Urgences Les céphalées aux urgences Dominique Valade Hôpital Lariboisière, Centre d’urgence des céphalées, Paris <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La prise en charge des céphalées aux urgences nécessite un interrogatoire extrêmement rigoureux qui pourrait être suffisant lorsqu’il s’agit d’une céphalée primaire et qui permettra d’orienter vers des examens complémentaires dès lors que l’on suspectera une céphalée secondaire. Les causes les plus fréquentes de venue aux urgences sont la maladie migraineuse suivie des céphalées dites de tension puis des céphalées secondaires bénignes (syndrome grippal) et enfin des affections graves nécessitant des explorations et un traitement en urgence. Devant toute céphalée récente, inhabituelle et persistante à début brutal ou progressif, deux examens de base vont être réalisés de manière systématique : le scanner cérébral sans injection et la ponction lombaire. En cas de nécessité, et suivant l’orientation de l’examen clinique, ils pourront être complétés par un écho-Doppler cervical et transcrânien voire par une imagerie à résonance magnétique et beaucoup plus exceptionnellement une angiographie cérébrale. Les céphalées se répartissent en quatre grandes catégories : céphalées récentes à début brutal (hémorragies sous-arachnoïdiennes, céphalées en coup de tonnerre, céphalées lors des hématomes ou infarctus cérébraux, dissections artérielles, encéphalopathies hypertensives, hypotension du LCR, hydrocéphalies aiguës et tumeurs intraventriculaires). Céphalées récentes installées en quelques heures ou jours (hypertensions intracrâniennes, méningites et méningo-encéphalites, artérites temporales, infections ophtalmologiques et ORL). Céphalées primaires qui se divisent en deux grands types : céphalées paroxystiques, caractérisées par des crises plus ou moins longues entrecoupées de périodes où le sujet est parfaitement bien (migraines, algies vasculaires de la face, céphalées de tension) et les céphalées chroniques quotidiennes dans lesquelles la douleur est continue durant des semaines. Mots clés : urgence, migraine, céphalées secondaires, interrogatoire S mt Tirés à part : D. Valade 412 ymptôme très fréquent, la céphalée peut avoir des causes extrêmement variables [1] dont les céphalées primaires, sans lésion sous-jacente, sont les plus fréquentes. Elles regroupent principalement les migraines, les céphalées dites de tension, les algies vasculaires de la face et les névralgies faciales idiopathiques. Elles sont prises en charge en consultation, le plus souvent en ville, et ne nécessitent ni examen complémentaire, ni hospitalisation dans l’immense majorité des cas. Les céphalées secondaires sont moins fréquentes mais ont des causes beaucoup plus variées dont certaines sont potentiellement très graves. Dans les services d’urgence [2, 3], l’objectif prioritaire étant d’établir un diagnostic étiologique précis et de trancher entre une céphalée primaire, une céphalée mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 secondaire bénigne (syndrome grippal) et une céphalée secondaire due à une affection grave nécessitant des explorations et un traitement en urgence (hémorragie méningée, méningite, hypertension intracrânienne, tumeur) [4, 5]. L’étape cruciale dans cette démarche diagnostique est l’interrogatoire. Ce dernier, complété par l’examen clinique, va déterminer la prise en charge : traitement antalgique puis orientation vers une consultation externe pour les patients atteints de céphalées primaires ; explorations si nécessaire puis traitement symptomatique en externe des céphalées secondaires bénignes, et enfin explorations complémentaires en urgence puis traitement étiologique en hospitalisation pour les patients atteints de céphalées secondaires graves. L’interrogatoire d’un patient céphalalgique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Il est la base de la démarche diagnostique et peut être difficile chez les sujets qui souffrent de maux de tête intenses. Il s’attache à préciser le mode d’installation, les caractéristiques de la douleur, les circonstances d’apparition et les signes associés. Mode d’installation et profil évolutif Les questions qui vont conditionner la démarche diagnostique sont les suivantes : – comment a débuté la céphalée ? (début brutal ou progressif) ; – depuis quand ? (céphalées aiguës ou chroniques) ; – avez-vous déjà eu ce type de mal de tête ? (céphalée inhabituelle ou nouvelle crise chez un céphalalgique connu) ; – évolution de la douleur depuis son installation ? (amélioration spontanée, aggravation ou stabilité) ; Selon la réponse à ces questions, les céphalées sont classées en quatre types : – les céphalées récentes inhabituelles à début brutal ; – les céphalées récentes inhabituelles à début progressif sur quelques heures, jours ou semaines ; – les céphalées chroniques paroxystiques (migraine, algie vasculaire de la face, névralgie faciale) ; – les céphalées chroniques quotidiennes. Les deux derniers types correspondent essentiellement à des céphalées primaires. L’argument principal pour entreprendre des explorations est le caractère récent de la céphalée, d’installation rapide ou brusque, qu’elle survienne de novo ou chez un sujet ayant un passé de céphalées primaires (migraines ou céphalées de tension) mais immédiatement reconnues par le patient comme complètement différentes de ses céphalées habituelles. Caractéristiques de la douleur L’intensité de la douleur ne permet en aucun cas de trancher entre céphalée primaire et secondaire. Néanmoins toute céphalée à la fois soudaine et sévère (« céphalée en coup de tonnerre ») doit être considérée comme secondaire et explorée en urgence. Il est important d’analyser la concordance entre l’intensité alléguée par le patient et le retentissement sur son attitude (patient prostré, ayant du mal à s’exprimer...). Le type de la douleur est très variable (pulsatile, continu, décharge électrique, broiement, pression, simple gène...) mais n’est pas spécifique d’une étiologie particulière. La topographie constitue parfois un élément d’orientation (douleur temporale de la maladie de Horton) mais n’est pas spécifique d’une cause particulière. Circonstances d’apparition Elles peuvent parfois orienter immédiatement le diagnostic : traumatisme crânien (hémorragie ou contusion cérébrale), prise de toxique, ponction lombaire, péridurale ou rachianesthésie récentes (céphalées par hypotension du liquide céphalorachidien), maladie générale fébrile, etc. Mais les circonstances d’apparition peuvent également être trompeuses : une céphalée d’effort ou une céphalée coïtale peut être bénigne mais aussi révéler une hémorragie méningée, une céphalée après ponction lombaire est le plus souvent une céphalée par hypotension du LCS mais peut parfois révéler une thrombose veineuse cérébrale [6]. Antécédents Certains antécédents doivent être recherchés de manière systématique car ils conditionnent la démarche diagnostique : affections cardiovasculaires et HTA (AVC), post-partum ou thrombose veineuse des membres inférieurs (thrombose veineuse cérébrale), néoplasie (métastases), infection par le VIH (toxoplasmose cérébrale), anxiété et dépression (décompensation avec céphalées de tension), consommation de toxiques et de psychotropes. Symptômes associés Toute céphalée récente et inhabituelle associée à un symptôme neurologique (trouble de la conscience, crise d’épilepsie ou signe focal) doit être considérée comme due à une lésion intracrânienne jusqu’à preuve du contraire. Une céphalée avec altération de l’état général ou claudication intermittente de la mâchoire chez un sujet de plus de 60 ans doit faire évoquer immédiatement une maladie de Horton. En revanche, nausées, vomissement, photophobie et phonophobie sont des symptômes non spécifiques rencontrés aussi bien dans les syndromes méningés que dans l’hypertension intracrânienne, sans parler de la migraine. L’absence de tout symptôme associé n’élimine en aucun cas une céphalée secondaire et ne doit pas différer la réalisation d’examens complémentaires si la céphalée est récente, inhabituelle et persistante. Examen clinique En plus de l’examen général avec mesure de la pression artérielle et prise de la température, il comportera un examen neurologique et un examen locorégional. Toute anomalie à l’examen neurologique ou locorégional impose la réalisation d’examens complémentaires. En revanche, un examen clinique strictement normal n’élimine pas une cause grave et ne doit pas empêcher la réalisation d’examens complémentaires. Examen neurologique En premier lieu, il apprécie l’état de conscience et recherche un syndrome méningé. Ensuite, il recherche un mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 413 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Urgences 414 déficit focal que l’interrogatoire aurait pu manquer : examen des paupières et des pupilles (signe de ClaudeBernard-Horner lors d’une dissection de l’artère carotide interne ; mydriase unilatérale par compression du III par un anévrysme de l’artère communicante postérieure), recherche d’un syndrome cérébelleux (une ataxie cérébelleuse statique peut passer inaperçue chez un patient allongé, très céphalalgique, qui vomit) et d’anomalies du champ visuel (hémianopsie latérale homonyme gauche d’une lésion occipitale droite chez un patient droitier qui ne se plaint que de céphalées). Enfin, il comporte un examen du fond d’œil à la recherche essentiellement d’un œdème papillaire bilatéral témoignant d’une hypertension intracrânienne ou d’une rétinopathie hypertensive pouvant orienter vers une encéphalopathie hypertensive. Examen locorégional Il comportera la palpation des artères temporales, la pression des sinus, la recherche d’une rougeur oculaire, d’une exophtalmie ou d’un gonflement des paupières, la palpation des globes oculaires et l’auscultation qui peut révéler un souffle. Il est également important de palper les muscles cervicaux qui sont très souvent contractés et douloureux lors d’une céphalée de tension exacerbée. Stratégie des examens complémentaires Les examens sanguins habituels sont rarement suggestifs, sauf une augmentation de la VS et de la CRP qui oriente soit vers une artérite temporale chez un sujet âgé de plus de 60 ans, soit vers un état infectieux. Devant toute céphalée récente, inhabituelle et persistante, à début brutal ou progressif, deux examens de base devront être réalisés de manière systématique : le scanner cérébral sans injection et la ponction lombaire [5]. Scanner cérébral Premier examen à effectuer à la recherche d’une hyperdensité spontanée témoignant de la présence de sang soit dans les espaces sous-arachnoïdiens, soit dans le parenchyme cérébral ou cérébelleux. Il peut aussi montrer une hydrocéphalie, un effet de masse ou un œdème localisé témoignant d’une lésion expansive (tumeur ou abcès) et devra alors être complété ultérieurement par un scanner avec injection ou une IRM [7]. S’il existe des éléments d’orientation vers une sinusite aiguë, des coupes sur les sinus peuvent être utiles. Un scanner cérébral normal n’écarte pas une cause lésionnelle : ainsi 5 à 10 % des hémorragies méningées, 30 % des thromboses veineuses cérébrales, la quasi-totalité des dissections des artères cervicales au stade céphalée avec seulement des signes locaux, et la quasi-totalité des méningites, ont un scanner normal d’où la nécessité de poursuivre les investigations. Ponction lombaire (PL) Elle doit être effectuée après le scanner devant toute céphalée récente et inhabituelle, brutale ou progressive, à scanner normal, à la recherche de sang ou d’une méningite, même en l’absence de syndrome méningé. À titre exceptionnel, elle peut être pratiquée en première intention devant un syndrome méningé fébrile en l’absence de troubles de la conscience ou de signes neurologiques focaux, ou en cas de suspicion d’hémorragie méningée si l’hôpital ne dispose pas de scanner ou si celui-ci est en panne après réalisation d’un fond d’œil. Les deux principales contre-indications à la PL sont les troubles de l’hémostase sévères et l’hypertension intracrânienne avec menace d’engagement (lésions expansives hémisphériques ou cérébelleuses avec effet de masse sur le système ventriculaire). Elle doit être effectuée préférentiellement par un opérateur expérimenté afin d’éviter une ponction traumatique. Chez les patients ayant une céphalée inhabituelle d’apparition brutale ou progressive, lorsque le scanner est strictement normal, il n’y a pas de risque à faire une PL et il est alors essentiel de mesurer la pression du LCS qui doit être inférieure à 20 cm d’eau (patient en décubitus latéral, en branchant sur l’aiguille un manomètre ou une tubulure tenue verticalement, avant toute soustraction de LCS). Une hypertension intracrânienne (pression du LCS > 20 cm d’eau) avec scanner normal impose la réalisation d’une IRM avec angio-IRM (ARM) à la recherche d’une thrombose veineuse cérébrale ou d’une fistule durale. Écho-Doppler cervical et transcranien Cet examen doit être pratiqué en urgence chaque fois que le tableau clinique oriente vers une dissection des artères carotides ou vertébrales. Les dissections peuvent se manifester par une céphalée unilatérale aiguë, parfois isolée, mais le plus souvent associée à des signes locaux (Claude-Bernard-Horner douloureux, acouphènes, paralysie des derniers nerfs crâniens) ou à des signes d’ischémie rétinienne ou cérébrale. L’échographie peut visualiser l’hématome dans la paroi artérielle dont le Doppler évalue le retentissement hémodynamique éventuel. Ces deux examens peuvent cependant être strictement normaux notamment dans les formes purement céphalalgiques soit lorsque la dissection siège sur la portion intracrânienne des artères à destinée cérébrale, soit lorsqu’elle n’entraîne pas de sténose artérielle significative (dissection sousadventicielle). Les explorations doivent alors être complétées par une IRM avec ARM. Imagerie par résonance magnétique L’IRM est le moyen diagnostique de choix des thromboses veineuses cérébrales qui peuvent se manifester par une céphalée aiguë isolée avec scanner et ponction lombaire normaux. Le thrombus veineux est visualisé directe- mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. ment sous la forme d’un hypersignal sur les séquences T1 et T2, net à partir du 5e jour et persistant jusqu’au 30e. Avant le 5e jour, le thrombus peut encore apparaître en hyposignal ou en isosignal difficile à déceler. Il faut alors compléter les examens par une angiographie (soit une angiographie par résonance magnétique ARM, soit un angioscanner, soit une angiographie conventionnelle intra-artérielle). L’IRM est un examen fondamental dans le diagnostic de dissection artérielle. L’hématome de paroi est visualisé sous la forme d’un croissant en hypersignal au contact de l’artère disséquée sur les coupes axiales au niveau cervical ou intracrânien. Cet aspect caractéristique n’est cependant bien visible que sur les séquences T1 avec saturation de graisse et seulement quelques jours après la survenue de la dissection. L’IRM peut encore déceler une lésion de la fosse postérieure ou de l’hypophyse (nécrose ou hémorragie) non visible au scanner ou montrer, après injection de gadolinium, une prise de contraste diffuse des méninges orientant, selon la symptomatologie, soit vers une pachyméningite infectieuse ou carcinomateuse (céphalées progressives permanentes), soit vers une hypotension du LCR (céphalées orthostatisques). Angiographie cérébrale Elle n’est indiquée en cas de céphalées aiguës que dans deux éventualités : – les hémorragies méningées dans lesquelles l’angiographie doit être pratiquée par voie intra-artérielle à la recherche d’un anévrisme rompu avant son traitement chirurgical ou endovasculaire ; – les céphalées brutales sévères non régressives lorsque tous les examens précédents sont normaux, ce qui ne permet d’exclure formellement ni une thrombose veineuse cérébrale, ni une dissection artérielle, ni certaines angiopathies des artères de moyen calibre. Une ARM ou un angioscanner peuvent alors être effectués en première intention, complétés éventuellement par une angiographie intra-artérielle. Ce dernier examen est souvent le seul à pouvoir montrer clairement les irrégularités de calibre en « chapelets » d’une angiopathie cérébrale aiguë réversible qui peut se manifester par un ou plusieurs épisodes de céphalées en coup de tonnerre, avec scanner, PL et IRM normaux, voire d’une artérite dans laquelle la céphalée est cependant rarement isolée. Les principales étiologies moyen est voisin de 35-40 ans. La plus grande partie des patients vient pour des céphalées secondaires à des causes bénignes, en particulier des infections extraneurologiques (infections respiratoires, syndromes grippaux). De 5 à 15 % des patients ont une pathologie neurologique grave (hémorragies méningées : environ 3 %). Parmi les céphalées primaires, les céphalées dites de tension sont au moins aussi fréquentes que les migraines. Céphalées récentes à début brutal Hémorragie sous-arachnoïdienne Elle est le premier diagnostic à envisager devant toute céphalée inhabituelle à début brutal [9]. La céphalée peut être totalement isolée, sans syndrome méningé (qui peut être retardé de plusieurs heures) ni troubles de la conscience (dont l’apparition dépend de l’abondance de l’hémorragie). Le diagnostic positif repose sur la réalisation en urgence d’un scanner cérébral sans injection et, dans tous les cas où celui-ci est normal, d’une ponction lombaire avec recherche de pigments biliaires [10]. La probabilité de détecter une hémorragie méningée avérée au scanner décroît graduellement de plus de 90 % dans les 24 premières heures à 50 % après la première semaine et presque à 0 % après la troisième semaine. L’IRM cérébrale n’est pas actuellement un examen de première intention dans le diagnostic de l’hémorragie méningée et ceci principalement pour des raisons d’accessibilité. Pourtant, les séquences T2 en écho de gradient et les séquences Flair sont plus sensibles que le scanner pour détecter une hémorragie méningée, que ce soit à la phase aiguë ou après deux ou trois semaines [11, 12]. La PL reste indispensable en cas de scanner normal et le diagnostic d’hémorragie méningée repose sur la présence de sang et surtout de pigments biliaires dans le LCR. La classique épreuve des trois tubes pour différencier hémorragie méningée et ponction traumatique est beaucoup moins fiable que la recherche de pigments produits par la dégradation de l’hémoglobine. Ces pigments sont responsables de l’aspect xanthochromique du surnageant visible à l’œil nu ou après centrifugation du LCR. En cas de surnageant d’aspect clair, une spectrophotométrie ou un dosage des pigments est indiqué. La xanthochromie est constante après 12 heures de présence de sang dans le LCR et reste détectable pendant deux semaines dans 100 % des hémorragies méningées. Si la ponction est effectuée précocement, les pigments peuvent être absents. Si cette recherche est négative, une deuxième ponction sera faite après 12 heures. Une fois le diagnostic établi, le patient doit être transféré en neurochirurgie sans délai. Céphalées en coup de tonnerre Les études épidémiologiques sur les céphalées dans les services d’urgences sont rares [8]. Globalement, la fréquence des céphalées comme motif d’admission dans un service d’urgence polyvalent de l’adulte se situe entre 1 et 2 %. Les patients sont en majorité des femmes et leur âge Ce sont des céphalées généralement sévères d’apparition très brutale, comme « une explosion dans la tête », de durée variable [13]. Le premier diagnostic à évoquer est celui d’une hémorragie sous-arachnoïdienne et toute céphalée en coup de tonnerre implique la réalisation en mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 415 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Urgences urgence d’un scanner puis d’une PL. De nombreuses autres pathologies peuvent se révéler par une céphalée en coup de tonnerre : dissection artérielle, thrombose veineuse cérébrale, nécrose hypophysaire, anévrisme non rompu (50 % des patients victimes d’une hémorragie méningée par rupture d’anévrisme décrivent, lors des jours ou mois qui précèdent, une céphalée sentinelle à type de céphalée en coup de tonnerre), hypotension du LCR, méningite, ou encore angiopathie cérébrale aiguë idiopathique ou secondaire [14-16]. L’exploration d’une céphalée en coup de tonnerre doit donc être complétée en hospitalisation par la pratique d’une IRM cérébrale (thrombose veineuse, hypophyse), avec injection de produit de contraste si la céphalée après son apparition explosive prend un caractère postural (hypotension du LCR) et avec coupes cervicales axiales (dissection). Un écho-Doppler cervical recherche une dissection des artères cervicales. Une angiographie doit être systématiquement pratiquée tout d’abord de manière non invasive (par ARM ou angioscanner) à la recherche d’un anévrisme non rompu, mais aussi d’arguments en faveur d’une dissection ou d’une thrombose veineuse à la phase très précoce. Dans les rares cas où tous les examens précédents sont normaux et a fortiori si la céphalée persiste, une artériographie intra-artérielle conventionnelle est nécessaire à la recherche d’une dissection vertébrale ou d’une angiopathie cérébrale aiguë. Céphalées lors des hématomes et infarctus cérébraux Les céphalées sont fréquentes lors des hématomes et des infarctus cérébraux mais sont le plus souvent au second plan du tableau clinique dominé par les signes neurologiques focaux et parfois les troubles de conscience. Cependant, certaines topographies peuvent donner des signes focaux discrets. Ainsi, les hématomes et les infarctus œdémateux du cervelet peuvent se manifester par une céphalée aiguë intense avec vomissements abondants, sans syndrome cérébelleux très net. Le diagnostic repose sur la pratique du scanner cérébral en urgence qui permettra de reconnaître aisément l’hyperdensité d’un hématome mais plus difficilement l’ischémie qui peut ne se manifester au début que par une compression du 4e ventricule. Ces patients doivent être transférés en neurochirurgie. Dissections artérielles La céphalée est de loin le symptôme le plus fréquent de dissection (75 % des cas) et comporte souvent une composante cervicale (douleur latérocervicale des dissections carotidiennes, douleur rétro-auriculaire des dissections vertébrales). Elle est souvent associée à d’autres signes locaux déjà mentionnés. Elle constitue le symptôme inaugural dans 33 à 86 % des cas avant l’apparition éventuelle de signes d’ischémie rétinienne ou cérébrale. Le diagnostic repose sur l’écho-Doppler cervical complété par l’IRM 416 avec ARM. L’angiographie par voie artérielle reste souvent nécessaire au diagnostic des dissections vertébrales. Encéphalopathie hypertensive Elle est responsable d’une céphalée aiguë brutale ou rapidement progressive avec élévation majeure de la pression artérielle (plus de 240/120 mmHg). La céphalée peut précéder les autres signes d’encéphalopathie : troubles visuels bilatéraux et crises comitiales. Le fond d’œil montrant des signes de rétinopathie hypertensive est l’examenclé, mais le diagnostic différentiel avec un œdème papillaire de stase peut être difficile. Le traitement consiste à faire baisser la pression artérielle. Hypotension du LCR Les hypotensions du LCR iatrogènes sont souvent d’apparition rapide voire brutale dans les heures qui suivent le geste en cause. Les céphalées par hypotension du LCR secondaires à une brèche durale iatrogène (ponction lombaire, péridurale, rachianesthésie, infiltration) apparaissent de manière brusque ou rapide, le plus souvent quelques heures après le geste. Si le patient consulte en urgence en rapportant clairement la réalisation d’un tel geste dans les jours qui précèdent, ces céphalées ne posent pas de problème diagnostique. Ceci les oppose aux formes spontanées qui demeurent souvent méconnues [17]. Leur installation est le plus souvent progressive sur quelques jours, mais peut également être rapide et même explosive, notamment après un effort. Qu’il s’agisse d’une forme iatrogène ou spontanée, le diagnostic est évoqué devant une céphalée posturale, qui apparaît dès la mise en position debout ou assise, et disparaît très rapidement en décubitus [18]. La céphalée peut s’associer à d’autres manifestations : cervicalgies, acouphènes, baisse d’acuité auditive, nausées, vomissements, diplopie horizontale par paralysie d’un ou des deux VI. En cas de survenue spontanée de ce syndrome, le diagnostic clinique sera confirmé par l’IRM cérébrale qui montre un réhaussement intense des méninges après injection de produit de contraste, un déplacement craniocaudal des structures nerveuses (descente des amygdales cérébelleuses dans le trou occipital) et parfois un aspect collabé des ventricules. L’hypotension du LCS peut parfois se compliquer d’un hématome sous-dural qui peut aggraver les céphalées et leur faire perdre leur caractère strictement postural. Le traitement consiste en la réalisation d’un blood-patch, qu’il s’agisse d’une hypotension du LCS iatrogène ou spontanée. Ce geste sera réalisé au mieux lors d’une courte hospitalisation de type hôpital de jour. L’opérateur injecte du sang (prélevé stérilement au patient) jusqu’à provoquer une douleur lombaire franche (le plus souvent autour de 30 ml) en péridural au niveau lombaire. Le patient doit ensuite rester allongé 2 heures puis peut se mettre debout. En cas d’échec, un second blood-patch est proposé. Dans les formes spontanées, une recherche de brèche sera entreprise en hospitalisation après échec de mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 plusieurs blood-patchs, tout d’abord par une IRM cervicothoracique, puis en dernier recours par des examens invasifs (transit isotopique, myélographie) nécessitant une injection intradurale elle-même susceptible d’aggraver encore les symptômes. La brèche peut ensuite être fermée, soit par un blood-patch dirigé, soit par un abord chirurgical direct. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Hydrocéphalie aiguë des tumeurs intraventriculaires Une céphalée brutale souvent associée à des troubles de la conscience peut être le mode de révélation d’une hydrocéphalie aiguë provoquée par les tumeurs intraventriculaires, en particulier les kystes colloïdes du 3e ventricule. Le scanner permet le diagnostic et le transfert en neurochirurgie s’impose. Céphalées récentes installées en quelques heures ou jours Les causes en sont encore plus diverses que pour les céphalées brutales et peuvent se regrouper en quatre grandes catégories : – les hypertensions intracrâniennes ; – les méningites et méningoencéphalites ; – l’artérite temporale ; – les causes ophtalmologiques et ORL. Il convient d’ajouter à cette liste étiologique toutes les pathologies responsables de céphalées brutales qui peuvent occasionnellement se manifester par des céphalées d’installation progressive sur quelques jours ou quelques heures. Hypertension intracrânienne Les céphalées caractéristiques sont progressives, volontiers augmentées par la toux et la poussée abdominale, associées à des nausées, des vomissements, un œdème papillaire bilatéral, parfois une diplopie horizontale par paralysie du VI, parfois des éclipses visuelles. Mais la céphalée peut être le seul et unique symptôme, en particulier à la phase précoce. Le scanner cérébral pratiqué en première intention sans injection de produit de contraste permet de mettre en évidence la plupart des masses (tumeur, abcès, hématome sous-dural) suffisamment volumineuses pour entraîner une hypertension intracrânienne (œdème localisé, effacement des sillons, déplacement ou dilatation des ventricules). Il peut être complété d’emblée par un scanner avec injection et/ou une IRM en cas de doute sur l’existence d’un processus expansif en particulier de la fosse cérébrale postérieure. Si la neuroimagerie est strictement normale, éliminant en particulier toute lésion expansive et toute hydrocéphalie, il est alors justifié de faire une PL avec prise de pression qui confirmera l’hypertension intracrânienne et une soustraction de LCR qui soulagera immédiatement la céphalée. Une pression élevée (supérieure à 20 cm d’eau) démontre l’existence d’une hypertension intracrânienne et impose la recherche d’une cause vasculaire non visualisée au scan- ner : thrombose veineuse cérébrale ou fistule artérioveineuse. Ce n’est qu’après avoir éliminé ces causes par une IRM, une ARM et/ou un angioscanner que l’on conclura parfois à une hypertension intracrânienne dite bénigne, soit secondaire à une prise toxico-médicamenteuse, soit idiopathique le plus souvent chez la jeune femme obèse. Méningites et méningoencéphalites Une céphalée fébrile avec syndrome méningé oriente d’emblée vers une méningite infectieuse et doit conduire à la réalisation d’une PL qui confirme le diagnostic. Mais la fièvre peut manquer (parfois en raison de la prise d’antalgiques antipyrétiques) et le syndrome méningé peut être discret ou absent, d’où la règle de faire systématiquement une PL aux patients ayant une céphalée récente inhabituelle et un scanner normal. Dans certaines méningoencéphalites, la céphalée peut être au premier plan du tableau clinique, avant l’apparition de signes focaux, de troubles de la conscience ou de crises comitiales. En cas de méningo-encéphalite lymphocytaire fébrile, un traitement antiherpétique doit être démarré au moindre doute sans attendre la confirmation virologique. Artérite temporale Une céphalée récente inhabituelle chez un sujet de plus de 60 ans doit faire évoquer systématiquement une maladie de Horton, quelles que soient les caractéristiques de cette céphalée et qu’elle soit isolée ou associée aux autres signes cliniques de la maladie (altération de l’état général, fièvre, claudication de la mâchoire, signes inflammatoires au niveau des artères temporales, douleurs articulaires des ceintures ou troubles visuels). Le diagnostic repose sur la mesure de la VS, de la CRP et la réalisation d’une biopsie de l’artère temporale. Si la suspicion clinique est forte, la corticothérapie doit être débutée avant les résultats de la biopsie. Son efficacité est spectaculaire au point que la persistance des douleurs au-delà de quatre jours de traitement doit amener à reconsidérer le diagnostic. Affections ophtalmologiques et ORL Devant une céphalée récente inhabituelle sans signes neurologiques, deux grandes affections doivent être suspectées : la sinusite aiguë et le glaucome aigu. Les sinusites aiguës provoquent des céphalées souvent très intenses, augmentées par la position tête penchée en avant ou allongée. Les douleurs sont parfois isolées : en effet, la décharge nasale purulente peut manquer en cas de sinusite bloquée et la fièvre est inconstante. Le diagnostic repose sur le scanner des sinus. Un glaucome aigu doit être systématiquement évoqué devant une douleur sévère, centrée sur le globe oculaire, associée à une rougeur oculaire, des troubles visuels (baisse de l’acuité visuelle ou vision de halos lumineux) et parfois une semi-mydriase aréactive. Le diagnostic repose sur la mesure de la pression intraoculaire. mt, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 2005 417 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Urgences 418 Céphalées primaires Les céphalées primaires comportent deux grands types : les céphalées paroxystiques caractérisées par des crises plus ou moins longues entrecoupées de périodes où le sujet est parfaitement bien (migraines, algies vasculaires de la face et céphalées de tension épisodiques) et les céphalées chroniques quotidiennes dans lesquelles la douleur est continue depuis des semaines, des mois et parfois des années (céphalée de tension chronique, avec ou sans migraine associée, avec ou sans abus médicamenteux). Le diagnostic de céphalée primaire ne doit pas être envisagé devant une céphalée aiguë récente chez un sujet n’ayant jamais eu de céphalée auparavant. En revanche, il n’est pas rare qu’un sujet souffrant de migraine ou de céphalées de tension ait une exacerbation aiguë de ses céphalées. Si le patient ne reconnaît pas sa céphalée comme étant « habituelle », la recherche d’une cause secondaire s’impose. Cependant, il est fréquent que tous les examens soient normaux et qu’il s’agisse effectivement de l’aggravation d’une céphalée primaire, le plus souvent en raison de facteurs psychologiques à préciser, parfois associés à un abus médicamenteux d’antalgiques ou d’antimigraineux de crise qu’il convient de rechercher et de traiter par un sevrage. Traitement des céphalées aiguës aux urgences [19] Chez un patient qui souffre d’une céphalée récente et inhabituelle, l’urgence est en premier lieu au diagnostic étiologique qui seul permettra de proposer un traitement adapté en fonction de la cause. Si l’intensité de la douleur le nécessite, un traitement symptomatique sera administré par voie parentérale : paracétamol (Perfalgan®) 1 g en courte perfusion IV ou nefopam (Acupan®) 20 mg en IV lente, souvent associé à un antiémétique. Il est préférable en l’absence de certitude diagnostique d’éviter l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens susceptibles d’aggraver une hémorragie et les sédatifs susceptibles de masquer l’émergence de troubles de la conscience. En cas d’exacerbation aiguë et intense d’une céphalée primaire, il convient d’isoler le patient dans un lieu calme et sombre, de le réhydrater si nécessaire, de lui administrer en IV un antalgique associé à un antimétique et souvent un anxiolytique. Le paracétamol, l’aspirine ou les AINS injectables (kétoprofène 100 mg) sont souvent suffisants pour calmer la céphalée. Si malgré les traitements antalgiques la céphalée persiste inchangée, il faut se poser la question d’une cause secondaire. En effet, chez certains migraineux, une cause secondaire peut se manifester par une céphalée quasi identique à celle des crises habituelles sauf par sa durée (persistance au-delà de 72 heures). Références 1. 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