DOSSIER THÉMATIQUE
épaississement et un aspect en cocarde des anses grêles atteintes.
L’échoendoscopie et l’angio-IRM sont également très performantes
dans l’exploration du système porte. La cholangio-IRM couplée
à l’angio-IRM est le meilleur examen pour étudier la compression
des voies biliaires par les veines du cavernome (9). Le cavernome
portal, même en l’absence d’hépatopathie associée, est responsable
de l’apparition d’une dysmorphie hépatique associant le plus sou-
vent une hypertrophie du segment 4 et du lobe caudé et une atro-
phie du lobe gauche et du lobe droit (données personnelles)
(figure 2).
TRAITEMENT
Il comprend, d’une part, le traitement de la thrombose récemment
constituée et la prévention d’autres épisodes thrombotiques, avec,
notamment, la question du rapport bénéfice/risque du traitement
anticoagulant, et, d’autre part, le traitement de l’hypertension por-
tale, le traitement d’une éventuelle compression biliaire par les
veines du cavernome et le traitement de la cause (traitement d’un
syndrome myéloprolifératif, par exemple).
La question du rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant
est ancienne. La thrombose de la veine porte complique dans la
majorité des cas une affection prothrombotique. En conséquence,
le traitement anticoagulant a été proposé dans le but de prévenir
l’extension de la thrombose vers les veines splanchniques res-
ponsables d’infarctus veineux mésentérique et les accidents dus
à la thrombose d’autres veines profondes. A contrario, les réti-
cences à l’utilisation du traitement anticoagulant sont liées au
risque théorique d’augmenter l’incidence et la gravité des épisodes
hémorragiques.
En cas de thrombose récente de la veine porte, le but principal du
traitement est d’obtenir une reperméabilisation des vaisseaux
thrombosés, pour éviter la survenue d’une ischémie ou d’un infarc-
tus veineux mésentérique à court terme, et des complications d’une
hypertension portale par bloc préhépatique à long terme. Une reper-
méabilisation complète ou partielle (mais suffisante pour prévenir
un bloc préhépatique significatif) est notée chez la grande majo-
rité des patients traités précocement par anticoagulants en cas de
thrombose récente de la veine porte (4). Le pronostic à court et long
terme des patients traités précocement par anticoagulants est bon.
La durée du traitement pourrait dépendre de plusieurs facteurs.
Nous proposons un traitement de 6 mois en l’absence d’affection
prothrombotique reconnue ou suspectée sur l’anamnèse et un trai-
tement anticoagulant à vie en cas d’affection prothrombotique
mise en évidence ou fortement suspectée par l’histoire antérieure.
Des manifestations initiales évoquant une ischémie mésentérique
ou la persistance d’une thrombose mésentérique à l’imagerie plai-
dent pour le maintien du traitement anticoagulant, même en l’ab-
sence d’affection prothrombotique, en raison d’un risque théorique
de récidive de l’ischémie mésentérique. Le bon pronostic des patients
traités par anticoagulants et la bonne tolérance de ce traitement
réduisent probablement la place de traitements plus invasifs
comme la thrombectomie chirurgicale, la fibrinolyse ou le TIPS.
Il n’existe pas de donnée permettant d’étudier le ratio béné-
fice/risque de ces procédures invasives comparativement au simple
traitement anticoagulant. Cependant, il semble que la thrombo-
lyse in situ permette souvent une recanalisation, parfois après échec
du traitement anticoagulant, mais qu’elle soit associée à un fort
taux de complications hémorragiques graves (11).
Au stade de cavernome portal, le but du traitement anticoagulant
n’est plus d’obtenir la reperméabilisation des vaisseaux throm-
bosés, mais de prévenir la récidive et l’extension de la thrombose
vers les arcades veineuses intestinales, extension qui induirait un
infarctus veineux mésentérique, et les accidents dus à la throm-
bose d’autres veines profondes.
Une étude rétrospective de 136 adultes atteints de thrombose de la
veine porte et indemnes de cirrhose ou de cancer a été effectuée (12).
Cette étude a indiqué que, chez les 74 patients atteints d’affection
prothrombotique, l’incidence des accidents de thrombose au cours
du suivi (8,4 pour 100 patient-années) équivalait aux deux tiers de
l’incidence des hémorragies digestives dues à l’hypertension por-
tale (12,5 pour 100 patient-années). Le traitement anticoagulant
était associé à une réduction statistiquement significative de 70 % du
risque de thrombose d’autres veines profondes et des infarctus
veineux mésentériques. L’analyse multivariée des divers facteurs
de risque d’hémorragie ne révélait pas d’augmentation de l’inci-
dence des hémorragies chez les patients traités par anticoagu-
lants ; de même, les hémorragies n’étaient pas plus sévères quand
elles survenaient chez des patients traités par anticoagulants. Le
traitement préventif des hémorragies dues à l’hypertension portale
(agents ß-bloquants et traitement endoscopique) était associé à une
diminution du risque d’hémorragie, alors que la révélation de la
maladie par une hémorragie digestive était liée à une augmenta-
tion ultérieure du risque d’hémorragie. Hypothétiquement, l’ab-
sence d’augmentation de l’incidence des hémorragies chez les
patients traités par anticoagulants pourrait s’expliquer par un effet
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. VIII - septembre-octobre 2005
222
Figure 2. Dysmorphie hépatique chez un patient atteint de cavernome
portal avec une histologie hépatique normale. Angioscanner hélicoïdal
hépatique chez un même patient (coupes craniocaudales). Hypertrophie
du segment 4 et du lobe caudé, atrophie du lobe gauche et du lobe droit.
La voie biliaire est entourée par le cavernome portal.