La Chine et le monde depuis 1949
«Quand la Chine s’éveillera...le monde tremblera», disait le titre d’un livre d’Alain Peyrefitte, paru en 1973.
Pays le plus peuplé au monde, la Chine s’est progressivement affirmée sur la scène internationale depuis la
déclaration de la République populaire par Mao en 1949. Elle est aujourd’hui l’un des acteurs essentiels d’un
monde de plus en plus multipolaire.
Nous allons analyser comment la Chine est parvenue, en un peu plus qu’un demi-siècle, à s’affirmer sur la
scène internationale, et quel est son rôle dans le monde actuel.
Pour commencer, nous allons nous intéresser à la construction de l’indépendance et de la puissance
politique de la Chine pendant l‘ère de Mao, de 1949 à 1976, pour aborder ensuite son ouverture à
l’économie mondiale et sa voie spécifique, l’ «économie socialiste de marché», et terminer avec un état des
lieux de la puissance chinoise depuis son ouverture économique, ses forces et ses limites.
La Chine, en 1945, est un pays très pauvre et sous-développé, où 3/4 de la population travaillent dans
l’agriculture. Elle sort de 8 ans d’occupation japonaise et est déchirée par la guerre civile entre les
communistes de Mao Zedong, soutenus par l’URSS, et les nationalistes de Chiang Kai-shek,
soutenus par les Etats-Unis. La victoire des communistes donne lieu à la proclamation de la république
populaire de Chine le 1er octobre 1949. Les nationalistes se réfugient sur l’île de Formosa, où ils créent
leur propre état, Taïwan. Les Etats-Unis ne reconnaissent que cet état et lui attribuent le siège permanent
de la Chine au conseil de sécurité de l’ONU. Pour protester contre cette décision, l’URSS boycotte l’ONU.
Elle s’emploie en revanche à intégrer la Chine populaire dans le bloc communiste. Suite à la signature du
traité d’amitié sino-soviétique en 1950, des spécialistes soviétiques sont envoyés pour conseiller le
gouvernement chinois, qui souhaite industrialiser le pays, et former la population. L’économie est
collectivisée, y compris le secteur agricole, et l’industrie lourde est placée au coeur de la planification selon
le modèle soviétique. En 1950, la Chine envahit le Tibet, chasse le Dalaï-Lama et intègre le pays à son
territoire. Mais elle n’entreprend rien contre la présence étrangère à Hong Kong et Macao (deux concessions
européennes) ou contre Taïwan, car Mao souhaite éviter une confrontation générale avec les Américains.
La Chine devient néanmoins un élément fondamental de la politique soviétique en Asie. Pendant la
Guerre de Corée de 1950 à 1953, des centaines de milliers de «volontaires» chinois soutiennent l’armée
nord-coréenne. Elle intervient également aux côtés du Viêt-minh dans la Guerre d’Indochine contre la
France (1946-54) et joue un rôle important lors des Accords de Genève qui mettent fin à la présence
coloniale française et partagent le Vietnam en deux.
Le premier ministre Zhou Enlai participe à la conférence des non-alignés de Bandung en 1955, aux
côtés de Nehru, Nasser, Soekarno, entre autres, afin de positionner la Chine en leader du Tiers-monde et de
prôner le socialisme comme voie de développement pour les anciennes colonies et le «Sud» en général.
Même si cette stratégie avait été approuvée par l’URSS au départ, la lutte pour l’influence entre les deux
pays devient de plus en plus visible.
La déstalinisation et la coexistence pacifique décidées par Khrouchtchev à partir de 1956 ne sont
pas soutenues par Mao. Il reproche à l’URSS de faire trop de compromis avec l’Occident et rompt le traité
d’amitié en 1960. La Chine développe désormais une voie communiste indépendante, dont les ambitions
mondiales sont affirmées. L’impérialisme soviétique est dénoncé au même titre que celui des Etats-Unis. En
1962, l’armée chinoise attaque l’Inde de Nehru, considérée comme trop proche de l’URSS. En 1964, la
Chine se dote de l’arme nucléaire, et en 1969, des incidents ont lieu à la frontière sino-soviétique.
Le modèle maoïste s’affirme également à l’intérieur de la Chine, par des grandes opérations
économiques et politiques. Le «Grand Bond en avant» de 1958-62 consiste en une industrialisation
forcée du pays, sans que les dirigeants disposent des compétences économiques nécessaires. Il fait des
millions de victimes suite à une famine généralisée à la campagne, entre 15 et 55 millions, selon les
ouvrages et les historiens. Remis en cause, Mao doit reprendre les rênes du parti. Il déclenche la
«Révolution culturelle», une application radicale du communisme, qui prend son essor entre 1966 et 1968.
Mao se fait aider par les «Gardes rouges», des jeunes miliciens fanatisés, et la «Bande des Quatre», des
éléments radicaux du parti, pendant que les modérés comme Deng Xiaoping sont écartés du pouvoir. La
«Révolution culturelle», qui causera environ 1 million de morts, sert paradoxalement comme l’une des
sources d’inspiration pour le mouvement de mai 1968 en Occident qui donne au «petit livre rouge» de
Mao une notoriété internationale.
Malgré un discours offensif contre le capitalisme, la Chine développe aussi une politique pragmatique et
négocie un accord avec les Etats-Unis en 1971. Grâce à cet accord, elle récupère le siège permanent au
conseil de sécurité de l’ONU. La visite de Nixon en 1972 officialise les nouveaux rapports entre les deux
pays qui sert à chacun des partenaires: La Chine affirme son indépendance politique, et les Etats-Unis
profitent de la division du bloc de l’Est.
Mais la Chine peine à exporter son modèle dans d’autres pays. Seuls l’Albanie, la Tanzanie et, exemple le
plus connu, le Cambodge, essaient d’appliquer un socialisme «à la Chinoise». Cette expérience conduit au
désastre du régime des khmers rouges au Cambodge: leur «communisme de l’âge de pierre» se solde
par plusieurs millions de morts et l’occupation du pays par le Vietnam, soutenu par l’URSS, en 1979.