois en Europe, 2004.
Sang-chun JUNG, Les relations commerciales franco-coréennes,2004.
Maria Linda TINIO, Les droits de l 'homme en Asie du sud-est, 2004.
Hsiao-Feng LEE, Histoire de Taiwan, 2004.
Claire ROULLIERE,
La mémoire de la seconde guerre
mondiale au Japon, 2004.
Association d'Amitié Franco-vietnamienne,
Ombres et lumières
sur le Vietnam actuel, 2003.
Laurent METZGER, La minorité musulmane de Singapour, 2003.
ASIE 21-Futuribles internationale, L'Asie demain, 2003
Thierry COVILLE, L'économie de l'Iran islamique: entre
ordre et désordres, 2002.
Kyong-Wook SHIM, La Russie D'Orient à la dérive, 2002.
A. WILMOTS, Gestion Politique et Centres du Pouvoir en
République Populaire de Chine,2001.
Stéphanie Bessière
La Chine
à l'aube du XXIe siècle:
Le retour d'une puissance?
L'Harmattan
5-7,rue de l'ÉcolePolytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan
Kossuth
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Hongrie
L. u. 14-16
Budapest
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L'Harmattan Italia
Via Degli Artisti, 15
10124 Torino
ITALIE
Du même auteur:
UNE NUIT SOUS LES ETOILES,
Editions Publibook, 2001
(Ç)L'Harmattan, 2005
ISBN: 2-7475-8024-5
EAN : 9782747580243
AVERTISSEMENT
Chers Lecteurs,
Chers Lectrices,
Mon ambition première, à travers ce livre, a été de susciter la
réflexion afin que chacun se forge sa propre opinion sur la Chine
qui se profile aujourd'hui sur la scène internationale.
Pour cela, les nombreux thèmes abordés ont été sélectionnés pour
leur intérêt, leur importance, leur caractère significatif ou
controversé.
Dans la mesure où la perfection n'existe pas, j'espère avoir réussi
le pari d'atteindre un seuil élevé d'objectivité afin que vous
puissiez mieux connaître et mieux comprendre la Chine
contemporaine avant de porter un quelconque jugement.
Enfin, je tiens à préciser que les données chiffrées ne sont pas
toutes fiables à 100% dans la mesure où les autorités chinoises ne
révèlent que ce qu'elles veulent bien révéler.
Toutefois, bien que la « version officielle}) du Parti Communiste
Chinois qui n'est pas synonyme de « vérité}) soit une réalité, il est
peut-être exagéré d'affirmer comme le fait François Godement,
directeur du Centre Asie de l'Institut des Relations Internationales,
que la Chine est « l'empire du mensonge officiel )/,
l François Godement,
juin 2003, page 150.
« Chine,
l'empire
du mensonge
7
», l'expansion
n0676,
« Quand la Chine s'éveillera le monde tremblera»
Napoléon 1er
« Ce qui est sûr, c'est qu'un jour, peut-être plus proche qu'on ne
croit, la Chine sera une grande réalité politique, économique et
même militaire. La Chine est le plus grand pays du monde. Un
jour, elle pourrait bien devenir le premier
Charles de Gaulle
2,
»
« Au-delà de ces soubresauts dramatiques, l'essor de la Chine a
pris une allure irrésistible. »
Alain Peyrefitte
« La Chine est comme une pièce aux murs invisibles contre
lesquels on peut se cogner la tête. Le vainqueur est I 'homme qui
est disposé à lutter contre ses murs et à s y cogner la tête sans se
soucier de la douleur. »
Lin Yutang
2
Confidences du Général de Gaulle à Alain Peyrefitte, (1963), rapportées par ce
dernier dans l'avant-propos de son recueil « De la Chine» (éditions Omnibus
1997), regroupant ses quatre ouvrages classiques que sont: « Quand la Chine
s'éveillera», « L'Empire immobile», « La Tragédie chinoise» et « La Chine
s'est éveillée».
9
INTRODUCTION
Qui à l'aube du XXlèmesiècle peut prétendre ne pas avoir entendu
parler de la Chine, cet imprévisible et mystérieux pays d'Asie,
organisateur des Jeux Olympiques de 2008 et récemment admis
comme membre de l'Organisation Mondiale du Commerce?
La Chine, appelée aussi Empire du Milieu, a su discrètement faire
une entrée surprenante et efficace sur la scène mondiale. Son
évolution rapide vers l'économie de marché accompagnée
d'importants changements et bouleversements n'ont pas laissé
indifférents les acteurs et observateurs internationaux. Ceux-ci
s'interrogent et éprouvent incertitudes et inquiétudes, optimisme et
pessumsme.
Qui aurait imaginé qu'en l'espace de quelques décennies, la Chine
aurait réussi à se sortir aussi vite de la situation plutôt mauvaise
dans laquelle Mao Zedong l'avait laissée à sa mort ?
La Chine reste un mystère pour I'homme occidental fasciné car
c'est le pays de tous les possibles, de tous les paradoxes, un pays
de contradictions, de ruptures, de forces et de faiblesses qui
n'altèrent en rien sa formidable volonté de s'ouvrir et de s'enrichir,
sans porter préjudice aux fondements de sa civilisation.
Si les Etats-Unis demeurent la puissance dominante dans le
Pacifique, devenu américain dès 1945 avec l'installation de plus de
300 facilités militaires, ils doivent aujourd'hui composer avec une
Chine à l'influence régionale et internationale grandissante.
Dès les années 1980, certains auteurs parlaient de la zone
Pacifique, nouveau pôle de croissance économique dont le fret
maritime et aérien avec les Etats-Unis dépasse de 50% celui qui
traverse l'Atlantique, comme du centre de gravité du monde du
XXlème siècle, la qualifiant de « méditerranée du futur». Le
Pacifique est ainsi devenu un enjeu géostratégique majeur
11
réveillant les intérêts des grandes puissances et de la Chine aspirant
à ce statut.
La puissance, atout essentiel des Etats, est au cœur des relations
internationales, ce qui explique la volonté de chacun d'eux d'en
acquérir la réalité et la reconnaissance. Elle pennet à qui la détient
d'influer sur la vie internationale, parfois même d'imposer dans
une certaine mesure sa volonté aux autres acteurs.
Toutefois, celle-ci est non seulement relative mais également
évolutive et fluctuante. Relative dans la mesure où elle n'a de
signification que par rapport à celle des autres Etats; évolutive et
fluctuante comme en atteste I'histoire millénaire de la Chine qui a
perdu son statut de puissance et cherche aujourd'hui à le retrouver.
De nombreux critères cumulatifs (militaire, économique, politique,
niveau d'éducation, rayonnement cultureL..), individuellement
inopérants, interviennent. Leur combinaison hannonieuse et
équilibrée pennet de mesurer l'existence d'une puissance.
Aujourd'hui, la Chine est au centre des préoccupations stratégiques
et politiques internationales, tout particulièrement de celles des
Etats-Unis, et la question majeure, objet de nombreux débats et
études divergentes, est celle de savoir si la Chine va devenir au
cours du 3èmemillénaire une puissance qu'il faudra craindre. Les
arguments en faveur et en défaveur de cette thèse sont légions et
méritent une attention toute particulière. La Chine saura-t-elle
sunnonter certaines de ses faiblesses et transfonner les autres en
atouts?
La Chine est-elle un pays sous-développé émergent dont on ne doit
rien craindre ou une puissance qui sort de son sommeil justifiant
craintes et inquiétudes? Quelle Chine se profile sur la scène
internationale du XXlème siècle?
Tenter d'apporter une réponse cohérente, la moins erronée
possible, impose de s'attarder préalablement sur la situation
politique et économique intérieure de la Chine aujourd'hui en
pleine mutation (Le réveil de la Chine) avant de l'envisager dans
ses relations avec le monde (La Chine et le Monde). A la lumière
de ces développements, une étude de ses forces et faiblesses
pennettra de proposer une thèse sur la réalité ou la fiction de la
puissance chinoise au XXlèmesiècle (La Chine en devenir).
12
PREMIERE PARTIE: LE REVEIL DE LA CHINE
« Il n'existe qu'une seule liberté: la vérité. Il n'existe qu'un seul
esclavage: le mensonge. »J
Comme Alain Peyrefitte2 l'a si bien écrit, la Chine s'est éveillée.
La réussite économique spectaculaire constatée n'est pas étrangère
à la clairvoyance des hommes à sa tête depuis la fin des années
1980.
La Chine est le pays qui a connu le développement économique le
plus important et le plus soutenu depuis plus de 15 ans malgré un
rythme un peu ralenti ces dernières années.
Au 6êmerang mondial de par son PIB national depuis 2002 (en
2001, la Chine était au 7ernerang), elle n'est en revanche qu'au
101êmerang de par son PIB par habita.nf. La Chine a enregistré une
croissance de +10,6% entre 1990 et 1999, de +8% en 2000 et de
+7,5% en 2001. Entre 1980 et 2002, ses exportations sont passées
de 6 à 26% et ses importations de 7 à 23%.
I Proverbe chinois.
2 Alain Peyrefitte, né le 26 Aoüt 1925, diplomate de carrière à sa sortie de l'ENA
(Ecole Nationale d'Administration) est député de Seine-et-Marne dans toutes les
législatures de la Vème République (de 1958 à 1993), et devient, en 1995,
sénateur. En 1967, il devient ministre de l'Éducation nationale jusqu'en 1968 puis
est nommé ministre plénipotentiaire en 1975. Dans le cadre de ses fonctions
diplomatiques, il effectue dix-huit séjours en Chine.
3 En 2001, la Chine était au III èmerang de par son PIB par habitant.
13
Avec un taux de croissance de +8% au lieu des +7,3% de prévision
annoncés en début d'année par le directeur du Bureau d'Etat des
statistiques, Zhu Zhixin, 2002 a été une année d'affinnation de la
Chine sur la scène mondiale.
Affinnation confinnée par un taux de croissance de +9,1 % pour
l'année 2003 au lieu des +7,5% de prévision annoncés en début
d'année. Il s'agit là du meilleur résultat depuis 1996.
La prévision de croissance prévue pour 2004 est proche des + 10%
tandis que celle prévue pour 2005 est d'environ +8%4.
4 Prévisions de la Mission économique de Pékin.
14
ANNEES
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
TAUX DE CROISSANCE DU
PIB
11,7%
7,6%
7,8%
5,2%
9,1 %
10,9%
15,2 %
13,5 %
8,8%
Il,6 %
Il,3 %
4,1 %
3,8%
9,2%
14,2 %
13,5 %
12,6 %
10,5 %
9,6 %
8.8 %
7,8 %
7,1 %
8%
7,5 %
8%
9,1 %
Proche de 10 % *
Proche de 8 % *
Source: Mission économique de Pékin
* estimations
15
CHAPITRE I
LE MIRACLE ECONOMIQUE CHINOIS:
REFO~ESPROFONDES
20 ANS DE
SECTION 1. Les acteurs des réformes, des hommes éclairés
« Sagesse ne signifie pas connaissance mais compréhension
de l'expérience. )/
issue
A l'origine des réformes: Deng Xiaoping
« Le marché s'est imposé très progressivement, par étapes à
travers des « tests» mesurés et contrôlés. Deng faisait entrer son
pays dans l'inconnu et la prudence dans l'exécution, autant que
l'audace des orientations, étaient de mise. »6
Après une période de flottement politique, Deng Xiaoping succède
à Mao Zedong', représentant de la 1èregénération de dirigeants de
la RPC à qui la Chine doit d'être devenue une puissance
industrielle et nucléaire, et entame une libéralisation relative du
régime tout en exerçant un pouvoir dictatorial. Révolutionnaire de
la première heure, I'histoire de la vie de Deng Xiaoping (19041997) se confond avec I'histoire de la Chine, plus encore que celle
de Mao Zedong. Tombé en disgrâce durant la Révolution
5 Proverbe chinois.
6 Jean Mandelbamn et Daniel Haber, « La victoire de la Chine », page 80.
7 Chef historique de la révolution chinoise, Mao Zedong sut mobiliser les
aspirations populaires au moment décisif, sans craindre de bouleverser la lettre de
la doctrine. En quelques dizaines d'années, les communistes, avec â leur tête Mao
Zedong, bouleversent les structures plus que millénaires de la société chinoise,
fondées sur la morale confucéenne, tant dans la sphère privée que dans le domaine
politique.
17
Culturelle à 65 ans, il doit se soumettre à la rééducation par le
travail à laquelle il survit. A la mort de Mao Zedong en 1976, il
revient au pouvoir et lance la Chine sur la voie des « Quatre
Modernisations ». Nommé secrétaire général du Comité Central en
1956, il en est écarté en 1968 et le réintègre en 1973 à la requête de
Zhou Enlai8, Premier ministre depuis 1949. Il est destitué en 1976
pour revenir sur le devant de la scène politique en 1977, en
qualité de vice-président du PCC et de vice-Premier ministre, et
devenir en 1978 le représentant de la 2tmegénération de dirigeants
de la RPC.
Les erreurs de Mao Zedong sont alors rejetées sur la « bande des
Quatre», sobriquet donné par ses adversaires à un groupe
comprenant Chiang Ching', la veuve de Mao, dont l'influence est
soupçonnée d'avoir été particulièrement nocive. Durant toutes les
années qui suivent son mariage, Chiang Ching vit mal d'être tenue
à l'écart du pouvoir, et dotée d'une obstination remarquable,
exécute le plan machiavélique qu'elle a mis au point. Elle va tout
faire pour isoler Mao Zedong dans le but de régner seule sur lui.
Elle va intriguer dans l'ombre pour éliminer tous les proches, amis
ou parents de Mao, qui pourraient menacer sa sécurité personnelle
ou freiner ses ambitions. C'est à partir de 1961 que son influence
commencera à se faire sentir. Elle obtiendra non sans difficulté la
direction de la censure cinématographique, ce qui lui permettra de
régler ses comptes avec ses ennemis du temps où elle était actrice à
Shanghai et de faire disparaître les films contraire à la politique du
Parti dans lesquels elle avait tourné alors. Les années passent et son
influence ne cesse d'augmenter. Après 1972, Mao abandonne peu à
8 Premier ministre de la RPC, dès sa proclamation le 1er octobre 1949,Zhou Enlai
est le bras droit de Mao Zedong. Son histoire se confond avec celle de Mao et du
Parti conunwùste depuis l'épisode héroïque de la Longue Marche del934 (qu'il
dirige avec Mao Zedong et où il crée et commande l'Année populaire de
libération) jusqu'à sa mort en passant par l'avènement de la RPC. Diplomate actif
et brillant, il fait reconnaître le gouvernement conununiste par dix-huit nations
dès 1950 et devient l'homme politique le plus populaire du tiers-monde. Artisan
entre autre de la rupture avec Moscou, de l'entrée de la Chine à l'ONU (1971) et
du rapprochement avec les États-Unis (1972), Zhou Enlai a été jusqu'à sa mort en
1976 le premier administrateur et le premier diplomate du régime de Pékin.
9 4èmeépouse de Mao, Chiang Ching est une ancienne actrice de Shanghai à la
mauvaise réputation et à l'ambition démesurée. Le PCC lui « interdit» de prendre
une quelconque part active dans les décisions du Parti, d'assumer une quelconque
fonction officielle et d'être présente aux réwùons importantes.
18
peu la direction du pays au Premier ministre Zhou Enlai. Atteint
par la maladie de Parkinson et par une artériosclérose cérébrale,
Mao perd progressivement l'usage de la parole. Chiang Ching va
profiter de la maladie de son époux pour en tirer avantage et enfin
réaliser son ambition de toujours: être au pouvoir. Elle mettra
auprès de lui deux interprètes, fidèles serviteurs de ses objectifs,
pour donner un sens conforme à ses desseins politiques aux
balbutiements de Mao et prendre sa place au sein du Parti. Chiang
Ching réussit brillamment mais le pouvoir lui montera à la tête au
point de lui faire commettre de nombreuses erreurs qui lui seront
fatales lors de la mort de Mao le 9 septembre 1976, la même année
que Zhou Enlai. Elle dira même un jour: « Et même ['ère
communiste pourrait avoir une impératrice [...j )). Enivrée, elle
s'entoure de luxe, s'adonne au poker, se procure des films
occidentaux allant à l'encontre de l'esprit communiste. Elle ira
même jusqu'à faire preuve d'individualisme lors d'une interview
par une journaliste américaine au cours de laquelle elle racontera sa
vie. Elle évoquera aussi des secrets du Parti et de la Présidence sur
le mode « Je )), violant par là même la loi du silence du Parti et ne
respectant pas la précieuse version officielle. A la mort de Mao,
Chiang Ching est expulsée du pouvoir et arrêtée avec trois autres
personnes, la « Bande des QuatrelO», dont le procès sera
retentissant en Chine et marquera l'avènement d'une nouvelle ère
politique. Ce procès permet de juger les excès du Maoïsme. Lors
de celui de Chiang Ching, fin 1981, cette dernière fixe ses juges,
méprisante, orgueilleuse, n'exprimant aucun signe de repentir.
Condamnée à mort, la sentence ne sera pas exécutée pour ne pas
faire d'elle une martyre. Libérée pour des raisons de santé, elle se
suicide en 1991.
Deng Xiaoping engage, à partir de 1978, un processus de
« démaoisation», soit une sorte de désacralisation qui réintègre
Mao Zedong, avec ses mérites et ses erreurs, dans 1'Histoire de la
Chine. Cette démarche était attendue dans tous les milieux
universitaires, scientifiques et littéraires où les outrances du culte
rendu au Président divinisé avaient eu de fâcheuses conséquences.
Nommé à la tête de la RPC en 1979, Deng Xiaoping décide de
« corriger » les erreurs de la Révolution Culturelle, responsable en
10 Groupe dirigeant de la faction radicale comprenant:
Chunqiao, Yao Wenxuan, Wang Hongwen.
19
Chiang Ching, Zhang
grande partie de tous les échecs du régime. Il proclame alors que
Mao a eu raison à 70% et tort à 30%. Sans discréditer le Grand
Timonier, fondateur de la RPC, il engage le pays dans un vaste
mouvement de réformes instituant l'Economie Socialiste de
Marché et décide d'ouvrir celle-ci aux capitaux étrangers. Les
Quatre Modernisations vont alors s'effectuer dans quatre
directions: politique, sociale, culturelle et économique. L'objectif
principal est d'augmenter la productivité de l'agriculture en luttant
contre le recul des terres arables, malmenées par une utilisation
intensive et désordonnée, en spécialisant les régions et en
modernisant les équipements; de responsabiliser les individus en
liant la rémunération et la production tout en leur permettant de
profiter des gains; de moderniser l'appareil industriel. Un retour à
la propriété privée est amorcé avec la décollectivisation de
l'agriculture.
Depuis plus de 20 ans, une vingtaine de provinces chinoises affiche
les taux de croissance les plus élevés au monde. A ce rythme,
l'OCDE prévoit que, d'ici à 2020, 300 millions de Chinois auront
un niveau de vie équivalent à celui de l'Américain moyen
d'aujourd'hui, estimation qu'un essoufflement de la croissance ne
remettrait pas en cause. En 2003, on constate déjà dans les villes
une augmentation manifeste des salaires et de la consommation.
L'ambition de Deng Xiaoping est de rétablir la situation
économique compromise par la Révolution Culturelle tout en
s'assurant que les changements opérés seraient irréversibles et
d'empêcher le retour de dérives idéologiques. Les résultats ont été
spectaculaires mais inégaux selon les secteurs. Si un boom dans
l'industrie légère et dans la production des biens de consommation
semi-durables (ex: ordinateur) est notable grâce aux importants
investissements étrangers, en revanche, l'industrie lourde
n'enregistre que des progrès lents car elle constitue un goulet
d'étranglement structurel.
Son objectif étant de s'assurer le maintien de l'autorité du Parti
ainsi que la poursuite tenace de la modernisation de l'économie
chinoise, Deng Xiaoping a su préparer sur des années, de 1978 à
1997, et
de
façon
clairvoyante,
l'équipe
qui
lui
succéderait immédiatement ainsi que la suivante.
20
Les successeurs de Deng Xiaoping: Zhu Rongji et Jiang Zemin
« Leurs conceptions et leurs décisions sont en train de faire la
Chine telle qu'elle sera dans les dix premières années du XXIème
siècle. »11
Son héritier, Jiang Zemin12, représentant de la 3èmegénération de
dirigeants de la RPC, assisté de Zhu Rongji 13, va poursuivre la
même politique pour donner à l'économie de la Chine son visage
actuel. Les deux hommes, profondément fiers de leur pays, sont
depuis longtemps animés de la même volonté de faire de la Chine
l'une des grandes puissances du XXIème siècle. L'un et l'autre
appartiennent à la génération des années 1930 et ont reçu le même
genre d'éducation et de formation technique dans le contexte de
l'agression japonaise.
Jiang Zemin, né en 1926, suit ses études supérieures au
département technologie et électricité industrielle de l'Université
de Shanghai tandis que Zhu Rongji, né en 1928, effectue les
siennes au département ingénierie électrique de l'Université de
Pékin. Tous deux souhaitent acquérir des compétences qui
serviront à la reconstruction de la Chine. Tous deux ont également
été maire de Shanghai et ont contribué à son développement
économique exceptionnel: Jiang Zemin de 1985 à 1988 et Zhu
Rongji de 1987 à 1990. Pendant une année, ils ont travaillé de
concert. Bien que de caractère fort différent, les deux hommes se
complètent de par leurs qualités respectives et forment un binôme
efficace. Jiang Zemin, de nature sociable et communicative, se
distingue par son aptitude à diriger, à rassembler les masses et à
pondérer les tendances extrêmes au sein du Parti. Zhu Rongji,
« cerveau de l'économie chinoise »14est un réformateur indifférent
aux questions de popularité, très doué pour défendre de nouvelles
idées et pour les mettre en œuvre. Dès 1992, Deng Xiaoping,
conscient de ses compétences, l'a soutenu et imposé pour
II Henri Eyraud, « Chine: la réfonne autoritaire », page Il.
12Numéro un chinois successeur de Deng Xiaoping, il cumule dès 1993 les titres
de Président de la République, de chef du Parti et de chef de l'année.
13Premier ministre depuis 1998, il succède à Li Peng qui occupait cette fonction
depuis 1987.
14Henri Eyraud, « Chine: la réfonne autoritaire» page 29.
21
superviser la modernisationde l'économie. Le fait que Zhu Rongji
n'ait pas à se soucier d'élections lui a permis d'agir avec efficacité
sans rechercherl'assentimentpopulaire.
Les dirigeants chinois, dans la réalisation de leurs objectifs pour la
Chine, expérimentent des mesures de façon limitée et n'hésitent
pas à revenir en arrière en cas de résultats insatisfaisants. Cette
politique de pragmatisme et de gradualisme consistant en des
réformes lentes, prudentes et ordonnées de la base au sommet a
produit un résultat plus que satisfaisant, comme en atteste le
miracle économique chinois.
A l'aube du XVIème Congrès du PCC
« La légitimité du PCC est sa réussite économique.
>P
Année 2002 : plus de la moitié des dirigeants arrivent au terme de
leur mandat dont le Président de la République et le Premier
ministre. Cet événement donne lieu à de nombreuses et discrètes
luttes d'influence pour se faire une place de choix près du pouvoir,
le relais entre l'équipe actuelle et la nouvelle devant avoir lieu en
novembre lors du XVIème Congrès du PCC.
Arrivé en 1998 au poste de Premier ministre et âgé en cette année
de 73 ans, Zhu Rongji fait l'objet de critiques de fin de mandat
concernant le résultat de son action, eu égard aux attentes et espoirs
mis en lui lors de sa nomination. Le peuple a en effet beaucoup cru
en lui, en son pragmatisme afin qu'il fasse évoluer la Chine.
Aujourd'hui, à la veille du XVIème Congrès du PCC, le bilan est
mitigé.
D'un côté, on ne peut nier que les réformes politiques n'ont pas eu
de traductions concrètes, que les problèmes les plus délicats n'ont
pas été traités en profondeur (comme les inégalités sociales), que la
Chine n'est pas l'Etat de droit auquel il est fait mention dans la
Constitution (par exemple l'absence de transparence de
l'administration), et que le système bancaire est au bord du gouffre
(car il est tenu d'octroyer des prêts à des entreprises publiques
déficitaires) .
15Jean Mandelbawn et Daniel Haber, « La victoire de la Chine», page 127.
22
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