Adénomes hypophysaires de l`adulte : diagnostic, complications

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Item 220 : Adénome hypophysaire
Objectifs pédagogiques terminaux : « diagnostiquer un adénome hypophysaire »
 Bénins, les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bien différenciées, de croissance
habituellement lente sur plusieurs années, développées de manière monoclonale à partir
des cellules endocrines anté-hypophysaires. Ils représentent 10 % des tumeurs
intracrâniennes.
 On distingue les microadénomes dont le plus grand diamètre est inférieur à 10 mm, et
les macroadénomes qui peuvent représenter de volumineuses tumeurs envahissantes.
 Les adénomes peuvent être non-sécrétants, révélés alors par le syndrome tumoral
associé éventuellement à des signes d’hypopituitarisme, ou sécrétants : les
prolactinomes, les plus fréquents, entraînent le classique syndrome aménorrhéegalactorrhée; les adénomes somatotropes sont responsables de l’acromégalie; les
adénomes corticotropes entraînent une maladie de Cushing et les adénomes
thyréotropes, plus rares, une hyperthyroïdie.
Etiopathogénie
Elle a fait l’objet de nombreux travaux récents. La démonstration du caractère monoclonal
de ces tumeurs a montré qu’elles prenaient leur origine dans une prolifération des cellules
hypophysaires, même si des facteurs extérieurs à ces cellules (facteurs de croissance,
hormones hypothalamiques...) peuvent jouer un rôle promoteur.
L’immense majorité des adénomes hypophysaires survient de manière sporadique, mais
certaines pathologies familiales peuvent s’accompagner d’une fréquence accrue d’adénomes
hypophysaires. C’est le cas de la Néoplasie Endocrinienne Multiple de type 1, dont le gène
est désormais connu, qui associe une hyperparathyroïdie, quasi-constante, à d’autres
atteintes glandulaires, concernant essentiellement le pancréas endocrine (gastrinomes,
insulinomes) et l’hypophyse.
Diagnostic
Selon leurs caractéristiques morphologiques (taille, extension tumorale) et fonctionnelles,
les adénomes hypophysaires peuvent se manifester par un ou plusieurs des éléments de la
triade symptomatique : syndrome tumoral, avec ses manifestations cliniques et
radiologiques, hypersécrétion d'une ou plusieurs hormones anté-hypophysaires, déficit
hormonal touchant une ou plusieurs des lignées hormonales hypophysaires, avec leurs
manifestations cliniques et biologiques.
Ces différentes manifestations résultent directement des bases anatomo-physiologiques
de la région hypothalamo-hypophysaires (Tableau 1).
L'hypophyse est en effet une glande formée d’un lobe antérieur (antéhypophyse) sécrétant
plusieurs hormones dans la circulation générale, et d’un lobe postérieur (post-hypophyse)
dans lequel aboutissent les axones de neurones hypothalamiques sécrétant ocytocine et
vasopressine (hormone anti-diurétique ou ADH ou AVP). L’antéhypophyse est sous le
contrôle d’hormones hypothalamiques sécrétées dans le système porte hypothalamohypophysaire et reliée à la région hypothalamique par la tige pituitaire au niveau du
troisième ventricule. Elle est située dans une loge inextensible, constituée par la selle
turcique de l'os sphénoïde en bas, en avant et en arrière, le diaphragme sellaire tapissé par
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les méninges en haut, et les parois du sinus caverneux latéralement. Celui-ci est traversé
par la carotide interne intracrânienne et par les nerfs oculomoteurs (III, IV et VI). La
proximité du chiasma optique, croisement des voies optiques, au-dessus de la loge
hypophysaire explique le risque visuel en cas de pathologie expansive suprasellaire

Syndrome tumoral
1 - Clinique
Les céphalées sont souvent frontales ou orbitaires. Peu spécifiques, non pulsatiles, elles
sont généralement calmées par les antalgiques habituels. Elles sont présentes même en cas
de microadénomes, par mise en tension du diaphragme sellaire.
Les réductions du champ visuel sont observées seulement en cas de macroadénome ayant
une extension suprasellaire atteignant les voies optiques. Du fait de la répartition des
fibres nerveuses au niveau du chiasma, le champ temporal de chaque côté est le premier
touché. L'intensité de l'atteinte est croissante avec le degré de la compression : exclusion
de la tâche aveugle, aplatissement des isoptères, quadranopsie temporale supérieure, puis
la typique hémianopsie bitemporale, jusqu'à la cécité. L'expansion suprasellaire étant
souvent médiane, le retentissement est le plus souvent bilatéral, réalisant ainsi la classique
hémianopsie bitemporale, caractéristique d'une compression chiasmatique. L’examen du
champ visuel (campimétrie de Goldman, ou encore champ visuel automatisé) sera complété
par une mesure de l’acuité visuelle et un examen du fond d’œil.
2 - Neuroradiologie
En cas de suspicion d'adénome hypophysaire fondée sur des éléments cliniques,
éventuellement confirmés par des éléments biologiques les seules explorations
morphologiques contributives sont représentées par un examen tomodensitométrique
(scanner) ou de résonance magnétique (IRM) hypophysaire. L'IRM a prouvé sa supériorité
dans les microadénomes comme dans les macroadénomes. Le scanner peut toutefois être
utilisé pour des raisons d'accessibilité ou pour mieux explorer le cadre osseux. L'IRM
permet actuellement de détecter des microadénomes de 2 ou 3 mm, sous la forme d’une
anomalie de signal arrondie intra-parenchymateuse. Toutefois, ce type d’image peut être
observé chez près de 10 % de sujets témoins (“ incidentalomes hypophysaires ”) et ne doit
donc être interprété qu’en fonction du contexte clinique et biologique.
La radiographie simple du crâne, même centrée sur la selle turcique ne possède pas une
sensibilité suffisante et ne doit donc pas être demandée à titre diagnostique.

Syndromes d'hypersécrétion
1 - Hyperprolactinémie
Le retentissement endocrinien de l'hyperprolactinémie se manifeste assez précocement
chez la femme non ménopausée sous la forme de troubles du cycle (oligospanioménorrhée,
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aménorrhée), d'une galactorrhée, de troubles sexuels (baisse de la libido, sécheresse
vaginale, dyspareunie), et parfois seulement sous forme d'une infertilité par anovulation
avec conservation des cycles. Le mécanisme de l'atteinte de la fonction gonadique est une
inhibition de la libération de LHRH (luteinizing hormone releasing hormone) hypothalamique
induite par l'excès de prolactine. Chez la femme ménopausée, la galactorrhée est rare et
c'est le syndrome tumoral qui est révélateur.
Chez l'homme, les manifestations,
conduisant plus tardivement au diagnostic que chez la femme jeune, sont représentées par
des troubles sexuels (baisse de libido, dysérection, impuissance érectile), raréfaction de la
pilosité faciale ou somatique et rarement gynécomastie voire galactorrhée.
Sur le plan biologique, la prolactinémie basale est trouvée élevée, supérieure à 20 µg/l. Le
taux basal de prolactine est généralement bien corrélé avec le volume tumoral, un taux
supérieur à 200 µg/L étant quasi-spécifique d'un macroprolactinome. Au contraire, un
taux inférieur à 100 µg/L en présence d'un macroadénome volumineux est en faveur d'une
hyperprolactinémie accompagnant un adénome non-sécrétant par un mécanisme de
compression de la tige pituitaire. À la différence des hypogonadismes d'origine ovarienne,
les taux de gonadotrophines (LH et FSH) ne sont pas augmentés. En cas d'insuffisance
gonadotrope lésionnelle associée, les gonadotrophines seront même abaissées en base ou
après stimulation par LHRH exogène (test au LHRH).
2 - Acromégalie
Le tableau clinique lié à l’hypersécrétion chronique de GH est caractérisé par l'installation
progressive et insidieuse de modifications morphologiques : prognathisme, élargissement
des mains et des pieds nécessitant des changements de pointure de chaussures,
épaississement des traits, en particulier le nez et les lèvres. Ces signes passent souvent
inaperçus du patient et de son entourage, et seront mis en évidence par la comparaison de
clichés successifs (documents d'identité par exemple).
On note également une
hypersudation, une hyperséborrhée, parfois une hypertrichose ; des troubles de l'articulé
dentaire et une macroglossie, avec fréquents ronflements nocturnes, une raucité de la
voix ; des arthralgies, un syndrome du canal carpien; une hépato-splénomégalie. Une
hypertension artérielle, une intolérance au glucose ou un diabète sucré peuvent apparaître.
La confirmation biologique est apportée par le test de charge orale en glucose au cours
duquel le taux de GH est normalement freiné en dessous de 1 µg/L. Du fait de la pulsatilité
de la sécrétion de GH, un dosage basal isolé de cette hormone n’a aucune valeur ; seuls des
dosages répétés de GH au cours des 24 heures (par exemple une mesure horaire pendant 8
heures) peuvent permettre d’apprécier le degré d’hypersécrétion de l’hormone. En
revanche, un dosage unique de l’effecteur périphérique de l’action de GH, l’IGF-1 (Insulinlike growth factor 1) permet de confirmer le diagnostic d’acromégalie lorsqu’il est trouvé
supérieur à la normale pour l’âge et le sexe. On peut observer une élévation paradoxale de
la GH au cours du test au TRH.
3 - Maladie de Cushing
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Cliniquement, l'hypercorticisme induit par l'hypersécrétion chronique d'ACTH entraîne une
prise de poids de type androïde, c’est-à-dire prédominant à la partie supérieure du corps
(thorax, abdomen), contrastant avec des membres rendus grêles par l'amyotrophie. Le
faciès est rond, érythrosique. On note des vergetures pourpres, des ecchymoses
apparaissant lors de traumatismes minimes, une hypertrichose, parfois des œdèmes des
membres inférieurs. Les irrégularités menstruelles sont habituelles. Il peut apparaître un
état dépressif ou des troubles du comportement. Une hypertension artérielle apparaît ou
s'aggrave. Il peut exister une hypokaliémie.
Le diagnostic biologique d’hypercortisolisme est souvent difficile et comporte deux
aspects.
Le diagnostic positif de l’hypercorticisme repose sur l’augmentation de la cortisolémie
basale, de préférence mesurée le soir, ou à plusieurs reprises au cours des 24 heures,
montrant une perte du rythme nycthéméral ; une élévation du cortisol libre urinaire des 24
heures ; et sur l’absence de freinage de l’hypercorticisme au cours d’un test à la
dexaméthasone “ minute ” (1 mg au coucher, et mesure du cortisol le lendemain à 8 heures),
ou “ faible ”, (“ test de Liddle ” faible comportant la prise de 2 mg/jour de dexaméthasone
à raison de 0,5 mg toutes les 6 heures pendant 48 heures).
Le diagnostic étiologique repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et
radiologiques qui permettent de distinguer l’hypercorticisme lié à un adénome corticotrope
(dénommé “ maladie ” de Cushing), qui représente environ 2/3 des causes de syndromes de
Cushing endogènes, d’une autre cause, essentiellement adénome surrénalien ou sécrétion
ectopique d’ACTH. Les moyens de ce diagnostic sont donc développés dans la partie
“ diagnostic différentiel ”.
4 - Hyperthyroïdie haute
L'adénome thyréotrope entraîne les mêmes signes que les autres causes de thyrotoxicose :
tachycardie, amaigrissement, hypersudation et thermophobie, diarrhée motrice, nervosité,
fatigabilité. Il s'y associe un goitre le plus souvent de volume modéré.
Le profil biologique typique est celui d’une élévation des fractions libres des hormones
thyroïdiennes T3 et T4, associée à un taux de TSH dans les limites de la normale (mais
dans ce cas inapproprié au taux de T3 et T4) ou élevé, en général de façon modeste. La
sous-unité alpha libre de la TSH est élevée, avec un rapport molaire par rapport à la TSH
supérieur à 1.

Syndromes d'hyposécrétion
1 - Déficit corticotrope
Cliniquement, asthénie croissante au cours de la journée, hypotension orthostatique,
pâleur, anorexie ou nausées sont les principaux symptômes. Une perte de pilosité sexuelle
peut être observée chez la femme. À la différence des insuffisances surrénales
périphériques, il n'y a pas de mélanodermie, et du fait de la préservation de la fonction
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minéralocorticoïde, il n'y a pas d'anomalie ionique en dehors d'une éventuelle
décompensation.
L’exploration hormonale montre un cortisol libre urinaire bas, une cortisolémie abaissée le
matin, et des mesures répétées pendant les 24 heures caractérisées par des taux bas de
cortisol en regard de taux d’ACTH bas ou “ normaux ” mais inappropriés. L’atténuation de
la réponse d’ACTH et cortisol au cours d’une hypoglycémie insulinique peut aider à
confirmer le diagnostic en cas de doute.
2 - Déficit gonadotrope
Au plan clinique, les troubles du cycle chez la femme, une dépilation chez l’homme, des
troubles de la fonction sexuelle et de la fertilité dans les deux sexes sont les
conséquences de l’hypogonadisme par atteinte lésionnelle des cellules gonadotropes.
Biologiquement, l’abaissement des stéroïdes sexuels (œstradiol chez la femme,
testostérone chez l’homme) contraste avec des gonadotrophines basses, et ne s’élevant pas
normalement au cours du test de stimulation au LHRH.
3 - Déficit thyréotrope
Le tableau clinique est le même que celui de l’hypothyroïdie périphérique : asthénie,
bradycardie, infiltration tégumentaire avec prise de poids, constipation, ralentissement
psychomoteur, état dépressif.
Sur le plan hormonal, les taux bas d’hormones thyroïdiennes contrastent avec des valeurs
de TSH non augmentés, souvent dans l’intervalle de la normale. Dans de tels cas, la TSH
sécrétée est en effet caractérisée par une perte d’activité biologique.
4 - Déficit somatotrope
Les éléments cliniques rapportés au déficit somatotrope sont une fatigabilité accrue, une
perte d’énergie, une baisse des performances à l’exercice. Sur le plan objectif, on met en
évidence une diminution de la masse maigre, notamment osseuse et musculaire et une
augmentation de la graisse viscérale. Le diagnostic requiert un effondrement de la
réponse de GH (<3 ng/ml) après stimulation par hypoglycémie insulinique.
5 – Panhypopituitarisme
L’association des différents déficits hormonaux réalise le panhypopituitarisme. Il combine
les signes déjà évoqués, avec en particulier une asthénie marquée, une peau pâle, sèche et
fine, des troubles sexuels. Le diabète insipide ne complique un adénome hypophysaire, en
règle, qu’à la suite d’une lésion post-hypophysaire ou de la tige au cours d’une exérèse
chirurgicale.

Diagnostic du type d'adénome
Le diagnostic précis repose sur l'étude histologique et immunohistochimique de l'adénome
lorsque celui-ci est retiré chirurgicalement. Dans le cas contraire, le diagnostic est fondé
sur des arguments de présomption représentés par les données cliniques, biologiques et
radiologiques.
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1 - prolactinome :
Il représente la plus fréquente des tumeurs hypophysaires (40 %) et certaines études
autopsiques ont trouvé des prolactinomes méconnus chez 10 à 20 % des sujets. Le
diagnostic repose sur l'existence d'une hyperprolactinémie, typiquement non stimulable
par le TRH ou le métoclopramide (ces agents entraînant une élévation du taux de PRL
inférieure à 100 % de la valeur basale), associée à une lésion tumorale hypophysaire sur les
clichés neuroradiologiques (scanner ou imagerie par résonance magnétique). Le volume de
l’adénome est en règle assez bien corrélé avec les taux de PRL. La forme la plus fréquente
est le microprolactinome de la femme jeune. Chez l’homme ou la femme ménopausée, il
s’agit le plus souvent d’un macroprolactinome, qui peut être parfois très volumineux,
atteignant les lobes temporaux ou le tronc cérébral.
La grande majorité des
microprolactinomes (environ 95 %) restant stables au cours du temps, l’objectif principal
de traitement est dans ces cas la restauration d’une fonction gonadique normale. En cas
d'exérèse chirurgicale, le diagnostic est définitivement confirmé par l'analyse anatomopathologique avec marquage immunohistochimique. Certains adénomes mixtes à PRL
sécrètent d'autres hormones provenant ou non du même contingent cellulaire, avant tout la
GH (adénomes somato-lactotropes).
2 – adénome somatotrope
Les adénomes somatotropes représentent environ 15 % des adénomes hypophysaires. Il
s’agit dans la majorité des cas de macroadénomes avec des extensions supra- ou parasellaires. Pourtant, du fait du caractère insidieux des déformations progressives, le
retard diagnostique est en moyenne de 5 à 10 ans, et il existe souvent un hypopituitarisme
et une atteinte campimétrique au moment du diagnostic.
3 – adénome corticotrope
Ils représentent environ 10 % des adénomes hypophysaires. La plupart des adénomes
corticotropes (environ 90 %) sont des microadénomes. Il n’est pas rare qu’ils ne soient pas
visualisés même par des examens IRM de qualité optimale en coupes millimétriques.
4 – adénome thyréotrope
Représentant moins de 1 % des adénomes hypophysaires, il s’agit d’une forme rare
correspondant dans la majorité des cas à un macroadénome pouvant co-sécréter d’autres
hormones ou sous-unités hormonales.
5 – adénome gonadotrope
Formant le tiers des adénomes hypophysaires, et dépistés en général du fait d’un syndrome
tumoral, ils représentent le type le plus fréquent de macroadénome et la très grande
majorité des adénomes dits non-sécrétants ou cliniquement non-fonctionnels. En effet,
ces derniers, autrefois qualifiés de “ chromophobe ” sur la base de leurs propriétés de
coloration histologique correspondent en fait le plus souvent à des proliférations de
cellules gonadotropes adénomateuses pouvant sécréter des gonadotrophines intactes
(formées d’une sous-unité alpha commune à TSH, FSH et LH, et d’une sous-unité bêta
spécifique de chaque hormone) ou leurs sous-unités libres inactives (alpha, bêta LH ou bêta
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FSH). De telles sécrétions adénomateuses n’étant pas biologiquement actives, elles ne
donnent lieu habituellement à aucun syndrome clinique d’hypersécrétion. Le taux basal de
FSH, LH ou sous-unité alpha est rarement très élevé. Au contraire, l’effet de masse
provoque un hypopituitarisme pouvant toucher toutes les lignées hypophysaires, et même
en priorité la lignée gonadotrope, entraînant un hypogonadisme.

Diagnostic différentiel
1 - Devant un syndrome de masse hypophysaire :
Les adénomes hypophysaires en sont la principale cause chez l'adulte. Les principales
autres étiologies sont rassemblées dans le Tableau 2. Parmi les plus importantes, les
craniopharyngiomes sont des tumeurs bénignes, de nature solide, kystique ou mixte, issues
de résidus embryonnaires de la poche de Rathke, étagées du nasopharynx à la région
diencéphalique. Plus fréquents dans l'enfance et l'adolescence, près de 50 % sont
néanmoins diagnostiqués chez l'adulte devant des troubles visuels associés parfois à un
diabète insipide et à des signes d'hypopituitarisme. Le taux de récidive après exérèse
chirurgicale est élevé. Souvent révélés par une hypertension intracrânienne, un diabète
insipide ou un hypopituitarisme chez un adulte jeune, les germinomes peuvent sécréter un
marqueur biologique : bêta HCG (human chorionic gonadotropin); ils métastasent en
particulier dans la moelle épinière, mais sont très radiosensibles. Les métastases
hypophysaires sont souvent révélées par un diabète insipide d'apparition brutale ; elles
concernent de nombreux cancers primitifs, principalement les cancers du sein et du
poumon, et sont de mauvais pronostic (survie moyenne de 6 mois).
2 - Devant une hyperprolactinémie:
L'hyperprolactinémie peut être due à un dysfonctionnement du tissu lactotrope normal,
notamment par levée du frein tonique inhibiteur dopaminergique. Environ 25 % des cas
d'aménorrhée secondaire sont reliés à une hyperprolactinémie.
La moitié des
hyperprolactinémies étant en rapport avec une lésion hypothalamo-hypophysaire, le dosage
de la PRL basale doit être un examen de dépistage systématique dans les troubles de la
fonction gonadique.
- lésions hypophysaires non lactotropes ou lésions suprahypophysaires:
l'hyperprolactinémie résulte de l'interruption de la voie tubéro-infundibulaire par une
lésion tumorale (craniopharyngiome, méningiome, adénome hypophysaire non-sécrétant,...),
infiltrative (sarcoïdose, histiocytose X,...) ou mécanique (arachnoïdocèle, séquelles de
traumatisme ou de radiothérapie,...)
- hyperprolactinémies iatrogènes : très banales, elles sont le fait d'un grand nombre
de médicaments antidopaminergiques (neuroleptiques, antidépresseurs, antiémétiques,...)
ou oestrogéniques (contraceptifs oraux,...).
- hyperprolactinémies d'accompagnement: une hyperprolactinémie peut être
associée à une hypothyroïdie périphérique, à une dystrophie ovarienne polykystique, à une
insuffisance rénale chronique, à certains traumatismes thoraciques.
- macroprolactinémies, correspondant à un excès de formes lourdes de PRL, liées à
des autoanticorps antiprolactine sans retentissement pathologique.
8
3 - Devant une thyrotoxicose:
Les causes périphériques seront en pratique éliminées par les dosages biologiques de base
qui montrent une TSH non freinée en regard de valeurs élevées d'hormones thyroïdiennes
(T3 et/ou T4).
Devant un tel profil biologique, on peut discuter l'éventualité
d'autoanticorps anti-hormones thyroïdiennes ou, surtout en cas de contexte familial, un
rare syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes
4 - Devant un hypercorticisme
La détermination du caractère ACTH-dépendant ou non de l’hypercorticisme repose sur le
dosage immunoradiométrique de l’ACTH. En regard d’une cortisolémie supérieure à 15 µg/dl
(415 nmol/l), un taux d’ACTH inférieur à 5 pg/ml (1,1 pmol/l) signe l’origine surrénalienne
de l’hypersécrétion de cortisol, qui freine l’ACTH. Il faut alors rechercher une masse
surrénalienne par un scanner ou une IRM des surrénales. Dans les syndromes de Cushing
ACTH-dépendants, cet examen montre un aspect typique d’hyperplasie surrénalienne
bilatérale dans seulement 70 % des cas.
Si le dosage d’ACTH est en faveur d’une tumeur à ACTH, il faut déterminer si celle-ci est
hypophysaire ou ectopique.
Classiquement, la résistance à l’inhibition par les
glucocorticoïdes étant partielle dans les adénomes corticotropes et totale dans les
tumeurs ectopiques, on utilise pour les différencier le test à la dexaméthasone fort, ou
“ test de Liddle ” fort (8 mg par jour à raison de 2 mg toutes les 6 heures pendant 48
heures). En l’absence de visualisation d’une image hypophysaire par l’IRM, on peut réaliser
un cathétérisme des sinus pétreux pour s’assurer de l’origine hypophysaire de
l’hypersécrétion d’ACTH.
Complications

Complications tumorales
La diplopie est observée en cas de compression d'un nerf oculomoteur du fait d'une
extension tumorale dans le sinus caverneux. Elle peut être explorée par un test de
Lancaster.
Une apoplexie hypophysaire, correspondant à une brusque hémorragie intra-adénomateuse,
peut entraîner un tableau évoquant une hémorragie méningée, avec céphalées intenses
d'apparition brutale, fébricule, diplopie, syndrome confusionnel.

Complications des syndromes d'hypersécrétion
1 - Complications de l'hyperprolactinémie
L’ostéoporose liée à l'hypogonadisme est la conséquence d'une hyperprolactinémie
prolongée.
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2 - Complications de l'acromégalie
Elles sont surtout liées à l'ancienneté de l'hypersécrétion somatotrope. L'insuffisance
cardiaque peut être la conséquence de la cardiopathie acromégalique associée à
l'hypertension artérielle. Sur le plan respiratoire, les déformations thoraciques peuvent
entraîner un syndrome restrictif et le syndrome d'apnée du sommeil est fréquent,
responsable notamment d'une somnolence diurne. Le diabète, le plus souvent non
insulinodépendant, peut entraîner toutes ses complications propres. La fréquence accrue
des polypes et du cancer du côlon justifie un dépistage systématique initial par
colonoscopie. Un accroissement du risque d'autres types de cancers est suspecté mais non
formellement démontré. L’ensemble de ces complications rend compte d’une multiplication
du taux de mortalité par deux ou trois par rapport à une population de référence. Si le
retentissement osseux et articulaire est irréversible, ces conséquences sur la mortalité
peuvent être évitées par un traitement approprié.
3 - Complications de la maladie de Cushing
Ce sont les mêmes complications que celles d'une corticothérapie au long cours : risque
accru d'infection ; déminéralisation osseuse avec risque accru de fractures vertébrales,
cervico-fémorales ou des os longs ; décompensation psychiatrique ; hypokaliémie sévère,
hypertension artérielle ou diabète compliqués.
4 - Complications des hyperthyroïdies hautes
Ce sont les mêmes que celles des autres causes de thyrotoxicose, essentiellement le risque
de cardiothyréose.

Complications des hypopituitarismes
L'insuffisance surrénalienne aiguë est rarement révélatrice. Elle doit être prévenue par
une bonne information du patient et de son entourage sur les risques de décompensation de
l'insuffisance corticotrope, même traitée, que peuvent entraîner un stress important, par
exemple chirurgical ou accidentel, un état de déshydratation, une pathologie grave
intercurrente. Elle se manifeste par une asthénie majeure, une hypotension artérielle
entraînant un collapsus cardiovasculaire, des troubles digestifs à type de nausées, douleurs
abdominales, vomissements. Une hyponatrémie avec natriurèse conservée est alors
présente.
Un accroissement de la morbi-mortalité globale et cardiovasculaire a été observé chez des
patients hypopituitaires recevant un traitement substitutif des fonctions thyroïdienne,
surrénalienne et gonadique.
Le déficit somatotrope associé, non traité, pourrait
représenter une des raisons de cette situation.
Traitement
La thérapeutique dépend du type et de la taille de l’adénome. Les microprolactinomes
relèvent soit d’un traitement chirurgical qui peut seul être curateur, soit d’un traitement
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médical dopaminergique au long cours. Du fait de leur très faible évolutivité, sous réserve
d’une surveillance régulière, ils ne représentent plus une contre-indication absolue à une
contraception oestroprogestative. Les macroprolactinomes doivent être traités en premier
par dopaminergiques, la chirurgie étant réservée, sauf urgence compressive, aux cas de
résistance ou d’intolérance au traitement médical. Les adénomes somatotropes ou
thyréotropes ou corticotropes relèvent toujours d’un abord transsphénoïdal lorsqu’il est
possible, éventuellement précédé d’un traitement médical de quelques mois.
Dans
l’acromégalie, en cas d’hypersécrétion résiduelle de GH, le traitement médical fait appel
aux formes retard des somatostatinergiques, et beaucoup plus rarement aux
dopaminergiques. Dans la maladie de Cushing non guérie par une intervention hypophysaire
initiale, un traitement anticortisolique au long cours est parfois proposé.
Une
hypophysectomie totale ou une surrénalectomie endoscopique peuvent cependant
représenter une alternative, sachant que la correction de l’hypercorticisme représente une
priorité thérapeutique. Les adénomes gonadotropes et non sécrétants relèvent d’une
exérèse chirurgicale lorsqu’ils sont volumineux, et plus rarement d’une simple surveillance.
La radiothérapie est surtout utilisée comme traitement complémentaire d’un volumineux
résidu post-chirurgical dans les macroprolactinomes résistants, les adénomes
somatotropes, thyréotropes ou cliniquement non fonctionnels. Certains plus petits résidus
sécrétants seront traités par approche stéréotaxique ou Gamma-Unit.
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Tableau 1 Bases fonctionnelles de l’antéhypophyse, montrant les différents types
cellulaires (lignées), leur sécrétion hormonale, et leurs régulateurs hypothalamiques
principaux, stimulateurs (+) ou inhibiteurs (-).
lignée
hormone hypophysaire
hormone hypothalamique
lactotrope
prolactine (PRL)
dopamine (-)
somatotrope hormone de croissance
(GH =Growth hormone)
somatostatine (-)
GHRH (+) (GH Releasing Hormone)
GH sécrétagogue (+) (Ghréline)
thyréotrope thyréotropine (TSH =
thyreo Stimulating Hormone)
TRH (+) (Thyrotropin Releasing Hormone)
corticotrope corticotropine (ACTH=
Adrenocorticotropic Hormone)
CRH (+) (Corticotropin Releasing Hormone)
gonadotrope gonadotropines (FSH=
Folliculo Stimulating Hormone,
LH= Luteotropic Hormone
LHRH (+) (LH Releasing Hormone)
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Tableau 2 Lésions responsables de syndrome de masse hypophysaire, en dehors des
adénomes hypophysaires.
Cause physiologique
Hyperplasie lactotrope gravidique
Autres tumeurs bénignes
crâniopharyngiomes
méningiomes
hypothyroïdie périphérique
Tumeurs malignes
germinomes (pinéalomes ectopiques)
sarcomes
chordomes
adénocarcinomes hypophysaires
métastases hypophysaires
Kystes
Kyste de la poche de Rathke
Kyste dermoïde
Kyste arachnoïdien
Lésions inflammatoires et infiltratives
Hypophysite lymphocytaire
Histiocytose X
abcès hypophysaire
tuberculome hypophysaire
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