Adénomes hypophysaires de l`adulte : diagnostic, complications

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Item 220 : Adénome hypophysaire
Objectifs pédagogiques terminaux : « diagnostiquer un adénome hypophysaire »
Bénins, les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bien différenciées, de croissance
habituellement lente sur plusieurs années, développées de manière monoclonale à partir
des cellules endocrines anté-hypophysaires. Ils représentent 10 % des tumeurs
intracrâniennes.
On distingue les microadénomes dont le plus grand diamètre est inférieur à 10 mm, et
les macroadénomes qui peuvent représenter de volumineuses tumeurs envahissantes.
Les adénomes peuvent être non-sécrétants, révélés alors par le syndrome tumoral
associé éventuellement à des signes d’hypopituitarisme, ou sécrétants : les
prolactinomes, les plus fréquents, entraînent le classique syndrome aménorrhée-
galactorrhée; les adénomes somatotropes sont responsables de l’acromégalie; les
adénomes corticotropes entraînent une maladie de Cushing et les adénomes
thyréotropes, plus rares, une hyperthyroïdie.
Etiopathogénie
Elle a fait l’objet de nombreux travaux récents. La démonstration du caractère monoclonal
de ces tumeurs a montré qu’elles prenaient leur origine dans une prolifération des cellules
hypophysaires, même si des facteurs extérieurs à ces cellules (facteurs de croissance,
hormones hypothalamiques...) peuvent jouer un rôle promoteur.
L’immense majorité des adénomes hypophysaires survient de manière sporadique, mais
certaines pathologies familiales peuvent s’accompagner d’une fréquence accrue d’adénomes
hypophysaires. C’est le cas de la Néoplasie Endocrinienne Multiple de type 1, dont le gène
est désormais connu, qui associe une hyperparathyroïdie, quasi-constante, à d’autres
atteintes glandulaires, concernant essentiellement le pancréas endocrine (gastrinomes,
insulinomes) et l’hypophyse.
Diagnostic
Selon leurs caractéristiques morphologiques (taille, extension tumorale) et fonctionnelles,
les adénomes hypophysaires peuvent se manifester par un ou plusieurs des éléments de la
triade symptomatique : syndrome tumoral, avec ses manifestations cliniques et
radiologiques, hypersécrétion d'une ou plusieurs hormones anté-hypophysaires, déficit
hormonal touchant une ou plusieurs des lignées hormonales hypophysaires, avec leurs
manifestations cliniques et biologiques.
Ces différentes manifestations résultent directement des bases anatomo-physiologiques
de la région hypothalamo-hypophysaires (Tableau 1).
L'hypophyse est en effet une glande formée d’un lobe antérieur (antéhypophyse) sécrétant
plusieurs hormones dans la circulation générale, et d’un lobe postérieur (post-hypophyse)
dans lequel aboutissent les axones de neurones hypothalamiques sécrétant ocytocine et
vasopressine (hormone anti-diurétique ou ADH ou AVP). L’antéhypophyse est sous le
contrôle d’hormones hypothalamiques sécrétées dans le système porte hypothalamo-
hypophysaire et reliée à la région hypothalamique par la tige pituitaire au niveau du
troisième ventricule. Elle est située dans une loge inextensible, constituée par la selle
turcique de l'os sphénoïde en bas, en avant et en arrière, le diaphragme sellaire tapissé par
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les méninges en haut, et les parois du sinus caverneux latéralement. Celui-ci est traversé
par la carotide interne intracrânienne et par les nerfs oculomoteurs (III, IV et VI). La
proximité du chiasma optique, croisement des voies optiques, au-dessus de la loge
hypophysaire explique le risque visuel en cas de pathologie expansive suprasellaire
Syndrome tumoral
1 - Clinique
Les céphalées sont souvent frontales ou orbitaires. Peu spécifiques, non pulsatiles, elles
sont généralement calmées par les antalgiques habituels. Elles sont présentes même en cas
de microadénomes, par mise en tension du diaphragme sellaire.
Les réductions du champ visuel sont observées seulement en cas de macroadénome ayant
une extension suprasellaire atteignant les voies optiques. Du fait de la répartition des
fibres nerveuses au niveau du chiasma, le champ temporal de chaque côté est le premier
touché. L'intensité de l'atteinte est croissante avec le degré de la compression : exclusion
de la tâche aveugle, aplatissement des isoptères, quadranopsie temporale supérieure, puis
la typique hémianopsie bitemporale, jusqu'à la cécité. L'expansion suprasellaire étant
souvent médiane, le retentissement est le plus souvent bilatéral, réalisant ainsi la classique
hémianopsie bitemporale, caractéristique d'une compression chiasmatique. L’examen du
champ visuel (campimétrie de Goldman, ou encore champ visuel automatisé) sera complété
par une mesure de l’acuité visuelle et un examen du fond d’œil.
2 - Neuroradiologie
En cas de suspicion d'adénome hypophysaire fondée sur des éléments cliniques,
éventuellement confirmés par des éléments biologiques les seules explorations
morphologiques contributives sont représentées par un examen tomodensitométrique
(scanner) ou de résonance magnétique (IRM) hypophysaire. L'IRM a prouvé sa supériorité
dans les microadénomes comme dans les macroadénomes. Le scanner peut toutefois être
utilisé pour des raisons d'accessibilité ou pour mieux explorer le cadre osseux. L'IRM
permet actuellement de détecter des microadénomes de 2 ou 3 mm, sous la forme d’une
anomalie de signal arrondie intra-parenchymateuse. Toutefois, ce type d’image peut être
observé chez près de 10 % de sujets témoins (“ incidentalomes hypophysaires ”) et ne doit
donc être interprété qu’en fonction du contexte clinique et biologique.
La radiographie simple du crâne, même centrée sur la selle turcique ne possède pas une
sensibilité suffisante et ne doit donc pas être demandée à titre diagnostique.
Syndromes d'hypersécrétion
1 - Hyperprolactinémie
Le retentissement endocrinien de l'hyperprolactinémie se manifeste assez précocement
chez la femme non ménopausée sous la forme de troubles du cycle (oligospanioménorrhée,
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aménorrhée), d'une galactorrhée, de troubles sexuels (baisse de la libido, sécheresse
vaginale, dyspareunie), et parfois seulement sous forme d'une infertilité par anovulation
avec conservation des cycles. Le mécanisme de l'atteinte de la fonction gonadique est une
inhibition de la libération de LHRH (luteinizing hormone releasing hormone) hypothalamique
induite par l'excès de prolactine. Chez la femme ménopausée, la galactorrhée est rare et
c'est le syndrome tumoral qui est révélateur. Chez l'homme, les manifestations,
conduisant plus tardivement au diagnostic que chez la femme jeune, sont représentées par
des troubles sexuels (baisse de libido, dysérection, impuissance érectile), raréfaction de la
pilosité faciale ou somatique et rarement gynécomastie voire galactorrhée.
Sur le plan biologique, la prolactinémie basale est trouvée élevée, supérieure à 20 µg/l. Le
taux basal de prolactine est généralement bien corrélé avec le volume tumoral, un taux
supérieur à 200 µg/L étant quasi-spécifique d'un macroprolactinome. Au contraire, un
taux inférieur à 100 µg/L en présence d'un macroadénome volumineux est en faveur d'une
hyperprolactinémie accompagnant un adénome non-sécrétant par un mécanisme de
compression de la tige pituitaire. À la différence des hypogonadismes d'origine ovarienne,
les taux de gonadotrophines (LH et FSH) ne sont pas augmentés. En cas d'insuffisance
gonadotrope lésionnelle associée, les gonadotrophines seront même abaissées en base ou
après stimulation par LHRH exogène (test au LHRH).
2 - Acromégalie
Le tableau clinique lié à l’hypersécrétion chronique de GH est caractérisé par l'installation
progressive et insidieuse de modifications morphologiques : prognathisme, élargissement
des mains et des pieds nécessitant des changements de pointure de chaussures,
épaississement des traits, en particulier le nez et les lèvres. Ces signes passent souvent
inaperçus du patient et de son entourage, et seront mis en évidence par la comparaison de
clichés successifs (documents d'identité par exemple). On note également une
hypersudation, une hyperséborrhée, parfois une hypertrichose ; des troubles de l'articulé
dentaire et une macroglossie, avec fréquents ronflements nocturnes, une raucité de la
voix ; des arthralgies, un syndrome du canal carpien; une hépato-splénomégalie. Une
hypertension artérielle, une intolérance au glucose ou un diabète sucré peuvent apparaître.
La confirmation biologique est apportée par le test de charge orale en glucose au cours
duquel le taux de GH est normalement freiné en dessous de 1 µg/L. Du fait de la pulsatilité
de la sécrétion de GH, un dosage basal isolé de cette hormone n’a aucune valeur ; seuls des
dosages répétés de GH au cours des 24 heures (par exemple une mesure horaire pendant 8
heures) peuvent permettre d’apprécier le degré d’hypersécrétion de l’hormone. En
revanche, un dosage unique de l’effecteur périphérique de l’action de GH, l’IGF-1 (Insulin-
like growth factor 1) permet de confirmer le diagnostic d’acromégalie lorsqu’il est trouvé
supérieur à la normale pour l’âge et le sexe. On peut observer une élévation paradoxale de
la GH au cours du test au TRH.
3 - Maladie de Cushing
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Cliniquement, l'hypercorticisme induit par l'hypersécrétion chronique d'ACTH entraîne une
prise de poids de type androïde, c’est-à-dire prédominant à la partie supérieure du corps
(thorax, abdomen), contrastant avec des membres rendus grêles par l'amyotrophie. Le
faciès est rond, érythrosique. On note des vergetures pourpres, des ecchymoses
apparaissant lors de traumatismes minimes, une hypertrichose, parfois des œdèmes des
membres inférieurs. Les irrégularités menstruelles sont habituelles. Il peut apparaître un
état dépressif ou des troubles du comportement. Une hypertension artérielle apparaît ou
s'aggrave. Il peut exister une hypokaliémie.
Le diagnostic biologique d’hypercortisolisme est souvent difficile et comporte deux
aspects.
Le diagnostic positif de l’hypercorticisme repose sur l’augmentation de la cortisolémie
basale, de préférence mesurée le soir, ou à plusieurs reprises au cours des 24 heures,
montrant une perte du rythme nycthéméral ; une élévation du cortisol libre urinaire des 24
heures ; et sur l’absence de freinage de l’hypercorticisme au cours d’un test à la
dexaméthasone “ minute ” (1 mg au coucher, et mesure du cortisol le lendemain à 8 heures),
ou faible ”, (“ test de Liddle faible comportant la prise de 2 mg/jour de dexaméthasone
à raison de 0,5 mg toutes les 6 heures pendant 48 heures).
Le diagnostic étiologique repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et
radiologiques qui permettent de distinguer l’hypercorticisme lié à un adénome corticotrope
(dénommé maladie de Cushing), qui représente environ 2/3 des causes de syndromes de
Cushing endogènes, d’une autre cause, essentiellement adénome surrénalien ou sécrétion
ectopique d’ACTH. Les moyens de ce diagnostic sont donc développés dans la partie
diagnostic différentiel ”.
4 - Hyperthyroïdie haute
L'adénome thyréotrope entraîne les mêmes signes que les autres causes de thyrotoxicose :
tachycardie, amaigrissement, hypersudation et thermophobie, diarrhée motrice, nervosité,
fatigabilité. Il s'y associe un goitre le plus souvent de volume modéré.
Le profil biologique typique est celui d’une élévation des fractions libres des hormones
thyroïdiennes T3 et T4, associée à un taux de TSH dans les limites de la normale (mais
dans ce cas inapproprié au taux de T3 et T4) ou élevé, en général de façon modeste. La
sous-unité alpha libre de la TSH est élevée, avec un rapport molaire par rapport à la TSH
supérieur à 1.
Syndromes d'hyposécrétion
1 - Déficit corticotrope
Cliniquement, asthénie croissante au cours de la journée, hypotension orthostatique,
pâleur, anorexie ou nausées sont les principaux symptômes. Une perte de pilosité sexuelle
peut être observée chez la femme. À la différence des insuffisances surrénales
périphériques, il n'y a pas de mélanodermie, et du fait de la préservation de la fonction
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minéralocorticoïde, il n'y a pas d'anomalie ionique en dehors d'une éventuelle
décompensation.
L’exploration hormonale montre un cortisol libre urinaire bas, une cortisolémie abaissée le
matin, et des mesures répétées pendant les 24 heures caractérisées par des taux bas de
cortisol en regard de taux d’ACTH bas ou normaux mais inappropriés. L’atténuation de
la réponse d’ACTH et cortisol au cours d’une hypoglycémie insulinique peut aider à
confirmer le diagnostic en cas de doute.
2 - Déficit gonadotrope
Au plan clinique, les troubles du cycle chez la femme, une dépilation chez l’homme, des
troubles de la fonction sexuelle et de la fertilité dans les deux sexes sont les
conséquences de l’hypogonadisme par atteinte lésionnelle des cellules gonadotropes.
Biologiquement, l’abaissement des stéroïdes sexuels (œstradiol chez la femme,
testostérone chez l’homme) contraste avec des gonadotrophines basses, et ne s’élevant pas
normalement au cours du test de stimulation au LHRH.
3 - Déficit thyréotrope
Le tableau clinique est le même que celui de l’hypothyroïdie périphérique : asthénie,
bradycardie, infiltration tégumentaire avec prise de poids, constipation, ralentissement
psychomoteur, état dépressif.
Sur le plan hormonal, les taux bas d’hormones thyroïdiennes contrastent avec des valeurs
de TSH non augmentés, souvent dans l’intervalle de la normale. Dans de tels cas, la TSH
sécrétée est en effet caractérisée par une perte d’activité biologique.
4 - Déficit somatotrope
Les éléments cliniques rapportés au déficit somatotrope sont une fatigabilité accrue, une
perte d’énergie, une baisse des performances à l’exercice. Sur le plan objectif, on met en
évidence une diminution de la masse maigre, notamment osseuse et musculaire et une
augmentation de la graisse viscérale. Le diagnostic requiert un effondrement de la
réponse de GH (<3 ng/ml) après stimulation par hypoglycémie insulinique.
5 Panhypopituitarisme
L’association des différents déficits hormonaux réalise le panhypopituitarisme. Il combine
les signes déjà évoqués, avec en particulier une asthénie marquée, une peau pâle, sèche et
fine, des troubles sexuels. Le diabète insipide ne complique un adénome hypophysaire, en
règle, qu’à la suite d’une lésion post-hypophysaire ou de la tige au cours d’une exérèse
chirurgicale.
Diagnostic du type d'adénome
Le diagnostic précis repose sur l'étude histologique et immunohistochimique de l'adénome
lorsque celui-ci est retiré chirurgicalement. Dans le cas contraire, le diagnostic est fondé
sur des arguments de présomption représentés par les données cliniques, biologiques et
radiologiques.
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