Mise au point
Mise au point
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 9 - novembre 2007
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habituellement incomplète, liée à la compression de la glande
par un macroadénome : elle atteint d’abord la sécrétion gona-
dotrope et est de ce fait fréquemment ignorée. L’insuffi sance
corticotrope puis thyréotrope est tardive, s’exprimant par une
asthénie, méconnue ou négligée ; il n’est pas rare qu’une insuffi -
sance corticotrope se manifeste ou se décompense à l’occasion
d’un autre événement (intervention chirurgicale pour une autre
pathologie, infection). Enfi n, l’atteinte posthypophysaire (diabète
insipide) n’existe que dans les situations aiguës (hémorragie au
sein d’un macroadénome). Une hémorragie intratumorale est
exceptionnelle ; elle peut se traduire seulement par quelques
céphalées (microadénome à prolactine) ou, à l’inverse, par une
situation dramatique s’il s’agit d’un macroadénome (troubles
visuels, céphalées, paralysie oculo-motrice, syndrome méningé,
insuffi sance surrénale aiguë, voire coma). L’hémorragie peut être
soit spontanée, soit favorisée par un traitement anticoagulant
ou antiagrégant plaquettaire prescrit pour une autre patho-
logie. La nécrose intratumorale, habituellement partielle, est
paradoxalement souvent asymptomatique : elle peut s’observer
spontanément, notamment dans les adénomes gonadotropes
ou les prolactinomes, parfois favorisée dans ce dernier cas par
un traitement médical par agoniste dopaminergique.
En IRM (3), il existe dans les AH fonctionnels (prolactinome
surtout) une bonne corrélation entre la taille de l’adénome et le
taux d’hypersécrétion hormonale. Ainsi, un taux de prolactine
supérieur à 200 ng/ml (normale < 25 ng/ml chez la femme non
ménopausée) doit faire craindre une tendance envahissante à
l’égard du sinus caverneux avoisinant. Les AH se développent
le plus souvent à partir d’un aileron latéral de la glande, refou-
lant progressivement la glande hypophysaire saine puis la tige
pituitaire vers l’autre côté ; cela explique l’asymétrie des troubles
visuels dans les expansions suprasellaires. Les microadénomes
apparaissent habituellement en hyposignal T1 et en hypersi-
gnal T2, et, contrairement à la glande hypophysaire et à la tige
pituitaire, ne prennent pas le contraste. Les macroadénomes,
pour leur part, prennent le contraste lorsqu’ils atteignent le
chiasma optique ou envahissent un sinus caverneux, mais dans
tous les cas ce rehaussement est à l’inverse nettement moindre
que celui de la glande saine (parfois réduite à une fi ne lamelle
refoulée latéralement) et de la tige pituitaire (fi gure 2). Cette
diff érenciation entre la lésion et la glande ainsi que la situation
latéralisée de l’AH représentent des arguments essentiels dans
l’affi rmation de la nature adénomateuse de la lésion hypophy-
saire, par opposition avec les autres tumeurs hypophysaires.
Les expansions et l’éventuel caractère envahissant d’un macro-
adénome doivent être appréciés : la problématique dominante
est bien sûr l’affi rmation d’un envahissement possible du sinus
caverneux, uni- ou bilatéralement, laquelle s’appuie notamment
sur les critères proposés par J.P. Cottier et al. (4) [pourcentage
de la circonférence de l’artère carotide interne intracaverneuse
entouré par l’adénome : envahissement certain si ce taux atteint
au moins 67 %, absence certaine d’envahissement s’il est inférieur
à 25 % ou si la tumeur ne dépasse pas la ligne intercarotidienne,
ligne joignant le milieu de la carotide intracaverneuse et celui
de la carotide supraclinoïdienne].
En défi nitive, et à ce stade, le bilan permet le plus souvent d’af-
fi rmer le diagnostic d’AH, de préciser son caractère fonctionnel
ou non, d’apprécier son retentissement clinique et hormonal
ainsi que son aspect agressif potentiel. La discussion concerne
dès lors le choix thérapeutique.
QUE FAIRE FACE À UN PROLACTINOME ?
Cinq fois plus fréquents chez la femme que chez l’homme, les
prolactinomes s’expriment habituellement par une aménorrhée
secondaire et une infertilité, dépistées à l’arrêt d’une contra-
ception orale lors d’un désir de grossesse. Paradoxalement, la
galactorrhée est inconstante (50 % des cas) ; les céphalées sont
fréquentes (40 %) et indépendantes du volume tumoral et du
taux de la prolactinémie, de même que les troubles sexuels
(baisse de la libido, dyspareunie). Une femme sur 5 signale une
prise de poids pouvant atteindre 5 à 8 kg sur 2 ans, délai moyen
de diagnostic. Un seul dosage de la prolactine est généralement
insuffi sant pour affi rmer l’existence d’un microprolactinome,
même si l’IRM révèle une image évocatrice : en eff et, les causes
d’hyperprolactinémie fonctionnelle non liée à un microprolacti-
nome sont nombreuses (neuroleptiques, antidépresseurs, etc.),
ce qui, ajouté à la fréquence des incidentalomes hypophysaires,
peut faire porter à tort le diagnostic d’AH à prolactine, alors
qu’il s’agit d’une coïncidence fortuite. Aussi, il s’avère plus
prudent de réaliser un bilan hormonal comportant de surcroît
un test dynamique (test au TRH) afi n d’évaluer la réponse de
la prolactine, qui se trouve multipliée par 3 ou 4 lorsqu’il s’agit
d’une hyperprolactinémie fonctionnelle (rarement très élevée
en base) ou qui, à l’inverse, s’élève modérément s’il s’agit d’un
prolactinome (“autonome”). En présence d’un microprolac-
tinome (plus d’un cas sur deux) avéré chez une femme jeune
exprimant un souhait de grossesse, deux attitudes thérapeuti-
ques sont envisageables et doivent être proposées à la patiente :
le traitement médical repose sur les agonistes dopaminergiques,
à savoir bromocriptine (Parlodel
®
) et, surtout, quinagolide
(Norprolac
®
) ou cabergoline (Dostinex
®
). Les eff ets indésirables
(céphalées, nausées, hypotension orthostatique, somnolence),
apparemment plus rares avec la cabergoline, sont d’autant
plus fréquents que la prolactinémie est modérément élevée ;
l’augmentation progressive de la posologie initiale ne permet
pas toujours de les éviter. La prolactinémie se normalise dans
80 à 90 % des cas sous traitement médical. La survenue d’une
grossesse fait conseiller la suspension du traitement, le risque
classique d’augmentation de volume d’un microadénome en
fi n de grossesse se révélant infondé. Le problème dominant
réside dans la nécessité de poursuivre le traitement longtemps,
au moins jusqu’à la ménopause, sinon indéfi niment. En eff et,
les études publiées, notamment celle de A.M. Colao et al. (5),
montrent que l’arrêt de celui-ci au bout de 2 ans s’accompagne
d’une reprise de la symptomatologie dans 30 à 40 % des cas.
L’intervention chirurgicale (6), réalisée par voie trans-sphé-
noïdale (ou rhinoseptale), consiste à aborder la selle turcique,
habituellement par voie endonarinaire plus que sous-labiale,
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