Des électrons sans masse dans une feuille de carbone

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Desélectronssansmasse
dansune feuille de carbone
Jean-Noël Fuchs
fuchs@lps.u-psud.fr
MarkOliverGoerbig
goerbig@lps.u-psud.fr
LaboratoiredePhysiquedesSolides,UMR 8502,CNRS/UniversitéParis-Sud11,Orsay
Marek Potemski
marek.potemski@grenoble.cnrs.fr
LaboratoiredesChampsMagnétiquesIntenses,UPR 5021,CNRS, Grenoble
Onsaitdepuispeuisolerune feuille de carbone-graphitedelépaisseur d’unatome. Cecristalbidimensionnel
s’appelle le graphène. Ilprésentedesproprtésde transport électroniqueremarquables,quinesontni celles
d’unmétal,ni cellesd’unsemi-conducteur.Lesélectronssedéplacentdansle graphène comme s’ilsétaientsans
masse,etressemblentdoncaux neutrinosde laphysiquedeshautesénergiesladifférenceprèsqu’ilsportent
une charge électrique. Cesproprtésétonnantesdesélectronsdugraphène ontétévérifiéesexrimentalement
en lessoumettantàunfort champ magnétique.
esformescristallinesducarbone sontconnues
depuislongtemps.Ilenexistedeux sortes
courantes:le diamantetle graphite. Lediamantest
uncristaldecarbone oùchaqueatome est trèsfortement
lié àquatreatomesvoisins.Chaqueliaison covalentemobi-
liseulectron paratome. Lesquatreplus prochesvoisins
de chaqueatome formentuntétraèdrerégulier.Legra-
phiteest luitrèsdifférent.Ilprésenteune structureencou-
chesouplans.Chaqueplanest constituédhexagonesde
carbone (similaireàune molécule de benzène) collésles
unsaux autres:chaqueatome de carbone est lié àtroisvoi-
sinsdansle plan. Cecinenécessitequetroisélectronspar
atome,etil restedonculectron de valenceparatome de
carbone disponible pour le transport électrique:on parle
délectron de conduction. La structured’unplandegra-
phite,faitedecelluleshexagonales,ressemble àcelle d’un
nid dabeille etareçule nom de graphène (voirfigure1).
Dansuncristaldegraphite,lesplansde graphène sont
poséslesunssur lesautresdansunordrerégulier.
Fullerènes,nanotubes,graphène
Aucours desvingt-cinq dernièresannées,de nouveaux
membresde lafamille descristaux de carbone sontapparus.
Ilssonttous apparentésaugraphiteetontune dimensiona-
litéréduite. Cesontdabordlesfullerènesetlesnanotubes
de carbone. Lesfullerènes,dontle célèbreballon de football
carboné (le C60),peuventêtrevus comme desfeuillesde
graphène quiontétérouléesen boule. Pour cefaire,cer-
tainsdeshexagonesdoiventêtreremplacéspardespentago-
nes(on peut le vérifierfacilementsur unballon de football à
lancienne faitde pentagonesde cuirnoiretdhexagonesde
cuirblanc). Onprésenteparfoislesfullerènescomme des
cristaux de carbone de dimensionaliténulle,carilsne sont
étendus dansaucune direction. Lesnanotubesde carbone,
apparus aubut desannées90,sonteux desfeuillesde gra-
phène enrouléesen tubesetsontlesreprésentants unidi-
mensionnelsdescristaux hexagonaux de carbone. Dans
cettefamille ducarbone hexagonalmanquaittoujours un
membrminent:le plandegraphène isolé,lafeuille de
graphiteseule. Cecristalbidimensionnel,de lépaisseur
L
Figure1Legraphène est uncristalplandecarbone avecune structureennid
dabeille,cest-à-direfaitedecelluleshexagonales.Ilsedécomposeenun
réseaude Bravaistriangulaire(de vecteurs de baseττττ 1etττττ 2 )etunmotif àdeux
atomesde carbone inéquivalents AetB .Lenordest indiquésur lafigurede
manièreàdistinguerlesenvironnements différents desatomesAetB .Une
maille élémentaire,contenantune seule foisle motif,est représentée.
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Desélectronssansmassedansune feuille de carbone
d’unseulatome de carbone,aétéobtenuexrimentale-
menten 2004parléquipe dAndréGeim àl’universitéde
Manchester.La prouessenapastellementétédeproduire
dugraphène,quiexisteàlétatnaturel àlintérieur dugra-
phite,maisplutôtdisolerune seule feuille etden faireun
objetde recherche manipulable etrelativementfacile àobte-
nir.Jusque-là, le graphène étaitsurtout unmodèle théori-
quesimplifié dugraphite. Dugraphène avaitbien été
fabriquédanslesannées90maissanspouvoirmesurerle
comportementde sesélectronsde conduction. Pour résu-
mer,on peut direquelegraphène nest pasnouveau.Cequi
est nouveau,cest de pouvoirmesurersesproprtésde
transport électriqueetcesontcesproprtésquienfontun
matériauuniqueetfascinant.
Suiteaux premièresexriencesmettanten évidence
le transport électriqueinhabituel dugraphène en 2005,ce
domaine de recherche aexplosé. Oncomptedepuisplus
de quatrecents articlesscientifiquespubliéssur le sujet,
etde nombreusesconférencessontmaintenantdédiées
augraphène.
Graphène exfolié,graphène épitax
Àlheureactuelle,il existeessentiellementdeux maniè-
resdobtenirdugraphène. La première,inventée parGeim
etsescollaborateurs,consisteàextrairemécaniquement
une feuille (on dit«exfolier») d’uncristaldegraphite.
Pour simplifier,on peut direquecelarevientàécrireavec
uncrayon de graphitetrèspur sur unsubstratdoxyde de
siliciumpour ydéposerparfrottementdesfeuillesde
graphite:tout comme écrireàlacraie sur untableaunoir
peut sedécrirepompeusementcomme le dépôtde traces
de calcairesur unsubstratdardoise. Danslapratique,on
utiliseduscotchpour pelerdesfeuillesducristaldegra-
phiteetlesdéposerensuitesur unsubstrat.Parmi tous les
petits morceaux de graphitparpilléssur le substrat,la
majoritéest formée de filmsmulticouchesetseuluntrès
petitnombreest duvéritable graphène,cest-à-direune
feuille monocouche. Ilfaut ensuite–etcest lapartie la
plus délicate–repérercesquelquesmonocouchesintéres-
santes,denviron unmicron carré,éparpilléessur unsubs-
tratdenviron uncentimètrecarré. Cecisefaitau
microscope optiqueetcessiteundoigtécertain etde très
bonsyeux.Une foisle graphène identifié etlocalisésur le
substrat,on peut ydéposerdescontacts talliquesdans
le but de fairedesmesuresde transport électrique.
La deuxième fon dobtenirdugraphène aétédéve-
loppée parClaireBerger,Waltde Heeretleurs collabora-
teurs àGeorgiaTechetàGrenoble. Elle consisteàfaire
crtredugraphène àpartird’uncristaldecarburedesili-
cium(SiC). Ducarburedesiliciumdetrèsgrande qualité
est disponible commercialement.Onlintroduitdansun
four àtrèshautetempérature(environ 1300 °C)letemps
de réalisersacomposition thermique:lesatomesde
siliciums’évaporentetune (oudes)couche de graphène
est ainsicréée àlasurfaceducarburedesilicium. Onpeut
ensuiteutiliserdestechniquesstandardsde lithographie
pour contacterle système etdessinerdescircuits électro-
niques.Cettetechniquedefabrication dugraphène est
sansdoutelaplus prometteuseindustriellementparlant.
Cesdeux manièresdobtenirdugraphène conduisent
en faitàdeux matériaux similairesmaisanmoinsdiffé-
rents.Onparle de graphène exfolié dansle premiercaset
de graphène épitaxié (ouépitaxial) dansle deuxième. Une
différenceimportanteest quedansle casdugraphène
exfolié,lafeuille de graphène reposesur unsubstratisolant
(dudioxyde de silicium). Sous cetisolantsetrouveun
conducteur (dusiliciumdopé) quisert de grille électro-
statique:en appliquantune tension électriqueàcettegrille,
on peut changerle nombredélectronsde conduction dans
lafeuille de graphène. Ceciseproduitparuneffetde
champ électriquesimilaireàcequisepassedansun
condensateur :une desplaquesducondensateur seraitla
feuille de graphène,lautrelesiliciumdopé,lesdeux pla-
quesétantséparéesparundiélectrique(le dioxyde de sili-
cium). Ilexistedautresdifférencesimportantesentreles
deux typesde graphène. Parexemple,lastructurecristalline
nest pasexactementidentique. Nous ne nous étendrons
pasicisur cesdifférencesetnous noteronssimplementque
le graphène épitaxapparaîtcomme unsystème plus
compliquéquelegraphène exfolié.
Braverle nid d’abeille ?
Pour comprendrelemouvementdesélectronsdansle
graphène,il est importantde décortiquerlastructuredu
cristalennid dabeille (voirfigure1). Dupointde vued’un
cristallographe,le cristalennid dabeille nest pasun
réseaude Bravais,cest-à-direquetous lesatomesducris-
talnesontpaséquivalents :ilsne voientpasexactementle
même environnement.Ilyaen réalitédeux environne-
ments différents quidistinguentdeux typesdatomesde
carbone qu’on appelle conventionnellementAetB .Les
atomesde type Aontunplus proche voisin aunord,et
deux ausud(sytriquementausud-est etausud-ouest,
cf. figure1). Enrevanche,lesatomesde type Bontdeux
plus prochesvoisinsaunord-est etaunord-ouest,etunau
sud. Lesplus prochesvoisinsd’unatome Asonttrois
atomesBetréciproquement.Sionneconsidèrequeles
atomesde type A ,ilsformentunréseaude Bravaisappelé
hexagonal. Demême,lesatomesde type Bseulsforment
aussiunréseauhexagonalmaiscalé. Cest pourquoi on
parle de deux sous-réseaux AetB .Onrésume celapar
léquation :«cristalennid dabeille =réseaude Bravais
hexagonal+motif àdeux atomesde carbone ( AetB .On
pourraitcroirequ’il s’agitlàde pédanterie excessiveetsans
intérêtmaisil nen est rien. Eneffet,lapropagation des
ondes(quecesoitdesondeslumineuses,acoustiques,
électroniques,neutroniques,etc.) dansunmilieurio-
dique,comme uncristal,est gouvernée parle célèbre
théorème de Bloch(voirencadré1). Orcethéorème s’appli-
queuniquementaux réseaux de Bravais.Ilest doncessen-
tiel de décrirelegraphène comme unréseaude Bravais
hexagonalavecunmotif àdeux atomes.Lethéorème de
Desélectronssansmassedansune feuille de carbone
52
Blochpermetde comprendrelemouvementdesondes
électroniquessur chacundesdeux sous-réseaux séparé-
mentmaisnéclaireenrien sur laphaserelativedelonde
sur lesdeux atomesdumotif 1.Ainsilafonction donde de
BlochΦd’ulectron doitavoirune composantesur cha-
quesous-réseaueton peut donclécriresous laforme
Φ=(Φ A
B ) .
Mauvaistaletmauvaisisolant
Nous sommesmaintenantéquipéspour discuterdu
mouvementdesélectronsde conduction dansle graphène.
La structuredebande dugraphène cest-à-direlarelation
entrelénergie εetle vecteur donde de Blochk=( k x ,k y )
(voirencadré1)–enfaitsaparticularité. Elle aétéobtenue
parWallaceen1947dansunmodèle ditde liaisonsfortes
oùlesélectronspeuventsauterd’unatome àsestroisplus
prochesvoisinsavecune énergie cinétiquetypiquetdenvi-
ron 3électron-volts.La structuredebande calculée parWal-
laceest représentée danslafigure2 .Onvoitqu’il existeune
bande de valenceàénergie négative(3 tε0),etune
bande de conduction àénergie positive(0ε3 t ). Dansle
contextedelathéorie desbandes(voirencadré1),le gra-
phène apparaîtcomme uncaspathologiquepuisqueses
bandesde valenceetde conduction,quidevraientêtresépa-
réesparune bande interditecomme dansunsemiconduc-
teur,setouchenten deux points appelésKetK
,aubordde
lapremièrezone de Brillouin. Autrementdit,le gapentre
bande de valenceetbande de conduction est nul. Deplus,
on avu qu’il yaautantdélectronsquedatomesde carbone
danslafeuille de graphène. Ceciimpliquequelabande de
valenceest pleine etlabande de conduction est vide :autre-
mentdit,le niveaude Fermi tombejusteaux points de con-
tactentrecesdeux bandesénergie nulle. Legraphène est
doncunsemiconducteur maisàgapnul. Onpeut aussi
bien le décrirecomme unmétal–enconsidérant,quepuis-
quelesbandesde valenceetde conduction setouchent,
ellesformentune seule grande bande –maisdontladen-
Théorie desbandes
Encadré 1
Dansle vide,ulectron sedéplaceenligne droiteeten res-
pectantlarelation de dispersion cest-à-direlelien entrner-
gie εetquantitédemouvementpbien connueε=p 2 / 2m ,qui
traduitlaconservation de lénergie cinétique. Dansuncristal,
laprésenced’unréseauatomiquemodifie fortementladyna-
miquedelélectron. Blochamontréen1928quelacanique
quantiqueluipermettaitanmoinsde sedéplaceren ligne
droitemême dansunréseaucristallin,maisuniquementpour
certainesbandesdénergie permisesetavecune relation de
dispersion modifiée. Cesbandesdénergie permisessont
séparéespardesbandesdénergie interditesappeléesgaps.
Ausein d’une bande dénergie permise,larelation de disper-
sion de lélectron est modifiée parrapport àlarelation dansle
vide. Lethéorème de Blochstipule quelesétats stationnaires
de lélectron sontdesondesplanesde vecteur donde (de
Bloch) kmultipliéesparune fonction quialariodicitédu
réseaude Bravais.Pour lamajoritédescristaux,en bordde
bande permise,larelation de dispersion restequadratique
εk 2etlamassedesélectronsmest remplacée parune
masseeffectivem *quidépend desproprtésduréseaucris-
tallin (etnest plus cessairementpositive) telle que
.Ondécritalors le mouvementde lélectron
parune équation de Schrödingereffectiveavecle hamiltonien
H=p 2/ 2 m *oùest lopérateur impulsion .
Dansuncristal,il yaen réalitédenombreux électronsqui
sedéplacentsimultanément.Comme ilssontindiscernables
etquecesontdesfermions,ilssontcontraints de respecterle
principe de Pauli,cest-à-diredoccuperdesétats quantiques
différents.Pour minimiserlénergie ducristal,lesélectrons
remplissentlesétats de plus bassnergie en sesoumettantà
linterdiction de Pauli. Lesderniers états occuspardesélec-
trons(ceux de plus hautnergie) correspondentàcequ’on
appelle le niveaude Fermi etlénergie de cesétats est appelée
énergie de Fermi. Cettnergie de Fermi nest rien dautre
quelepotentiel chimiquedufluide délectrons,cest-à-dire
lénergie quecoûteraitlajout d’ulectron supplémentaireau
système. Elle séparelesétats de bassnergie occuspardes
électrons,desétats videsde hautnergie. Sileniveaude
Fermi tombedansune bande permise,on ditquelesystème
est unconducteur ouunmétaletcettebande est appelée
bande de conduction (BC)(voirfigure1a ). Lesproprtésdu
talsontcontrôléesparle nombredétats accessiblesaux
électronsauvoisinage duniveaude Fermi,appelé ladensité
détats dutal. Aucontraire,sileniveaude Fermi tombe
dansungapentredeux bandespermises(laplus basseen
énergie prend le nom de bande de valence(BV)etlaplus
hauteceluidebande de conduction (BC)),on ditquelecristal
est soitunisolantsilegapest plus grand quetypiquement
ulectron-voltsoitunsemiconducteur silegapest plus
petit(voirfigure1b ). Lesproprtésd’unisolant/semiconduc-
teur dépendentde lataille dugap. Demanièregénérale,les
électronsconcersparle transport dansunmétaloudansun
semi-conducteur sontauvoisinage duniveaude Fermi etcest
donclàqu’il est importantde connaîtrelastructuredebande.
ε
>(()/*k22
m
pk>(
i
(∇∇
Figure1a)Métal. b)Isolantousemi-conducteur.
1. Àcausedelasytrie dinversion ducristalennid dabeille
sytrie quchange lesdeux sous-réseaux AB–lamplitude de la
fonction donde est lamême sur lesdeux sous-réseaux.Maislaphase
est différente.
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Desélectronssansmassedansune feuille de carbone
sitédétats auniveaude Fermi est nulle 2.Cest donla
foisuntrèsmauvaisisolantcarde gapnul–etuntrès
mauvaistal–carde densitédétats nulle !Maiscenest
pastout.Auvoisinage dupointK(oudupointK ),au
niveaude Fermi,larelation de dispersion nest pasquadra-
tiquemaislinéaireεp ,oùlaquantitédemouvementpest
mesurée àpartirdupointK:elle ressemble doncàcelle de
particulesrelativistescomme lesphotonsoulesneutrinos.
Cest pourquoi on parle délectrons«relativistes»dansle
graphène. Enréalité,larelation de dispersion s’écriteffecti-
vementsous une forme relativiste
maisavecune masse
effectivenulle m *= 0etune vitessereliée au
pasduréseaua=2.46Åetàlintégrale de saut t3eV.
Cettevitessec *nest paslavitessedelalumière
c300 000 km/s maisune «vitessedelalumière
effectivc *ouvitessedeFermi. Lesélectronsne sont
doncpasvraimentrelativistesausensoùleur vitesse
c *1000 km/s est 300 foisplus petitequecelle de la
lumière. La présenced’unsigne ±danslarelation de dis-
persion aune signification trèsimportante. Comme les
bandesde valenceetde conduction setouchentàénergie
nulle,lesélectronsauvoisinage appartiennentsimultané-
mentaux deux bandes!Pour crireleur mouvementil
faut doncconsidérerlesdeux bandessimultanément.Cest
cequiconduitàladescription en termesde fonction donde
de Blochàdeux composantesΦ=(Φ A
B ) .
Électronsde Dirac sansmasse
Pour résumer,lastructuredebande dugraphène est
trèsparticulièreetcest cequifaitlamagie de ce
matériau:(i) lesbandesde valenceetde conduction se
touchentàénergie nulle en deux points (vallées)KetK
oùaffleureleniveaude Fermi :le graphène est unsemi-
conducteur àgapnuletàdeux vallées;(ii) auvoisinage du
niveaude Fermi,larelation de dispersion est linéaireet
ressemble àundiabolo (voirfigure2 ):cest cequipermet
de direquelesélectronssont«relativistes»avecune
masseeffectivenulle etune vitessedelalumièreeffective
c *c / 300 ;(iii) auvoisinage duniveaude Fermi,il yaune
sytrie entrebande de conduction etbande de valence,
cest une sytrie électron-trousimilaireàlaconjugaison
de charge de lathéorie quantiquedeschamps.Toutesces
particularitésfontqueladescription effectivedesélec-
tronsde conduction auvoisinage duniveaude Fermi ne
sebasepassur une équation de Schrödinger(comme
cest généralementle casdanslestaux oulessemi-
conducteurs),maissur une équation de Dirac.Plus préci-
sément,il s’agitd’une équation de Dirac pour des
particulessansmasseetsedéplaçantdansunespace
bidimensionnel3.Lehamiltonien de Dirac s’écrit
H=c * pσσσσ +m * c*2 σ zoùσσσσ =( σ x ,σ y )etσ zsontlesmatricesde
Pauli quiagissentdanslespacedesous-réseau( A ,B )etla
masseeffectivem *est nulle. La structurematricielle 2×2
de cehamiltonien traduitlexistencededeux sous-réseaux
AetB ,ouencorecelle d’une sytrie entrebande de con-
duction etbande de valence. Ainsi,ulectron auvoisinage
duniveaude Fermi appartientsimultanémentaux deux
bandes.Lehamiltonien de Dirac agitdoncsur desfonc-
tionsdondesàdeux composantesΦ=(Φ A
B ) .
Conduction sansporteurs ?
Cecomportementexotiquedesélectronsdugraphène
avaitétépréditslesannées50maiscenest qu’en 2005
quelespremièresmesuresde transport électriqueontété
réaliséesdansléquipe dAndréGeim etsimultanémentà
ColumbiaUniversity dansle groupe de Philip Kim. Une des
premièresexriencesconsistaitàmesurerlaconductivité
d’une feuille de graphène exfolié en fonction de latension
de grille appliquée. Comme nous lavonsvu,latension de
grille permetde contrôlerle remplissage en électronsdu
graphène,cest-à-diredefairevarierle nombredeporteurs
de charge mobiles.La théorie classiquedutransport électri-
quelaDrude-Boltzmann,stipule quelaconductivitédoit
êtreproportionnelle aunombredeporteurs de charge mobi-
les.Cecisemble êtredepur bon sens:pasde porteurs,pas
de conduction ;plus de porteurs,meilleureconduction. En
appliquantune tension de grille finie –etquel quesoitson
signe –onajoutedesporteurs de charge mobilesàlafeuille
de graphène –quecesoientdesélectronsdanslabande de
conduction oudestrous danslabande de valence–etla
2.Eneffet,la«surfacde Fermi est réduiteaux deux points KetK
alors quepour unmétalbidimensionnel usuel il s’agitd’une ligne.
Ceciimpliquequ’aulieudêtrefinie,ladensitédétats (auniveaude
Fermi) est nulle.
ε
=±+ =±
pcmccp
22 24
****
cta
*=32/(
Figure2Structuredebande dugraphène obtenuedansle modèle de liaisons
fortesde Wallace. Lénergie εest représentée en fonction desvecteurs donde k x
etk y .La bande de conduction (BC, àénergie positive) etlabande de valence
(BV, àénergie négative) setouchentàénergie nulle en deux points inéquivalents
KetK auborddelapremièrezone de Brillouin hexagonale. Auvoisinage du
niveaude Fermi,larelation de dispersion aune forme de diabolo :ε=±c * p ,où
pest laquantitédemouvementmesurée depuisle pointK .
3.Àne pasconfondreavecléquation originale proposée parDirac en 1928.
Cettedernièreest léquation àlabasedelélectrodynamiquequantique.
Elle décritdesélectronsmassifsdanslespacetridimensionnel ordinaire
(vide) etcessitel’utilisation de matrices4×4.
Desélectronssansmassedansune feuille de carbone
54
conductivitédevraitdoncaugmenteraveclavaleur absolue
de latension de grille. Cest bien cequiest observé. Par
contreàtension de grille nulle,le niveaude Fermi (voir
encadré1)est justeaux points de contactentrebandesde
valenceetde conduction,précisémentlàoùladensité
détats s’annule etoùil n’y adoncpasde porteurs de
charge mobiles:laconductivitédevraitdoncêtrenulle. La
surpriseest qu’exrimentalementlaconductiviténedes-
cend jamaissous une valeur minimale de lordreduquan-
tumdeconductancee 2/ h1/(26 kΩ ). Malgrédetrès
nombreux travaux théoriques,il nexistetoujours pas
dexplication convaincanteduminimumdeconductivité
dugraphène àlheureactuelle. Maisil en existeungrand
nombrequinelesontpas!
Niveaux de Landaurelativistes
Unmoyen pratiquedesondercesproprtésde trans-
port étrangesest dappliquerunchamp magnétiqueBper-
pendiculaireauplandelafeuille de graphène. Comme un
électron auvoisinage duniveaude Fermi vérifie une rela-
tion de dispersion inhabituelle ε=±c * p ,le mouvement
cyclotron de lélectron dansle champ magnétiquenest pas
standard(voirencadré2 ). Eneffet,lesorbitescyclotron sont
parcouruesàlapulsation4ω c= eBc* 2/εetontunrayon
r c= |ε|/ eBc*.Sionimposemaintenantlaquantification du
flux magnétique,on trouvequelénergie est
quantifiée selon oùnest unentierrela-
tif dontle signe est ±.Onvoitquelesniveaux de Landauont
une dépendanceenchamp magnétiqueeten indiceninha-
bituelle (voirencadré2 ). Enparticulier,ilsne sontplus équi-
distants.La dépendancedesniveaux de Landauen fonction
duchamp magnétiqueest représentée
danslafigure3 .Quand on comparecettedépendanceàcelle
desniveaux de Landauusuels(voirencadré
2 ),on remarque,maissanslexpliquerici,labsencedu1 / 2à
côtédelindicen .Ceciaune conséquencetrèsimportante:
il existedansle graphène unniveaude Landauàénergie
nulle ε n=0=0.Entermesclassiques,il s’agitd’une orbite
cyclotron de rayon nul!
Spectroscopie desniveaux de Landau
Lecomportementinhabituel desniveaux de Landaudu
graphène aétémisen évidenceen2006 dansune expé-
riencedespectroscopie menée parSadowski etsescollabo-
rateurs àGrenoble. Ilsontétudié deséchantillonsde
graphène épitaxié préparésàGeorgiaTech,Atlanta.Leur
exrienceaconsistéàmesurerdesspectresde transmis-
sion de lumièreinfrarouge,cest-à-direàmesurer
«lefficacité» de latransmission de lalumièreàtravers
léchantillon de graphène,en fonction de safréquence
(cest-à-diredelénergie d’unphoton). Detelsspectresont
étémesuréssur deséchantillonsmaintenus àbassetem-
rature(4 , 2Kelvins)etplacésàlintérieur d’unaimant,
de manièreàappliquerunchamp magnétiqueBdinten-
sitéréglable. Àcausedelastructurequelesniveaux
dénergie électroniquesacqurentlorsquelegraphène est
soumisàunchamp magnétique(voirfigure3ainsique
lencart danslafigure4),on s’attend àcequedesphotons
d’une énergie de lordredelaséparation entrelesniveaux
de Landaupuissentêtreefficacementabsor-
bés.Onparle de transitionsoptiquesentreniveaux de Lan-
dau,ouencoredexcitationsoptiquesdesélectronsdu
niveaude LandauL nauniveauL n .Touteslestransitions
de L nvers L n ne sontpaspossibles.Pour êtrepermise,une
transition doitvérifiercertainesrègles.Premièrement,la
transition nest possible ques’il yadesélectronssur le
«niveaude départ »L netquesimultanément(àcausedu
principe de Pauli),desétats électroniquesvidesexistentau
«niveaudarrivée »L n .Deuxièmement,seuleslestransi-
tionsquivérifientlacondition | n |=| n |±1(appelée règle
de sélection),sontautorisées.Cedeuxième critère,moins
intuitif quelepremier,provientde laconservation de
limpulsion totale lorsqu’unphoton est absorbé.
Quelquestransitionsoptiquespermisesentreniveaux
de Landaudugraphène sontreprésentéespardesflèches
danslencart de lafigure4.Silesétats àénergie positiveetà
énergie négativesontparfaitementsytriques,cest-à-dire
siilyaune sytrie électron-trouparfaite,lestransitions
L 0L 1etL–1 L 0ontlamême énergie. Eneffet,on avu
quelénergie desniveaux de Landauest
.La transition optiqueL 0L 1sefait
4. Lorsqu’on comparecetteexpression àcelle de lapulsation cyclotron
usuelle ωc= eB/m(voirencadré2),on voitqueε /c*2jouelerôle d’une
masseeffectivecyclotron aufort parfumderelativitérestreinte!On
voitaussiquecettemasseeffectivecyclotron est nulle quand le niveau
de Fermi est àénergie nulle ε=0,cequicorrespond aucasoùon na
pasapppliquédetension de grille.
Brnh e
c
×=
π
2/
ε
nceBn=±*2(
ε
ncnB∝± *
ε
nnB∝+(/)12
Figure3Niveaux de Landauε ndugraphène en fonction duchamp magnéti-
queBetde lindicen .
∼(
ceB
*
ε
nceBn=±*2(
1 / 7 100%

Des électrons sans masse dans une feuille de carbone

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