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Actualités scientiques
Illustration du bandeau : © CNRS Photothèque/CEMES - Cornelis Van Der Beek (LSI)
Des atomes froids pour comprendre la
dynamique des électrons du graphène.
Mai 2012
Lorsque l’onde quantique associée à un électron se propage dans un cristal,
des effets d’interférence multiple modient la dynamique de l’électron. En
général, tout se passe comme si la masse de l’électron dans le cristal avait
une valeur différente de sa masse dans le vide. Mais dans certaines situations,
notamment pour les feuilles de graphène, apparaît un phénomène tout à fait
particulier : quelle que soit leur énergie, les électrons se déplacent toujours à la
même vitesse, comme si leur masse était nulle. Des physiciens du Laboratoire
de Physique des solides viennent d’expliquer théoriquement comment se
produit la transition entre cette situation et le comportement « normal » lorsque
l’on change les caractéristiques du réseau cristallin. Ce travail publié dans la
revue Physical Review Letters permet de caractériser ce phénomène et produit
des résultats en excellent accord avec une expérience réalisée récemment à
l’ETH de Zurich simulant cette transition avec des atomes froids placés dans
un réseau optique.
Pour étudier les propriétés d’un électron dans un cristal, les physiciens
déterminent la relation entre la quantité de mouvement de cet électron et son
énergie cinétique. En général, cette énergie cinétique est proportionnelle au
carré de la quantité de mouvement, mais le coefcient de proportionnalité
(l’inverse de la masse) est différent de sa valeur dans le vide. Les physiciens
résument cette propriété en disant que dans un cristal, l’électron a une masse
effective différente de sa masse dans le vide. Dans certaines conditions,
notamment pour le graphène, il peut apparaître une singularité topologique
appelée « cône de Dirac » qui a pour conséquence que l’énergie cinétique de
l’électron est alors simplement proportionnelle à sa quantité de mouvement.
Cela signie que l’électron a toujours la même vitesse, quelque soit son
énergie. Le parallèle avec les photons, qui se propagent toujours à la même
vitesse et dont l’énergie est proportionnelle à la quantité de mouvement,
conduit à dire que les électrons ont alors une « masse effective nulle ». Si
l’existence de ce phénomène était bien connue en matière condensée, la
rigidité des réseaux cristallins ne permet pas de les déformer sufsamment
pour observer la transition entre électron « normal » et électron de « masse
effective nulle ». Pour mettre cette transition en évidence, il est en revanche
possible d’utiliser un gaz d’atomes ultra-froids se déplaçant dans un paysage
à deux dimensions modelé par des faisceaux lasers pour créer une sorte
de « graphène articiel ». Les atomes jouent alors le rôle des électrons et
les faisceaux lasers ceux du réseau cristallin du graphène. La géométrie de
ce dernier est modiable continument en changeant l’intensité relative des
lasers qui le constituent. C’est en accélérant les atomes et en mesurant des
probabilités de transfert entre états quantiques qu’il est possible de détecter la
transition entre un comportement correspondant à des particules quantiques
de masse effective nulle et un comportement de particules de masse effective
non nulle. Les théoriciens du LPS ont donné une explication complète de ce
phénomène, grâce au modèle mis au point dans le même groupe il y a quelques
années. Ils ont calculé les probabilités mesurées dans l’expérience en fonction
de la direction de l’accélération, et ont ainsi conrmé le scénario proposé.
Ce travail permet maintenant d’envisager l’étude de particules hybrides pour
lesquelles la masse effective s’annule dans une seule direction, un phénomène
se produisant juste au passage de la transition.
Bloch-Zener oscillations across a merging transition of Dirac points, Lih-
King Lim, Jean-Noël Fuchs et Gilles Montambaux, Physical Review Letters
108, 175303 (2012)
En savoir plus
Jean-Noël Fuchs, enseignant-chercheur
Contact chercheur
•Laboratoire de Physique des Solides
CNRS - Univ. Paris Sud
Informations complémentaires
Représentation graphique des résultats théoriques, par
l’équipe du LPS.
a) Dans le réseau optique non déformé, le spectre est celui d’une particule de
masse effective nulle avec deux « cônes de Dirac » : l’énergie varie linéairement
avec la quantité de mouvement. c) Dans le réseau optique très déformé, l’éner-
gie varie comme le carré de la quantité de mouvement, c’est-à-dire comme une
particule massive. b) Entre ces deux régimes, il y a une masse effective nulle
dans une direction mais pas dans l’autre. Les résultats expérimentaux pour la
probabilité de transfert sont présentés sous les trois spectres correspondants.
La partie centrale représente la proportion d’atomes non transférée et les satel-
lites la proportion transférée.