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Desélectronssansmassedansune feuille de carbone
d’unseulatome de carbone,aétéobtenuexpérimentale-
menten 2004parl’équipe d’AndréGeim àl’universitéde
Manchester.La prouessen’apastellementétédeproduire
dugraphène,quiexisteàl’étatnaturel àl’intérieur dugra-
phite,maisplutôtd’isolerune seule feuille etd’en faireun
objetde recherche manipulable etrelativementfacile àobte-
nir.Jusque-là, le graphène étaitsurtout unmodèle théori-
quesimplifié dugraphite. Dugraphène avaitbien été
fabriquédanslesannées90maissanspouvoirmesurerle
comportementde sesélectronsde conduction. Pour résu-
mer,on peut direquelegraphène n’est pasnouveau.Cequi
est nouveau,c’est de pouvoirmesurersespropriétésde
transport électriqueetcesontcespropriétésquienfontun
matériauuniqueetfascinant.
Suiteaux premièresexpériencesmettanten évidence
le transport électriqueinhabituel dugraphène en 2005,ce
domaine de recherche aexplosé. Oncomptedepuisplus
de quatrecents articlesscientifiquespubliéssur le sujet,
etde nombreusesconférencessontmaintenantdédiées
augraphène.
Graphène exfolié,graphène épitaxié
Àl’heureactuelle,il existeessentiellementdeux maniè-
resd’obtenirdugraphène. La première,inventée parGeim
etsescollaborateurs,consisteàextrairemécaniquement
une feuille (on dit«exfolier») d’uncristaldegraphite.
Pour simplifier,on peut direquecelarevientàécrireavec
uncrayon de graphitetrèspur sur unsubstratd’oxyde de
siliciumpour ydéposerparfrottementdesfeuillesde
graphite:tout comme écrireàlacraie sur untableaunoir
peut sedécrirepompeusementcomme le dépôtde traces
de calcairesur unsubstratd’ardoise. Danslapratique,on
utiliseduscotchpour pelerdesfeuillesducristaldegra-
phiteetlesdéposerensuitesur unsubstrat.Parmi tous les
petits morceaux de graphiteéparpilléssur le substrat,la
majoritéest formée de filmsmulticouchesetseuluntrès
petitnombreest duvéritable graphène,c’est-à-direune
feuille monocouche. Ilfaut ensuite–etc’est lapartie la
plus délicate–repérercesquelquesmonocouchesintéres-
santes,d’environ unmicron carré,éparpilléessur unsubs-
tratd’environ uncentimètrecarré. Cecisefaitau
microscope optiqueetnécessiteundoigtécertain etde très
bonsyeux.Une foisle graphène identifié etlocalisésur le
substrat,on peut ydéposerdescontacts métalliquesdans
le but de fairedesmesuresde transport électrique.
La deuxième façon d’obtenirdugraphène aétédéve-
loppée parClaireBerger,Waltde Heeretleurs collabora-
teurs àGeorgiaTechetàGrenoble. Elle consisteàfaire
croîtredugraphène àpartird’uncristaldecarburedesili-
cium(SiC). Ducarburedesiliciumdetrèsgrande qualité
est disponible commercialement.Onl’introduitdansun
four àtrèshautetempérature(environ 1300 °C)letemps
de réalisersadécomposition thermique:lesatomesde
siliciums’évaporentetune (oudes)couche de graphène
est ainsicréée àlasurfaceducarburedesilicium. Onpeut
ensuiteutiliserdestechniquesstandardsde lithographie
pour contacterle système etdessinerdescircuits électro-
niques.Cettetechniquedefabrication dugraphène est
sansdoutelaplus prometteuseindustriellementparlant.
Cesdeux manièresd’obtenirdugraphène conduisent
en faitàdeux matériaux similairesmaisnéanmoinsdiffé-
rents.Onparle de graphène exfolié dansle premiercaset
de graphène épitaxié (ouépitaxial) dansle deuxième. Une
différenceimportanteest quedansle casdugraphène
exfolié,lafeuille de graphène reposesur unsubstratisolant
(dudioxyde de silicium). Sous cetisolantsetrouveun
conducteur (dusiliciumdopé) quisert de grille électro-
statique:en appliquantune tension électriqueàcettegrille,
on peut changerle nombred’électronsde conduction dans
lafeuille de graphène. Ceciseproduitparuneffetde
champ électriquesimilaireàcequisepassedansun
condensateur :une desplaquesducondensateur seraitla
feuille de graphène,l’autrelesiliciumdopé,lesdeux pla-
quesétantséparéesparundiélectrique(le dioxyde de sili-
cium). Ilexisted’autresdifférencesimportantesentreles
deux typesde graphène. Parexemple,lastructurecristalline
n’est pasexactementidentique. Nous ne nous étendrons
pasicisur cesdifférencesetnous noteronssimplementque
le graphène épitaxié apparaîtcomme unsystème plus
compliquéquelegraphène exfolié.
Braverle nid d’abeille ?
Pour comprendrelemouvementdesélectronsdansle
graphène,il est importantde décortiquerlastructuredu
cristalennid d’abeille (voirfigure1). Dupointde vued’un
cristallographe,le cristalennid d’abeille n’est pasun
réseaude Bravais,c’est-à-direquetous lesatomesducris-
talnesontpaséquivalents :ilsne voientpasexactementle
même environnement.Ilyaen réalitédeux environne-
ments différents quidistinguentdeux typesd’atomesde
carbone qu’on appelle conventionnellementAetB .Les
atomesde type Aontunplus proche voisin aunord,et
deux ausud(symétriquementausud-est etausud-ouest,
cf. figure1). Enrevanche,lesatomesde type Bontdeux
plus prochesvoisinsaunord-est etaunord-ouest,etunau
sud. Lesplus prochesvoisinsd’unatome Asonttrois
atomesBetréciproquement.Sionneconsidèrequeles
atomesde type A ,ilsformentunréseaude Bravaisappelé
hexagonal. Demême,lesatomesde type Bseulsforment
aussiunréseauhexagonalmaisdécalé. C’est pourquoi on
parle de deux sous-réseaux AetB .Onrésume celapar
l’équation :«cristalennid d’abeille =réseaude Bravais
hexagonal+motif àdeux atomesde carbone ( AetB )».On
pourraitcroirequ’il s’agitlàde pédanterie excessiveetsans
intérêtmaisil n’en est rien. Eneffet,lapropagation des
ondes(quecesoitdesondeslumineuses,acoustiques,
électroniques,neutroniques,etc.) dansunmilieupério-
dique,comme uncristal,est gouvernée parle célèbre
théorème de Bloch(voirencadré1). Orcethéorème s’appli-
queuniquementaux réseaux de Bravais.Ilest doncessen-
tiel de décrirelegraphène comme unréseaude Bravais
hexagonalavecunmotif àdeux atomes.Lethéorème de